Le XV de Gérard régale les visiteurs
Soirée de gala chez Gérard. Une soirée aussi rare que les samedis 29 février.
Une des soirées du siècle diront nous pour parler à la bordelaise.
Ma femme n'a pu nous accompagner et j'y vais avec Gaétan et sa femme.
En plus de la famille de Gérard, il y aura également deux autres de ses amis qui travaillent dans les métiers de bouche.
L'un d'eux se chargera d'ailleurs d'apporter la charcuterie. Deux amateurs de vin qui ont déjà bu des étiquettes prestigieuses.
Il y en a un qui nous dira avoir beaucoup de Haut-Brion blanc et il regrettera de ne pas en avoir apporté une quand je lui ai dit que je connais très mal les Bordeaux blancs.
Une autre fois peut-être.
Nous arrivons un peu avant les autres invités et Gérard me tend aussitôt un verre d'un air un peu inquiet.
-Qu'est-ce que tu en penses ?
Le vin m'évoque un muscat de Rivesaltes même si ça doit faire une éternité que je n'en ai plus bu.
Ce n'est pas oxydé ni bouchonné, c'est plat. c'est ni bon ni mauvais.
Quand Gérard nous montre la bouteille, je me dis que c'est un peu comme si Serge Blanco remettait le maillot tricolore.
Ce fût grand mais aujourd'hui ce n'est plus au niveau.
Dommage pour ce Meursault 1992 de chez Coche-Dury
Ce soir il y aura 15 bouteilles et je peux vous garantir que sur le papier, il y a une équipe taillée pour le grand chelem.
Il y aura 6 duels parfaitement orchestrés par notre hôte.
On est parti pour une longue série en commençant par 2 champagnes.
Egly-Ouriet, grand cru brut tradition
C'est mon apport pour accompagner les jambons et terrines de qualités.
Des notes de noisettes, une sensation crayeuse ( autosuggestion peut-être ?), de la minéralité, des fruits, de la longueur ... diablerie mais ce BSA est vraiment excellent !
Tout le monde s'accorde pour dire que nous avons là un champagne haut de gamme.
Le hasard faisant bien les choses, la maison Dubecq lançait à partir du 1er mars une promotion sur cette cuvée.
Nous sommes plusieurs à s'être regroupés pour en prendre plusieurs cartons.
Une découverte et une révélation.
Je n'en avais acheté qu'une bouteille pour voir et bien nous sommes servis !
C'est un essai joliment transformé
Henriot 2008
Gérard reconnait volontiers ne pas être un spécialiste en champagne.
On ne va pas le contredire parce que cette bouteille ne présente pas un grand intérêt.
C'est assez fortement dosé, la bulle est un peu grossière et le vin ne procure pas vraiment de plaisir.
L'effet séquence est bien entendu redoutable pour ce Champagne "passe-partout" qui n'est pas mauvais mais que plusieurs convives botteront en touche.
Il était toutefois judicieux de placer des bulles sur la charcuterie.
On continue avec 2 duels de blancs tous issus de la cave de Gérard, on rince les verres et on se concentre parce que ça va jouer vite, haut et très fort.
Domaine Leflaive, Puligny-Montrachet 1er cru "Les Pucelles" 2002
Une robe jaune foncée et un nez assez discret.
Un chardonnay qui fait déjà bien évolué sans trace d'oxydation.
C'est plaisant mais ça ne me procure pas d'émotions particulières.
La finale est honorable mais j'ai envie de dire que c'est simplement bon.
Pour poursuivre ma métaphore, je dirais que c'est un pilier à l'ancienne.
C'est solide mais ça manque un peu de nerf.
Domaine Coche-Dury, Puligny-Montrachet "les Enseignères" 2002
Là c'est évident comme un essai de Philippe Sella
En moins de 3 secondes je dis que c'est un coche
Un nez de céréales grillées, des fruits jaunes, un peu de minéralité.
La bouche est équilibrée avec une acidité parfaite qui donne de l'allonge à ce vin qui n'est pas dépourvu d'amplitude.
Aucune note pâtissière, beurrée ou briochée.
Gaétan me fait remarquer que ça ne fait pas trop Meursault ( On est encore à l'aveugle)
j'imagine un beau 1er cru mais lequel ?
Caillerets dans mon imaginaire donnerait peut-être un vin comme ça.
A la levée de la chaussette je me dis que c'est vrai que ce vin fait très Puligny ( J'aurais pu être un disciple de François Audouze

)
Une chose est certaine, c'est que le village de chez Coche a plaqué le 1er cru de chez Leflaive
Domaine Michel Bouzereau, Meursault 1er cru "Perrières" 2008
Le second duel commence très fort avec un vin à la robe moins jaune.
Un nez très minéral avec des belles notes fruitées
Une bouche puissante longue et tonique.
2008 est trouvé assez rapidement, un autre convive pense aux Perrières.
Un vin d'une évidence rare, très lisible et complètement en phase avec ce qu'on pourrait attendre étiquette découverte.
Une valeur sure et je suis bien content désormais d'y passer chaque année.
Un essai transformé de plus.
Domaine Louis Carillon, Bienvenues Bâtard Montrachet 2008
Autant le dire tout de suite, c'est "l'essai du bout du monde"
Un nez d'une incroyable complexité comprenant des notes de céréales grillées qui m'ont induit en erreur.
J'ai d'abord pensé que Gérard nous avait sorti une autre Coche-Dury.
Une bataille dans les Perrières aurait sans doute eu de la gueule également mais non c'est bien une Carillon.
C'est un feu d'artifice aromatique au nez et un plaisir incroyable en bouche.
Le vin est précis, extrêmement ample et d'une longueur infinie.
On touche là à ce qu'il y a de magique dans le vin.
Gérard nous dira que c'est pas loin d'être le meilleur vin blanc qu'il ait bu et qu'il lui sera désormais difficile de nous ouvrir mieux.
S'il fallait classer les vins blancs, le BBM est bien entendu devant. Bouzereau et Coche-dury se tiennent mais mon coeur penche pour celui que je bois moins souvent.
Cette patte JFCD m'émerveille !
Enfin le Leflaive ferme la marche alors qu'au prix domaine c'était probablement le plus cher.
On passe maintenant aux rouges pour la deuxième mi-temps. Il parait que la nouvelle génération de rugbymans français encave beaucoup de rouges par cartons.
Un peu de finesse dans ce monde de brutes, Gérard commence par un duel raffiné
Domaine Jacques Prieur, Musigny 1990
Non mais c'est quoi cet ovni alors qu'on attaque seulement les rouges.
Une pénalité de 70m qui flotte dans l'air, traverse le stade et passe en douceur au milieu des poteaux.
Un nez de pinot ancien avec des roses fanées, un peu de griottes délicatement vieillies.
Une bouche ample et douce. C'est de la dentelle qui s'éternise en bouche.
C'est au niveau d'un grand cru mais c'est les caractéristiques de Vosne ou de Chambolle
Gérard me donne un indice majeur, c'est un grand cru que je n'ai jamais bu.
Je n'imagine pas une Grande rue à ce niveau, un Musigny alors ?
Bingo et bien je ne suis pas déçu
Un très grand vin qui n'usurpe pas son rang
Château Margaux 1997
Bordeaux VS Bourgogne
Le Bordeaux est également en finesse avec un nez prometteur sur le tabac, le cassis et des notes de poivrons
La bouche sera par contre moins enchanteresse avec une petite sensation de sous maturité qui place cette bouteille en retrait par rapport à la précédente.
Attention, ça reste un très bon vin mais il n'a pas la magie du Musigny.
Petite déception à la levée de la chaussette quoi que par rapport au millésime, c'est probablement le meilleur 97 que j'ai bu.
Château Canon la Gaffelière 1998
Des fruits noirs, un nez assez typé rive droite
Mais une bouche un peu austère.
Je ne m'y suis pas trop attardé.
Gérard me confiera par la suite qu'il a bien évolué et fut meilleur le lendemain
Domaine Pierre Damoy, Chambertin 2007
Gaétan et moi devons porter la poisse mais à chaque fois que Gérard nous ouvre une bouteille de ce domaine, elle n'est pas au niveau qu'il a connu sur une précédente.
Un vin là aussi un poil austère sur lequel nous sommes passés assez vite.
Comme pour la précédente, elle a bien gagné 24h plus tard.
Ce duo a surtout pâti de se retrouver au milieu d'une mêlée exceptionnelle et n'a pas pu s'exprimer comme il le ferait avec moins de concurrence.
Parce qu'il reste du lourd à jouer.
Château Montrose 1996
Un nez de médoc absolument parfait.
Boite à cigares, tabac blond, des fruits noirs bien mûrs avec des légères notes torréfiées.
Des tannins soyeux, c'est dense, intense, puissant avec une finale incroyablement longue qui s'étire telle un songe sans fin.
Une petite pensée pour Claudius qui est amoureux de ce millésime. Il a bien raison.
Qu'est-ce que c'est bon quand un Bordeaux est à ce niveau !
Encore un essai transformé par Montrose qui n'est à n'en plus douter une valeur sure de la rive gauche.
Pétrus 1988
Je venais de jouer au sachant en expliquant la différence qu'il y a pour moi entre les vins de la rive gauche et ceux de la rive droite.
La vérification de mon savoir ne se fait pas attendre puisque sur ce dernier rouge, les notes de tabac dominent tellement qu'on s'accorde pour dire que c'est un médoc dont l'assemblage doit être très largement dominé par le cabernet.
En bouche le vin est très puissant. Il m'évoque Mouton ou Margaux 86
Je verrais bien un Lafite ou Latour mais pas sur 96.
Les tannins ne sont pas encore complètement fondus et il y a ce petit je ne sais quoi qui me fait dire que je préfère le Montrose.
Je trouve que la puissance manque un peu d'harmonie.
Gaétan est assez d'accord avec moi. Techniquement il n'y a rien à redire mais ce vin n'a pas atteint la plénitude du précédent.
Il ne doit pas y avoir beaucoup d'autres endroits que sur LPV où l'on boit un Pétrus à l'aveugle.
Je ne remercierai jamais assez Gérard de nous avoir ouvert une telle bouteille mais surtout de nous avoir permis de la découvrir sans aucun à priori.
Pétrus est un vin vraiment particulier que je suis heureux d'avoir pu découvrir mais très objectivement durant cette soirée, j'ai préféré le Musigny et le Montrose.
L'effet millésime ne lui a peut-être pas été favorable non plus.
Domaine Perrot-Minot, Morey St Denis "La rue de Vergy" 2013
C'est une bouteille que Gérard avait ouvert pour ceux qui auraient préféré un rouge léger sur la charcuterie.
Je l'ai goûté à un moment de la soirée et j'en laisse une petite note car LPV est mon livre de souvenirs.
Un nez flatteur sur les griottes gorgées de soleil.
Une bouche délicate et agréable.
Bref un joli pinot qui ferait bien l'affaire pour un repas où il serait seul.
Par contre il se vend au prix de beaucoup de 1ers crus donc le RQP n'est pas forcément favorable
Château Climens 2001
Sur les desserts à base de fruits jaunes, Gérard nous ouvre cette bouteille.
Un nez très complexe avec des arômes de Sauternes encore jeune.
Une bouche délicate et fraiche, beaucoup de finesse, une belle acidité et de la longueur.
Je pense à un Barsac, Coutet ou Climens sur un grand millésime.
Ouf, l'honneur est sauf après mes déboire sur Pétrus

Un dernier essai transformé qui conclue magnifiquement cette soirée.
La photo fut prise avant que la Climens ne soit ouverte.
Encore un immense merci à Gérard pour sa générosité.
On se retrouvera lorsque tout ira mieux.