Une drôle d’idée que j’ai eue d’organiser une dégustation sur ce thème !
Non que ce ne soit pas intéressant, mais le risque était d’avoir des vins trop jeunes et encore marqués par l’alcool, surtout pour deux millésimes aussi chauds en Rhône méridional…
Mais en visant des domaines qui, pour la plupart, savent sauvegarder de la fraîcheur dans leur production, et en servant les vins un peu frais (15 °C), cela pouvait le faire … et cela l’a fait !
Il faut dire qu'avec une assistance venant de LPV grand Centre, j'ai un bon public !
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il se trouve que Vivien s’était rendu chez Jacky Blot la veille et qu’il lui avait parlé de cette dégustation. Réaction de ce dernier : il nous a offert une bouteille issue de sa réserve personnelle pour l’apéritif ! Et pas n’importe quelle bouteille…
Domaine de la Taille aux Loups – Montlouis demi-sec – 1996
Bouteille carafée juste avant service.
La robe se pare d’un or moyen.
Très intense, le nez embaume la truffe blanche, bien complétée par des accents miellés et des notes d’agrumes.
Dès l’attaque, le palais se trouve tapissé par la belle matière savoureuse, enrobée d’un sucre tout juste perceptible car complètement intégré sinon fondu (18 à 20 g/l). L’ensemble est très harmonieux et d’une très bonne persistance, encore prolongée par une finale traçante.
Très Bien +
Merci Monsieur Jacky Blot !
Paire de blancs : une même cuvée sur deux millésimes différents, pour accompagner une lotte sauce bisque aux petits légumes.
Château de Beaucastel – Châteauneuf-du-Pape blanc – 2007
Un assemblage de 80 % de roussanne et de pas mal d’autres cépages dont surtout du grenache blanc. Passage de 20 % du vin en fûts.
Bouteille carafée deux petites heures avant service.
L’or de la robe est très dense.
Le nez se révèle très intense, presque puissant, en tout cas riche et aromatique. Le miel et les fruits secs se disputent la première place, tour à tour avec la frangipane et les épices douces.
La bouche frappe par sa carrure et son évidente densité. Son gras laisse son empreinte durablement mais elle ne manque pas de fraîcheur, notamment par des saveurs de plantes aromatiques qui viennent se rajouter à celles du nez, d’autant que le plat l’affine et l’étire remarquablement.
Très Bien ++
Château de Beaucastel – Châteauneuf-du-Pape blanc – 2009
Bouteille carafée trois petites heures avant service.
L’or de la robe est moins soutenu.
Moins puissant, le nez frappe par sa complexité. Les senteurs du 2007 se retrouvent mais en formant uniquement la base de la palette aromatique. Celle-ci est en effet dominée par des notes iodées, voire de coquille d’huître au premier nez, que l’on attendrait plutôt sur des vins d’une autre origine.
Comme la robe et le nez, la bouche joue dans le registre de la mesure, de la finesse et de l’équilibre. D’un profil plus longiligne et d’une grande élégance, elle s’achève en point d’orgue sur une finale à la fois saline et très sapide.
Très Bien ++ / Excellent
Première paire de rouges : un même domaine et deux cuvées différentes dans le même millésime, pour accompagner une terrine de canard et au foie de volaille
Clos du Mont-Olivet – Châteauneuf-du-Pape – 2009
Un assemblage de 80 % de grenache, 10 % de syrah, 6 % de mourvèdre et 4 % de counoise.
La vinification se fait en cuves de béton et l’élevage en foudres.
Bouteille ouverte et épaulée pendant deux heures et carafage juste avant service.
La robe assez sombre ne présente ni reflets de jeunesse ni reflets de vieillissement.
D’une belle intensité, le nez offre un fruité radieux, sur de petits fruits rouges, où la fraise l’emporte sur la framboise.
De l’autre côté du miroir, la bouche corsée est un peu moins avenante par son côté légèrement capiteux, avec toutefois une finale étirée par de jolis petits tanins.
Très Bien (+)
Clos du Mont-Olivet – Châteauneuf-du-Pape – La Cuvée du Papet – 2009
L’assemblage est très proche avec 80 % de grenache, 15 % de syrah et 15 % de mourvèdre, mais cette cuvée est issue des meilleures parcelles du domaine.
La vinification est identique à la cuvée précédente.
Bouteille carafée pendant deux heures avant service.
La robe est très proche de la cuvée Domaine, en gagnant un peu de densité.
Un peu moins intense, le nez est plus profond, mêlant un fruité plus noir à des arômes réglissés.
La bouche est racée, aussi bien par sa matière que par son toucher velouté et ses tanins très moelleux. La longue finale et la fraîcheur dynamisante prolongent le plaisir.
Très Bien ++
Cette cuvée du Papet s’est parfaitement accordée à la terrine riche en goûts qui avait un peu dominé la cuvée Domaine.
Deuxième paire de rouges : deux vins de monocépage grenache sur le même millésime, pour accompagner des brochettes de bœuf marinées aux poivres et grains de fruit de la passion
Pignan – Châteauneuf-du-Pape – 2009
Manquant de Reynaud dans ma cave sur les deux millésimes visés, j’ai demandé à mes invités de me dénicher un Pignan.
Bouteille ouverte et à peine entamée (heureusement !) deux jours et demi auparavant… puis carafage juste avant service.
La robe assez sombre sans plus présente des reflets finement tuilés.
Très intense, le nez offre ces parfums caractéristiques du Domaine, avec un fruité envoutant sur la fraise. La complexité est bien présente par des touches d’épices douces et des notes fumées.
L’élégance en bouche atteint des sommets, le fruité est d’une finesse et d’une pureté remarquables. La trame longiligne, la sensation tactile de velours, la grande fraîcheur et la persistance superlative signent un grand vin de Reynaud !
Excellent (+)
Ce vin peut être apprécié tout seul mais le plat ne l’a pas desservi, faisant ressortir son côté épicé.
Chapoutier – Barbe-Rac – Châteauneuf-du-Pape – 2009
Mon plan initial était d’associer la cuvée spéciale de Tardieu-Laurent 2009 au Pignan, mais celle-ci s’est révélée défectueuse à l’ouverture. J’ai donc avancé cette bouteille dans l’ordre de dégustation, initialement prévue pour les fromages. Cela tombait bien : les trois sont des monocépages de grenache !
Bouteille carafée pendant cinq heures.
La robe est assez sombre, mais pour le coup beaucoup plus jeune que celle du Pignan.
Le nez profond présente également de beaux arômes intenses de fraise, qui se mêlent à des fruits plus noirs.
La bouche est dense et concentrée, donnant presque l’impression de pouvoir se libérer d’une charpente qui la contient afin d’offrir encore plus. Mais ce qu’elle offre est déjà très beau grâce à la maturité de son fruit, son toucher suave et une longue finale classieuse.
Très Bien ++ / Excellent
L’accord est encore une fois réussi, un accord plus de texture cette fois-ci grâce à la trame serrée de la viande.
Troisième paire de rouges : une même cuvée sur deux millésimes différents, pour accompagner une épaule d’agneau façon kebab
Château de Beaucastel – Châteauneuf-du-Pape – 2009
Un assemblage de 30 % de grenache, 30 % de mourvèdre, 10 % de syrah, 10 % de counoise, 5 % de cinsault et 15 % des huit autres cépages de l’appellation. Elevage en foudres.
Bouteille carafée pendant six heures avant service.
La robe est sombre, plus que les deux vins précédents, et ni jeune ni évoluée.
Le nez intense séduit par sa complexité et la fusion de ses arômes de fruits rouges et noirs, de garrigue, d’épices et de réglisse.
La bouche a choisi le camp de la finesse, se montrant svelte et tonique, sans aucun tanin qui ne dépasse, jusqu’à une finale très savoureuse.
Très Bien ++ / Excellent
Château de Beaucastel – Châteauneuf-du-Pape – 2007
Bouteille carafée pendant quatre heures et demie avant service.
En fait je voulais carafer le 2007 plus longtemps, sur les conseils de Florian (Frisette, que l’on a bien regretté !) mais j’ai inversé les bouteilles pour cette opération … heureusement pas pour la suite !
Ce qui est intéressant dans les paires, c’est qu’on peut les comparer, en particulier pour les robes. Eh bien là, copier-coller !
Il faut un peut aller cher le nez mais quand on l’a trouvé, la récompense est là : on retrouve les arômes du 2009, les épices se montrant à leur avantage et une note fumée venant en plus complexifier l’ensemble.
La bouche est tout simplement extraordinaire ! Conjuguer puissance et finesse pour atteindre un tel équilibre est rare. La sapidité, la vivacité et la persistance sont telles que l’on n’a qu’une envie après avoir longuement savouré chaque gorgée : passer à la suivante !
Excellent (+)
L’accord avec l’agneau est remarquable, tant au niveau de la texture que des arômes. C’était moins le cas pour le 2009 qui pêchait un peu par manque de corpulence pour faire face à ce plat très goûteux.
Quatrième paire de rouges : deux domaines différents sur un même millésime, pour accompagner une daube de sanglier à la provençale
Domaine du Pegau – Châteauneuf-du-Pape – Cuvée Réservée – 2007
Un assemblage de 80 % de grenache, 6 % de syrah, 4 % de mourvèdre, …
Vinification en cuves de béton et élevage en vieux foudres.
Bouteille épaulée pendant deux heures et demie puis carafée pendant deux petites heures supplémentaires.
La robe est d’un grenat assez sombre, aux reflets légèrement tuilés.
Très intense, le nez offre un fruité « pointu », sans doute par sa réduction sensible mais pas gênante. Les autres arômes sont moins attendus, associant pêle-mêle du fumé, de l’olive et de l’anchois.
Fraîcheur et élégance signent la bouche, surtout en attaque, car des petits tanins encore saillants viennent perturber ce profil rectiligne. Ils s’adoucissent cependant sur la daube.
Très Bien +
Je l’avais visiblement plus appréciée en février 2017.
Domaine du Vieux Télégraphe – Châteauneuf-du-Pape – 2007
Un assemblage de 65 % de grenache, 15 % de syrah, 15 % de mourvèdre et 5 % de counoise.
Bouteille carafée pendant six heures et demie, sur les conseils de Florian.
La robe est assez sombre, aux reflets neutres, ni violets ni tuilés.
Le nez d’une très belle intensité procure une impression de sérénité et d’épanouissement par son beau fruité compoté, nuancé d’épices douces.
La bouche corsée présente encore une certaine mâche et des petits tanins qui viennent titiller le palais. Le long carafage n’aura donc pas été suffisant pour effacer ces petits défauts mais il aura certainement été profitable. La belle acidité et la grande persistance laissent augurer d’un très bel avenir.
Très Bien ++ en l’état, mais à attendre sereinement.
L’alliance avec la daube s’est révélée réussie !
Un pirate pour accompagner les fromages : comme précisé plus haut c’est le Barbe-Rac qui devait faire le job ; mais ayant dû remplacer au pied-levé le Tardieu-Laurent, j’ai fait appel à un semi pirate…
Domaine de Santa-Duc – Vacqueyras – Les Aubes – 2007
Un assemblage de 80 % de grenache et 20 % de syrah.
La robe est relativement claire et quelques reflets violacés sont encore présents.
Intense et fruité, le nez développe un beau fruit friand, rehaussé de notes mentholées et balsamiques.
Malheureusement la bouche, sans manquer d’ampleur ou de matière fruitée, paraît simple et plutôt rustique. C’est un représentant correct de son appellation mais il ne fallait pas le faire jouer dans la cour des grands…
Bien +
Un petit regret a posteriori : ne pas avoir pensé à placer un Gallety 2009 (je n’ai malheureusement plus de 2007) en pirate !
Un liquoreux pour terminer sur le dessert, un croustillant aux poires d’anthologie !
Domaine des Bernardins – Muscat de Beaumes de Venise – 2015
Bouteille carafée et servie dans la foulée.
La robe présente un orangé dense du plus bel effet.
Puissant et muscaté, bien entendu, le nez captivant propose en plus de beaux arômes de fruits jaunes, la pêche principalement mais aussi l’abricot.
La bouche est très riche en arômes, également en sucres mais ceux-ci sont bien tempérés par une grande acidité. L’allonge dynamique ne manque pas de tenue.
C’est vraiment un délice et pourtant je crois lui avoir préféré d’un demi-point un Muscat du cap Corse d’Antoine Arena 2013 bu quelques jours auparavant grâce à son surcroît d’élégance.
Très Bien ++
Voilà qui conclut une bien belle dégustation. Bon, j'ai un peu forcé sur les notes, c'est vrai...
Dommage que je n’aie pas toutes les bouteilles en double car j’aurais bien recommencé dans dix ans. Mais, comme on dit : Carpe Diem !
Jean-Loup