Dernière séance de l'année. Heureusement que l'atelier s'arrête jusqu'à l'été, je commence à tirer la langue, non pas sur les thèmes abordés, mais sur les préparations.
Trouver du temps libre pour m'y consacrer commence à être très difficile et toute la logistique et les bouteilles sont pour ma pomme depuis la dernière dégustation.
Modèle à revoir et ce laboratoire m'a beaucoup appris, à tous les niveaux. D'ailleurs, je commence par faire un bilan de l'atelier avec les
cobayes participants au grand complet. Ils ont tous survécus !
Je comprends notamment de leurs retours :
- moins de théorie pure enchaînée à une partie dégustation seule...
- ... qui a parfois été trop longue.
J'avais l'idée hier d'aller dans ce sens, m'étant fixé le cap de 9 bouteilles max, ce qui s'avère même encore un peu trop long, ainsi que de varier la présentation du vignoble et des cépages entremêlée de dégustation.
Je commence à être rôdé, je ne suis pas fatigué à la fin de la séance, qui s'est terminée avec seulement 30 minutes de "retard" (en théorie, la séance dure 3h, je n'ai jamais réussi à faire moins de 3h30).
Après le bilan de l'année, qui a validé ce que j'ai fait et qui me conforte à encore progresser et à être plus précis dans mes présentations et la façon d'aborder le vin, on entame une revue rapide des différentes régions et cépages abordés cette année, je leur présente rapidement certaines régions que nous aborderons l'année prochaine.
De nouveau le jeu du nez, qui est vraiment attendu et apprécié par les participants, qui trichent, échangent, nous rions ensemble. Vraiment ludique et moment incontournable.
En préambule, je sors deux bouteilles d'eau à déguster... dans les deux verres à vin (et non dans le verre à eau qu'ils ont à disposition) : stupeurs et tremblements !?! le Philou est-il devenu fou ?
Que nenni mes amis : une idée m'est venue en septembre à la préparation de mon canevas de l'année, à savoir déguster deux eaux témoignant d'une possible influence de la géologie sur le goût des vins.
EricB avait indiqué avoir déjà procédé à ce type de dégustation en prenant de la Salvétat dégazéifiée et une eau calcaire.
Je tente le coup : Salvétat (en partie) dégazéifiée et même traitement pour de la Quézac. En lisant les caractéristiques de ces eaux, j'ai l'exemple d'eaux provenant du Languedoc (ou proximité) provenant d'un terroir de schistes versus calcaires. Comme ce que l'on trouve sur Saint-Chinian.
Tout le monde s'accorde pour trouver la Salvétat plus "longiligne", "étroite" en bouche, alors que la Quézac est plus "ronde", "en volume", "confortable".
Pour une personne, la Salvétat apparaît plus salée que la Quézac.
Évidemment, je mets plein de bémols sur la portée de nos impressions et sur la traduction directe schistes versus calcaire, mais ce fut concluant dans la visée pédagogique. Et on retrouvera cette dichotomie sur les deux Saint-Chinian que nous goûterons par la suite.
PS : merci Eric pour cette idée que je t'ai empruntée et que j'ai tenté de mettre en pratique de la façon la plus simple. Je la valide pour plus tard.
Prélude :
1/
Crémant de Limoux - Brut Nature - Domaine de Mouscaillo
Assemblage de chardonnay, pinot noir et chenin.
Robe jaune brillante, nez brioché, floral et légèrement fruité.
Jolies bulles fines, belle finesse en bouche, le vin est équilibré, plutôt crémeux et confortable, pas très long, mais à l'aveugle... j'aurais bien été en peine de trouver autre chose qu'un très bon crémant de Bourgogne et très certainement de citer la Champagne.
Ce préambule à la dégustation est très réussi, les participants aiment beaucoup.
On commence la séance par une rapide présentation de la géographie et géologie du Languedoc et de son histoire. Je leur demande ce qu'évoque le Languedoc pour les participants, en particulier les plus âgés.
L'image de la région reste souvent encore marquée par des vins moyens, produits en masse par des coopératives anonymes. J'ai choisi le Languedoc justement pour montrer qu'elle produit depuis une vingtaine d'années des vins de grande qualité, pour qui sait les chercher. Référence à l'article de la RVF d'avril consacré à la région et qui est bien tombé quand je préparais cette séance et cherchais un dernier thème.
Avant de commencer la dégustation, chacun mange un peu de gressin afin de se préparer la bouche.
Paire de blancs :
2/
IGP Pays d'Hérault Mont Baudile - Les Intillères 2021 du domaine Supply-Royer
Assemblage bourboulenc (maj) et chenin
Robe jaune clair, brillante.
Le nez est sur la cacahouète et le pain grillés, floral, vanille. L'aération lui fait grand bien et le vin s'épure, allant vers plus de fruits blancs et d'agrumes.
Pour moi, j'y trouve l'effet "waouh" tant recherché sur les vins. A l'aveugle, je serai parti sur un joli cru de Bourgogne.
La bouche est bien construite, c'est équilibré, d'un beau volume, encore fermé, on y trouve du citron confit, pomelos et de la peau d'agrumes par une fine amertume finale.
A 22 € caviste, c'est une très belle cuvée, à carafer une heure avant service, qui devrait bien vieillir en cave. Délicieux.
3/
VdF Lignières 2020 de Thierry Navarre - Vin du Haut-Languedoc - terroirs de Schistes
Assemblage de Ribeyrenc blanc, clairette et grenache gris
Robe jaune soutenu, nez appétant de pomme, miel, abricot, fruits exotiques.
Bouche déliée, fraîche, équilibrée, finissant sur une finale agrumes frais. Délicieux, dans un autre style que le Supply-Royer. A 12€ à peine, on se fait plaisir !
Au final, deux blancs secs très convaincants, le premier à l'élevage marqué, puissant, qui apporte un surcroît de dynamisme et un profil très gourmand/grillé appétant.
L'autre est plus classique, sur la fraîcheur d'un élevage en cuve je pense. On sait faire de jolis vins blancs dans le Languedoc fut la conclusion de la dégustation des deux paires !
Pause, le temps de manger un peu de pains spéciaux de la boulangerie Bourg (Taverny), présentation des cépages carignan et mourvèdre, tous deux originaires d'Espagne, comme le grenache.
Présentation de Saint-Chinian et on attaque la dégustation d'un première paire de vins rouges de cette appellation bicéphale :
NB : tous les rouges ont été ouverts env. 5h avant la dégustation. Seuls les vins de la dernière paire ont été carafés deux heures puis remis dans leurs bouteilles d'origine.
4/
Mas au Schiste 2020 du domaine Rimbert
Assemblage : carignan 35% - syrah & grenache : 30% - mourvèdre 5%
Robe violacée, profonde. Nez animal, profond, cassis, fruits noirs, puissant. Bouche finement acidulée, tannins puissants, un beau volume mais l'acidité tend le vin de manière évidente.
5/
Cote d'Arbo 2018 du Mas Champart
Assemblage proche : S : 35% - G: 30% - Carignan et cinsault : 20% - 15% mourvèdre
Robe un peu moins profonde, nez plus marqué par la violette, la rose, les épices. Peu animal, il offre un fruit éclatant. Vin bien équilibré, un poil plus chaleureux et surtout un volume en bouche très différent du précédent. Sensation de remplir la bouche complètement alors que le précédent rappelle la dichotomie schistes versus calcaire.
Évidemment, ce n'est pas le même millésime (pas eu le temps de trouver deux 18 ou deux 19) ce qui a pu accentuer la démonstration. Et les différences d'approches des vignerons évidemment influent.
J'ai bien aimé cette approche (très simplifiée si ce n'est simpliste) des vins par la géologie.
J'apporte les plateaux de charcuterie et fromages de mon boucher Jacques Odillard pour agrémenter la dégustation.
Seconde paire de rouges :
6/
Pic Saint Loup cuvée "Sainte Agnès" de l'Ermitage de Pic Saint-Loup
Assemblage S-G-M (40-40-10) et carmenère
Robe violacée, profonde. Nez fruité, sur le cassis, la mûre, les épices. La bouche est très équilibrée, le vin très appétant et agréable, traçant. Délicieux
7/
Terrasses du Larzac - Elise 2014 du domaine Terrasse d'Elise - X. Braujou
Assemblage GSM
Robe grenat, brique sur les bords du disque.
tempus fugit. Nez complexe sur les fruits noirs, épices. Légère volatile, qui gêne un dégustateur au départ. Puis cela s'estompe.
Vin équilibré, long en bouche, affichant une complexité mesurée, tout comme le plaisir que cette bouteille offre. En deçà de celle que j'ai ouverte il y a quelques semaines. Dommage, mais c'est ainsi et le risque que l'on prend sur chaque bouteille.
Dernière paire de rouges, avant de devoir partir :
J'avais envie de montrer deux visages du Languedoc qu'on connaît bien sur LPV, mais qui sont peu connus du grand public. PAr contre, j'ai pris un risque...
8/
Faugères Jadis 2017 du domaine Léon Barral
Assemblage carignan 50% - syrah 40% et grenache 10%
Robe grenat, profonde. Nez complexe, mais plus animal, cuir, que franchement fruité. Hummm... ça ne plaît pas à certains, le silence se fait et seuls deux se régalent avec moi.
La bouche confirme avec une astringence encore un peu marquée, j'aime son volume, sa longueur, mais la finale nous offre un retour sur l'animal (traces de bretts il me semble) qui masque le fruit et gâche un peu le plaisir. Car c'est puissant et je pense qu'à table avec une belle grillade de bœuf, c'est du bonheur liquide.
Je pensais qu'il se goûterait mieux, mais peut-être aurais-je dû servir un 2018 ou le nouveau 2019 que je viens de recevoir ?
Je tremble un peu de terminer par une dernière cuvée, qui a la réputation d'austérité et de se faire attendre... j'ai croisé la bouteille samedi dernier dans ma cave et me suis dit zou, tentons de montrer qu'un vin de Languedoc bien né vieillit bien comme tout autre cru réputé. Et j'ai laissé tomber le Montcalmès 2019 que j'envisageais initialement, tout comme les deux Mas Laval Carignan et Mourvèdre 2019 ou encore le Carignanissime 2018 du Clos Centeilles.
9/
Mas Jullien 2007 d'Olivier Jullien
Robe rubis, profonde, aux bords à peine marqués. Nez en retrait, il faut aller le chercher, mais j'aime cette finesse et cette réserve toute cistercienne.
La bouche est parfaitement fraîche, tonique, tannins souples, mais ça cause pas beaucoup. Et c'est bien dommage pour terminer cet atelier et toute la saison. C'est bon par contre et encore jeune. Mais ce vin ne sera jamais très causant, à mon humble avis, aussi je ne regrette pas trop d'avoir arrêté d'en mettre en cave. Peut-être qu'une cuvée de Marlène Soria aurait été plus marquante, mais en fait, je pense que j'aurais dû chercher un peu plus dans ma cave, car j'ai 2/3 choses sympas dans la région avec un peu d'âge.
En plus, je n'ai plus le temps d'ouvrir une autre bouteille, nous sommes plusieurs à avoir des contraintes personnelles ce samedi soir.
A l'heure de se quitter, les 9 se partagent les bouteilles (il reste un fond - 1/5ème env dans chaque). je vois que le partage se fait sans difficulté, ce qui traduit les nuances et les différences naturelles entre ce panel de dégustateurs.
Un immense merci à tous les participants pour leur assiduité, leur efficacité dans le rangement, j'ai un groupe qui s'entend parfaitement, ambiance du tonnerre, on se marre beaucoup et ça fait du bien. Faire les choses sérieusement sans trop se prendre au sérieux, ça me plaît.
La suite l'année prochaine avec le même groupe (et quelques nouveaux amateurs, je l'espère), pour un programme que je dois encore construire.
Pour cet atelier, j'aurai un nouveau groupe.
Merci de m'avoir lu. J'espère que ce ne fut pas trop long ni trop rébarbatif (et désolé pour les fautes).