Une dégustation mémorable chez Julien !
Julien nous avait dit : « J’ai quelque chose à fêter, venez déjeuner à la maison… ». Il s’agissait en fait d’une promotion à son boulot, mais si on considère ce que nous avons bu ce devait être une sacrée promotion…
« Nous », c’était ses deux acolytes de LPV Auvergne 2, Pascal (toubib063) et Gaël, Didier (didierv) et moi. A la lecture de ce qui va suivre, vous allez me dire : « Tout ceci à cinq, ce n’est pas raisonnable… ». Et même si six bouteilles avaient déjà été bien entamées la veille par les trois compères auvergnats, vous aurez bien raison ! Mais la vie vaut-elle d’être vécue si on est toujours raisonnable ?
Je précise que la majorité des apports venait de Julien, avec de surcroît les bouteilles les plus prestigieuses. Ses invités ont bien complété, mais sans connaître le niveau de ce qu’il allait nous proposer… Et bien entendu dégustation à l’aveugle pour chaque vin, sauf pour celui qui l’avait apporté et sauf pour l’horizontale de Cotat 2010 (et oui !
).
Apéritif : toasts au saumon fumé à la crème
Krug – Champagne – Grande Cuvée
Il s’agit d’une base 2007 (édition 163 ?).
La robe est d’un or bien soutenu.
Le nez est d’abord sur la retenue, laissant apparaître des arômes floraux teintés de touches pointillistes, l’une briochée, une autre mentholée, une autre encore épicée. Mais il va se livrer un peu plus après aération dans le verre, des senteurs fruitées de fruits jaunes et de fruits secs venant compléter l’ensemble.
D’une structure bien cadrée, la bouche fait preuve d’une certaine richesse par sa grosse matière. Celle-ci est bien titillée par une bulle vive et elle s’affine sur la très longue finale renforcée par de beaux amers.
Très Bien ++ / Excellent
C’est mon deuxième Krug et je garde un souvenir encore plus extraordinaire de mon premier, bu chez Henri, qui avait les mêmes qualités et un peu plus de finesse.
Sur les toasts au saumon fumé, la fougue du vin s’assagit, ce qui donne un bon accord (3,5).
Nous nous étions dit qu’on allait y revenir sur l’entrée pour voir son évolution mais nous n’y avons même pas pensé, tellement les vins prévus pour la deuxième étape étaient bons…
Domaine François Cotat – Sancerre – Les Culs de Beaujeu – 2010
La robe est moyennement dorée.
Le nez intense mêle fruits jaunes et arômes miellés., avec une petite touche crayeuse.
Riche et d’une amplitude hors normes, la bouche impressionne aussi par sa belle et complexe sapidité, avec des arômes exotiques et toujours cette tonalité crayeuse du plus bel effet. Une acidité vertébrale tient l’ensemble bien en place et ressort encore plus intensément dans la finale très persistante et plus affinée.
Excellent
Aux dires des auvergnats ce vin s’était présenté un peu moins bien la veille, d’où son service en premier, avec notamment un perlant en bouche, pas trop gênant mais étonnant.
Domaine François Cotat – Sancerre – Les Monts Damnés – 2010
La robe présente un or moyen.
Très expressif, le nez développe des arômes de fruits jaunes confinant à l’exotique, bien tempérés par une touche d’agrumes.
La bouche est dans un registre très différent des Culs de Beaujeu, tendue et minérale jusque dans la finale saline d’une immense longueur.
J’aurais aimé un soupçon de sapidité en bouche pour le faire rivaliser avec son frère qui l’a précédé.
Très Bien ++ / Excellent
Il réalise le meilleur accord des trois Cotat (3,5+) avec le saumon fumé grâce à sa tension.
Domaine François Cotat – Sancerre – La Grande Côte – 2010
La robe oscille entre paille et or.
Il faudra un peu d’aération dans le verre pour que le vin dévoile de beaux arômes exotiques et d’ananas, sur un fond crayeux très prégnant.
La bouche est étonnamment tendre (environ 10 g/l de ressenti), François dirait « souple », sur un équilibre remarquable combinant un fruité gourmand, une superbe vivacité et une belle allonge, la finale se révélant vibrante et savoureuse.
Très Bien ++ mais le vin était encore meilleur la veille car plus droit et ciselé.
Saint-Jacques, sauce crémée aux chanterelles : une vraie tuerie !
Domaine Henri Germain et Fils – Meursault-Perrières 1er cru - 2013
L’or de la robe est très brillant.
Le nez brille également, par son intensité et son élégance : des arômes de fruits blancs bien mûrs, des inflexions finement iodées ou de noisette et une infime touche vanillée forment un cocktail de toute beauté.
La bouche s’élance avec franchise et pureté, maintient ce profil droit grâce à une minéralité traçante et se ponctue par une finale imprégnée d’agrumes d’une persistance remarquable.
Très Bien ++ / Excellent pour ce vin au caractère affirmé.
Le mariage est superbe (4,5 / 5) avec les Saint-Jacques car celles-ci font gagner gras et sapidité au vin.
Domaine Méo-Camuzet – Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits – Clos Saint-Philibert – 2012
L’or de la robe est soutenu mais translucide.
Très ouvert, le nez associe un beau fruité, mêlant fruits blancs et fruits jaunes, à des arômes d’élevage, sur la brioche et la vanille.
La bouche présente un équilibre harmonieux, au centre de gravité plutôt sur la droiture apportée par une grande acidité, mais avec également une certaine rondeur. La finale minérale est de bonne facture est dans la continuité d’une sapidité un rien austère.
Très Bien +(+)
L’accord marche vraiment bien (4 / 5), le vin gagnant en volume, mais pas en sapidité.
Domaine Roger Belland – Criots Bâtard-Montrachet Grand Cru – 2008
La robe arbore un or soutenu.
Le nez d’abord mutique, par manque d’aération mais surtout en raison de la température trop fraîche, va s’exprimer en finesse sur des fruits blancs et des notes minérales, pierreuse et iodée.
La bouche est large, habillée d’un beau gras et d’une matière bien fruitée, mais c’est surtout le milieu de bouche qui explose en saveurs, bien soutenu jusque dans la finale bien persistante et salivante, par une acidité pénétrante.
Très Bien ++
Encore un superbe accord (4+/ 5), le plat procurant encore plus de saveurs au vin.
Epaule d’agneau confite, purée aux trompettes de la mort : un délice !
Domaine Georges Noëllat – Vosne Romanée 1er Cru – Les Petits Monts – 2013
La robe est moyennement sombre et déjà bien tuilée.
D’une belle intensité, le nez développe des arômes floraux et finement épicés qui répondent bien au fruité prononcé, plus sur la framboise que la cerise.
De l’autre côté du miroir, la bouche joue dans un registre droit et profond, d’une très grande fraîcheur procurée par une belle minéralité, mais sans manquer de fruit.
D’une buvabilité redoutable, il lui manque juste un peu de complexité pour en faire un grand vin.
Très Bien ++
Le vin domine le plat par son acidité et les deux font un bout de chemin ensemble mais en parallèle (3 / 5).
Château Latour – Pauillac – 1989
La robe est d’un grenat sombre, aux reflets acajou sur le bord du disque.
Le nez exhale des arômes à la fois classieux et complexes, ceux d’un grand Bordeaux à maturité : bois précieux, fruité confit, havane, mine de cayon, encore une touche de balsamique…
La bouche joue sur le même registre, à la fois racée et d’une extrême finesse. Sa texture est dense avec un toucher de velours, les tanins distingués sont complètement patinés par le temps. La finale savoureuse et épurée se prolonge… se prolonge… se prolonge…
Nous y sommes revenus après la série de rouges : ce vin fait la différence par l’alliance de son extrême finesse et d’une certaine puissance ! LE vin de la dégustation, mais pouvait-il en être autrement ?
Excellent +(+)
De plus le mariage est parfait avec le plat (4,5+ / 5), un mariage de cœur, autant pour les textures serrées que pour les arômes, légèrement fumés.
Que servir après un tel vin ?
E. Guigal – Côte-Rôtie – La Turque – 2008
La robe sombre n’est ni jeune ni évoluée.
Le nez dégage une puissance remarquable, axée sur les épices et particulièrement le poivre, sur un fond de fruits très noirs et une touche légèrement fumée.
La bouche est du même acabit avec une énorme concentration bien contrebalancée par une acidité dantesque (effet millésime). La matière fruitée donne une impression de grande jeunesse, même si les tanins sont déjà bien attendris. La persistance phénoménale est couronnée par une finale savoureuse très fruitée et empreinte de notes florales qui l’allègent.
Un vin quasiment à l’opposé du Latour, mais j’ai la chance d’avoir un palais très éclectique qui apprécie grandement aussi ce genre de vin, à ne pas proposer à un pdf.
Excellent (+)
Je n’ai pas noté l’accord, sans doute parce que le vin a dû tout emporter sur son passage.
Château de Pibarnon – Bandol – 2005
La robe sombre montre des reflets tuilés sur la frange.
Intense sans plus, le nez déploie avec finesse une aromatique hésitant entre le tertiaire (cuir noble), le primaire (cassis) et le bordelais (balsamique
).
La bouche élégante a elle choisi les arômes tertiaires, avec un cuir dominant mais de belle facture et tout en finesse. Les tanins apaisés ne font aucun obstacle à une trame rectiligne et longue, avec une matière tout de même bien charnue.
Un vin d’une austérité cistercienne mais assez classieuse.
Très Bien +(+)
Accord non noté non plus : il ne devait plus rester d’agneau, trop bon !
Clos des Papes – Châteauneuf-du-Pape – 2005
La bouteille a été ouverte 24 h à l’avance et servie bien fraîche (14 ° ?).
La robe bien sombre dévoile juste quelques signes d’évolution.
Le nez très intense livre des arômes sudistes de fruits noirs, de pruneau et de réglisse, mais aussi une fraîcheur florale bienvenue, ainsi qu’une touche épicée : plutôt captivant !
La bouche corpulente présente une étoffe riche et assez capiteuse mais une grande acidité parvient à équilibrer le tout. Des petits tanins encore saillants prennent le relais jusqu’à une finale dynamique empreinte d’une certaine minéralité.
Très Bien ++
Domaine Didier Dagueneau – Blanc Fumé de Pouilly – Pur Sang – 2013
La robe paille n’est pas parfaitement limpide.
D’une bonne intensité, le premier nez montre une réduction notable, puis il s’épure à l’aération pour offrir des agrumes et des fleurs blanches.
L’attaque en bouche est tendue, la suite est dans la même veine, tranchante, épurée et avec un fruit en retrait, avant un long final à l’aromatique plus gourmande.
Très Bien +(+)
Il signe deux beaux accords (3,5+ / 5) avec le chèvre demi-sec qui l’arrondit et avec un Sainte-Maure qui augmente sa sapidité.
Mas Jullien – Vin de Pays de l’Hérault – Blanc – 2008
L’or de la robe est clair et translucide.
Le nez s’avère très intense et aromatique, avec un pétrole fin d’abord prégnant puis se mêlant à des fruits blancs, des notes pierreuses et crayeuses.
La bouche est harmonieuse, s’appuyant sur des bases solides que sont la sapidité fruitée et la minéralité. Celle-ci lui procure une acidité aérienne qui tend et allonge remarquablement le vin et l’aromatique s’exprime encore mieux en finale.
Très Bien ++
Le vin est bien mis en valeur (3,5 + / 5) par un comté de 18 mois, aussi bien pour sa tension que ses arômes.
Domaine François Cotat – Sancerre – Cuvée Paul – 2010
On revient à l’horizontale de François Cotat en 2010 avec une cuvée spéciale, en surmaturité, la bouteille ayant également été ouverte la veille.
La couleur de la robe est paille.
Les arômes du nez très intense sont principalement dans la gamme florale, ce dont je n’ai pas du tout l’habitude, Avec une pointe mentholée qui vient s’y rajouter, c’est d’une magnifique élégance !
La bouche n’est pas en reste, d’une aromatique phénoménale (une tuerie !), cette fois-ci fruitée, bien accompagnée par une sucrosité sensuelle et bien portée par une acidité sans faille.
Excellent
En revanche le vin est un peu éteint (2,5 / 5) par l’amertume du bleu de Termignon (très bon pour lui tout seul).
Domaine Pascal Cotat – Sancerre – La Grande Côte – Cuvée spéciale – 2005
Tout en restant dans les cuvées spéciales, on part chez le cousin sur un autre millésime, la bouteille ayant également été ouverte la veille.
D’une très grande intensité, presque puissant, le nez associe des arômes exotiques à d’autres plus tertiaires de champignon.
La bouche est sur une aromatique vraiment tertiaire, avec des sucres complètement mangés et une tension de dingue, la résultante étant un peu trop austère pour moi.
Très Bien (+)
J’ai compris que l’accord de la veille avec un fromage truffé était superbe ; je veux bien le croire grâce aux arômes du vin sur les champignons.
Fondant praline à la mousse au chocolat : miam !
Château Doisy-Daëne – Sauternes – L’Extravagant – 2001
La robe est bien ambrée.
Très intense, le nez exhale des arômes classiques d’abricots secs et de safran, un peu moins classiques de raisins secs.
La liqueur en bouche est … extravagante, l’aromatique énorme, et l’acidité… juste suffisante. C’est un peu « too much » pour moi (je lui attribue environ 200 g/l de SR alors que le 2010, certainement moins riche, en a 137 g/l), même si la persistance est remarquable. Et pourtant je suis un fan de Doisy-Daëne mais c’est mon premier « Extravagant ».
Très Bien + mais mieux pour des becs à sucres, ou peut-être que dans 20 ou 30 ans…
Bodega Dios Baco – Sherry (Jerez) – Pedro Ximénez – Oxford 1970
Comme toujours avec les PX âgés, la robe est noire, mais ce sont les reflets jaune fluo sur le bord du disque qui révèlent ce cépage blanc.
Le nez impressionne par sa puissance et son aromatique exotique et luxuriante, avec un fruité explosif (framboise et mûre) mais aussi de la datte, du pruneau, du café, de la noix et j’en passe…
La bouche est très riche, autant pas ses sucres résiduels que ses saveurs concentrées, reprenant les arômes du nez. Une énorme vivacité est bien présente, qui arrive tant bien que mal à équilibrer l’ensemble, la finale sur la noix apportant un peu d’amertume et une fraîcheur bienvenue.
Etonnamment, j’ai mieux apprécié ce vin que le précédent, le trouvant plus harmonieux alors que sa teneur en sucre est certainement plus élevée.
Très Bien +(+)
L’accord est bien réussi avec le dessert (3,5 / 5), un accord de saveurs car en termes d’équilibre, l’addition de sucres fait un peu beaucoup.
J’ai très rarement eu l’occasion de participer à une dégustation d’une telle homogénéité dans un tel niveau… Bravo Julien pour ta sélection, l'ordre de dégustation et ta générosité, sans oublier ce que tu as cuisiné.
Et quel bon choix dans tes compagnons de dégustation !
Ils ont su également apporter de grandes bouteilles (ah, cette horizontale de Cotat 2010 !), l’ambiance était chaleureuse tout en étant suffisamment studieuse pour apprécier et analyser les trésors servis.
Vivement la prochaine promo, pas sur les vins, mais pour toi !
Jean-Loup