Alors que Vinexpo battait son plein , nous nous retrouvons à 6 à près de deux heures de route pour vivre une expérience inoubliable. L'histoire veut que ce petit évènement dans nos vies respectives est le fruit du hasard 4 ans plus tôt où l'un d'entre nous, Fabien pour ne pas le mentionner, déjeune dans un hotel resto qui ne paie pas de mine mais dont la carte recelle quelques trésors, dont des vins de la DRC à des prix indécemment bas. Il se trouve que ces vins sont du millésime 70, son année de naissance. Il ne se résout pas à goûter ces bouteilles tout seul mais entreprend de revenir bien entouré. Aléas de la vie, quelques 4 ans passent avant que l'opportunité de revenir dans cet endroit (dont on m'a demandé de préserver la confidentialité) se présente.
Ce mardi, nous avons donc eu l'occasion de boire les bouteilles suivantes et dans cet ordre (seuls les vins de la DRC seront commentés ici):
- Bollinger RD 70
- Echezeaux DRC 70
- Chambertin Clos de Beze Drouhin 71
- La Tâche et Richebourg DRC 70 (il n'y a pas eu de consensus entre les convives sur l’ordre de passage, les vins ont été bus côte à côte)
- Mouton Baronne Philippe (Pauillac) 1986
Tous les vins de la DRC ont été ouverts 1 heure avant le repas.
Echezeaux DRC 70: cette bouteille nous inquiète, tant le niveau est bas. La robe montre clairement des signes d'évolution, elle tire sur le marron. Le nez est une véritable symphonie, intense, épicée, sur la cerise cuite, les champignons, le café. Ce qui impressionne, outre la complexité, c'est la douceur de ce nez. Cette douceur se matérialise en bouche, avec un côté soyeux incroyable, sans aucune aspérité. La longueur n'est pas hors norme, mais la trace du vin en bouche est sublime.
L'entrée en matière donne le ton du couple qui suit
La Tâche DRC 70: le niveau est superbe. Cette bouteille se caractérise par une sensibilité folle, avec un côté fruit frais remarquable, de la pivoine, des épices et aussi un côté sanguin. La bouche est très jeune, d'une fraîcheur étonnante, fruitée, elle fait littéralement saliver. En relisant mes notes, je relis "vin qui déroule, vin évident", "enivrant". C'est une idée de la perfection féminine.
Richebourg DRC 70 : là aussi, le niveau est très beau. Si La Tâche est une idée de la perfection féminine, Richebourg est une idée de la perfection masculine. L'un d'entre nous le qualifiera de décathlonien. Ce qualificatif lui va très bien. Il y a dans ce vin une virilité et une puissance évidentes de par ses arômes de terre et de sang. Il est d'une jeunesse insolente, en pleine possession de ses moyens, et ce, pour longtemps. Il est presque trop jeune.
A la fin du repas, nous parlons avec la maîtresse de maison qui s'enquiert de notre satisfaction. Elle est indescriptible. Au cours de la conversation, je lui demande s'il reste beaucoup de vins de la DRC en cave, elle me répond qu'il n'en reste qu'une seule, un autre Richebourg 70. Me vient alors une idée folle; je demande s'il est possible de préparer des assiettes de charcuterie pour le lendemain matin pour accompagner cette bouteille alors orpheline. La maîtresse de maison, avec un sourire qui trahit le plaisir de faire plaisir, accepte avec joie.
Le hic, c'est que nous avons rendez vous à Pomerol le lendemain à 9 heures et qu'il y a quasiment 1 heure 30 de route. Rendez vous est pris pour 3 d'entre nous à 6 heures du matin (et quelques) pour ce petit déjeuner atypique qui restera gravé à jamais dans nos mémoires.
Richebourg DRC 70 : le niveau de la bouteille est moins bon que la bouteille de la veille, il joue alors sur un registre différent. la robe est clairement évoluée, tirant sur le marron, dans des tons similaires à l'Echezeaux. Le nez est aussi clairement sur des arômes tertiaires, les épices, le fumé, les champignons. Le fruit est très peu (pas) présent. Les sensations tactiles sont également différentes, on est plus dans le registre de la sensualité que de la virilité.
Nous prenons ensuite la route le coeur léger, des souvenirs plein la tête, et l'incroyable sensation d'avoir vécu un moment unique.