J’ai organisé une petite dégustation sur ce thème, mais en faisant simple et relativement classique.
Le principe était donc de tester deux vins avec chacun des trois fromages suivants, choisis volontairement très différents : crottin de Chavignol, comté et roquefort. Ces fromages provenaient de la fromagerie Escudier à Boulogne-Billancourt et se sont révélés tous très bons

, peut-être parfois un peu trop affinés pour faciliter les accords.
Les vins ont été choisis comme originaires de la même région que les fromages auxquels ils étaient associés car il est souvent dit que cela donne de bons accords, même si aucune raison scientifique n’a pu être trouvée pour expliquer cette assertion et même si naturellement une telle règle ne peut être valable de façon générale.
Enfin chacune des paires comportait un vin rouge et un vin blanc car il y a des adeptes de chaque couleur pour ces accords…
Avec un crottin sec de Chavignol
Domaine André Vatan – Sancerre blanc – Les Charmes – 2018
La robe est d’un or clair, plutôt très soutenue pour un jeune Sancerre.
Le nez mettra quelques minutes pour bien s’exprimer sur une aromatique classique d’agrumes, de buis et de fruits blancs.
La bouche se révèle vive et franche, assise sur une chair bien fruitée, la finale se montrant d’une vivacité relevée.
Bien + pour ce Sancerre très classique porté par une acidité étonnante pour un 2018.
Le point fort de l’accord est, comme attendu, constitué par les acidités du fromage et du vin qui se répondent, mais en termes d’aromatique c’est le fromage qui prend le dessus, notamment par sa croute. Un accord noté
3,5 / 5 alors que j’attendais mieux.
Domaine Philippe Gilbert – Menetou-Salon rouge – 2018
Un vin que j’avais choisi car non boisé, car élevé en cuves tronconiques en bois de 90 hl.
La robe est plutôt sombre et jeune.
Intense, le nez présente des arômes de cerise noire et des notes fumées, avec un petit côté aigrelet (groseille ?) inattendu.
La bouche combine un beau fruité charnu et une structure gouleyante. Des petits tanins (certains y ont été plus sensibles que moi) viennent soutenir l’ensemble jusqu’à une finale de bonne facture et gourmande.
Bien +(+)
Le vin tient mieux le coup que le Sancerre blanc sur le crottin. Celui-ci efface les petits tanins mais à part cette légère inflexion l’accord se révèle neutre
(3+ / 5), les deux éléments semblant relativement indifférents l’un à l’autre.
Les dégustateurs ont préféré le vin blanc avec ce crottin mais le vin rouge s’est bien défendu en remportant un gros tiers des suffrages.
Avec un comté d’été de 18 mois
Domaine Désiré Petit – Arbois Pupillin – Trousseau – 2018
La robe est assez sombre, et même sombre pour un trousseau, et montre des reflets violacés de jeunesse.
Le nez d’une intensité moyenne exhale des arômes de petits fruits rouges teintés de notes plus fraîches de ronce.
Ronde et savoureuse, d’une belle vivacité, la bouche est très avenante et le plaisir se prolonge dans une finale élancée, goûteuse et salivante.
Bien ++ pour ce vin d’un domaine que je ne connaissais pas, vin que je craignais être un peu en-dessous des autres. Certains l’ont même déclaré « meilleur trousseau jamais bu » ; je n’irai pas jusque-là, ayant un grand souvenir du trousseau « Grevillière » 2005 de Daniel Dugois, mais c’était une très bonne surprise.
L’accord avec le comté est à peine au-dessus de la moyenne
(3+ / 5) car le fruité du vin est atténué en attaque mais il ressort bien en finale.
Domaine Macle – Côtes du Jura – 2015
Un assemblage de 80 % de chardonnay et 20 % de savagnin élevé sous voile pendant trois ans.
J’avais choisi ce vin pour tuer l’idée chez les participants les moins expérimentés de la dégustation que le goût de jaune ou goût de noix vient du savagnin…
L’or de la robe est bien soutenu.
Le nez puissant est dominé par le céleri mais la noix n’est pas loin et une pointe de curry apporte un peu de complexité.
La bouche est large mais c’est la remarquable finesse qui … se fait remarquer et apprécier. Le profil du vin est droit, sans être austère, et très long.
Encore tout jeune, ce vin ira loin en se complexifiant.
Très Bien +(+)
L’accord est superbe
(4,5 / 5), sans surprise, car le vin gagne encore en puissance et en longueur sur le comté.
La victoire du vin blanc est cette fois-ci bien nette, mais il n’a pas gagné par KO car les réfractaires aux vins oxydatifs ont forcément préféré l’accord avec le vin rouge.
Avec un roquefort (sans doute un des meilleurs roqueforts jamais dégustés, alliant force, finesse et texture légèrement fondante)
Château Lamartine – Cahors – Cuvée Particulière – 2015
Ce vin est à grande majorité de malbec (90 %) complété d’un peu de tannat (10 %), les vieilles vignes étant âgées de 40 à 60 ans, et l’élevage se faisant pour 1/3 en foudres et 2/3 en fûts d’un à trois vins.
La robe est presque noire mais laisse apparaître quelques reflets violacés sur la frange.
Le nez est très intense et relativement complexe, alliant cuir, fruits noirs et une touche mentholée du plus bel effet.
La bouche se montre étonnamment confortable pour un vin du sud-ouest mais le millésime doit y être pour quelque chose, avec une belle chair dense et assez fruitée. La très belle vivacité contribue à lui procurer une bonne allonge, bien goûteuse.
Très Bien
Le roquefort amaigrit malheureusement le vin, même si celui-ci ne résiste pas trop mal, pour un accord finalement très moyen
(2,5+ / 5), mais d'autres ont vraiment apprécié.
Domaine Cauhapé – Jurançon – Ballet d’octobre – 2018
Même s’il s’agit de la cuvée « entrée de gamme » en moelleux, elle est quand même composée à 100 % de petit manseng.
La robe est de couleur paille.
Assez intense, le nez s’exprime sur des fruits confits, des notes assez prégnantes herbacées (fenouil) et une touche fumée.
La bouche est très peu sucrée et dotée d’un fruité franc mais peu intense, de fraîcheur suffisante et de mi-longueur.
Bien (+) et une certaine déception pour moi.
Mais le roquefort va venir à son secours et, loin de l’écraser comme on pouvait le craindre, il réussit à faire ressortir sa liqueur et son aromatique fruitée qui étaient minimalistes en dégustation pure. Le mariage est donc fort réussi
(4 / 5).
Le vin blanc l’emporte donc encore mais l’accord avec le cahors a eu ses afficionados. On peut aussi noter qu’un dégustateur est revenu sur le Côtes du Jura avec le roquefort et a trouvé l’accord très bon.
En conclusion, sur ce très faible échantillon de fromages (Oliv aurait râlé !

) et avec des choix forcément limités de vins, ce sont les vins blancs qui ont réalisé les meilleurs accords, mais pas de façon écrasante.
Par ailleurs, à part l’accord comté – Côtes du Jura élevé sous voile, je n’ai pas trouvé de mariage extraordinaire. Les accords vins – fromages sont donc difficiles, sans doute à cause du côté lacté des fromages, et cela contredit complètement les non amateurs de vins qui disent : « Avec le fromage, je veux bien un peu de vin ! ».
Jean-Loup