J’ai hésité à donner pour titre à ce CR : « Une rencontre avec Adrien Berlioz et ses vins ». En effet le vigneron est très attachant, et l’homme aussi !
Je désirais faire cette dégustation suite aux CR de Laurent (enzo d’aviolo) et d’Olivier (oliv) sur leur visite fin octobre 2013, et je vais appuyer leur analyse, la mienne allant complètement dans le même sens. Je trouve d’ailleurs étonnant que ce jeune (il pourrait être mon fils, donc il est forcément jeune !) vigneron talentueux n’ait pas plus d’écho sur LPV…
Une tentative d’explications : sa production est toute petite (5,8 hl avec de très faibles rendements, cela ne fait pas beaucoup de bouteilles), il est jeune dans le métier (débuts en 2006 mais avec beaucoup de vignes plantées à ce moment-là, donc ayant donné du vin plus tard), 40 % de sa production à l’export et le reste dans la restauration gastronomique ou chez quelques rares cavistes.
Il vend très peu de vins aux particuliers et en tout cas fait très peu de dégustations, pas par manque d’envie de rencontrer les gens (ce serait même tout le contraire au vu du temps qu’il m’a consacré) mais par manque de temps car il a fort à faire dans les vignes. J’ai donc été un privilégié, en profitant d’un jour pluvieux à une période où il y a encore fort à faire pour enlever les entre-coeurs et traiter contre les attaques de mildiou.
Adrien Berlioz est un homme attachant disais-je…
- C’est un optimiste inébranlable : quand je lui demande comment se présente 2016 à ce stade, il m’explique, tout en gardant le sourire, qu’il a perdu une petite partie de ses raisins à cause de la grêle mais que la perte totale se monte à 50 % à cause de la pourriture qu’il n’a pu endiguer. Or il vient juste d’apprendre que l’assurance ne marchera pas pour cette dernière cause. « Mais ce sont des aléas qu’il faut accepter et cela permet d’apprendre un peu plus pour les années suivantes… ».
- C’est un perfectionniste. Les intéressés pourront trouver sur ce site tous les soins portés à la vigne (agriculture biologique, mais pas que…) et à la cave. J’y ai aussi emprunté certaines informations sur les terroirs (données également par Adrien bien entendu, mais je n’ai pas eu le temps de tout noter…). Je retiendrai simplement ce qu’il m’a dit: « Je suis rarement content de moi, on peut toujours mieux faire, mais c’est une attention de tous les instants à porter à la vigne. »
- C’est un grand modeste : « Ce sont surtout le terroir et les conditions climatiques qui comptent ; nous, les vignerons, ne sommes là que pour ne pas gâcher ce que nous donne la nature, et le mettre en valeur. »
- Lui-même est très attaché à sa famille (en remontant jusqu’à l’arrière grand-père !), à son village de Chignin (« tout le monde se connaît, tout le monde est super, j’ai presque choisi ce métier pour rester dans mon village ! »), à l’histoire locale (le nom de la cuvée Albinum lui est lié et il a comme projet de réintroduire un très ancien cépage, très répandu jusque dans les années 1950 : la Douce-noire).
Mais je suis venu pour ses vins, et là encore j’ai été séduit… en fait presque par tout. Il faut dire aussi que la quasi-totalité des cuvées servies sont du millésime 2015, tout aussi favorable en Savoie que quasiment partout en France ! Mais Laurent et Olivier ont démontré que même sur un millésime plus difficile comme 2012, les vins sont remarquables de précision, contredisant ainsi la modestie de leur géniteur. La « précision », voilà précisément
ce que recherche Adrien Berlioz dans ses différentes cuvées. Il en réalise 17 différentes (encore quatre de plus qu’il y a trois ans !), ce qui relève d’un tour de force pour une si faible superficie, et elles sont toutes parcellaires.
Allez, c’est parti…
Cellier des Cray – Adrien Berlioz
Chignin-Bergeron - Raipoupou - 2015
Robe d’un or très marqué, comme d’ailleurs toutes les cuvées de Chignin-Bergeron.
Nez très ouvert et engageant, qui développe des arômes flatteurs de miel et de fleurs blanches.
Bouche ample, gourmande et fine, dotée d’une belle acidité et d’une finale légèrement saline.
Bien ++
Chignin-Bergeron – Grand Zeph – 2015
Sols de limons avec débris de roche calcaire.
Nez puissant et complexe, mêlant les gammes florales et fruitées (fruits blancs comme la pêche) à des notes pierreuses du plus bel effet.
Bouche ronde, charnue, d’un fruité très pur, d’une superbe précision et d’une persistance très appréciable.
Très Bien + dès à présent mais à l’avenir radieux !
Chignin-Bergeron – Albinum – 2015
Issue d’une parcelle située sur Montmélian, avec des pentes à 70 % !
Nez plus discret mais d’une grande distinction, axé sur des arômes floraux complétés par des notes minérales de pierre.
Attaque grasse, sans doute renforcée par les 5 g de sucres résiduels, puis la tension s’impose jusque dans la belle finale.
Très Bien
Chignin-Bergeron – Euphrasie – 2015
Une cuvée issue d’une parcelle de 35 ares située sur des sols d’éboulis calcaires. passée pour moitié en fûts de chêne et moitié en fûts d’acacia, de trois et six ans.
Malgré l’âge des fûts, le boisé est très présent au nez, surtout le bois d’acacia. On retrouve cette prégnance en bouche, même si on perçoit la matière fruitée derrière. Celle-ci parviendra-t-elle à s’imposer dans quelques années ? En tout cas
Bien sans plus en l’état, mais cela dépend certainement des goûts des dégustateurs.
Roussette de Savoie – Zulime – 2015
Sols argilo-calcaires.
Robe d’un nettement or plus clair.
Nez très expressif, sur des arômes de fruits blancs bien mûrs et des notes miellées avenantes.
Bouche très élégante, d’une grande précision, où la minéralité se fond à une sapidité fruitée, l’ensemble se prolongeant dans une finale élancée. Très beau !
Très Bien +
Après les blancs où les terroirs, les cépages et l’élevage se sont exprimés dans des caractéristiques bien différentes, on passe aux rouges. Là encore, les terroirs des deux cuvées de mondeuse vont donner des résultats bien différents et le persan va confirmer son caractère très fin et acide, mais avec un plus sur ce beau millésime 2005.
Vin de Savoie – Mondeuse – Marie Clothilde – 2015
Vignes de 100 ans ( !) sur Chignin, vinification en grappes entières foulées au pied.
Robe très sombre.
Nez très intense présentant un très beau fruité, rappelant une confiture de fruits noirs et de framboise.
Attaque très fruitée et ronde puis la structure, les tanins fins et le grain serré s’imposent. On retrouve donc le fruité des mondeuses du secteur de Chignin, la concentration et la finesse des vieilles vignes, les tanins apportés par la rafle.
Bien ++ mais peut être attendue sereinement, grâce à un potentiel évident.
Vin de Savoie – Mondeuse – Rosa – 2015
Vignes de 45 ans du secteur d’Arbin.
Nez plus fermé et présentant une très légère réduction, mais où les épices s’invitent sur la palette fruitée.
Bouche charpentée, assez rustique, aux tanins poivrés très présents.
Bien +, à attendre impérativement.
Vin de Savoie – Persan – Octavie – 2015
Sol argilo-calcaire sur marnes
Nez très ouvert, presque envoutant par son fruité d’une pureté et d’une franchise incroyables. Ce sont surtout des fruits noirs, et notamment la mûre.
Bouche bâtie sur un équilibre superbe entre l’élégance et l’acidité du cépage et la matière au fruité bien mûr et à la structure apportées par le millésime solaire. Les tanins procurent de la mâche à la finale et militent pour une garde de quelques années afin d’atteindre son summum.
Très Bien dès à présent.
Manquant de jacquère dans ma cave de Savoie, je demande à Adrien s’il en a à la vente. En fait il a remplacé sa jacquère sur une parcelle de Chignin par du pinot gris (en vue de produire une Vendanges Tardives !) en 2015 et il lui reste quelques bouteilles de 2014…
Chignin – La Pépie – 2014
Peu de notes prises (ma tendre et douce et mon petit-fils ont donné le signal du départ !). J’ai retenu un vin aromatique, frais et salin, bien au-delà de 99 % des jacquère de Savoie, pas tout à fait au niveau des cuvées haut de gamme comme le Jaja de son cousin Gilles Berlioz, mais ce n’est pas le même prix…
Bien
Un grand merci à Adrien Berlioz pour son accueil, ses vins et, comme l’écrivaient Laurent et Olivier, le partage de sa philosophie de vie.
Jean-Loup