Nous avions décidé de choisir un thème plus pointu qu’à l’accoutumée pour ce rendez-vous de février : le Roussillon. Et c’est Arnaud, fin connaisseur de cette région, qui a décidé de relever le défi… Je parle de défi car une bonne partie d’entre nous n’apprécie pas forcément cette région, mais nous sommes volontaires, à LPV Versailles, prêts à découvrir, élargir nos horizons et peut-être … faire évoluer nos préférences !
Une chose est sûre : notre petit groupe est très éclectique, par la diversité des caractères et des goûts de ses membres. Un peu comme la diversité des vins que nous avons la chance de déguster ! Une fois encore les avis ont été différents sur la plupart des vins mais cette fois-ci je pense que nous avons battu des records !
Une deuxième chose est sûre : malgré nos différences, nous prenons plaisir à nous retrouver, à échanger et à débattre !
Assez disserté, c’est parti :
1ère paire de blancs
Deux assemblages de grenache blanc, grenache gris et macabeu.
Domaine Modat – Côtes du Roussillon – de-ci de-là – 2011
Robe paille plutôt soutenue.
Nez d’abord assez désagréable, sur des arômes de levures. Après agitation dans le verre, cela s’améliore vers un fruité plus présent qui apparait de-ci de-là
mais sans grande complexité.
La bouche est dense et possède un beau volume mais elle paraît fortement soufrée et en légère sous-maturité. La finale tendue est plus agréable.
ED ?
Assez Bien +
Domaine de l’Horizon – IGP Côtes catalanes – 2012
Robe paille.
Nez très intense de fruits jaunes, complétés par du grillé et une touche minérale.
La rondeur en bouche se double d’une belle amplitude. L’ensemble est également frais et agréable, d’une bonne longueur et s’achève sur une finale saline.
Bien ++ / Très Bien
2ème paire de blancs
Deux vins de mono-cépage macabeu.
Domaine Olivier Pithon – IGP Côtes catalanes – Maccabeu – 2014
Maccabeu (ou maccabéo) est une autre écriture de ce cépage assez méconnu, sauf dans cette région.
Robe de couleur paille très claire.
Nez fortement soufré et légèrement lacté désagréable.
La bouche est tendue et très saline mais possède une très faible aromatique.
Assez Bien
Domaine Roc des Anges – IGP Côtes catalanes – L’Oca – 2012
Robe paille.
Nez presque puissant, sur des fruits compotés confinant à l’exotisme, une pointe de minéralité et une fine oxydation (pomme) qui complexifie l’ensemble. D’autres ont trouvé cette oxydation prépondérante et donc rédhibitoire.
La bouche est pleine, au fruité marqué mais il est vrai sur des arômes de pomme plus prégnants qu’au nez. Une superbe tension lui redonne cependant de l’énergie jusque dans sa finale traçante.
Quel dommage que ce début d’oxydation (ou oxydation tout court pour certains) ait gaché un tel jus !
Bien +(+) en l’état.
3ème paire de blancs
Deux vins de mono-cépage grenache gris.
Domaine de La Rectorie – Collioure – Argile – 2011
Robe dorée.
Nez très intense déroulant des arômes de fruits jaunes bien mûrs avec quelques notes de cire.
La matière impressionne en bouche par sa densité mais une amertume trop marquée et manquant de finesse empêche de plus l’apprécier.
Bien +
Domaine Roc des Anges – IGP Côtes catalanes – Iglesia Viella – 2011
Robe de couleur paille bien claire.
Nez très intense qui offre de belles senteurs minérales, sur la roche mouillée, qui s’appuient sur un fruité noble.
La bouche est à l’avenant, d’une minéralité et d’une tension superbes, l’ensemble présentant un profil rectiligne très pur et la sapidité ressortant sur la finale qui donne envie de se resservir.
Très Bien +(+)
4ème paire de blancs
« Encore des blancs ? »
« Mais oui, Christophe, le Roussillon, ce sont des terroirs à blancs ! »
Et puis il aurait été dommage de se passer de ceux-là...
Deux vins de l’élève et du maître…
Domaine Le Soula – IGP Côtes catalanes – 2009
Robe dorée.
Beau nez généreux alliant fruits jaunes et fruits secs, aux accents grillés sensibles.
La bouche joufflue, bien ronde, est dotée d’un fruité bien mûr. L’élevage ambitieux s’intègre bien à cette matière riche ; il est toutefois sans doute aussi à l’origine de ces arômes amandés qui s’invitent dès le milieu de bouche pour s’exacerber en finale.
Très Bien
Domaine Gérard Gauby – IGP Côtes catalanes – Coume Gineste – 2008
Robe d’une couleur paille plutôt soutenue.
Intense mais loin d’être puissant, le nez frappe par sa classe folle. La fine réduction s’ajoute aux fruits blancs, aux notes florales et anisées pour se fondre dans un ensemble irrésistible.
La bouche n’est pas en reste, volume, densité, grande sapidité et finesse conférant une sensation de plénitude. Mais ce n’est pas tout ! La tension salvatrice, la fine minéralité et la superbe persistance parachèvent ce grand vin à l’aube de son apogée. Et le bois ? Quel bois ? Il est tellement bien intégré que j’ai beau relire mes notes : je n’en trouve pas trace…
Pour moi un des deux vins de la soirée.
Excellent
Triplette de rouges
Un vin de rattrapage et deux vins d’un même millésime, mais tellement différents par leur structure, ont finalement constitué cette triplette très éclectique.
Domaine Le Soula – IGP Côtes catalanes – 2010
Robe sombre et évoluée.
Nez très ouvert, aux arômes chocolatés et d’un fruité très mûr. Il a rappelé à certains le nez d’un Châteauneuf-du-Pape ce qui les amenés vers du grenache, mais la majorité de l’assemblage est du carignan.
La bouche est relativement équilibrée, charnue et de bonne fraîcheur, d’un profil droit mais à la finale courte. Un bon vin à qui il manque de l’émotion.
Bien +
Domaine Gauby - Côtes-du-Roussillon Villages – Vieilles Vignes – 2005
Robe sombre et jeune (incroyable, il a cinq ans de plus que le précédent !).
Le nez peu causant s’ouvre peu à peu sur des fruits noirs et de belles épices.
La bouche présente un équilibre axé sur la finesse, une matière assez fluide, une persistance intéressante et sapide.
Bien +(+)
Domaine du Clos des Fées – Le Clos des Fées – 2005
Robe très sombre et assez jeune (même remarque).
Nez très intense sur des arômes de fruits noirs et plus sauvages de garrigue.
Enorme de densité, de matière fruitée, d’alcool et de bois, la bouche est vraiment too much ! On peut aimer et il y a encore cinq ans j’aurais mis une excellente note à ce vin.
Bien +
Je remarque qu’un assemblage des deux derniers, voire des trois vins aurait je pense donné un équilibre fort intéressant !
1ère paire de rouges
Une même cuvée sur des millésimes très différents.
Domaine du Casot des Mailloles – Vin de table – Visinum 2012
Robe assez claire et aux reflets tuilés marquant une évolution certaine.
Nez très avenant, d’une grande finesse, sur une aromatique très florale se mêlant à de petits fruits rouges et à de l’orange sanguine. Très inattendu dans cette région ! J’aime…
Avec la bouche, on passe de l’autre côté du miroir : c’est très concentré, sans manquer de finesse, avec un beau fruité, de la réglisse et une finale plus fraîche et élancée.
Très Bien +(+)
Domaine du Casot des Mailloles – Vin de table – 2006
Robe assez sombre et évoluée mais moins que la précédente.
Nez d’une belle intensité, marqué par une pointe d’acétone sensible et une autre de réduction. Quelques fruits noirs et des touches cacaotées sont là pour remonter le niveau.
Après une attaque légèrement perlante, la bouche apparaît sous un jour plus favorable, d’une certaine harmonie, montrant tour à tour un beau volume, des petits tanins saillants et une finale plus pointue et tonique.
Bien + pour moi mais d’autres ont nettement plus apprécié !
Avec Philippe, nous avons vérifié trois fois qu’il n’y avait pas d’inversion entre les deux verres, ou entre les deux bouteilles… Mais non, le vin plus jeune en robe, en concentration et en tanins était bien le plus âgé !
Comme quoi les indicateurs sont parfois trompeurs… mais l’honnêteté intellectuelle m’oblige à dire que pour les autres dégustateurs l’affectation des millésimes aux vins dans les verres semblait logique.
2ème paire de rouges
Deux vins dans la force de l’âge.
Domaine Gardiès – Côtes-du-Roussillon Villages – Les Falaises – 2000
Robe presque noire, aux reflets tuilés.
Nez puissant, présentant une aromatique très sudiste basée sur le chocolat, le grillé, les fruits noirs et quelques accents de garrigue. Il donne une impression de densité que l’on devrait retrouver dans le jus.
Effectivement la bouche est pleine, sur des fruits très compotés, et s’avère même un peu sucraillonne, avec des arômes de figue un peu écœurants. Elle manque clairement de fraîcheur mais la température de service n’a pas dû aider.
Bien, pour le nez et en tenant compte de l’effet température. Ceux qui me connaissent savent que je suis un éternel optimiste …
Domaine Gauby – Côtes-du-Roussillon Villages – La Muntada – 2002
Robe sombre et dénotant un début d’évolution.
Nez très ouvert sur des fruits compotés allant même jusqu’à une touche d’oxydation, mais qui exhale aussi des notes goudronnées.
La bouche est assez équilibrée : on y retrouve les fruits compotés dans une chair fine et dense, mais là encore un manque de fraîcheur empêche d’atteindre le niveau attendu ; ce n’est pourtant pas un problème de température du vin, plus probablement d’un vieillissement prématuré sur cette bouteille. Corollaire de ce déficit d’acidité : une persistance honnête, sans plus.
Bien +(+)
Paire de VDN
Château Mossé – Rivesaltes ambré – 1967
Robe claire d’un très bel ambré.
Nez intense qui exhale des arômes d’une grande complexité, d’oxydation bien entendu mais pas uniquement. On y trouve tour à tour de la noix, du céleri, du café, du pruneau, du raisin sec, l’ensemble s’appuyant sur un fond de fruits compotés. Superbe nez !
La bouche est dotée d’une liqueur magnifique, aux arômes secondaires (vinification) et tertiaires (vieillissement) très fins, à l’acidité structurante encore sous-jacente et à la longueur superbe.
Excellent
A 50 ans on est dans la force de l’âge !
Mas Amiel – Maury – 20 ans d’âge
Robe sombre aux reflets acajou.
Nez intense sur la cerise à l’eau de vie et les fruits compotés.
La bouche est bien équilibrée entre sucre, fruité et acidité mais présente un peu moins de tout que le vin précédent. Cela reste très beau, avec les mêmes arômes de cerise qu’au nez, complétés par des agrumes qui viennent affiner agréablement la finale.
Très Bien (+)
La première partie du défi a été relevée avec brio par Arnaud qui nous a concocté un programme d’enfer, au moins sur le papier, avec des paires savamment assemblées.
La deuxième partie, qui avait pour but inavoué de réconcilier certains réfractaires avec le Roussillon, n’a pas été couronnée de succès
, sauf pour les VDN mais je pense que tout le monde était convaincu sur les VDN du Roussillon avant cette soirée.
A cela j’avancerai plusieurs raisons :
- Certaines étiquettes stars étaient sans doute représentées par un échantillon défectueux (Roc des Anges – L’Oca et Gauby – Muntada).
- La température de la salle du restaurant était particulièrement chaude, ce qui a pu déranger certains vins … et certains dégustateurs.
- Le niveau d’exigence moyen de notre groupe est particulièrement élevé. Je peux le constater en comparant par rapport à d’autres groupes de dégustation auxquels je participe. Ainsi, je pensais avoir une bonne connaissance des bons vignerons de l’ensemble des régions françaises mais, au sein de LPV Versailles, je me sens presque néophyte... Et comme je suis un éternel optimiste, je dirai que c’est bien : cela me rajeunit !
Pour la prochaine fois, nous revenons aux basiques : ce sera la Rive Droite. Mais pas de la Loire, cela sera pour une autre fois…
Amitiés oenophiles,
Jean-Loup