Notre grand rendez-vous gastronomico-bachique annuel est arrivé !
Cette année nous reprenons le format qui nous a bien réussi l’an dernier. Menu à 6 plats, fixé par le chef cuisiner, et 2 vins par plat pour tester et juger les accords.
Du plaisir en perspective!
Comme nous sommes plus nombreux que l’an dernier, le repas a été joué sur 2 soirs, avec 16 personnes le jeudi et 17 personnes le vendredi. Le choix des vins a été effectué par un groupe de 5 volontaires (dont je faisais partie), dans lequel la démocratie a fait son œuvre.
Voici la photo de groupe des 12 combattants prêts à s’affronter sur le ring de nos papilles avec les plats comme arbitres :
Diversité au programme : des français, des étrangers, des grands, des petits, des blancs, des jaunes, des rouges, des pétillants, des millésimés, des sans-âge…
Premier round
Cette année, pas d’apéritif, nous attaquons directement avec un œuf coque sans coquille à la crème d’ail noir, en terre mer de langoustine ; une petite poêlée de girolles agrémente le tout :
Pour accompagner cette entrée qui jongle entre le jaune d’œuf chaud et la langoustine, nous avons sélectionné 2 blancs très différents :
Rappel sur mes notations :
0 = raté 1 = médiocre 2 = correct 3 = bon 4 = très bon 5 = excellent
avec des demi points, des + et des – qui permettent d’affiner le jugement et de classer les vins entre eux.
Châteauneuf du Pape blanc 2018, domaine Les Cailloux
Cuvée issue d’un assemblage de roussanne et de grenache blanc. Elevage 6 mois sur lies, pas de barrique.
La robe est jaune verdâtre assez intense.
Le nez est ouvert, floral (aubépine) et fruité (pêche, mandarine).
L’attaque est ample et ronde. La bouche est bien équilibrée avec une amertume bien présente. En retro on retrouve le bouquet, ainsi qu’une petite sensation crayeuse. La finale saline est associée à une très belle longueur
Conclusion : c’est bon à très bon, rond, riche, bien équilibré. (Ce vin serait top sans l’amertume)
Note : 3,5/5
L’accord avec le plat n’est pas complet : ça marche bien avec la partie langoustine (4/5) mais c’est dominé par l’œuf (3/5).
Jerez, Fino La Ina, Bodegas Lustau
Cuvée à base du cépage Palomino Fino, élaboré selon le système traditionnel de soleras. Vieilli en moyenne 5 en fûts de chêne américain
La robe est jaune, intense.
Le nez ouvert est un mélange de pomme fraîche, de pomme fermentée et de camomille, avec un fond boisé.
L’attaque est ample et sèche. La bouche est droite, fraîche, pimentée. En retro, on retrouve les arômes du nez mais aussi du fenouil et du curry. En finale vient s’ajouter de la noix fraîche. C’est un ensemble complexe de belle longueur.
Conclusion : c’est original, très sympa, plus accessible que les Jerez que j’ai croisés auparavant.
Note : 3,5/5
L’accord avec le plat n’est pas complet : ça marche bien avec l’oeuf (4/5) mais ça écrase un peu la langoustine (3/5).
Deuxième round
Après ce départ original, nos enchaînons sur du plus classique mais pas moins bon : terrine de foie gras aux poires rôties et magret séché :
Pour l’accord avec ce plat, notre choix s’est porté sur des blancs plus ou moins sucrés avec une colonne vertébrale minérale et des arômes pouvant répondre à la poire : un chenin de Loire moelleux du grand millésime 2002 et un Alsace Pinot gris VT 2008.
Vouvray moelleux Cuvée de Novembre 2002 Domaine Pinon
Cuvée issue de chenin botrytisé. 52 g/L de sucre résiduel.
La robe est jaune verdâtre tirant sur l’orangé.
Le nez est assez discret, sur le miel et le coing.
L’attaque est souple et fraîche. C’est un vin en ½ puissance, et j’ai envie de dire en ½ liqueur car le ressenti de sucres est léger. C’est fin et élégant, avec une minéralité traçante. En retro on trouve du miel, du coing, de l’abricot rôti et de l’encaustique. La finale est fraîche, presque acidulée et d’assez bonne longueur.
Conclusion : c’est bon à très bon, élégant.
Note : 3,5/5
L’accord avec le foie gras aux poires fonctionne bien, ça révèle la minéralité du vin qui équilibre le gras du foie. 3,5/5.
Pinot Gris Vendanges Tardives 2008 Domaine Marcel Deiss
La robe est jaune à reflets marrons.
Le nez est assez ouvert, sur la noix, le miel, le raisin sec et un fond d’hydromel.
L’attaque est ample et ronde. La bouche est ample, doucereuse, relevée par une juste fraîcheur. La retro permet de compléter le nez avec des notes de fraises, qui resteront jusqu’en finale avec du coing et du miel. Belle longueur.
Conclusion : c’est très bon.
Note : 4/5
L’accord avec le plat est juste parfait : tout entre en résonance. Un grand moment !
Troisième round
La barre est haute après cet accord, mais nous reprenons notre dur labeur sans crainte, avec un filet de lotte aux agrumes et bouillon coco, fini au jus de fruits de la passion :
Pour l’accord avec ce plat, notre choix s’est porté sur 2 blancs secs.
Riesling grand cru Schlossberg 2013 Domaine Albert Mann
Cuvée issue de riesling, élevage sur lies en cuve.
La robe est jaune verdâtre.
Le nez ouvert exhale un fort côté hydrocarbure qui trahit le cépage mais également des notes de citron.
La bouche est ample, fraîche, acidulée, expressive et élégante à la fois. La retro diffère un peu du nez, avec une dominante citron, un peu de mangue, et le côté hydrocarbure en fond seulement. En finale, l’ensemble se complexifie avec l’apparition de notes de coing et de pain d’épices. Très belle longueur
Conclusion : quelle bouche ! c’est très bon à excellent.
Note : 4,5/5
L’accord avec la lotte aux agrumes et bouillon coco est très bon, ça répond bien (4/5).
Rias Baixas 1583 Albarino de Fefiñanes 2017, bodegas del Palacio de Fefiñanes
Cuvée élaborée à partir du cépage albariño. Fermentation en barriques bordelaises de 1 à 5 vins. Elevage sur lies 3 mois en barriques puis 3 mois en cuves inox.
La robe est jaune dorée.
Le nez est ouvert, mais pas très agréable, comme un côté poisson qui sort de l’eau.
La bouche est souple, fraîche, fruitée, avec une belle tension. Côté aromatique, on est sur le citron et des notes minérales de caillou. Assez long en bouche.
Conclusion : c’est bon, frais, linéaire, mais ça souffre clairement de la comparaison avec le riesling.
Note : 3/5
L’accord avec le plat est correct, mais le vin a tendance à s’effacer devant le plat.
Quatrième round
La deuxième partie du repas commence par un plat de canon de chevreuil en crumble de cassis, et ses vieux légumes d’hiver glacés. Le jus de viande est serré, avec du cassis, des airelles et des myrtilles:
Pour l’accord avec ce plat, nous avons choisi un magnifique duel du Rhône, sur l’élégant millésime 2016, avec un seigneur de Côte Rôtie et un prince de Châteauneuf du Pape:
Côte Rôtie Rose Pourpre 2016, domaine Pierre Gaillard
Cuvée issue de syrah plantée sur des sols de schistes riches en oxyde de fer. Vendanges manuelles, tri sévère des grains sains et mûrs. Éraflage à 100 %. Macération pré-fermentaire à froid. Fermentation alcoolique à 35 °C. Macération post-fermentaire à 30 °C. Fermentation malolactique en barriques. Elevage : 18 mois en barriques de chêne neuves.
La robe est bordeaux assez intense.
Le nez est ouvert, sur un beau boisé vanillé, des fruits rouges, du jus de viande et du poivre.
L’attaque est ample et fraîche. La bouche est puissante et élégante à la fois, fraîche et fondue. On a une sensation de velours. De plus, c’est très expressif aromatiquement, avec un mélange de cassis, de violette, de jus de viande, d’épices, de vanille et une petite touche fumée. Finale fraîche et très expressive de très belle longueur
Conclusion : un vin vibrant, hyper gourmand, jeune. Très bon à excellent. Grand vin en perspective.
Note : 4,5+/5
L’accord avec le chevreuil est excellent, le vin répond au plat et vice versa. 4,5/5.
Châteauneuf du Pape 2016, château de Beaucastel
Cuvée issue d’un assemblage des 13 cépages autorisés dans l’appellation, mais avec une majorité de syrah, mourvèdre et grenache. Vinification en cuve tronconiques, bois pour syrah et mourvèdre, et béton émaillé pour le grenache. Assemblage après fermentation malolactique et élevage un an en foudres.
La robe est bordeaux violacée, intense.
Le nez est assez discret, sur une petite réduction.
La bouche est ample et fraiche, assez classe, avec des tanins corrects (que l’on ressent beaucoup plus en comparaison de la Côte Rôtie). La retro est sur les fruits noirs, la réglisse, un léger fumé et une même une petite note de caoutchouc. La finale est longue, fraiche et légèrement alcooleuse. Très long en bouche
Conclusion : c’est bon à très bon en l’état, avec un probable très gros potentiel. L’effet de séquence derrière la Côte Rôtie l’a probablement desservi.
Note : 3,5/5
L’accord avec le chevreuil fonctionne bien, même si le vin parait un peu éteint. 3,5/5.
Cinquième round
La cinquième paire de vin devra s’accorder avec une assiette de fromage de brebis local accompagné de sa salade.
On a tardé à prendre la photo et un gourmand a mangé un des 2 morceaux de fromage…
Pour accompagner ce fromage de brebis, dont on ne connait pas la puissance a priori, deux options bien différentes ont été choisies :
Irouleguy Errotik 2016, domaine Bordaxuria
Cuvée à base de petit manseng (60%) et gros manseng (40%) ainsi qu’un peu de petit courbu, complantés sur la plus vieille parcelle du domaine. Elevage sur lies 11 mois en barriques de 400L.
La robe est jaune dorée assez intense.
Le nez est assez discret, sur le citron et un peu de coing.
La bouche est ample et fraîche, acidulée. La retro est sur le citron et le coing, mais aussi sur un léger boisé et de la noisette. La finale acidulée est de belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, ample, mais un peu en retrait aromatiquement.
Note : 3,5/5
L’accord avec le formage marche très bien car le fromage est léger et les 2 éléments se répondent bien (4/5).
Muscat du Cap Corse 2018, Casa Angeli
Cuvée à base de muscat à petits grains planté sur des sols argilo-schisteux. C’est un vin doux naturel (et donc muté, la fermentation alcoolique étant arrêtée par ajout d’alcool éthylique).
La robe est jaune dorée intense.
Le nez est ouvert, sur le camphre, la citronnelle et des notes muscatées.
L’attaque est ample et ronde. La bouche est puissante, ronde et fraiche, avec un sucre ressenti raisonnable. C’est hyper expressif aromatiquement, sur la citronnelle, le litchi, la rose. Belle longueur.
Conclusion : c’est bon, mais trop expressif pour moi (sur des arômes que j’apprécie peu en fait).
Note : 3/5
L’accord avec le formage est médiocre car le fromage n’existe pas face au vin. (1/5). Il aurait fallu un fromage beaucoup plus fort, un peu piquant.
Sixième et dernier round
Nous voici arrivés à la dernière étape du dîner avec un dessert mystérieux qui nous a fait cogiter pour proposer des accords. Le Henry IV (quoi de plus normal pour notre groupe béarnais), est en fait une base de pâte sucrée cuite dorée craquante. Dessus, il y a une feuilletine de chocolat blanc au citron, puis une mousseline à la pistache et pour chapeauter le tout des framboises fraîches. En accompagnement, un sorbet fantastique à l’huile d’olive, à la framboise et au poivron rouge.
L’accord avec ce dessert a été celui qui nous a fait le plus réfléchir avec celui sur l’œuf coque sans coque en terre et mer. Après avoir aussi envisagé, entre autres, un jurançon moelleux, nous avons opté pour un deux vins assez proches, faits selon la méthode « ancestrale ».
Elle consiste à effectuer la mise en bouteille du vin précocement, alors que la fermentation alcoolique du moût n'est pas achevée. Des sucres naturels du raisin et des levures se trouvent ainsi enfermés dans la bouteille, où la fermentation alcoolique va pouvoir continuer et s’achever sans transformer tous les sucres. Il en résulte un vin pétillant à faible degré d’alcool (7-8°). C'est le CO2 produit pendant cette fin de fermentation naturelle qui va procurer l'effervescence au vin.
Cerdon du Bugey, domaine du Clos de la Bierle
Cuvée rosée produite à partir de gamay.
La robe est couleur grenadine, d’assez faible intensité.
Le nez dégage des arômes de citron et de framboise.
L’attaque se fait sur une fine bulle, agréable, associée à une belle fraîcheur. La bouche est en ½ puissance, avec une petite sucrosité. La retro révèle des arômes de groseille, framboise et citron. La finale fruitée est assez longue.
Conclusion : c’est bon à très bon, léger, rafraîchissant.
Note : 3,5/5
L’accord avec le dessert est juste correct, car le dessert est trop puissant par rapport au vin.
Clairette de Die, cuvée Tradition, domaine Achard-Vincent
Cuvée rosée produite à partir de muscat (85%) et de clairette (15%).
La robe est jaune grisâtre.
Le premier nez est un peu réduit, puis se dégagent des arômes de litchi, de pomme et de pamplemousse.
Comme pour le Cerdon, l’attaque se fait sur une fine bulle, associée à une belle fraîcheur, et la bouche est en ½ puissance, avec une petite sucrosité. La différence se fait vraiment sur les arômes , qui sont ici sur le litchi et le citron. La finale est assez longue.
Conclusion : c’est bon, sur des arômes qui me plaisent moins que ceux du Cerdon.
Note : 3/5
L’accord avec le dessert est juste correct, pour la même raison qu’avec le Cerdon : le dessert est trop puissant par rapport au vin.
Mais sur ce ressenti, je fais partie de la minorité car nous ne sommes que 3 sur 16, en ce repas du vendredi, à ne pas trouver de bon accord sur ce plat.
Voici d’ailleurs le tableau récapitulatif des jugements sur les accords, des 17 personnes présentes le jeudi et des 16 personnes présentes le vendredi. (Globalement il y a très peu de « aucun » [ouf !]
):
A titre personnel, je retiendrai 2 grands vins (Riesling Grand cru Schlossberg 2013 et Côte Rôtie Rose Pourpre 2016
) et un accord parfait (Pinot Gris VT 2008 avec foie gras aux poires rôties
). Et puis la belle découverte du sorbet à framboise/huile d’olive/poivron rouge…
Merci de m'avoir lu jusqu'au bout
Bibi