La différence fondamentale entre 6 mois de concubinage légal conclu par un certificat officiel de vie commune et une défaite dans « La Solitaire » du Figaro lors de l’étape Deauville-île de Wight, c’est qu’il est difficile dans le premier cas de dire : « mais j’ai eu un vent défavorable de sud-ouest après la bouée du Cormoran Boiteux et un courant de renverse en vue du phare du Gardien Consanguin ! ». C’est aujourd’hui qu’avec ma concubine nous fêtons nos six mois de vie commune, les noces de fayots. Ma concubine m’avait dit il y a quelques jours : « plutôt que de m’offrir un paquet de mogettes IGP de Vendée, invite-moi à petit-déjeuner à Kervarech-les-Bouseux ».
Le jour venu, nous voilà dans la Skoda, nous arrivons à l’hôtel des Vasières, dans la zone industrielle de la Marée Verte. Au moment du petit-déjeuner, je descends seul au bar pour regarder la carte des vins et choisir celui du petit-déjeuner. On me propose un petit Jaune pas trop tassé comme j’aime au réveil, et j’ai envie de choisir dans l’impressionnante carte des vins. A peine ai-je lu la première ligne de la carte que je choisis. Ce sera un mousseux Blanc Foussy « Ice » 2016, une folie. Commençant alors la lecture de la bonne quinzaine de lignes de la carte des mousseux et roteuses, je regrette presque d’avoir choisi si tôt car il y a dans ces lignes des merveilles à des prix très doux (3,99 euro le Blanc Foussy BSA d’entrée de gamme !!). Mais le mousseux que j’ai choisi m’avait suffisamment impressionné dans ce millésime précoce pour que je garde ce choix.
Je poursuis la lecture de la carte des vins, bières et alcools frelatés, pour choisir le breuvage du petit-déjeuner. L’idée que j’avais en tête est de choisir soit un vin de la cave coopérative des chimistes du mont Vomichberg, soit un vin de la coopérative de la Bastide des Francs Buveurs du Tarn. Ne trouvant rien qui puisse satisfaire mon envie d’honorer ces nobles établissements, je lis la carte des vins, bières et alcools frelatés une nouvelle fois. Les Bordeaux ont souvent des prix dissuasifs et dans les autres régions, les bonnes pioches, pardon les bonnes pelleteuses parce que le travail est mécanisé, sont nombreuses. Puis, je me dis que je n’aurai sans doute jamais l’occasion de célébrer une autre fois 6 mois de concubinage légal avec Fernande, qu’il s’agit d’un moment unique dans ma vie et que rien ne me fera plus plaisir que de choisir… un baron de Lestac 2009 et demi. J’en informe Philou Jamaissesanstirebouchon, le gérant de l’épicerie de la station essence, en lui indiquant que j’ouvrirai moi-même la bouteille au début du petit-déjeuner, pour suivre mieux l’éclosion de ce vin. Pour ce vin, Philou accepte ce scénario.
L’information de mon choix se propage à la vitesse d’une maladie vénérienne dans un camp scout, aussi lorsque je vais saluer Phiphi Cent, le chef du restaurant en passant devant sa cuisine pour aller aux toilettes, il est déjà au courant. Je lui demande des plats très doux pour ce petit-déjeuner. Mon choix sera une choucroute de la mer parce qu’avec un Bordeaux rouge, c’est un choix d’esthète en vogue à la capitale.
Je reviens au bar et constate que suis à marée basse sur le petit Jaune. Je décide d’ouvrir le mousseux Blanc Foussy « Ice » 2016. La couleur est belle, bien chimique comme on aime, avec de jolis reflets verdâtres. Le nez est d’une grande déviance, sur des arômes de pneu et mis en valeur par les chopes dessinées par Philou Jamaissesanstirebouchon,
les meilleures chopes à mousseux du monde
. Le mousseux est entré dans sa phase de retour : il ressort par le nez mais en bulles fines ! J’allume une clope et il a comme une note de fumé. Le mousseux est fort, vineux, il tourne bien la tête. C’est un vin devant lequel on s’incline : par moment je pense à de la porcelaine, une lunette, un jet d’eau. Ma bourgeoise arrive et on lui apporte de magnifiques cacahouètes dans un bol en plastique bleu électrique avec écrit « Porcheries bretonnes réunies » en lettres marrons sur le coté.
Nous passons à table pour le petit-déjeuner. Ma concubine commande : des rillettes et un croissant, puis des pieds de porc en gelée.
Mon menu sera : de la rate de vache en entrée et une choucroute de la mer. J’ouvre le Baron de Lestac 2009 et demi et un parfum délicieux de kérosène consumé inonde mes narines.
Philou Jamaissesanstirebouchon m’a proposé 2 bols dont un qui est idéal pour goûter ce vin. La rate de vache pourrait aller avec le reste de mousseux, mais elle est tellement fondante que j’ai envie de la goûter avec le Baron de Lestac et cela marche. L’amertune de pourri de la rate de vache répond au vin de baronnie. C’est évidemment sur la choucroute de la mer et les pieds de porc en gelée que je vais profiter de ce grand vin. Les fruits rouges moisis dominent et je ne ressens ni tanins, ni raisins, ni travail du sol, ni minéralité. Le vin est joyeux comme un pochtron d’un quai de métro qui trouve un larfeuille avec 5 euro, très massif puisqu’il impose comme un glacis anesthésiant sur tout le trajet du tube digestif. C’est un vin encore jeune que ce 2009 et demi, assemblage de 2 (ou plus) millésimes : le solaire 2009 qui lui apporte cette charpente en béton armée et 2010 cette subtilité de tourbière. Je suis au bord de la syncope et la choucroute de la mer tire du vin des notes d’herbes moisies du plus bel effet.
Ma concubine ne boit plus : elle vomit. Mes lèvres rouges et mes dents carmins lui font plaisir entre deux spasmes. Nous n’avions pas commandé de pousse-café mais arrive un tonnelet d’alcool de châtaigne et une coupe colonel surmontée d’une bougie chancelante. La gentillesse du chef adjoint, Tamouls sans papier, est à signaler.
Dans ce superbe Hôtel des Vasières remarquablement tenu (on nous a changé de chambre suite à notre remarque sur les cafards et les punaises de lit, c’est à noter !), sur une cuisine de petit-déjeuner de haut niveau, nous avons dignement fêté cet événement majeur de notre vie. Il sera fêté à nouveau, avec Riton et Jeannot, lors d’un barbecue-cubi dès samedi prochain…
"Peace, Love, & joli vin..."
Leica