Cheese 2013, Bra (Italie)
De l'histoire d'un Gunthard en pèlerinage à sa Mecque !
Comme dit le photographe du Gunthard Club quand il s'agit de tirer le portrait de famille des guignolos pour le calendrier de fin d'année et qu'il faut redonner le sourire au grand sifflet dans l'fond qui affiche sa tronche habituelle d'aimable sans son orchestre :
Cheeeeeeeeeese Oliv !!
Depuis que le Père Herbin m'a fait découvrir
le Cusiè un de ces jours bénis estampillés chez l'Al'
et que Michel Grisard m'a klaxonné
il y a deux ans
pour le rejoindre dans le Piémont, littéralement, ça m'obsédait !
Alors à pieds, en train ou en chaise à bras, pour Cheese à Bra version 2013, la date était en rouge dans mon agenda et les congés posés depuis belle lurette.
Excité comme un puceau des années 50 avant son entrée au Sex Shop le jour de ses 18 ans, la nuit fut courte, agitée de libidineuses et crémeuses pensées, et le réveil matinal afin de ne pas louper le premier train du matin, direction... Genève !
Comment ça Genève, z'allez me dire ?
Ben oui, j'allais tout d'même pas me balader dans la Terre du Milieu du Fromage et du Nebbiolo sans emmener dans ma valoche mon Sam Gamegie à moi, ce fourbe traitre adoré parti exiler ses talents immenses au pays de la Longeole et du Gruyère caramel.
On s'était quitté la goutte au nez et la larme à l’œil un glacial matin d'hiver en claquant ensemble la porte d'un camion de déménagement qui tirait symboliquement le rideau sur un début de vie d'adulte pour lancer courageusement des horizons plus ouverts où tout était à construire.
Sa présence régulière sur Paris m'a parfois, souvent manqué mais son amitié fidèle ne s'est jamais démentie.
Alors que les rails débitent leurs lancinants tacadoung-tacadoung sous mes pieds, m'emmenant vers des instants que j'attends avec impatience, je réalise combien le temps a passé depuis ce départ il y a 6 ans et ce saut dans l'inconnu opéré par cet ami qui m'était déjà si cher et à qui je dois une partie de celui que je suis.
Sans Nicolas, sans sa joie de vivre, sa générosité, son humour et son incroyable capacité à mobiliser les amitiés et à vous prouver combien la vie vous rend au centuple ce que vous lui donnez, combien de grands moments et de rencontres bouleversantes seraient restés confinés dans le placard fermé du seul champ des possibles !
Alors quand il m'apprend une petite semaine avant Cheese que notre ami commun Michel Grisard sera sur place, j'exulte car ceux qui connaissent l'immense vigneron qu'est Michel, l'homme pétri de convictions à l'enthousiasme jamais démenti comprendront qu'un moment rare s'annonce.
Je ne peux m'empêcher de croire que la vie déroule une partition dont quelques notes minuscules s'écrivent parfois sous le thème du destin...
Et c'est pas le fait de descendre du train à Cornavin qui me fera changer d'avis !
Nous prenons immédiatement la route pour traverser les Alpes par le tunnel du Mont Blanc et rejoindre l'Italie du Nord.
Nous sommes bénis par les dieux du claquos, il fait un temps de folie !
La Savoie puis le Val d'Aoste étalent devant nos yeux leurs paysages alpins sous un ciel d'azur. Leur beauté grandiose exacerbe des reliefs impressionnants au point de provoquer le vertige.
La plaine du Po est vite passée et nous arrivons à Bra...............
La tension monte, mon palpitant s'emballe, je vois au loin les premiers stands où des milliers de fromages sont en présentation.
Impossible de tout vous raconter tellement j'en ai vus, vécus, goûtés, de pâtes dures affinées, de persillés toscans, de tommes de chèvre piémontaises, de pecorino sardes, de provolone dodus, de créations venues de tous les pays du monde, de France et d'Italie, du Burkina Fasso et de Hollande, d'Amérique comme d'Afrique du Sud...
A tel point que parfois, je ne savais plus où donner d'la bouche !
A un moment, les copains ont bien cru que j'allais tomber dans les pommes tellement mes durites étaient dans l'rouge et ma jauge à plaisir dans des niveaux proche de l'extase !
En piste pour un petit reportage visuel essayant de vous faire profiter de ces trois jours de folie merveilleusement organisés par Nicolas avec, en exergue, mes coups de cœur pour des productions au niveau fabuleux !
Les grands moments de Cheese 2013 !
Fromagerie l'Amuse (Pays Bas)
www.lamuse.nl/
Un affineur hollandais présentait des fromages d'un niveau hallucinant, depuis les vieux goudas, les tommes aromatisées au cumin ou à la girofle.
Extase totale sur un Brabander Goat Cheese, sorte de gouda vieux élaboré à partir de lait de chèvre d'un niveau absolument fabuleux.
Texture craquante avec juste assez de gras, dosage en sel idéal et un goût génial de noisette et de foin concentré.
Sublime !
Rogue Creamery (USA)
www.roguecreamery.com/
Une fromagerie de l'Oregon dont la production de persillés de vache atteint un niveau remarquable.
Deux découvertes : Caveman Blue, un bleu parfaitement équilibré, gras et fondant, au niveau des plus belles fourmes d'Ambert que j'ai pu goûter.
Mais le très grand fromage, un des plus beaux croisés sur ces trois jours, c'est le Rogue River Blue, un bleu affiné dans des feuilles de vignes marinées à l'alcool de poire.
La texture est extraordinaire, à la fois crémeuse et fondante et tout à coup, au moment où l'on s'attend à voir le fromage s'évanouir vient une texture croquante assez incroyable. Ses goûts sont phénoménaux de complexité, compromis entre l'attaque piquante parfaitement gérée des grands persillés, une pointe fruitée et une divine note fumée assez incroyable.
Très grand !
***
Un p'tit ver pour la route ! ()
Je sais pas si vous vous souvenez mais il y a quelques années,
Raph' m'avait asticoté et mis au défi
de me jeter un petit ver derrière la cravate !
Tombe ton bénard, Gunthard, c'est le jour où jamais de vivre une expérience ultime !
Un joli Casu Marzu tout frétillant me tend les bras et même si le berger qui me sourit à un air vicelard et
un tee shirt à l'avenant
, on n'est quand même pas venu pour beurrer les sandwichs avec du St Moret !
A tous mes vieux profs qui m'engueulaient quand je gobais les mouches pendant leurs cours, je peux dire qu'avec l'âge, dorénavant, je les chope à la source !
Bon, verdict du happening pour ceux qui souhaiteraient tenter l'aventure ou auraient un copain sarde dans la famille...
Vous prenez un Pecorino, vous le laissez pourrir jusqu'à apparition de petits mouvements suspects, vous le décalottez, une cuillère, un bout d'pain et en avant pour la tartine qui bouge toute seule et une haleine à faire fuir un fénec à 3 kms !
Mais surtout, prévoyez l'extincteur rempli de liqueur d’échalotes à portée de main car le canapé du berger ça dépote plus que les Ferrero de M. l'Ambassadeur local! 30 mns plus tard, je l'avais encore en bouche ! :
Et c'est là que me revient l'aphorisme de Pierre Overnoy :
"La longueur en bouche, ça compte moins que la qualité de la longueur.
Goûtez d'la merde, vous verrez, c'est long en bouche !"
-
***
Bussu (Italie)
www.formaggidebbene.it/
Alors que nombre de fromages du sud de l'Italie ne m'ont pas convaincu, souvent crissants sous la dent par des textures caoutchouteuses qui manquent de gras ou trop salés car trop concentrés, le Pecorino Fiore et le Stravecchio de la maison Bussu en Sardaigne étaient remarquables d'équilibre, d'un grande délicatesse de goûts, sur de superbes notes d'herbes sauvages et un goût de lait très fin.
De la très belle ouvrage !
La découpe d'une meule de parmesan, c'est tout un art !
Piave DOP (Italie)
www.formaggiopiave.i...
Un très joli fromage de la région de Belluno dans les Dolomites italiennes et d'un rapport qualité prix remarquable.
Décliné de Fresco (2 mois) à Vecchio Riserva (> à 18 mois), le Piave contient toutes les qualités de gras et de goûts de beaux comtés ou de vieux goudas avec le craquant fruité des parmesans.
Délicieux à grignoter. Un fromage qui plaira à tous !
De Magi (Italie)
www.demagi.it
Un affineur toscan absolument génial qui propose une gamme impressionnante de fromages de la plus haute qualité !
Depuis une série de pecorino splendides (Crocollo, Crosta d'Oro) jusqu'à deux bleus absolument géniaux, dont
le Blue Saint
, un délice affiné au marc de vinacce (les raisins du Vino Santo), cette production est une vraie piste aux étoiles !
Génial !
Quand tatouage rime avec fromage ! ()
Valsana (Italie)
www.valsana.it/categ...
Je crois bien que le stand de ce sélectionneur des meilleurs produits italiens est celui qui a le plus attiré mon regard.
Chaque fromage présenté semblait une œuvre d'art à lui tout seul !
Beppino Occelli (Italie)
www.occelli.it/it/
Les créations de cet homme ont permis la plus grande claque gustative de mon existence !
Et c'est pas encore aujourd'hui que je repartirai démenti de l'idée que ce monsieur est un génie !
La gamme a évolué.
Le Cusiè® n'est plus le fromage que j'ai tant vanté sur LPV mais
une tomme
qui peut se diviser en assemblages de plusieurs laits.
Les bijoux affinés sous marc, sous feuilles et autres déclinaisons portent dorénavant le nom d'Occelli®.
J'ai eu le privilège de faire un sort honteux à en squatter le stand à un monumental Occelli® al Malto d’orzo e Whisky comme au Occelli® in foglie di Castagno.
La version alla Frutta e Grappa di Moscato était absolument décadente, un vrai moment à part, plus tout à fait fromage, une bouchée de fruit du paradis.
A noter que la version à la feuille de tabac n'est plus autorisée, la nicotine migrant à l'excès dans le fromage pour les autorités sanitaires.
Je tiens à préciser toutefois qu'on ne peut apprécier le génie de ce fromage, plus encore que tout autre, que lorsqu'on a la chance de le croiser parfaitement affiné.
Sa capacité à proposer une puissance phénoménale sans jamais verser dans l'excès de piquant, de sel ou d’ammoniac si régulier sur les vieilleries, en fait à mon goût, le plus grand fromage que j'ai pu croiser. Son affinage sous matière extérieure (feuille, marc de barolo etc) me semble, à ce titre, plus un vecteur d'humidité qui participe à sa maturation qu'un véritable facteur discriminant lors du choix à faire.
Si vous avez la chance de croiser sa route, choisissez-le légèrement grisonnant, quand sa croûte extérieure commence à fondre et devenir crémeuse.
L'extase n'est alors pas loin...
***
[size=large]Mama mia !! Quel pied !
Je n'aurais pas assez de deux vies pour faire le tour d'un évènement pareil, moi !
Des bijoux à tous les coins de stands, quelques expériences moins enthousiasmantes aussi (je peux confirmer pourquoi la réputation des fromages burkinabais n'a pas encore passé les frontières...), une ambiance bonhomme et joyeuse malgré une affluence importante, un Nico au sommet de son art et mon Michel en pleine forme...
Enfin bref, une certaine idée du paradis pour l'Oliv ! (
)
Mais c'est pas tout ça, le fromage, c'est que ça donne soif !
Et comme les petits dés, copeaux, larmiches, cuillerées et autres formats variés sous lesquels les fromages nous sont servis n'ont pas suffi à caler notre faim...
Et si on passait à table !
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Poderi Marcarini, Barolo, La Serra, 2008
Robe assez claire, sur un grenat roussi.
Nez ouvert, compromis de petits fruits rouges croquants tirant sur le bleuté de la mûre et mâtinée de senteurs épicés.
La bouche est pleine et juteuse, sur une matière suave et douce parfaitement élancée par une jolie acidité.
Le vin est déconcertant de facilité et de légèreté sans faiblesse.
La finale n'est pas interminable mais appelle irrésistiblement à glouglouter par sa fraicheur et son côté glissant.
Délicieux de simplicité et de facilité.
Ah ce que c'est bon, un vin pas prétentieux !
Fiori di zucca ripieni e coulis di pomodoro
Massolino, Barolo, Margheria, 2008
Robe grenat clair tirant sur le marron.
Nez classieux, très bien construit, droit et épicé, sur des belles senteurs fruités. Superbe !
La bouche est remarquable de concentration maitrisée, proposant un jus traçant et plein de fond, d'un équilibre impeccable.
De beaux tannins participent à donner trame et allonge à ce vin remarquablement précis et au volume sans excès.
La finale est savoureuse, puissante et longue sans perdre en précision ni fraicheur.
Grand plaisir déjà mais joli potentiel.
Tajarin al ragù di salsiccia
Azienda Agricola Brovia, Barolo, Rocche, 2008
Robe grenat sombre.
Nez sérieux, sur les fruits noirs, le santal, la fumée avec des vapeurs d'alcool assez présentes à mon ndf.
La bouche est charnue, assez puissante, proposant une masse concentrée et juteuse de forte constitution.
Le vin reste toutefois bien équilibré, sur des goûts nets de mûres et de cassis et de beaux tanins gras.
La finale est toutefois un peu trop chaleureuse et a un effet "j'ai mis les chaussures à bascule" qui limite mon envie de me resservir.
Un peu trop solaire à mon goût ou peut-être est-ce la fin d'une journée aussi enthousiasmante qu'épuisante.
A revoir.
Torta di nocciole con gelato alla nocciola
Allez, au dodo !
Demain, on remet ça et partons faire un tour dans le vignoble !
Vous ne serez pas étonnés si je vous dis que cette nuit, je risque de rêver de belles meules...
A suivre.
Oliv
Crédit photos
Nicolas Herbin & sa pique assiette
Lucky
cheese.slowfood.it/