Catherine et les garçons. Da doo Rhône Rhône for ever...
Un petit clin d'œil ému à l'actualité d'il y'a une semaine, avant de démarrer notre seconde session consacrée au Rhône septentrional, complétant celle du
21 Décembre 2011
. Allez let's Côtes-Rôties, Hermitage, Cornas, Condrieu et Cie, again !!
Tous ces vins ont été regouté dans les jours qui ont suivi.
blancs :
1 Saint Joseph blanc Mairlant 2014 Domaine François Villard.
cabillaud poêlé aux cinq saveurs et célerisotto.
Le nez charmant n'est pas dans l'exubérance, plutôt dans la retenue à l'ouverture. La composition se dessine par touches subtiles : l'abricot succède aux touches florales (acacia) recouvert par un léger voile de miel auquel des notes de fruits secs (noisette) et quelques épices (gingembre) donne du corps et du relief. L'ensemble délicat est plus complexe qu'il n'y parait.
Ce caractère subtil, fleuri, s'adosse en bouche à une texture dense, charnue ; les saveurs généreuses, mais bien ancrées, en affleurent comme l'écume d'une vague puissante que les amers tendus au gout d'amande, font rouler tant et plus. Cette combinaison de volume, de gras, d'ampleur de la structure et de saveurs délicates, réalise une belle alliance que l'on ne discernait vraiment pas Vendredi dernier. Superbe accord avec la recette de Passard, adaptée par André.
2 Saint Joseph blanc Les Lombards 2002 Yves Cuilleron.
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Ce vin semble indiquer qu'un St Jo blanc n'est pas structuré pour être gardé quinze ans... Une impression de fatigue générale, de tension présente, mais légèrement affaissée, d'arômes trop murs, d'un coté végétal pour certains, légèrement oxydé pour d'autres.
La bouche témoigne de l'équilibre d'antan, de la belle amertume de la marsanne (à part égale avec la roussane), mais le même registre un peu fatigué nous donne envie de passer au vin suivant.
3 Condrieu Deponçins 2009. François Villard.
grosses gambas piquée de vanille Bourbon, sauté de poire au gingembre et à la cardamone.
Il y'a six ans déjà, lors de la dégustation citée plus haut, j'avais déjà écrit, à propos de ce vin :
Si l'on pouvait être peintre d' arômes, le nez de ce Condrieu en serait à la fois la palette et le pinceau traçant à coup de traits d' abricot bien mûr, de poire juteuse, de notes florales de violette envoûtante et de fines coulures de miel, un paysage aromatique intensément parfumé. Si caressant, si profond, si suave qu' il évoque un tableau d'odeurs faites émotion. Je comprend qu'un tel vin puisse autant captiver que provoquer le rejet. C'est là où l' accord avec l'une des recettes proposées par le domaine Vernay (avec le Coteau de Vernon) est vraiment inspiré, tant le panier d'odeurs mêlées de gambas sautées, de vanille bourbon, de poire, gingembre et cardamone se mêlent voluptueusement à ce nez très expressionniste. Quand la caresse parfumée coule en bouche, l' accord touche au génie ; la texture du vin semble exploser de saveurs dont on ne sait plus trop s' il s'agit de fruit ou de fleur, mais dont l' écho à la trame amère s'allonge au fond de la gorge comme un tapis d' Orient. J' adore ce vin expressionniste qui deviendrait rapidement tape à l'œil sans sa fraicheur et le parfait équilibre de son corps d'arômes et de saveurs à vocation gastronomique. Sur le sauté de poire au gingembre, l'accord est vraiment magique !
Franchement, je ne changerais rien à mon CR de l'époque. Notons au passage que bien des amateurs, Casamayor en tête, disent du vin de viogner (dont le Condrieu) "qu'au bout de 3 à quatre ans, il perd sa fraicheur aromatique, et le bouquet complexe qui faisait son charme, commence à se faner". Tout le contraire de ce vin qui me semble atteindre aujourd'hui son plateau de maturité, tant son intensité, sa puissance, sa gourmandise, se complètent aujourd'hui, d'une délicatesse suave et d'un raffinement dégageant un charme fou. Et la capacité de certains Condrieu de se bonifier avec l'âge, se confirmera encore plus avec le vin suivant.
4 Condrieu Coteaux de Vernon 2010. Domaine Vernay.
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Le nez est comme tissé d'une maille complexe, concentrée, auréolée de fraicheur. A cette première image, succède celle d'un corps, d'une structure, d'une assise impressionnante d'où les arômes s'élèvent : une véritable mosaïque où le végétal noble (artichaut), la rose fanée, le litchi, se mêlent à des notes pimpantes d'abricot, de pêche, de violette. La troisième image, comme une focale intégrant tous les points de vue liant structure et parfums, reflèterait son harmonie souveraine, l'impression d'aborder vraiment un vin hors du commun.
En bouche, la même impression d'unité repose sur ce point d'équilibre dynamique, ressenti comme une évidence, où la rondeur, la suavité sont parfaitement révélées, mise en relief par la tension antagoniste vraiment remarquable. Le fil acide, génial de finesse, de précision (si rare sur le Condrieu) donne l'impression de mettre la texture en lumière, d'en révéler l'étonnante complexité sur un mode fin, délicat, superlatif. La finale, comme murmurée par les anges, confirme que ce vin fait vraiment partie des grands blancs du Rhône, en tout cas sur cette bouteille.
5 Hermitage blanc 99. Jean Louis Chave.
pot-au-feu de foie gras de canard aux petits légumes, selon Jean François Piège.
Grosse incertitude, voire déception sur cette bouteille, vu son origine, à l'ouverture. Passée de l'autre coté, retombée en phase de fermeture - comme André qui l'avait apportée, le suggérait - ou insuffisamment aérée ? Comment allait-elle se gouter, deux jours et demi plus tard, après long carafage ?
Le nez est structuré, son étoffe parait large mais semble garder sous le boisseau, les arômes un peu retenus, comme serrés les uns contre les autres ; une fragrance complexe, composite, où l'on finit par deviner les fruits secs, la pomme cuite, la pate de coing, la réglisse, comme finement voilés de cire d'abeille et d'épices subtiles. On sent vraiment la puissance, derrière, comme tenue au garrot, en attente que les parfums lâchent la bride, comme une voile se gonfle.
En bouche, le vent s'est levé. La carrure, la puissance prennent toute leur ampleur comme dessinée par un architecte. Son gout exquis de pralin, de coing, d'abricot séché et tant d'autres nuances, occupent de leur gras, de leur présence, tout le volume buccal transformé en monument. Vaste en dimension, mais si délicat, si fin en son agencement, son toucher, ses saveurs.
Curieusement, comme par effet de miroir, le nez se révèle à l'image de ce que la bouche exprime, et se laisse enfin comprendre.
Ce vin aurait du être carafé quelques heures plus tôt ; curieusement, on avait eu la même impression sur le
2001, gouté en parallèle du 2008,
ce qui laisserait supposer une fermeture relative après sa période de jeunesse...
rouges :
6. Cornas Terres Brulées 2009. Jean Luc Colombo.
parmentier de boudin aux deux pommes, façon Benjamin.
Ce vin remplace au pied levé, le Cornas Reynard 2004 de Thierry Allemand, dont Benjamin venait de m'annoncer deux heures avant, qu'il était "complètement naze"...dénaturé ?????
Le nez accueillant, ouvert, généreux, délivre une profusion de fruits noirs (cassis, gelée de myrtille), de réglisse, plein de touches empyreumatiques (café, caramel) virant légèrement sur le cuir, que le poivre vient légèrement corser.
La bouche parait étonnamment souple, malgré son coté dense et concentré dont rien ne dépasse ; la structure tannique n'entrave en rien le déroulé des saveurs pleines. Cette alliance de puissance épicée et poivrée et de souplesse fruitée, procure une impression très digeste, une mâche gourmande vraiment agréable. Ce vin dégage une réelle harmonie qui me procure plus de plaisir que d'émotion. Comme s'il manquait, à mon gout, d'un peu d'aspérité, de ce coté un peu sauvage (surtout pas border line !!
) qui donne du relief, du caractère. Mais c'est une bétise de dire çà, ce vin, comme il est, est vraiment bon !
7 Cornas la Geynale 2005 Robert Michel.
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Au nez un vrai grain complexe, profond, subtil, épanoui tout en restant concentré. Une harmonie touchante, signée de sa propre évidence : voilà ce qui pourrait éclairer le sens du mot pureté. Un grain qui n'est ni joli, comme le vin précédent, ni rien du tout, sauf d'être hautement singulier dans sa composition, ses mille nuances, son caractère, au final.
La bouche a autant de personnalité. Toujours cette impression de grain singulier, une véritable gourmandise concentrée, souple, tendue comme il faut, bien moins sous tous rapports que le vin précédent, par la même mâche gourmande qu'un soupçon de fine aspérité tannique, rendant le gout plus complexe, plus saillant, fait devenir émouvant. Le passage du bon à l'émouvant est vraiment subtil. Un gout, un équilibre, trois fois rien qui sont un tout...la porte s'ouvre, comme si quelque chose se reconnaissait à la croisée du buveur et du vin.
8 Cornas Pierre Clape 2007.
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Le nez donne une impression un peu confite, vite rehaussée par une fine acidité : de la cerise mêlée aux fruits noirs, qu'un fil léger de groseille, voire d'eau de vie, éclairerait. Un paysage complexe que l'on sent par ailleurs assis sur un lit floral de violette dont l'empreinte mêlée au poivre, donne un coté légèrement corsé, assez dynamique.
La bouche aux tannins racés, étonnante de pureté, éclaire, redéfinit le nez en tant qu'épure merveilleusement complexe. Du toucher jusqu'à la finale : le volume qui emplit la bouche et bien plus loin, le grain savoureux qui semble s'ouvrir à l'infini, la longueur interminable, seul lieu où la violette ne se fane pas, dont la bouche ne peut s'empêcher de faire des ronds, façon carpe, tout est ici au service d'une pureté de saveur vraiment exemplaire.
Chaque vin nous raconte son histoire. J'aime imaginer que chaque dégustation est une succession de chapitres d'un roman que l'on lit existentiellement en le buvant. Certains nous réjouissent, d'autres plus rares, dont celui là, nous élèvent. Merci à Pierre Clape de nous rendre ses vins si accessibles et épanouis, après simplement dix ans de patience. Petit regret de ne pas avoir gouté en parallèle le Reynard d'Allemand, autre parangon de pureté, sauf dérapage...
9 Côte Rôtie Domaine Jamet 2005.
tranches de magret de canard, polenta aux cèpes façon Barret
Le nez est délicat et profond, sur fond de puissance retenue. La finesse des aromes est vraiment étonnante : un coulis de fruits murs (mûre, cassis) sur un lit de tapenade et de réglisse, tout d'abord ; un petit mouvement du verre : la violette et le tabac blond très finement grillé, vous caressent, comme s'ils vous enveloppaient d'une dentelle parfumée. Leur coté mur, sans excès, idéalement équilibré, procure une impression charnue, très harmonieuse ; son grain féminin vous appelle !
La bouche prolonge, précise cette impression de finesse superlative. Son équilibre idéal repose sur l'évidence ressentie que chaque élément est exactement à sa place (toucher, texture, tension, longueur, qualité gustative). Une composition parfaite qui n'a rien d'évanescent tant cette impression d'absolu déposé en bouche, est résolument charnelle, digeste, vraiment touchante. Pour ma part, je découvre le domaine Jamet. Maintenant, je comprend pourquoi 62 pages lui sont consacrées sur LPV et que ses vins se retrouvent si souvent, dans les propositions de mes camarades.
10 Côte Rôtie Etienne Guigal Château d’Ampuis 2004.
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Le nez assez marqué par son boisé bien fondu au fruit, est résolument séducteur ; la patine de l'élevage long ne manque pas d'élégance et a probablement pour mission de donner au fruit généreux, bien mur (mure, cassis, violette, réglisse), un certain cachet. Le tout est ici plutôt harmonieux, sur un mode délicat, mais ce caractère boisé, si bien intégré soit-il, voile vraiment trop à mon gout, l'expression naturelle des arômes, comme s'il leur enlevait une part de relief, de mystère, gommant en partie ce qui me parait vraiment essentiel : le grain qui est un peu le gond du vin.
En bouche, la texture est délicate, presque tendre ; on n'est pas dans le registre de la puissance compensée par juste ce qu'il faut de tension pour que le jeu de saveurs s'anime, que le gout soyeux, assez fin, mais à l'identité toujours marquée par son boisé, s'allonge joliment sur la finale. C'est vraiment bon, mais avec un caractère qui manque un peu d'énergie, de relief, presque d'accident...sous contrôle, évidemment !
11 Hermitage 2000 Jean Louis Chave.
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Le nez impressionne par son coté massif, les parfums revêtent des formes sculptées par des doigts d'orfèvre. Une vague d'aromes déferle : fruits noirs, réglisse, fumée, poivre, violette ; tous réunis en une seule fragrance ample, généreuse, profonde, complexe, tellement délicate et précise, si émouvante au final, que l'on a plus qu'une seule envie : se laisser emporter par la vague . Quels parfums merveilleux !!!!
En bouche, du velours. Le grain fin, élégant des tannins comme éclairés par le fil acide diamantin, pose une ambiance de sous bois, de petits fruits noirs, de racine de réglisse, de tabac ; l'ampleur résolument dynamique la transforme en tapis volant. Chaque nouvelle gorgée en recrée le décor et nous invite à redescendre toujours et plus au fond de son grain fin, complexe et délicat. Alors que dans le même instant qui n'appartient plus vraiment au temps, la finale s'allonge tout en s'approfondissant. L'évidence du grand vin se révèle alors : l'impression de temps suspendu, le silence qu'il instaure à la juste croisée de la longueur interminable qui se mesure en caudalies et de la profondeur impensable qui nous élève, marquerait poétiquement rien de moins que la rencontre de la terre et du ciel. Comme on se laisse emporter par la vague de parfums, comment ne pas s'abandonner alors, totalement, absolument, sans rien faire si ce n'est dire merci, à ce dont chaque gorgée est l'évidence indicible. Tant de simplicité et de transparence émanent de ce monument qui nous met à nu.
12 Clairette de Die Jaillance cuvée Impériale.
Bûche glacée litchi/framboise. Macaron à la framboise.
Au nez, un bouquet de roses qui aurait fauté avec quelques litchis en goguette (pour le moins un bataillon !) délivrant une impression joyeuse et parfumée.
En bouche, l'émoustillance assez fine, donne l'impression d'une explosion de fruits qui retombe un peu sur la finale, quand le rideau de bulles s'efface et fait place à une texture où le sucre, vraiment très présent, n'est pas contrebalancé - ou insuffisamment à mon goût - par un peu plus de tension. Du moins en dégustation pure, car avec le sorbet de Berthillon, toujours aussi remarquable de précision et de pureté au niveau saveurs, la Clairette devient gourmande et procure une impression de légèreté et de fraicheur bienvenue à la fin d'une telle dégustation.
Quelle belle soirée, les cuisiniers se sont vraiment surpassés, et ces grands vins du Rhône sont vraiment des passeurs.
A vous les amis de nous communiquer votre enthousiasme ou vos déceptions sur ces bouteilles.
Daniel