Visite et dégustation au domaine Jean-Paul & Benoît Droin
Cela faisait longtemps que l’envie me titillait d’aller visiter ce grand domaine ! Certes j’en ai pas mal de bouteilles en cave, grâce à l’ami Didier, mais aller sur place et rencontrer ce grand monsieur qu’est Benoît Droin, ce n’est pas pareil !
Alors, quand j’ai appris que Didier et Cédric allaient y retourner en pèlerinage (la 5ème visite pour eux !) j’ai quémandé une place dans le coffre. « Non » m’a répondu Didier, le coffre sera plein de cartons au retour, il n’y aura donc plus de place… Mais dans la voiture, on va se serrer !
Bon, une route coupée nous a fait arriver en retard mais, l’ayant prévenu à l’avance, c’est un Benoît tout sourire qui nous accueille.
Les bouteilles du millésime prévues sont parfaitement alignées, la cave est un peu fraîche mais l’humeur joyeuse !
Le rythme de la dégustation sera soutenu mais n’empêchera pas Benoît de répondre à mes nombreuses questions, toujours avec précision et argumentation.
Le domaine possède 26 ha de vignes, répartis sur 16 appellations différentes, les quatre niveaux de la hiérarchie chablisienne étant représentés. Les élevages sont mesurés, jamais totalement en fûts, encore moins en fûts neufs, adaptés à la cuvée et à son service.
Juste un mot sur le millésime 2019 qui a vu une récolte réduite de 50 pour plusieurs raisons, la principale étant « qu’il est difficile de courir deux marathons à la suite, et 2008 avait été un marathon pour la vigne qui avait vraiment beaucoup donné ». Et il y a eu aussi la sécheresse qui n’a pas arrangé les choses.
Quelle est la caractéristique du millésime 2018 ? « C’est un millésime chaud, et si on veut rester dans les millésimes récents, qui peut se comparer en partie à 2015 et 2009. Tous ces millésimes bien mûrs se montrent plus ou moins avenants, plutôt plus que moins, lorsqu’ils sont très jeunes, sur le fruit. Puis ils peuvent paraître manquer d’acidité et c’est le cas actuellement des 2015. Mais ils vont se retendre, comme certains 2009 commencent à le faire. J’ai juste une interrogation avec le 2006 qui était également solaire mais avec en plus des conditions particulières lors des vendanges. Il n’est donc toujours pas retendu et je me demande s’il le sera un jour… ».
Les 2018 et la joyeuse compagnie
Assez parlé, ouvrons le bal des 2018 !
Petit Chablis – 2018
Elevage en cuve.
Ce vin fruité et floral, à la bouche friande, est une vraie gourmandise !
Ce style peu classique vient du terroir portlandien qui donne des vins plus ronds et fruités.
Bien +(+)
Chablis – 2018
Elevage en cuve.
On est sur le kimméridgien, un terroir beaucoup plus frais, et cela se sent tout de suite au nez : coquille d’huitre ! La minéralité est bien présente également en bouche, avec beaucoup de dynamisme mais aussi une matière pleine.
Très Bien
Chablis Premier Cru – Vosgros – 2018
J’ai appris plein de choses lors de cette dégustation, et même que l’on prononce « Vossgros » !
Elevage en cuve.
Un vin qui combine minéralité et ampleur, avec une belle finale saline. Tout ce que j’aime à Chablis !
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Vaillons – 2018
Elevage de 25 % en fûts, eux-mêmes de différents âges. Cette utilisation de fûts de différents âges sera une constante pour tous les vins suivants.
Une cuvée sur la finesse, au fruité pur et éclatant qui le rend très gourmand
Très Bien (+)
Chablis Premier Cru – Montmains – 2018
Un terroir au sol plus profond.
Elevage de 40 % en fûts.
Ce Chablis fait très « Beaunois » par ses arômes de noisette et de fin grillé. La bouche est confortable et riche, empreinte d’une minéralité qui ressort parfaitement pour élancer la finale.
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Mont de Milieu – 2018
Vieilles vignes d’un peu plus de 55 ans.
Elevage de 25 % en fûts.
Avec son nez opulent de fruits jaunes et blancs et sa bouche solaire qui ne manque pas d’énergie, ce vin est le « Condrieu » du Chablisien.
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Fourchaume – 2018
Terroir dense.
Elevage de 50 % en fûts.
Le nez axé sur la minéralité laisse place à une bouche puissante, très beaunoise, notamment par son élevage que l’on ressent sans qu’il ne domine la belle matière.
Très Bien (+)
Ce boisé un peu plus prégnant nous fait discourir sur le goût américain et donc sur l’export. Benoît nous raconte que les américains lui avaient autrefois demandé une cuvée 100 % fûts, dont des fûts neufs, pour le Chablis Villages, ce qui lui avait fait faire une cuvée spéciale, mais qu’il en sont revenus et importent maintenant la cuvée « normale » ! Quant à l’export c’est facile à retenir : 65 % de la production, dans 65 pays ! Je n’ai pas eu le temps de faire de tête la multiplication des 65 pays par les 16 cuvées…
Chablis Premier Cru – Vaulorent – 2018
Ce cru est administrativement rattaché au Fourchaume mais il a aussi le droit d’apparaître sous son propre nom et Benoît Droin ne s’en prive pas car les caractéristiques sont très différentes, pour ne pas dire à l’opposé !
Elevage de 25 % en fûts.
Le nez superbe ne peut renier son origine chablisienne avec des arômes de silex, de fumé et de coquille d’huitre.
La bouche est superlative, d’une trame minérale, droite et longue, jusqu’à la finale d’une salinité classieuse.
Très Bien ++
Chablis Premier Cru – Montée de Tonnerre – 2018
Terroir d’argiles ocres et bleues.
Elevage de 25 % en fûts.
Le nez allie fruits blancs, fumé et notes minérales.
On peut qualifier la bouche de sphérique tant son volume est XXL, mais sa superbe tension l’équilibre magnifiquement.
Très Bien ++
Avant de passer aux grands crus, quels sont les millésimes les plus récents qui peuvent se boire actuellement ? Benoît profite pour rappeler « qu’il n’y a pas de mauvais millésimes mais des mauvais moments pour les boire ».
2010 et 2011 commencent à se boire bien, ainsi que 2013 qui n’a jamais été fermé.
2012 est à attendre et 2014 sera à attendre encore plus longtemps.
Chablis Grand Cru – Vaudésir – 2018
Elevage de 40 % en fûts.
Le nez est aérien et raffiné, sur une aromatique florale et d’une délicate minéralité.
La matière en bouche est irréprochable par sa chair au fruité concentré et ses accents minéraux de bon aloi. Mais malgré ces caractéristiques affirmées, le vin est d’une grande gourmandise et s’offre à notre plaisir.
Très Bien ++
Chablis Grand Cru – Valmur – 2018
Ce terroir se situe dans une vallée plus froide (comprendre : en raison des vents qui y soufflent car plus large que les autres).
Elevage de 50 % en fûts.
Le nez combine une expression fruitée et des notes typiquement chablisiennes.
La bouche est empreinte d’une austérité toute cistercienne et dégage en même temps une impression de puissance et de densité. La longue finale saline est un autre gage de grand terroir et de bel avenir.
Très Bien ++ / Excellent
Chablis Grand Cru – Grenouille – 2018
Il s’agit de la vigne la plus vieille du domaine (1947 !), sur un terroir de marnes blanches.
Elevage de 50 % en fûts.
Le fruité au nez est étincelant et paraît presque provenir de raisins en surmaturité. Il est tinté de fines notes grillées.
La bouche est très confortable, ample, enrobée d’une fine pellicule de gras, et se montre très engageante, presque luxuriante, sans manquer de vivacité.
Très Bien ++ mais moins mon style.
Chablis Grand Cru – Les Clos – 2018
Le terroir est proche de celui du Montée de Tonnerre, à moins que ce soit l’inverse.
Elevage de 50 % en fûts.
Le nez n’est pas complètement ouvert mais plutôt classieux.
La bouche est dotée d’une grande fraîcheur minérale qui dynamise une très belle matière. Ce vin très distingué ira loin, c’est sûr.
Très Bien ++
En conclusion sur ce magnifique et large échantillon des 2018, on peut confirmer ce qui a déjà été écrit par Paul et Tuuka : c’est certes un millésime riche, ce qui se ressent encore plus sur certains terroirs, mais aucun vin n’est en déficit d’acidité. C’est la première fois que j’ai l’occasion de déguster la gamme d’un vigneron de Chablis et j’ai adoré constater les différences entre les vins, chaque cuvée étant représentative de son terroir.
Benoît nous demande alors si l’on veut déguster un millésime en particulier.
Didier propose de vérifier que 2011 peut déjà bien se goûter, Cédric, grand taquin, souhaite un 2006 pour vérifier que ce n’est toujours pas retendu, et moi, très hédoniste, je propose le millésime 2002.
Chablis – 2011
Une certaine réduction va nécessiter une aération énergique mais comme nous allons revenir sur ces trois vins plus anciens, le deuxième passage confirmera ce diagnostic.
L’intensité est belle et l’aromatique se déplace vers la croute de fromage et les champignons, avec même des notes de truffe très intéressantes.
Le profil de la bouche est droit, avec une rectitude procurée par une grande tension crayeuse qui propulse le vin loin en longueur.
Très Bien +
Chablis Premier Cru – Montmains – 2006
La première bouteille est malheureusement oxydée, avec de manière étonnante des aromatiques différentes au nez (pomme) et en bouche (noix) mais toutes les deux conduisant à la même conclusion.
Une discussion démarre alors sur les bouchons et Benoît Droin nous explique qu’au-delà des bouchons défectueux, la variabilité d’un bouchon à l’autre peut tout à fait expliquer des différences de sensation d’une bouteille à l’autre. C’est pourquoi il est passé aux bouchons Diam sur toutes ses cuvées à partir du millésime 2011, pour assurer une parfaite homogénéité.
Le nez intense offre des senteurs pierreuses, iodées et grillées.
La bouche est effectivement riche et j’ai même ressenti des notes fugaces de caramel mais je n’ai pas été gêné par un manque d’acidité, d’autant que la belle finale saline fait saliver de façon remarquable.
Très Bien +
Chablis Grand Cru – Valmur – 2002
Je ne sais pas si Benoît avait remarqué que cette cuvée avait été ma préférée sur les 2018…
Le nez très intense se montre irrésistible par ses arômes de truffe prégnants, mais la complexité est bien là, avec de la brioche, de la croûte de fromage et du sous-bois.
La bouche ? Elle est énorme, énorme par son ampleur et sa densité, par sa sapidité classieuse et multiple mais qui paraît encore bien jeune, par sa tension magnifique et sa persistance incroyable !
Sans doute un des plus beaux Chablis qu’il m’ait été donné de goûter.
Excellent +
Nous ne partons pas sans un
petit grand cadeau. Comme lors de la discussion sur les bouchons j’avais eu l’occasion de parler d’une petite déception sur un Clos 2008 bu ensemble récemment, Benoît avait dit que cela pouvait provenir d’un bouchon pas tout à fait au bon niveau. Et du coup il nous a offert une bouteille de Clos 08 pour que l’on vérifie son hypothèse !
Je terminerai par un énorme merci à Benoît Droin, pour son talent dont il nous fait profiter au travers de ses vins et sa générosité pour le temps passé pour la dégustation et les échanges avec nous.
Jean-Loup