Il fut un temps – désormais lointain - où certains amateurs de foot disaient qu’un match se jouait à 11 contre 11 pendant 90 minutes et qu’à la fin, c’était toujours l’Allemagne qui gagnait.

Vendredi dernier, un ami oenophile organisait une dégustation à l’aveugle, avec comme dessein de vérifier la véracité de cette formule – aujourd’hui éculée au foot – en matière de riesling.

Je ne dévoilerai pas d’emblée l’issue du match, mais je peux en tout cas dire que ce fut serré ! 


Vin n°1

Robe très légèrement dorée, avec quelques reflets verts.
Joli nez très expressif, floral, fruits blancs mûrs, quelques agrumes, une touche d’encaustique.
Bouche très tendue, acide, minérale, légèrement arrondie par une matière mûre (agrumes, fruits blancs). Finale extrêmement saline et bien longue.

La barre est placée haut d’emblée, avec ce vin à forte personnalité et énergique. A ce stade, le cépage n’est pas trouvé, il ne le sera qu’au 3ème vin.
Ma note : 16/20
Note moyenne : 15,33/20 (un 12/20 donné par un dégustateur l’aura injustement fait chuter au classement final.

Il s’agit de : Domaine Jean-Marc Bernhard, Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 2017 



Vin n°2

Robe un poil plus dorée que la précédente, toujours avec des reflets verts.
Nez tout aussi expressif que le précédent mais dans un registre un peu plus mûr avec – pêle-mêle – des fruits jaunes, des agrumes du type pamplemousse, de la poire au sirop, du floral et du miel.
Bouche plus massive, plus structurée, plus minérale, plus solaire. Un peu moins de longueur, finale sur une amertume de pépin.

A ce stade, je sèche toujours sur le cépage, je pense plutôt à un Chenin ou à un Grüner Veltliner.

Ma note : 15/20
Note moyenne : 14,91/20

Il s’agit de : Domaine Georg Mosbacher, Deidesheim Kieselberg Großes Gewächs 2018, Pfalz 



Vin n°3

Robe beaucoup plus évoluée, bien dorée.
Nez de vieux et grand Riesling : notes terpéniques, encaustique, miel, fleur d’oranger, abricot, rose.
Bouche fuselée, s’appuyant sur une aromatique mêlant épices orientales, miel, abricot, fruits secs. Minéralité et longueur superlatives !

Cette fois, on a identifié le thème et le cépage : le riesling. Mais à ce stade, on ne sait toujours pas quels sont les pays/régions en lice.

Ma note : 16,5/20
Note moyenne : 16,5/20

Il s’agit de : Domaine Etienne Loew, Riesling Grand Cru Altenberg de Bergbieten 2014 



Vin n°4

On retrouve une robe plus pâle, toujours avec des reflets verts.
Nez de fruits à noyau (abricot), avec un peu de lychee. Equilibre maturité/fraîcheur au nez.
Bouche : belle minéralité, avec de l’acidité. Un vin plus en longueur qu’en largeur. Un petit côté citronnade aussi, qui fait irrémédiablement penser à un vin allemand.

Ma note : 16/20
Note moyenne : 16,16/20

Il s’agit de : Domaine Clemens Busch, Marienburg Rothenpfad GG 2015, Mosel 



Vin n°5

Robe légèrement dorée, reflets verts.
Nez : fruits mûrs (abricot, agrumes), notes florales, nez délicat et un peu discret.
Bouche : minérale, douce (certaine maturité), sur une aromatique de fruits à noyau. Matière qui donne l’impression de s’enrouler autour de la langue. Belle acidité, assez bonne longueur.

A ce stade, notre Gentil Organisateur nous révèle que le thème est un duel franco-germanique sur fond de riesling. Allons-nous donc parvenir à distinguer les rieslings alsaciens de ceux d’Outre-Rhin ?

Ma note sur ce vin : 15,5/20
Note moyenne : 15,16/20

Il s’agit de : Domaine Ostertag, Riesling Fronholz 2014 

Vin n° 6

Robe légèrement dorée.
Nez d’agrumes, de fruits exotiques, plus typé riesling que d’autres vins de la soirée.
Bouche très minérale, avec des terpènes, des agrumes (citron vert), des épices, un petit côté beurré. Belle Salinité et belle amertume minérale en finale. Belle longueur. Un vin plus en finesse que le précédent.

Ma note : 15,5/20
Note moyenne : 15,33/20

Il s’agit de : Peter Jakob Kühn, Oestricher Klosterberg Erste Lage 2015, Rheingau 



Vin n°7

Robe un peu plus dorée que le précédent.
Nez plus classique, assez équilibré et expressif sur les agrumes, les fruits blancs et quelques terpènes.
Bouche assez puissante, minérale, épicée, avec un caractère plus volcanique. Plus solaire qu’au nez, mais bien sec, avec de l’abricot. Belle longueur.

Ma note : 16/20
Moyenne : 16,41/20

Il s’agit de : Domaine Mader, Riesling Grand Cru Rosacker 2019 



Vin n°8

Robe légèrement dorée aux reflets verts (… pour changer).
Nez pierreux avec un peu d’agrumes, quelques notes florales et fumées.
Bouche très minérale, épicée, « agrumée ». Assez longue aussi. Vin plus riche mais avec suffisamment d’acidité.

Ma note : 15/20
Note moyenne : 15,83/20

Il s’agit de : Domaine Van Volxem, Großes Gewächs Volz 2015, Saar 



Pas si évident de reconnaître les allemands dans le tas. Nous étions par ex. convaincus que le premier vin (Bernhard) était teuton. Pour le Clemens Busch, c’était plus facile par contre. 

Classement final
1. Domaine Loew, Riesling GC Altenberg de Bergbieten 2014 : 16,5/20
2. Domaine Mader, Riesling GC Rosacker 2019 : 16,41/20
3. Clemens Busch, GG Marienburg Rothenpfad 2015 : 16,16/20
4. Van Volxem, GG Volz 2015 : 15,83/20
5. JM Bernhard, Riesling GC Wineck-Schlossberg 2017 ; 15,33/20
5. Peter Jakob Kühn, Oestricher Klosterberg Erste Lage 2015 : 15,33/20
7. Domaine Ostertag, Riesling Fronholz 2014 ; 15,16/20
8. Georg Mosbacher, GG Deidesheim Kieselberg 2018 : 14,91/20 

Une dégustation de haut niveau, avec un duel très serré au final.
Prosit !

Fred

Jolie sélection et très belles prestations de Loewe et du GC Rosacker (il faudrait vraiment que je goûte un vin de ce lieu vu que les retours sont toujours très bons, en dehors du Clos-Sainte-Hune évidemment).

Un peu déçu pour Mosbacher qui fait partie des excellents RQP du Palatinat (le Ungeheuer est particulièrement bon). Et finalement quelle a été le taux de réussite dans la distinction allemand/alsacien ? Est-ce qu'il en est ressorti des marqueurs particuliers ?

De ma maigre expérience, je trouve que les allemands ont souvent une acidité un peu plus saillante et une famille d'arômes légèrement plus vertes, les agrumes bien mûrs faisant plutôt partie des vins alsaciens. 

Ilroulegalet écrit:

De ma maigre expérience, je trouve que les allemands ont souvent une acidité un peu plus saillante et une famille d'arômes légèrement plus vertes, les agrumes bien mûrs faisant plutôt partie des vins alsaciens. 

Je dirai la même chose, mais à l'aveugle c'est forcément plus délicat.
Pour le riesling allemand, je dirai donc que:
- sur une maturité de vin basique, c'est quand même végétal. Et donc aussi tranchant acide ( encore faut il le détecter avec l'enrobage sucré )
- sur une maturité avancée avec un nez plus alsacien, il doit subsister une bouche plus incisive au milieu de la structure  ( mais là encore le sucre...)
 

agitateur écrit:

Ilroulegalet écrit:

De ma maigre expérience, je trouve que les allemands ont souvent une acidité un peu plus saillante et une famille d'arômes légèrement plus vertes, les agrumes bien mûrs faisant plutôt partie des vins alsaciens. 

Je dirai la même chose, mais à l'aveugle c'est forcément plus délicat.
Pour le riesling allemand, je dirai donc que:
- sur une maturité de vin basique, c'est quand même végétal. Et donc aussi tranchant acide ( encore faut il le détecter avec l'enrobage sucré )
- sur une maturité avancée avec un nez plus alsacien, il doit subsister une bouche plus incisive au milieu de la structure  ( mais là encore le sucre...)

Pour la détection avec l'enrobage sucré, je dirai qu'un vin de Prädikat est assez reconnaissable par sa construction bien étagée : c'est assez végétal en attaque, puis le sucre déboule et ensuite l'acidité rince le tout. 
En vin basique, si ça sent la station essence et le pneu brûlé, c'est plutôt germanique et c'est surtout perceptible au nez versus le vin basique alsacien où il demeurera un peu plus de fruits un ton plus mûrs. En bouche effectivement, pas grande différence.

Pour les grands vins secs effectivement, là j'avoue qu'il n'y a pas vraiment de marqueurs et c'est terroir par terroir, les riesling de Rheinhessen étant assez proches des vins alsaciens a contrario des rieslings de Moselle plus légers en structure mais les contre-exemples existent.

Ben, finalement, il n'y a que le Clemens Busch qui a été repéré catégoriquement comme étant allemand et non alsacien.
Peut-être le Kühn aussi...
Et inversement, je me suis bien planté avec le 1er vin ... j'aurais juré que le Bernhard était allemand.

J'ai assez peu d'expérience en rieslings teutons mais l'image que j'en ai/avais, c'est celle de vins assez acides, un peu verts sur une aromatique très citronnée (style citron vert). Un cliché peut-être qui ne demande qu'à être battu en brèche ... et peut-être que le changement climatique peut aussi changer la donne ?

Fred
 

"et peut-être que le changement climatique peut aussi changer la donne ?"
Hé bien c'est aussi à cause de cela que je m'y intéresse de plus en plus (je crois en un avenir plus sombre donc plus chaud en allemagne vineuse)..et c'est une chance depuis qu'une échange avec un LPVien passionné me laisse entrevoir le meilleur d'outre Rhin...super merci pour ce compte rendu posé et didactique.