Régis et Jacques Marcon
Balade en forêt entre Velay et Vivarais
Depuis que mon Santa est parti exiler ses énergiques talents au pays du saucisson à cuire et du pot de gamay, nous avions le secret projet de nous monter une petite expédition automnale au royaume où les champignons sont dignement fêtés et apprêtés, du côte de Saint Bonnet le Froid.
On a mis le temps mais enfin, ça y est, notre quatre agendas ont été fermement noircis d'une case non négociable, les estomacs ont été mis à l'entrainement et les feux anti brouillards vérifiés avant le grand départ.
Car faut pas croire, c'est que l'endroit porte bien son nom et qu'il faut un sacré talent pour construire une réputation mondiale quand la première sortie d'autoroute se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres et que le premier touriste à poindre son nez ne passe pas là par hasard.
C'est donc après un safari aussi tortueux que bucolique dans les confins de la Haute Loire, un monde où le GPS a encore ses limites que nous arrivons en aveugle car sous une purée de poix à couper au couteau au restaurant de Régis Marcon.
En piste pour un grand moment !
La pomme de pin à cueillir, les champignons à ramasser, autour de la lentille verte du Puy
Fenouil et pomme, parfait de foie de truite, tête de veau
Autour de la Saint Jacques
Bouchées de moules de Bouchot à la cistre,
craterelles et beurre mousseux façon « marinière »
Maison Trimbach, Clos Ste Hune, 2000
Oliv
Robe nettement dorée.
Premier nez assez discret mais que l'aération et le réchauffement dans le verre vont libérer pour livrer un superbe équilibre, quand les notes terpéniques répondent parfaitement au fruit et le minéral se love dans l'agrume et l'exotique dans un ensemble à la fois généreux et franc.
Bouche puissante, sur une concentration parfaitement maitrisée et qui répond remarquablement aux plats, offrant une complexité de goûts très en phase avec le nez et à laquelle il ne manque à mon goût qu'un petit quelque chose de tonus en plus pour virer au splendide. Le vin joue en effet plus sur sa puissance sèche et sa superbe persistance en finale, sur une amertume brillante plus que sur son allant.
Un vrai vin de texture ! Excellent !
Marc
Aromatique proposant une superbe combinaison d'arômes "terpéniques" frais d'agrumes, de végétal/floral et leur pendant plus sucré, confit. Le nez changera tout au long du repas mettant en avant l'un ou l'autre.
Bouche dense, riche avec une texture presque huileuse bien équilibrée par une acidité qui garde le vin sur la route. Persistance éblouissante sur des amers de peau d'agrumes, passant comme un voile de fraîcheur.
Un vin magnifique, que seule sa sensibilité à la température de service (nette sensation de bouche moins alerte au réchauffement) met en défaut.
Carottes de Gambonnet « Sparassis crispa »
pied de mouton, bouillon à la mélisse.
Filet de sandre étuvé tout doucement à l’agastache,
une tombée de girolles.
Le thé de champignons parfumé à la feuille de tanaisie,
farinade forestière.
Le filet de colvert en croûte de praliné de cèpes,
brochette de céleri et coings aux lactaires délicieux.
Domaine de la Romanée Conti, Grands Echezeaux, 1999
Oliv
Robe délicate et légèrement tuilée, sur un rubis qui tire sur l'orangé.
Nez... absolument extraordinaire et ce depuis son ouverture jusqu'à la dernière goutte plusieurs heures plus tard et même sur le verre vide. Émanent du verre des senteurs inouïes de complexité et de pureté, de ces bouquets qui confinent au parfum, quand les notes chaudes et balsamiques de fumée et d'épices légères répondent à un fruit d'une absolue pureté, le tout mobilisé par un végétal mentholé. Aucun doute pour moi, il y a le génie du pinot en vendange entière dans mon verre ! J'ai bien dû y revenir 50 fois et toujours avec le même choc et plaisir.
C'est presque avec angoisse que j'approche mes lèvres des parois du verre en priant intérieurement pour que la bouche soit au niveau de ce nez monumental.
Et... elle l'est ! Donc là, plus de doute pour moi, c'est un vin du DRC !
Les mots sont ternes et creux pour exprimer le plaisir et l'émotion ressenties face à ce bijou de finesse et de complexité.
Dès l'attaque se pose sur la langue un jus d'une douceur et d'une délicatesse géniales, quand une texture de taffetas s'enroule dans une structure élancée et droite d'un équilibre parfait. Le vin est à la fois aérien et d'une densité sans poids digne des plus belles cathédrales gothiques. Sa complexité de goûts est le calque sur le palais du génie du nez, sublime.
La finale est à la fois intense et gourmande, profonde et sur des tanins de soie qui caressent le palais.
Un vin qui arrête le temps dans un instant d'émotion esthétique comme on rêve tous d'en vivre un jour.
Extraordinaire !
Marc, pour la générosité dingue d'ouvrir une bouteille si rare dans un moment pareil comme pour m'avoir permis de la goûter librement en aveugle, à l'identique de tous les vins que nous ouvrons depuis toujours, petits et grands, un infini respect et mon immense gratitude.
Marc
Aromatique envoûtante sur des notes florales et épicées ainsi qu'un fruit présent en arrière plan. C'est à la fois intense et très distingué et d'une netteté sans faille qui ne faiblira à aucun moment.
Bouche de rêve, enveloppante, caressante, mariant assurance et délicatesse. Le toucher est extraordinaire de soyeux. Très longue persistance.
Quel bonheur ! Un grand vin assurément !
Les fromages d’Ardèche et d’Auvergne affinés par nos soins.
Mignardises, pour que la fête continue
Feuillets croustillants à l’amande, compotée de poire « william » au caramel de morilles.
Griottines
Les petits bouchons à droite, ça a l'air de madeleines ou de financiers, hein ?
Ben non, c'est juste le sucre pour le café...
Z'auriez vu ma tête quand j'ai croqué dedans......
Les autres vins du week end
Domaine Prieuré Roch, Coteaux Bourguignons rouge, 2015
Oliv
Robe claire, légèrement trouble et sur une évolution orangée certaine.
Superbe nez de pinot, délicat et fin, où les notes florales répondent aux petits fruits rouges et à un ensemble mentholé du plus bel effet.
Bouche infusée, plutôt froide d'expression par sa trame acide effilée mais bien compensée par une matière sans creux et à la fraîcheur sans faiblesse.
Seule la légèreté et la longueur de la finale, nette et sur des tanins presque imperceptible mais pas interminable limitent les superlatifs ou les gros pronostics sur la Côte de Nuits.
Mais des bouteilles de ce niveau, séchée sans se poser de question, j'en fais mon fond de cave sans ciller !
Très bien.
Marc
Aromatique fumée et épicée avec également du fruit rouge bien mûr. C'est frais, très agréable.
Bouche droite construite sur un équilibre frais auquel on ne s'attend pas vu le millésime.
Bonne persistance avec des sensations fraîches et fruitées qui invite à se resservir.
Très bon !
Domaine des Comtes Lafon, Volnay Santenots du Milieu 1er cru, 2007
Oliv
Belle robe grenat violet profonde et sans évolution.
Nez très moche le premier jour, où des notes beurrées écrasent un fruit pourtant présent. Le lendemain, c'est littéralement le caramel au lait qu'on a versé dans le verre et qui rend l'envie d'y tremper les lèvres inversement proportionnelle à celle de partir en courant...
On s'y tente mais rien à faire, si la matière première est d'une évidente qualité de texture, avec des tanins de compétition, et d'extraction avec un beau déroulé, il nous est impossible à tous les 4 de dépasser cette aromatique vulgaire d'élevage dominant et qui écrase littéralement le vin, en tout cas l'envie de le boire.
A revoir car une bizarrerie comparée aux précédentes bouteilles décrites par Marc dans cette rubrique.
De djiou, c'est quand même pas simple le vin...
Marc
Aromatique de yaourt à la fraise virant au toplexil lendemain. B
elle qualité de texture et de densité qui ne bougera pas sur plusieurs jours. Dommage que cette aromatique écoeurante rende le vin imbuvable au point qu'il finira à l'évier.
Du beau gâchis et bien loin du niveau de la précédente bouteille bue il y a quelques mois.
Domaine Benoit Dorsaz, Syrah de Fully, Quintessence, 2010
Oliv
Bouchon pas très long mais en parfait état.
Robe violette assez sombre sans tirer sur le noir pour autant, sans aucune trace d'évolution.
Est-ce de passer après le carambar liquide ressenti sur le Lafon mais merdum, je lui trouve encore une note beurrée peu avenante et qui fait perdre son naturel à un ensemble encore primaire nettement syrah, sur les fruits noirs, le poivre et un végétal assez présent.
La bouche est bien dotée mais un peu brouillonne, sur une acidité pointue agréable mais pas très bien intégrée à une matière d'intensité moyenne.
Le vin déroule ses goûts fruités poivrés jusque dans une finale un peu ferme et austère, toujours marquée par des notes beurrées.
Pas beaucoup de plaisir en l'état, même le lendemain.
A attendre pour essayer de garder en harmonie.
Marc
Aromatique très marquée par l'élevage mais le poivre et le fruit omniprésents permettent de "faire avec".
Belle matière dynamique avec un joli grain de tannins. Comme au nez, on sent un élevage bien présent qui perturbe l'ensemble.
Un vin bien construit mais à l'élevage trop présent pour être satisfaisant.
Domaine François Mossu, Château Chalon, 2011
Oliv
Robe très claire, sur un jaune paille léger.
Nez immédiat et très puissant, même pas besoin de s'approcher du verre pour ressentir des aromes complexes et généreux de tarte à la noix de pécan, de pomme reinette, avec comme un côté légèrement sucré qui donne une impression chaude et de confort et ce d'autant mieux qu'aucune vapeur d'alcool n'émane du verre.
La bouche est absolument délicieuse, présentant un équilibre remarquable et moins tempétueux que la puissance du nez ne pouvait le laisser attendre, sur une matière franche parfaitement mobilisée par une acidité vertébrale très bien intégrée. Le vin déroule une aromatique généreuse, sur un côté pâtissier et fruité qui répond délicieusement bien aux notes oxydatives parfaitement maîtrisées.
La finale est redoutable de buvabilité et persistance, appelant à se resservir avec aisance malgré son indéniable vinosité.
Une superbe bouteille, déjà accessible et une vraie leçon de maîtrise et d'équilibre, conciliant la puissance aromatique des vins d'Arbois avec la fraîcheur et délicatesse des Chalon !
Bravo au domaine et une preuve de plus pour moi qu'il n'est en aucun cas impératif d'attendre des décennies pour grimper aux rideaux sur un clavelin !
Marc
Aromatique simple mais efficace de jaune. C'est intense sans basculer dans l'alcool a brûler.
Bouche éclatante à réveiller un mort, avec une combinaison incroyable de puissance, d'intensité et de fraîcheur. Absolument aucune sensation d'alcool ou de saturation. Persistance maousse sur la noix fraîche.
J'adore, complètement addictif sur les fromages !
Domaine Laurent Tribut, Chablis 1er cru Beauroy, 2014
Oliv
Bouchon impeccable.
Robe toute claire, juste teintée d'un jaune paille très léger.
Nez discret et fin à l'ouverture, tout en pureté citronnée puis qui va s'ouvrir au réchauffement sur de superbes notes de praliné et de noisette torréfiées.
Bouche délicieusement désoiffante par sa trame acide parfaitement intégrée à une belle matière déliée et franche, avec une capacité de relance certaine qui porte la finale vers des horizons de persistance plus que respectables.
Beaucoup de plaisir pour ce vin à la fois classe et gourmande.
Délicieux !
Marc
Premier nez citronné, l’aération apportant des notes de noisettes fraîches puis torréfiées très nettes. Bouche très agréable avec de la matière, bâtie sur un équilibre frais. Belle finale expressive, nette et fraîche.
Très bon, parfait pour les amateurs de Chablis 2014 !
Azienda Agricola Falletto di Bruno Giacosa, Barbareco Riserva, Asili, 1996
Oliv
Bouchon d'une impressionnante perfection, juste taché sur le miroir.
Robe à la fois évoluée mais dotée également d'une certaine profondeur, rouille oeil de perdrix sur l'extérieur du disque mais encore grenat bordeaux à cœur.
Sans remuage, le nez est assez masculin et presque giboyeux, entre des notes sanguines et un côté maritime, sur la créosote. Mais à la première rotation dans le verre, le vin semble se complexifier, s'affiner, libérant des notes d'olive verte, de poivre qui m'orienteront sur une vieille syrah et puis enfin un côté épices douces fruitées véritablement délicieux.
Le premier coup de langue signe qu'il y a là un très beau client, le vin offrant un ensemble à la fois généreux par un jus doux et plein, presque glycériné et un côté traçant et plein de relance qui évite tout effet de lourdeur.
Il y a d'évidence du soleil dans mon verre mais la fraîcheur n'en sort en aucun cas sacrifiée.
La qualité des tanins est de toute grande classe et la complexité comme la persistance aromatique sur la finale sont superbes !
Au moment où les mots Rhône Nord 1998 sortent de ma bouche, quelque chose, un retour de floral sur le pot pourri, la fleur séchée me fait douter qu'on serait bien ailleurs.
C'est pas un Rhône ? Alors Piémont ! Et crac, il m'a refait le coup...
Une superbe bouteille, moins exceptionnelle toutefois que
l'extraordinaire et orgasmique 2000
bu déjà grâce à Marc.
Marc
Nez évolué sur les épices, le cuir, l'ensemble est sérieux et paraît sur la retenue. Bouche volumineuse en attaque mais l'acidite assez haute lui donne un caractère longiligne, de l'élégance. Les tannins sont accrocheurs mais d'un grain fin. Très bonne longueur.
Très bon, surtout en comparaison du Lafon et du Dorsaz regoûtés à cette occasion, mais en deçà des espoirs placés en lui.
De grands moments de table et de vin, parfois même en simultané, je commence à en avoir vécu quelques uns.
Et c'est peu de dire que celui-là a déjà rejoint mon panthéon personnel, de ces instants rares gravés dans ma mémoire, quand le plaisir hédoniste tutoie l'émotion et qu'on a le privilège de partager ces moments avec ceux qu'on aime.
Annick, Marc, pour avoir permis ce week end merveilleux, tout simplement mais du fond du coeur, merci.
Chez vous aussi, les amis, c'est la vie !
Un jour, j'espère, j'aurai ma revanche...
A très vite,
Oliv