RIESLINGS ET PINOTS NOIRS
Comme annoncé hier par Tuukka / Podyak, nous avons réuni hier une dizaine de membres de LPV VDM pour une dégustation Riesling & Pinot Noir.
Nulle mention de région, à l’aveugle bien sûr, cinq blancs et cinq rouges.
Tous les vins ont été ouverts à l’arrivée au restaurant, sans doute eut-il été mieux pour certains de le faire à l’avance.
Seul le dernier rouge a été carafé.
- Clos Veličane - Riesling 2018.
Nez un peu brouillé à l’ouverture, avec quelques effluves peu agréables, entre colle blanche, carton mouillé et vinaigre balsamique. Après une aération dynamique viennent cire d’abeille, térébenthine, choux, pomme, poire, caramel, et de petites notes de rose.
La bouche se présente vive et ample, riche, construite autour d’une acidité forte, salivante et plutôt puissante. Belle persistance en finale, agrumes, poivre blanc, amertume élégante, notes fumées et terpéniques légères en rétro.
Ce vin n’a clairement pas plu à tous, déclenchant même des réactions de franche hostilité avec, il faut le dire, un premier nez difficile d’approche. Le demi-verre gardé de côté deviendra plus net ensuite, sans toutefois perdre certains de ses petits défauts. Sans doute ai-je insuffisamment préparé ce vin ou mérite-t-il d’être attendu quelques années. Pour ma part j’ai vraiment apprécié sa chair et sa finale dans lesquelles le cépage me semble lisible, au contraire du nez.
- Barmès-Buecher - Riesling 2018
Robe claire, nez d’agrumes, de citron vert en particulier, iodé, poire williams, un peu lacté. Quelques doutes autour de la table sur le cépage, certains évoquent Chablis. Attaque vive, fraîche, tendue, puis vient un moment ou le vin est vraiment plat, vide, aqueux. En finale le vin reprend un peu de vigueur, ré-insufflant une belle présence s’articulant autour des agrumes.
J’ai été un peu déçu par ce vin qui malgré un joli nez et une agréable tension rafraîchissante ne m’a pas semblé à la hauteur de ce que je connais déjà du domaine. Certains « habitués » du domaine n’en n’ont pas non plus reconnu la pâte. Trop jeune ?
- Jean-Marc Bernhard - Riesling GC Wineck-Schlossberg 2013
Couleur nettement plus dense, laissant supposer un vin bien plus vieux. Là on est sans aucun doute sur le riesling, le nez est généreux, pétrolant gentiment. Caramel, cire d’abeille, agrumes confits, mandarine, fumée. Attaque vive, saline, assez ample, puissante et gourmande, miellée et citronnée. Des notes caramélisées, des épices et une très légère sucrosité accompagnent de jolis amers en finale.
J’ai bien aimé, avec une légère réserve sur la présence un peu insistante des notes de caramel peu élégantes.
- Pierre Frick - Riesling GC Steinert 2012
Teinte un peu plus claire, mais restant assez soutenue. Le nez est marqué par des notes légèrement oxydatives, de la pomme cuite et légèrement caramélisée, ensemble laissant supposer un vin peu protégé. On retrouve des agrumes (cédrat confit), des prunes type reine-claude. La bouche est plutôt charnue, offrant une certaine mâche, du fruit, légèrement glycérinée, avec une belle tension. Certains décèlent un léger perlant que j’ai également ressenti après qu’il ait été évoqué, et qui ne m’a pas dérangé. Jolie finale, gourmande et rafraichissante, toute de fruits et d’épices douces.
À nouveau un vin clivant, comme souvent avec Pierre Frick, certains étant très dérangés par les notes oxydatives légères et le petit perlant, d’autres, comme moi, appréciant le fruité et la chair offertes par la bouche. En tout cas c’est une lecture du riesling qui ne me semble pas dénuée d’intérêt, montrant un fruité inhabituel sur ce cépage. J’ai bien aimé la bouche, moins le nez.
- F.X. Pichler - Riesling Smaragd Loibner Steinertal 2010
Très beau nez, très net et élégant, riche de très nombreux arômes, évolutif : Agrumes confits, citron beldi, notes terpéniques, fumée froide, fruits exotiques, fleurs fraîches puis séchées… Des notes de rose et de litchi font presque penser à du gewürtz… La bouche et franche, nette, et là encore, le mot qui me vient est l’élégance. Beaucoup de chair et de fraîcheur, évoluant avec des moments différents dans lesquels tantôt la gourmandise et une certaine tendreté s’imposent, pour laisser ensuite la place à plus de tension, de salivation, allant vers une longue explosion finale de poivre blanc, d’agrumes confits, c’est magnifique…
Très classe, excellent vin, le vin de la soirée pour moi, le meilleur blanc sans aucune discussion possible pour tous.
- Jean-Louis & Fabienne Mann - Pinot noir Chemin de Pierre 2018
Couleur dense, légère turbidité. Le nez est un peu réduit, un peu brouillon, riche sur les fruits rouges et noirs compotés, quelques fleurs capiteuses. On a comme l’impression d’une vinification carbonique, pas très nette mais très fruitée, qui brouillerait un peu la perception du cépage. La bouche est charnue, puissante, fruitée, riche, douce, tenue par un léger trait acidulé et des tanins fins et serrés. Finale sur les fruits noirs, le poivre et les épices douces. Le vin semble très jeune, un peu fou-fou, mais présente une chair très gourmande. Certains évoquent une origine plutôt sudiste…
J’ai bien aimé, surtout la bouche, à attendre et à regoûter d’ici deux ou trois ans.
- Barmès-Buecher - Pinot noir Réserve 2018
Couleur moins dense, avec de jolis reflets brillants. Nez de fruits rouges, mais nettement plus léger et tendu que le précédent vin, framboises et cerises, petites notes fumées, violettes, poivre blanc, granit mouillé. C’est fin, élégant, on n’a aucun doute sur le cépage. L’attaque est nette, fraîche et tendue, les tanins sont très fins et très soyeux. Ce jus contraste avec le précédent, plus fluide, une lecture du fruit d’une netteté parfaite, très salivant, désaltérant. Jolie finale sur le poivre blanc et les fruits rouges.
Très joli vin, frais et élégant.
- Guillerault-Fargette Domaine des Caves du Prieuré - Sancerre Les marnes 2014
Nez très « classique bourguignon », entre cerise burlat, légère fumée froide, pierre mouillée, orange sanguine, fleurs séchées… C’est droit, net et élégant, on ressent une légère pointe d’élevage bien intégrée. Très belle entrée en bouche, entre fruit et minéralité salivante, très soyeux, suave, très droit. Finale élégante où l’on retrouve l’orange sanguine, les épices, avec une tension amère qui porte à se resservir.
Autour de la table, c’est clairement à placer en Bourgogne, alors ça discute entre Côte de Nuit pour la plupart, la Côte de Beaune et l’Yonne sont également évoqués… Surprise à l’énoncé de l’appellation, pas attendue à ce niveau là, ni avec ce caractère très bourguignon…
Très joli vin, probablement au début de son apogée, d’un domaine quasiment inconnu de tous.
- Alain Gras - Auxey-Duresses Très vieilles vignes 2016
Premier nez sur le tabac, puis viennent des fruits rouges, des épices douces, des notes d’élevage sans excès, tout cela formant un ensemble très engageant. La bouche est sur la même ligne, charnue et tendre, très bien équilibrée, sur la jeunesse du fruit, suave. Les tanins sont présents, encadrant un fruité généreux et gourmand, un très joli jus. Belle longueur, finale sur le noyau de cerise, les fruits rouges.
Très joli vin, très gourmand, qui s’apprécie déjà très bien même si quelques années de plus lui donneront sans doute un peu plus de complexité.
- Marie-Thérèse Chappaz - Pinot Noir Grain Pinot Chamoson 2016
Le nez est plus strict que le précédent, moins sur le pur fruit, plus nourri de notes minérales et végétales, cerises et noyaux, orange sanguine, ronce, très léger menthol, petite fumée, très frais, très plaisant. L’ensemble est d’une extrême élégance toute contenue où l’on va de découverte en découverte. Le vin en bouche commence tout doucement, délicatement, rafraîchissant, tendu, assez salin, tanins tout fins et discrets, puis gagne en amplitude de manière spectaculaire allant vers une finale explosive totalement incroyable, portée par le poivre blanc, la griotte, la ronce, le noyau… Je reste étonné de ce développement inattendu, de cette montée en puissance en quelques secondes, de la complexité de ce vin… J’y reviens et retrouve cette même sensation, j’adore !
Excellent vin, qui s’impose comme le rouge de la soirée.
Intéressante soirée, assez éclectique sur deux cépages assez emblématiques de deux régions françaises. Le jeu, pour moi qui devait choisir dans les propositions d’apport qui m’avaient été faites, était de se promener parmi des expressions les plus diverses que possible de ces cépages. Sur ce point la soirée a été vraiment intéressante, parfois dérangeante, mais pleine de surprises, avec des vins qui n’était pas souvent là où on les attendait. Il eut été facile de centrer la soirée sur quelques grosses étiquettes de Riesling alsacien et de crus bourguignons, mais là n’était pas mon intention.
Dans la continuité de ces commentaires, il est intéressant de noter que les deux vins qui se sont très nettement imposé en blanc et en rouge ne sont pas français mais autrichien pour le riesling de Pichler, tout simplement un grand vin de mon point de vue, et suisse pour le pinot noir de Chappaz, magnifique lui aussi.
Merci à tous pour cette soirée, ces découvertes, ces confrontations.