« Un petit verre de vin d'Alsace, c'est comme une robe légère, une fleur de printemps, c'est le rayon de soleil qui vient égayer la vie. » C. Dior
J’avais en tête ce thème depuis le début de mes ateliers, mais j’attendais de mûrir mon « concept », de gagner en expérience pour organiser la découverte de cépages très différents et de sélectionner quelques cuves que j’apprécie.J’étais très en retard pour préparer la séance, ayant terminé mon support seulement une heure avant le début de la séance.
Je décide à la dernière minute de présenter plus de cuvées que d’habitude, de construire la dégustation en trois temps.
Les travaux dans le centre de Taverny n’entraînent qu’un léger retard de certains participants, nous commençons presqu’à l’heure. Le programme est chargé, 15 vins à déguster, en trois séquences.
Après un quizz d’échauffement et de révision sur la Corse et la notion d’évolution et d’équilibre des vins, présentation de la région alsacienne, de sa diversité de sols et sous-sols, de sa situation géographique et climatique, de son histoire. Je ne rentre pas dans le détail des 51 grands crus, mais j’en présente quelques uns célèbres : Rosacker, Rangen de Thann, Brand, Schoenenbourg, Vorbourg… Le site
vins-alsace
est très bien fait.
Dans ma présentation des vins alsaciens, j’insiste sur la grande richesse des cuvées produites, du crémant aux plus grandes cuvées en sec, VT et SGN. Région passionnante, mais qu’on retrouve rarement sur les cartes des vins. Difficile de service un vin dont on ne connaît pas toujours l’équilibre et le niveau de sucrosité… sauf grâce aux efforts de beaucoup de vignerons à la suite d’Olivier Humbrecht notamment, pour indiquer sur leurs étiquettes ce niveau. Donc, j’insiste auprès des participants pour qu’ils regardent attentivement les étiquettes des vins d’Alsace à l’avenir, en espérant de tout cœur que cette séance leur donne envie de découvrir cette région viticole passionnante, riche de son patrimoine et d’une grande beauté.
Toujours le jeu des odeurs, en lien avec ce que nous allons déguster : agrumes, litchi, poire, abricot, miel, rose, cerise, etc.
En même temps que je présente les cépages blancs alsaciens - pour le rouge, c’est facile, ils connaissent déjà le pinot noir -, la première séquence de dégustation commence :
horizontale de cinq cuvées d’entrée de gamme du domaine Vincent Stoeffler (à Barr, Bas-Rhin) sur le millésime 2021.
L’objectif de cette première partie est de comprendre et de mémoriser certaines « signatures » des différents cépages dégustés.
J’ai pris le parti de ne pas faire déguster de muscat (je pensais à Ernest Brun), pinot blanc, Auxerrois (j’ai hésité à servir un Rolly-Gassman…), Mais j’ai fait une exception car un participant me parle depuis l’année passée de klevener du côté de Barr… à ne pas confondre avec le pinot blanc appelé parfois « klevener ».
Tous les vins sont servis et dégustés par paire.Gressin neutre servi comme « fait-la-bouche » et on attaque la première série :
1/ Sylvaner 2021 du domaine Vincent Stoeffler : vin sec (12,5%)
Robe jaune pâle, brillante,Nez discret, sur le végétal, les agrumes.La bouche est citronnée, légère, équilibrée mais d’une longueur courte.
NB : On trouve les marqueurs d’un sylvaner frais, sans complexité, agréable, sur une choucroute par exemple, mais on ne peut lui demander plus.
2/ Riesling 2021 du domaine Vincent Stoeffler : vin sec (13%)
Robe jaune un peu plus prononcé, sans reflets verts.Le nez est plus fruité (poire), plus intéressant.
La bouche présente plus de matière, une longueur moyenne, de jolies notes d’abricot et florales en finale. Le vin est sec, mûr, équilibré. Sympa et plaisant.
NB : On ne trouve pas de note « variétale » du type « pétrole » ou plus noble de « naphte », c’est presque le seul défaut que je lui trouve (sourire)
3/ Pinot gris 2021 du domaine Vincent Stoeffler : vin demi-sec (13,5%)
La robe s’avère un peu plus légère que le riesling.Nez sur le miel, plus réservé que le vin précédent, fin.Bouche équilibrée, légère sensation de gras mais l’équilibre est aussi le maître mot de ce vin.
La sucrosité est contrebalancée par une jolie acidité. C’est un demi-sec léger et le vin est bien agréable, sur une finale miellée et épicée.
NB ; le caractère plus discret au nez mais aussi plus miellé ainsi que la légère perception de gras en milieu de bouche m’apparaissent comme pouvant aiguiller les dégustateurs vers ce cépage.
4/ Gewurztraminer 2021 du domaine Vincent Stoeffler : vin moelleux (13,5%)
Robe jaune brillante, similaire au pinot gris.Le nez est classique, sur le litchi, la rose, l’ananas… au charme indéniable.
La bouche est fraîche, plus sucrée que les vins précédents, mais à peine. Aucune lourdeur, finale fruitée et légèrement épicée, fraîche.
NB : on y retrouve les marqueurs classique du gewurztraminer par le litchi, l’aromatique charmeuse et la sucrosité un peu plus marquée (mais ce cépage peut aussi être vinifié en sec).
Le côté « gewürz », à savoir épicé, on peut l’avoir au vieillissement, mais ici on l’a plus rencontré sur les deux vins qui entourent cette cuvée.
5/
Klevener de Heiligenstein 2021 du domaine Vincent Stoeffler : vin demi-sec (13,5%)
Il s’agit de savagnin rose, comme le gewurztraminer, mutation du savagnin blanc jurassien. dont les baies sont rosées aussi. Je n’en ai pas bu beaucoup, c’est l’occasion idéale. Robe identique, Le nez offre une sorte de synthèse entre le pinot gris et le gewurztraminer ; plus discret que le dernier, mais plus épicé et moins floral.Jolie bouche, bien construite, sucres discrets, longueur moyenne, plus grasse que le précédent, sur le miel et la poire. Retour épicé en finale. C’est bon.Très intéressant de déguster à la suite ce savagnin rose à côté de son « frère ».
Ce domaine de 16 ha, converti en bio, propose une jolie et large gamme, convaincante sur cette horizontale, vins tarifés correctement entre 9,5 et 14 € (source vins-etonnants et alsace-vintage, merci à eux pour leurs efforts pour que les bouteilles me parviennent à temps).
Il y a tant de domaines en Alsace qu’il était illusoire d’essayer de proposer un début d’exhaustivité, si ce n’est de consacrer toute l’année à cette région. Ce domaine est qualitatif et ces cuvées ont bien plu à l’ensemble des participants.
J’avais d’autres cuvées de ce domaine que j’aurais pu ouvrir, notamment sur des grands crus, car il possède une parcelle sur le Schoenenbourg par exemple, mais on part ensuite sur d’autres domaines classiques.
Après une légère pose au cours de laquelle je termine la présentation des cépages et mets à disposition les pains de la boulangerie Bourg ainsi qu’un assortiment de charcuteries de chez Odillatd et de fromages issus d’Alsace (munster assez doux, tomme et chèvre aux fleurs d’un producteur local), nous dégustons une deuxième série de vins, à savoir deux vins rouges, suivant ainsi l’adage bien connu des Bourguignons : «
blanc sur rouge, rien ne bouge » :
6/ Alsace pinot noir Strangenberg 2020 d’Agathe Bursin
Robe grenat, violine.Le nez peine à sortir d’une gangue boisée, à peine fruité et épicé.La bouche se révèle puissante, dotée d’une belle matière, mais encore cadenassée par son élevage. Forte amertume finale. Décevant en l’état, peut-être qu’un carafage bordelais lui aurait fait du bien. A revoir.
7/ Alsace Bollenberg Harmonie pinot noir 2015 du domaine Valentin Zusslin
On change complètement de registre : robe grenat aux bords rubis, montrant des signes d’évolution.
Le nez est une corbeille de fruits rouges et de fruits compotés, cassis, framboise, cerise, épices… c’est un joli pinot noir d’Alsace qui n’a rien à envier à certains crus bourguignons.
La bouche est portée par une jolie matière, certes sur une trame acidulée et fraîche, qui manque un peu de chair pour certains, mais l’équilibre me plaît beaucoup, notes de framboise et mentholée délicieuses en finale, qui est longue et persistante. Très joli représentant alsacien, qui me rappelle,
mutatis mutandis, de jolis crus volnaysiens par son raffinement.
La suite est consacrée à une sélection de huit vins, servis en deux séries – j’ai 4 chaussettes - , quatre paires, issus pour la plupart de grandes maisons alsaciennes. Je n’ai pas cherché l’originalité, mais la découverte de belles maisons, grands classiques, que j’aime particulièrement, qui existent depuis près de 400 ans pour la plupart, familles et maisons créées à la suite de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Un patrimoine et une longévité uniques en France.
La dégustation se poursuit en aveugle, j’utilise enfin les chaussettes prévues à cet effet, j’ai eu l’idée le matin, me disant que ce serait plus sympa et plus ludique de procéder ainsi, après avoir dégusté quatre cépages en horizontale du domaine Vincent Stoeffler.
Première paire à l’aveugle
8/ Robe jaune pâle, brillante.Nez évoquant les pommes au four, le miel et les épices.La bouche est douce, sans sucrosité marquée, belle fraîcheur, jolies notes de tilleul, citronnées et miellées. Jolie longueur, c’est délicieux.
Beaucoup partent sur un riesling, certains sur le pinot gris car le vin possède un peu de gras et de matière, ainsi qu’un charme discret, un nez très élégant.
Une participante part plutôt sur le sylvaner, trouve le vin vraiment bon alors qu’elle aime essentiellement les vins du sud, charpentés et voluptueux. Elle avait apprécié celui de Vincent Stoeffler et là, c’est une confirmation éclatante.
Il s’agissait de l’
Alsace Les Vieilles Vignes de Sylvaner 2018 du domaine Ostertag.
Elle repartira avec la bouteille car elle a parfaitement analysé le vin et déduit le cépage idoine. Belle découverte pour elle.
9/ En parallèle, l’autre vin présente une robe à peine plus parquée, aux reflets verts marqués.Le nez est classique, sur le naphte, le citron, les agrumes et l’ananas.
Bouche équilibrée, fruitée avec une pointe de « pétrole » qui pour ma part ne fait aucun doute sur le cépage… et pourtant, mes commensaux ont tourné autour, évoquant les trois autres. Je les guide et mets l’accent sur le naphte/pétrole (léger) ressenti.
Et oui, c’est bien un riesling, à savoir l’
Alsace Clos Saint Landelin 2019 de Véronique et Thomas Muré (Vorboug, sol marno-calcaire, caillouteux), un grand classique, très jeune en l’état, prometteur.
Deuxième paire à l’aveugle
10/ Le premier vin présente une robe jaune or, un nez sur le citron, le naphte. Discret. La bouche est à l’unisson, sur une acidité citrique marquée, un tranchant que j’aime mais qui déstabilise les participants. Finale sur les amers de la peau de pamplemousse, longueur courte à moyenne. Un bébé fermé à double tour. A revoir.Ils ont hésité entre le sylvaner et le riesling, mais ce dernier est retenu au final.
Il s’agissait bien d’un riesling, que j’avais envie de tester, à savoir l’
Alsace cuvée Frédéric Emile 2016 du domaine Trimbach (Geisberg et Osterberg, sols marno-calcaro-gréseux et calcaire coquillé-Muschelkalk).
A oublier en cave, mais pas aussi éblouissant que d’autres millésimes plus antérieurs (2001, 2005, 2007 bus au même stade, sans parler des 90 et 83 évidemment).
A noter qu'il est plus intéressant le lendemain midi.
11/ Robe jaune à peine marquée, fait presque plus jeune que le précédent.
Nez très élégant, gourmand, modèle de naphte rehaussé de silex frotté, de fruits type mirabelle, agrumes.
La bouche est harmonieuse, tout n’est qu’élégance, vin facile tout en étant complexe et frais, finale minérale, naphtée et fruitée.
Certains partent sur un gewurztraminer, car le nez est expressif, d’autres hésitent avec le pinot gris, la bouche étant confortable, mais sans lourdeur.Il s’agit encore d’un riesling, à savoir l’
Alsace Grossi Laüe 2012 du domaine Hugel (Schoenenbourg. marne et argile sur sous sol de gypse)
Trois expressions différentes de riesling secs sur des grands crus renommés. On continue par la seconde et dernière série de 4 vins servis en deux paires. On quitte le domaine des vins secs pour aller vers l’univers des vendanges tardives (VT) et des sélections de grains nobles (SGN).
Je sors un assortiment de Stollen, de pain d’épices, ainsi que de meringues de ma boulangerie, en guise d’accompagnement.
Ayant un doute sur l’équilibre du troisième vin, compte tenu de son âge, je préfère l’ouvrir d’avance et je le place finalement dans la première paire. L’épouse d’un des participants arrive à la MLC pour venir chercher son mari. Finalement, elle va rester, je l’invite évidemment, je lui donne tout le matériel, c’est parti.
Troisième paire à l’aveugle
12/ Robe jaune dorée, le nez est porté par le caramel blond, l’ananas rôti, et pour moi, une jolie note truffée. L’évolution est présente, mais j’aime son épanouissement.
La bouche est portée par une très fine acidité et surtout par des amers nobles, jolie longueur. J’aime beaucoup ce vin, je sens que l’assistance est plus circonspecte car pas habituée par ce type d’équilibre et à déguster des vins âgés. Le sucre se fait à peine sentir, le vin est demi-sec à l’origine.
Beaucoup citent le riesling, mais il s’agit d’un pinot gris, à savoir l’
Alsace Pinot gris Jubilée 1996 du domaine Hugel (Sporen et Pflostig)
13/ Robe jaune, à peine dorée.Le nez est fruité, gourmand, élégant. La bouche est cohérente, la sucrosité est plus marquée, on entre de plein pied dans le domaine des vendanges tardives, avec un moelleux léger et frais, équilibré par une acidité mûre.
Finale souple et gourmande.Beaucoup proposent gewurztraminer, car le vin est fruité, rappelle le litchi pour certains.
Le couple de jeunes amoureux trouvent aisément la cuvée, qu’ils aiment particulièrement depuis leur visite de la boutique Hugel lors des fêtes de Noël passées, je leur avais vivement conseillé d’y aller et ils avaient été charmés par l’accueil superbe qui leur a été réservé, alors que leurs moyens sont limités. Ils ont pu goûter à une sélection des meilleures cuvées alors qu’ils n’ont pas encore les moyens de s’en offrir. Bravo à la maison Hugel, car ces jeunes amateurs seront des clients fidèles.Lorsqu'ils m’avaient invité chez eux, ils avaient partagé un magnifique 2010, il s’agit cette fois de l’
Alsace riesling Vendanges Tardives 2012 du domaine Hugel.
Je voulais leur faire ce cadeau, ils sont tellement touchants par leur gentillesse et leur amour si lumineux, ils sont évidemment repartis avec la bouteille.
Dernière paire à l’aveugle
14/ La robe est d’un jaune or prononcé, brillante, qui signe une évolution mais limitée.
Le nez est magnifique, complexe sur la mirabelle, le safran, litchi, les fruits exotiques.
Bouche gourmande, acidulée, équilibrée avec une sucrosité présente, vin riche et frais à la fois, notes de thé vert et mentholée rafraîchissantes, finale sur les épices et les fruits exotiques. Très beau vin et tout le monde pense au gewurztraminer.
C’est le bon cépage, il s’agissait de l’
Alsace Gewurztraminer Vendanges Tardives 2001 du domaine Marcel Deiss.
15/ Ce vin provient de ma cave. Le bouchon s’extrait sans difficulté et est encore souple, mais a blanchi avec le temps.
La robe ne peut cacher l’évolution et la richesse du vin : jaune cuivré, mais d’un bel éclat, brillante.
Le nez est complexe, sur la mangue, les fruits exotiques, les épices douces, ressemble à la VT 2001 de Deiss mais avec tout en plus en termes de complexité, même si l’intensité du nez est moins forte.
La bouche est évidemment beaucoup plus marquée par le sucre que le Deiss, quelle ampleur ! Aucune lourdeur. Longueur superlative, on retrouve la mangue et les fruits exotiques, il se boit pour lui-même. Un vin de méditation.
On est bien encore sur un gewurztraminer, et sur une quatrième cuvée du domaine Hugel, avec cette
Sélection de Grains Nobles Gewurztraminer 1989 du domaine Hugel.
Carton plein pour ce domaine, grand classique, qui ne déçoit que très rarement à ma connaissance, que ce soit de son gentil aux cuvées les plus riches.
Plus de 4 heures de dégustation, gros stress initial de n’avoir pas eu le temps de préparer mon support ni les détails au réveil le matin même, trop pris par le boulot et les affres que la vie nous réserve.
Et pourtant, ce n’est au final que du bonheur, je suis pour une fois plutôt satisfait de ma séance (contrairement à la séance consacrée à la Corse). La dégustation à l’aveugle, à partir de la première série horizontale, a beaucoup plu.
Le fait de voir partir tout le monde avec un grand sourire, d’avoir – je crois - réussi à prouver la beauté et l’intérêt des vins alsaciens, bien que je n’aie soulevé qu’une infime partie du voile, me donne le «
smile » en rentrant chez moi !
Merci de m’avoir lu.
Märci vil mol und schön Wuche-end. Bis dänn! Danke vielmol und schönes Wucheend. Bis bald!