Déjà cinq ans passés depuis notre dernier repas dans le trois étoiles le plus authentique de France !Il est vrai que le Covid est passé par là …
Mais les dix ans de mariage de notre fils ont constitué un bon alibi pour y retourner.
C’est toujours le même lieu enchanteur, quasiment la même équipe (seul le sommelier a changé mais le nouveau, jeune, est très affûté), à la fois accueillante et aux petits soins mais sans en rajouter.
René Meilleur est toujours aussi jovial et à la recherche du moindre détail qui peut faire la différence ; son fils Maxime semble être maintenant seul en cuisine, avec une patrouille de seconds et de commis, et assure parfaitement dans la continuité des quatre mains.
Quant à la cuisine, nous retrouvons les grands classiques avec grand plaisir et quelques nouveautés tout aussi réussies !
Les cartes des vins (une pour les effervescents et les blancs, l’autre pour les rouges !) sont pléthoriques et très judicieusement fournies, avec malheureusement des coefficients parfois très élevés par rapport au prix à la propriété. Mais cela se comprend en raison des frais fixes d’une telle maison.
Pour l’apéritif, je choisis un Champagne de Françoise Bedel et c’est l’occasion d’attribuer un premier bon point pour le sommelier : il me conseille la cuvée « Entre Ciel et Terre » non millésimée, plus adaptée à l‘apéritif que la cuvée « L’âme de la Terre » millésimée.
Champagne Françoise Bedel – Entre Ciel & Terre
La robe est parée de beaux atours dorés.
Le nez déploie des arômes intenses de fruits jaunes et de fruits secs entremêlés, allant de l’amande à la figue sèche en passant par la datte : très beau !
La bouche joue sur une dualité concentration – fraîcheur très appréciable. Son aromatique luxuriante est tempérée par une bulle subtile. La finale d’allonge convaincante garde de l’impact tout en se révélant dynamique et saline.
Très Bien +(+)
Pour accompagner ce très beau Champagne, trois bouchées apéritives très différentes :
Huître Gillardeau, voile d’eau de mer, perle de yuzu
Un grand classique de la maison, d’une justesse toujours aussi parfaite !
Et sans doute le meilleur accord (4 / 5) avec le Champagne, les deux compères se retrouvant sur leurs tonalités marines et salines.
Tartelette de champignons de la Motte Servolex, noix de muscade
Un clin d’œil très réussi au LPVien le plus connaisseur de la Savoie, j’ai nommé Jean-Luc (Milleret).
Chausson croquant, courgette, copeaux de charcuterie, abricot
Une association audacieuse qui tape dans le mille.
Mise en bouche : polenta aux grains moyens, tomate, coulis de Beaufort, pousses d’origan
Délicieux !
Pour accompagner les premiers plats du menu, je décide de rester local, avec un grand vigneron déjà choisi la veille at home pour une cuvée d’un autre cépage.
Domaine Partagé – Gilles Berlioz – Roussette de Savoie – El Hem – 2019
Deuxième bon point pour le sommelier : il me conseille le millésime 2019 plutôt que le 2015 (plus cher, bien entendu) car plus tendu et se mariant mieux avec les différents plats.
L’or de la robe est bien dense.
Le nez expressif associe fruits jaunes et notes miellées, mâtiné d’une touche épicée du plus bel effet.
La bouche est bâtie sur un superbe équilibre, aux saveurs goûteuses et gourmandes. Y a-t-il une pointe de SR ? En tout cas la matière dense est très mûre, mais bien tendue par une vivacité qui lui donne du ressort. La finale de bonne allonge se montre d’un grand raffinement.
Très Bien +(+) déjà, mais promis à un grand avenir !
Légumes : retour du jardin d’Eric Roy, cuits individuellement dans leur jus, mousse de babeurre, citron perle, pousses d’aigrelette
Toujours le meilleur plat végétarien dégusté à ce jour, par la finesse de ses saveurs.
Omble Chevalier : élevé en cascade, servi nacré, cornichons frais, sauce beurre noisette
Le raffinement du roi des poissons de lac et de rivière est parfaitement mis en valeur par la simplicité de l’accompagnement.
Abbaye de Tamié : en ravioles, bouillon cristallin de jambon cru, rouelles d’oignon frites, tiges de Berce ciselées
Un festival de produits de terroir de Savoie, comme pour tous les plats, mais ce fromage au goût proche de celui du reblochon reste néanmoins un peu rustique.
Pour l’accord avec le plat de viande, je laisse carte blanche au sommelier.
Domaine Santa Duc – Gigondas – Clos Derrière Vieille – 2016
La robe assez sombre et avenante ne laisse percevoir aucun signe de jeunesse ni d’évolution.
D’une belle intensité et affriolant, le nez exhale une aromatique de petits fruits rouges d’une grande pureté, à peine teintés de notes florales et d’accents épicés.
La bouche joue dans un registre plus puissant, en étant dotée d’un grain serré et fin, de tanins de velours et d’une chair lumineuse et addictive, peut-être en raison d’une sensation de légère sucrosité. Elle ne sombre pas dans la lourdeur, même si un côté capiteux se ressent, ce qui n’est pas gênant pour un palais tous terrains comme le mien, grâce à une acidité bienvenue. La finale plus svelte se prolonge pour notre plus grand plaisir.
Très Bien ++
Pigeon : rissolé au poêlon, Charlotte confite, ragoût, chénopode « Bon Henri »
Un concentré de goûts, bien adouci par la fraîcheur du chénopode, cette plante du type épinard que l’on rencontre souvent dans nos randonnées en montagne.
Le vin et le plat sont fusionnels, tant pour leurs aromatiques que pour leurs puissances et leurs textures très serrées (4+ / 5).
Un troisième bon point donc pour le sommelier qui a fait un strike !
Pré-dessert : eau de prune rouge – sauge servie dans l’esprit d’une bière, papier croquant
Un plat référence de la maison (sans photo), qui se décline parfois sur le cassis, et qui rafraîchit merveilleusement le palais avant le dessert.
Rhubarbe : cuite à l’étouffée, opaline, pulpe de cynorhodon
On reste sur la vivacité, avec des saveurs très pures.
On termine enfin avec un festival de mignardises.
Biscuiron Gisèle à la fleur d’oranger, d’une légèreté aérienne.
R’zoule au safran, une évocation de l’Orient à peine esquissée en une bouchée !
La Cruche : le fameux gâteau de crème cuite à la peau de lait, souvenir de retour d’école, maintenant servi sous forme de pomme de pin, toujours aussi simple et addictif.
Cailloux au sarrazin : une nouveauté pour nous, mais encore une texture et un goût différents et réussis.
Tartelette fine aux myrtilles : pour fêter les dix ans de mariage, nous avons terminé en beauté !
Nous sortons tous avec des étoiles plein les yeux !
Il ne faudra pas attendre cinq ans de plus pour revenir, et pourquoi pas faire découvrir cet endroit extraordinaire de simplicité (oui, c’est un oxymore assumé car on a vraiment l’impression de partager la bonne chère et les bons moments avec nos hôtes) à d’autres proches.
Merci René et Maxime Meilleur !
Jean-Loup