Le thème de la soirée s’annonçait alléchant : l’Alsace, mais en se limitant à son cépage phare, le riesling, et quelques rouges de pinot noir pour montrer que dans cette région aussi on fait de belles choses. Rémi avait été nommé organisateur en chef mais n’a pu finalement participer, étant réquisitionné au dernier moment pour un impératif personnel.
Etant très consciencieux, il nous avait néanmoins envoyé l’ordre des différentes triplettes et paires, si bien que son absence n’a eu que deux conséquences :
- nous n’avons pas pu bénéficier de ses apports, certainement judicieux ;
- et nous n’avons pu le remercier de vive voix.
Un before
Domaine Albert Boxler – Crémant d’Alsace – Brut – 2014
Il s’agit d’un assemblage de pinot noir, pinot blanc et pinot auxerrois. On est donc presque dans le thème !
La robe est paille soutenue.
Bien ouvert, le nez est dominé par un beau fruité, surtout sur les agrumes et les fruits jaunes.
En bouche la bulle se fait très discrète, caressante ; une grosse acidité donne le la mais elle ne manque pas de finesse ni d’allonge sur une finale citronnée.
Bien ++ / Très Bien
Première triplette : différents grands crus sur le millésime 2010
Domaine Valentin Zusslin – Alsace Grand Cru Pfingstberg – Riesling – 2010
La robe présente un or clair.
Le nez est vraiment très intense mais assez monolithique sur le pétrole. On y décèle toutefois quelques fruits secs.
L’attaque est également pétrolée et d’un beau volume puis une grande tension prend le dessus jusqu’à une finale bien persistante dominée par l’acidité et des accents citronnés.
Très Bien
Domaine Marc Kreydenweiss – Alsace Grand Cru Kastelberg – Riesling – 2010
L’or ambré de la robe dénote par rapport à celle de ses deux compagnons.
L’aromatique est également bien différente, avec des fruits secs (amande, noix) très intenses, du miel et une touche exotique. On est clairement sur une palette oxydative.
La bouche possède un bon équilibre, entre une chair confortable, de la tension, une aromatique tertiaire mais épanouie. L’acidité est nettement moins présente que dans les deux autres vins mais la finale ne manque pas de longueur.
Très Bien (+) pour ce vin à la forte personnalité
Domaine Kientzler – Alsace Grand Cru Osterberg – Riesling – 2010
La robe est de couleur paille.
Le nez s’ouvre bien sur une palette aromatique large, allant du pétrole au citron en passant par des notes florales bienvenues.
La bouche est janséniste, bien austère, d’une grande rectitude. On sent que la matière est là et demande à se libérer mais n’y arrive pas. La finale saline et persistante rassure sur la noble origine du vin.
Bien ++ / Très Bien en l’état mais attendre encore au moins cinq ans pour aller (beaucoup ?) plus loin.
Deuxième triplette : différents grands crus sur le millésime 2008
Domaine Josmeyer & Fils – Alsace Grand Cru Brand – Riesling – 2008
La robe paille est vraiment très claire.
Bien ouvert et finement pétrolé, le nez associe des arômes fruités de citron et de mirabelle.
Le profil de la bouche est bien droit mais pas trop, la tension magnifique s’appuyant sur une matière suffisante jusque dans la finale élancée et citronnée qui a du ressort.
Très Bien +
Domaine Paul Blanck & Fils – Alsace Grand Cru Sommerberg – Riesling – 2008
Comme pour la première triplette, le deuxième vin affiche un or ambré qui dénote. Quel travail minutieux de Rémi !
!
Puissant et assez complexe, le nez exhale des arômes fumés, de fruits secs, notamment les raisins secs, et de fruits jaunes.
La bouche possède une grande richesse venant d’une matière dense et mûre. Elle manque un peu d’acidité, surtout en comparaison de ses deux acolytes, sauf dans la finale qui se montre plus pointue.
Très Bien
Domaine Albert Mann – Alsace Grand Cru Schlossberg – Riesling – 2008
La robe est paille.
Le nez explore un bel univers floral et fruité, teinté d’un très fin pétrole : c’est beau !
D’une très belle amplitude, la bouche s’appuie sur une matière très mûre habillée sans doute de quelques sucres résiduels. Une grande fraîcheur vient équilibrer le tout et la finale dynamique laisse une bouche nette qui ne demande qu’à se remplir à nouveau.
Un très beau vin qui allie classe et gourmandise.
Très Bien ++
Troisième triplette : un grand cru du nord et un du sud sur le millésime 2012
Domaine Ostertag – Alsace Grand Cru Munchberg – Riesling – 2012
L’or de la robe est moyen.
Intense sans plus, le nez est plutôt sur les fruits exotiques auxquels viennent se mêler quelques notes d’hydrocarbures.
Ronde et de sapidité correcte, la bouche manque toutefois de vivacité, la finale sachant quand même se montrer plus pointue.
Bien ++
Domaine Zind Humbrecht – Alsace Grand Cru Rangen de Thann Clos Saint Urbain – Riesling – 2012
La robe présente un or brillant.
Le nez intense possède une certaine complexité, avec comme base des fruits exotiques, rehaussés par des touches pointillistes de citron, d’hydrocarbure et de citron.
D’un beau confort, voire d’une bonne richesse, la bouche est également ample. L’acidité est bien présente mais paraît un peu dissociée par rapport à la matière pour en faire un grand vin. Nul doute que cela se fondra avec le temps. La finale bien persistante et savoureuse confirme son potentiel.
Très Bien +
Domaine Julien Meyer – Alsace Grand Cru Muenchberg – Riesling – 2012
La robe se teinte d’un or moyen mais sa turbidité nous trouble…
Le nez confirme nos craintes : il est peu causant mais ne nous raconte que de l’oxydation, par ses arômes monolithiques de pomme.
La bouche est conforme…
ED en espérant que ce vin non protégé s’exprime correctement dans d’autres bouteilles, peut-être mieux conservées ?
La seule paire en riesling : deux magnifiques millésimes plus anciens
Domaine Kientzler – Alsace Grand Cru Geisberg – Riesling – 1983
La robe est parée d’un or dense.
D’une bonne intensité, le nez est tout en harmonie et assure une belle synthèse entre fruits jaunes et minéralité pierreuse, et s’enrichit de notes d’agrumes et d’autres exotiques.
L’équilibre remarquable de la bouche donne une impression d’aboutissement. Son superbe volume, sa densité, son aromatique reprenant celle du nez complétée par de l’amande, sa vivacité qui lui procure profondeur et grande persistance, sa finale saline sont autant d’atouts qui se combinent admirablement et en font un grand vin !
Excellent
Cela prouve bien, après la dégustation du 2010 en début de séance, que les grands rieslings de Kientzler sont à attendre.
Domaine Gérard Schueller et Fils – Alsace Grand Cru Pfersigberg – Riesling – 2002
La robe est d’un or moyen.
Très intense et riche, le nez fait la part belle aux fruits exotiques mais complète son caractère oriental par des notes épicées et truffées.
La bouche assez grasse possède une belle dimension. Son aromatique fruitée se teinte de notes fumées et la fusion entre matière et minéralité s’opère bien, même si on décèle un soupçon de moins d’élégance que dans le Geisberg. Peut-être avec vingt ans de plus ?
Très Bien ++ / Excellent
Un pirate mais sachant que c’en est un car servi en surprise par Vivien
Weingut G.H. von Mumm – Rheingau – Rüdesheimer Berg Schlossberg – Riesling Spätlese halbtrocken – 1985
La robe est très ambrée.
Très intense, le nez développe principalement des arômes fumés, sur une assise de miel et de raisins secs.
En bouche les arômes fumés sont encore plus prégnants, tellement qu’elle se montre assez désagréable pour moi. J’ai juste noté que les sucres étaient très peu présents (Vivien nous souffle qu’il y en a moins de 18 g / l, dénomination halbtrocken oblige).
Assez Bien + grâce au nez
Nous passons aux pinots noirs mais Rémi avait reçu très peu de propositions et n’a pu apporter ses trouvailles. Il avait donc prévu deux pirates sur quatre vins !
Première paire : deux vins relativement jeunes
Domaine Valentin Zusslin – Alsace – Pinot noir – Bollenberg – 2015
La robe plutôt sombre, en tout cas pour un pinot noir, montre quelques reflets violacés.
Le nez explose sur un fruité expressif et très mûr, de cerise et de framboise.
La bouche va dans la même direction, avec en supplément des marqueurs d’élevage, notamment la vanille, que l’on n’avait pas au nez.
C’est un peu too much mais très avenant pour qui n’a pas un pdf. A attendre quelques années.
Bien +(+)
Domaine Confuron-Cotetidot – Chambolle-Musigny – 2012
La robe est à peine un peu plus sombre que celle du Zusslin 2015, et jeune également.
Le nez d’une bonne intensité propose un fruité plus pointu, mais aussi des arômes végétaux prononcés, pas seulement de la ronce, assez austères.
De l’austérité, il y en a en bouche ! Est-ce par contraste avec le pinot d’Alsace très avenant ? Les tanins rêches associés à l’aromatique végétale sont pour moi rédhibitoires.
Assez Bien
Deuxième paire : deux vins d’un beau millésime pour les rouges
Domaine Marcel Deiss – Alsace – Pinot noir – Burlenberg – La colline brûlée – 2009
La robe est sombre et encore jeune par ses reflets violets.
Le nez très expressif exhale un beau fruité, sur des fruits noirs, et quelques notes fumées.
La bouche de forte constitution est bâtie une grosse matière, bien soutenue par une charpente solide. Elle est cependant très sévère, car elle manque de fruité pour apporter du confort, d’autant que les tanins encore fort présents se révèlent bien amers.
A attendre impérativement.
Bien pour le nez
Maison Dominique Laurent – Beaune Premier Cru Clos des Mouches – 2009
La robe est un copier-coller de son alter ego, sombre et jeune.
Le nez montre une réduction, sur des arômes d’écurie, qui a du mal à s’estomper.
On décèle en bouche un très léger perlant, certes inattendu pour ce cru, mais qui, allié à un beau fruité et à une finale acidulée, lui confère une élégance voire une délicatesse de bon aloi.
Bien +(+)
Cette paire est, comme la première, toute en contraste, mais je rêve d’un vin combinant le nez du Burlenberg et la bouche du Clos des Mouches !
Un liquoreux pour terminer, sous forme également d’un pirate allemand
Weingut G.H. von Mumm – Rheingau – Rüdesheimer Bischofsberg – Riesling Auslese – 1976
La robe très ambrée tire sur l’acajou.
Le nez très intense affiche une palette aromatique variée et complexe : tour à tour épices, raisins secs, fruits confits dont en particulier l’abricot, et crème brûlée sont découverts mais il y en avait sûrement d’autres !
La liqueur épurée et l’acidité vertébrale sont à la base d’un profil droit, long et pur. On pourra seulement lui reprocher un manque de corps pour être grand, mais quelle belle digestabilité pour une fin de repas !
Très Bien +(+)
Voilà une belle soirée de plus, où nous sommes allés le plus souvent en montagne (…berg
).
Le niveau moyen n’a sans doute pas été celui attendu alors que le programme concocté par Rémi était superbe
, mais certaines bouteilles n’ont pas été au rendez-vous.
Vous aurez compris que le choix entre riesling et pinot noir n’a pas été trop difficile et n’a pas amené de longs débats… Peut-être que les apports de Rémi en pinot auraient rééquilibré le (faux) duel ?
A bientôt les amis, pour une autre rencontre, pas seulement celle entre les Châteauneuf-du-Pape et les autres vins du Rhône méridional, mais en aussi entre nous (pas dans le même sens
) !
Jean-Loup