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Grands Crus de Bourgogne _ Treize vins pour six amateurs. Vendredi 28 septembre 2018.

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A la frontière hospitalière, boulevardière et astronomique du quartier latin, au bistrot V pour cette soirée, avec un menu sur commande collective, un service patient et attentionné, nous sommes une petite poignée de passionnés bien décidés à boire bon et manger bien. Tout est bu à l'aveugle cela va sans dire. Le thème prévu "Grands Crus de Bourgogne" avec adjonction possible de bulles, mutés et liquoreux, c'est donc avec un vin effervescent que nous commençons.

La robe est or d'un jaune soutenu. Presque pas de bulles ce qui semble décevoir l'apporteur (mais qui l'a ouvert je crois un quart d'heure avant que nous passions à table? Et de toute façon c'est le liquide pas la bulle que l'on goberge non?) Le nez présente un fruit rayonnant, du bois de buis (aspect "vivant" d'un boisé qui serait épargné par la pyrale), légère pointe de beurre. En bouche le fruit s'offre en souplesse, une belle finesse avec des notes de cire et de miel cristallisé. Alors que j'ai la tête en pensées champenoises certains devinent un chenin de Loire. C'est bien François Chidaine, Montlouis sur Loire, Brut Nature "methode traditionnelle" 2005. Et j'apprends avec intérêt l'existence de sa boutique 'la cave insolite'.

Une robe or à reflets clairs. Nez d'agrumes citronnés, pointe sulfite (ou tellurique à vous de savoir). En bouche une belle longueur qui développe à l'attaque un fruit en rondeur bien enrobé, pour conclure sur une finale plus tendue de citron jaune. Avec plus de température le vin ne perd rien de son équilibre, le corps est gourmand avec un fruit étoffé, subtile note de pêche. Très apprécié La Chablisienne, Chablis Grand Cru 'Les Clos' 2014.

Robe or avec de l'éclat. Au nez on a la finesse d'un chardonnay à maturité. En bouche les agrumes citronnés se présentent en volume, avec gras, de la souplesse. Un fruit très séduisant. Je pense à Beaune mais l'assemblée n'est pas de cet avis : "calcaire, amertume, très Chablis", et en y reconnaissant gras et volume : "Blanchot? Raveneau?" Une critique y décèle des notes déviantes de "fromage, laiteux". Alors que le vin prend de l'acidité au réchauffement j'y reconnais des traits plus à mon idée du chablisien (sans y avoir jamais goûté de Grand Cru faut-il l'avouer). En contraste plus monolithique (c'est tellurique comme adjectif) et moins délicat que le précédent, mais une corpulence très convaincante pour Vincent Dauvissat, Chablis Grand Cru "Les Clos" 2011.

Robe or assez dense. Nez discret d'agrumes citronnés, finement brioché, d'ananas vert (je fabule). En bouche c'est léger, citronné, plutôt souple avec ce qu'il faut d'acidité. En contraste avec le precedent c'est bien sage, un caractère réservé. Servi par ma négligence un peu chaud et avec le gag de la confusion avec un rouge à venir (dont seulement un petit centilitre choit dans le verre de mon voisin, c'est là que l'on mesure la concentration et le recueillement qu'exige notre sujet du soir) il est renvoyé au service du fromage. Je constate un silence poli de circonstance, moi je bois aussi les blancs avec plaisir aux alentours de 14° (celsius pas alcool). Pour avoir à moitié entamé la caisse, je sais que c'est sans plus. Une petite fermeture avant une pleine décade de bouteille ou un millésime _ en blanc _ trop passable? Tout de même un bon Bouchard Père et Fils (Domaine), Corton Charlemagne 2009.

Robe jaune safranée. Un nez de chardonnay évolué avec encore de l'énergie. En bouche l'aspect miellé et herbes d'infusion est discret, le fruit est fané même s'il passe en douceur. "Arômes tertiaires. La chicorée au petit déjeuner de grand mère". Sympathique commentaire façon madeleine proustifiée, c'était pour la science sans en attendre monts et merveilles, Domaine Cauvard, Corton Charlemagne 1988. Bouteille récemment acquise en première main à un particulier, de garde soignée, bouchon estampé "Domaine Cauvard, mis en bouteilles à la propriété" sans indication de millésime, cassant à l'extrémité, quelques miettes de lièges pour l'aération longue (la veille au soir comme les autres apports personnels, le nez était si séduisant en miel et tisane que je pose alors un bouchon simple de carafe pour l'oxygénation lente). Et vous savez quoi? Bu glacé à H+72 avec reblochon et vieux comté ça rivalise avec le meilleur du Jura.

Robe de vin rouge, de la tuile. Au nez un parfum de fruits rouges et noirs. C'est superlatif. Très engageant C'est en bouche que le tertiaire prend le pas sur le fruit un peu passé. Vous avez dit un peu? Je m'amuse à poser des colles à l'assistance sur l'âge visible de ce nectar (dépôt en petits grains assez minime) qu'apparemment personne ne jauge aussi vénérable et l'indulgence irrépressible qui vous prend lorsque vous dévoilez l'étiquette d'un mohican comme ce Albert Bichot, Domaine du Clos Frantin, Richebourg 1976. Le fruit est altéré dans un sens confituré (type conserve débarrasée de tout moisi, oxygénation lente et longue yep) mais sa longévité nous émeut tous sincèrement je crois. Pour une année caniculaire m'a t'on dit (j'en étais seulement à mon cinquième mois d'existence heureuse et encore illégale au pic de cet été là) pas surprenant que le nez soit supérieur à la bouche. Et inespéré qu'il y ait du vin pour de vrai après quatre décennies de bouteille. Bu rafraichi (16/18°) pour le coup. Le niveau impeccable et le bouchon extrait en un seul morceau, au vu de son âge très bien conservé, incongrûment marqué "domaine du clos frantin vosne romanee les malconsorts 1973".

Robe tuilée, rouge brunâtre, des particules en suspension. Le nez est souple, riche et fruité. La bouche est tout simplement magnifique avec une belle acidité, tout en présentant un versant fruits rouges compotés. C'est frais, c'est expressif, c'est très proche du précédent (c'est bien un Grand Cru! donc!) et en un sens supérieur (le fruit ne fait pas défection d'énergie en bouche). Charles Noëllat, Charmes-Chambertin 1995.

Robe grenat de pinot noir, en densité au bord clair. La bouche suit le nez. De la fraîcheur, un beau fruité, fin et précis. Friand aussi ce qui est un vrai compliment. Fruits rouges. Ça pinote de jeunesse et se livre sans retenue. Domaine Marchand-Grillot, Ruchottes-Chambertin 2009.
En prime un étiquetage sobre et élégant avec une belle traduction d'un poème d'Omar Khayyam, Perse XIIè siècle après JC, en exergue sur la contre étiquette.
Bois du vin, c'est la force, oui,
bois à ton envie,
Le seul trésor resté de jeunesse,
ravie,
Saison des fleurs, des ris, des joyeux compagnons!
Sois heureux, un instant, cet instant c'est ta vie.

Ma foi magie du vin et des mots atteignent des sommets bien tangibles avec cette bouteille.

Robe grenat noire. Nez capiteux, c'est séduisant en diable. Mûre, myrtille, ronce. Et après les fruits noirs, on y décèle aussi à volonté les fruits rouges, la fameuse fraise des bois. "Ça envoie / Ça pinote / mara des bois". Enorme. Camus Père&Fils, Charmes-Chambertin 2005.

Robe de pinot très sombre. Au nez il y a du corps qui s'annonce. En bouche le fruit est éblouissant : fraise, griotte. Très bon équilibre, fruité, ciselé. Tout le monde s'accorde à trouver de l'excellence à ce cinquième (!) verre de rouge "puissant, constance du pinotage au nez, juteux, chaleureux, fruit tranchant". C'est bien l'apothéose des nuitons de notre série et un terroir littéralement qualitatif Moine-Hudelot Bonnes Mares 2005.

On revient sans trop y croire aux cortons pour le fromage. Pas recraché la moindre goutte bien sûr. La discussion tombe étrangement sur la Corse ce qui ne manque pas d'attiser ma susceptibilité et je manque un peu d'arguments (et d'expérience) pour me lancer dans la promotion des vins de l'île de beauté. D'autant qu'il n'est pas question que de vins là. Je me retiens d'en faire tout un fromage. Après tout si vous avez une dent contre les corses pensez à Laetitia Casta et si ça va toujours pas faites vous soigner non mais. On persifle avec humour sur les vins de Corton, et plus savamment sur les mérites contrastés des Clos-Vougeot que personne ne s'est risqué à proposer ce soir (à ce propos, qu'est-ce qu'un Grand Cru beaunois en rouge, comment déterminer l'excellence probable d'un Corton?). J'évoque les contingences des classement et hiérarchies, les aléas de certaines déterminations : ne dit-on pas qu'Henri Gouges s'interdit de classer une partie de Nuits-Saint-Georges en Grand Cru parce qu'il y avait ses vignes et alors qu'il pesait de tout son poids dans les commissions de l'époque? Je constate aussi qu'on a beau dire "encavez petits vins dans les grands millésimes et grands vins dans les petits millésimes" ça y va fortiche sur l'anthologique 2005. Et après tout quand on paye un vin au prix (très) fort autant tout conjuguer : vigneron, terroir et millésime. La série à ce stade me plonge en état d'ébriété joyeuse avec heureusement encore assez de ténacité pour chroniquer la queue de la comète.

Robe jaune or à reflets verts. La bulle est vivace. Un fruit souverain, de l'alcool (en même temps je ne suis plus à ça près maintenant) et surtout du beau fruit. Une critique sévère "raide, manque d'identité" (à moins que cela ne s'adresse à un Corton-Charlemagne puisque nous nous re-servons pour le fromage). Pour moi c'est bien au contraire un bon Champagne, avec de la profondeur, un élevage parfait. Larmandier-Bernier, Champagne "Latitude" Blanc de Blancs, Extra-Brut. Son apporteur m'indique qu'il est élaboré principalement avec des vins de réserve 2012. Excellent, la structure bien en place, dans un style et avec un fruit original qui me rappelle un peu Gosset bu récemment.

La patronne essuie sereinement ses verres derrière le comptoir, il est pas loin d'une heure du matin. On en a toujours pas notre compte pour solder le dessert.

Une larme de porto. C'est noir et plus épais à l'œil qu'en bouche. De l'amertume de raisin vert ou de rafle (et unfiltred c'est sur l'étiquette). Ça sèche un peu. On est plus dans la même catégorie même si je lui trouve à l'occasion des qualités (d'ailleurs j'en ai moi aussi quelques bouteilles en cave que je boirai sûrement avec des orangettes, du gâteau orange chocolat, ...) Fonseca Late Bottle Vintage 2011. (Pour le coup du même LBV 2011 j'ai préféré Quinta do Noval).

Robe or jaune soutenu encore bien vive pour un liquoreux. An nez c'est riche, chaleureux. En bouche le fruit est bien gourmand. L'assemblée termine ce repas en beauté "bonne acidité / côté pomme, cidre" et moi aussi. Très bon et forcément un peu mésestimé en cette fin de liste Philippe & Catherine Delesvaux, Coteaux du Layon "Les Clos" 2016.

On félicite le chef, une bise à la patronne après l'addition. Bonne nuit tout le monde. Boire ou conduire je ne choisis pas, tout comme le café en cours de route et retour à bon port. Je rêve encore à ces vins que je voudrais ne jamais m'arrêter de boire. Et après tout j'ai assez prévu de quoi pour les décades à venir (et années? ça se complique : en cave un seul rouge à boire d'ici à 2020-22 en partant du postulat qu'ils sont suivant les millésimes à attendre 10/15+ans... mais pas forcément 30/40ans hein, après 2055 tout reste à faire ouarf). Et pas de Musigny ou Chambertin Clos de Beze ce soir là tout de même (et parmi quelques autres les mythiques Labet, Tart et Trapet). A une prochaine. Un tit commentaire? Un compte rendu rival? Une photo souvenir de notre série?
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30 Sep 2018 22:47 #1

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merci.
Quand le talent est mis au service du bien commun, la plus-value est importante.
le genre de soirée à la joyeuse décadence assumée : j'apprécie aussi de temps en temps, pourvu que la compagnie soit bonne.

j'imagine qu'il en restera de sacrés souvenirs gustatifs autant qu'humains. Mais on ne sait rien du solide qui a accompagné les vins, c'est exprès ?

Jérôme Pérez
01 Oct 2018 06:21 #2

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Que nenni!

- Entrée : Tartare de Saumon avocat mangue
- Plat : Quasi de Veau (200gr/pers.) + sauce morilles + gratin dauphinois (pommes de terre sans fromage) & haricots verts
- Fromages : Saint Nectaire, Comté et Camembert
- Dessert : Mi-cuit

et une luckystrike par ci, un demi corona upmann par là

armagnac 3 etoiles (plaisir des yeux seulement ;) )
01 Oct 2018 09:22 #3

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01 Oct 2018 21:30 #4

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