... ou encore : "[size=large]
L’ETOILE ET MORILLADE PARTY AU LPV JURA TOUR[/size]"
Deux titres ? Ben oui, puisque derrière ce CR commun se cachent deux individus, quatre mains, autant de mâchoires, entre 64 et 72 dents (sagesse comprise, ou pas
) et plein de papilles gustatives. Le tout en plein effort pour relater l’épisode suivant :
A l’issue d’
une après-midi pleine de noblesse et de courtoisie au château d’Arlay
, la petite sizaine du
Jura Spring Tour 2012 retrouve ses pénates arboisiens pour sa seconde
soirée-dégustation, placée sous le thème du vignoble de "L’Étoile" - puisqu'on visitait ce printemps le secteur de L’Étoile (même si on n’y gîtait pas, question de canapé à se partager, trop long à expliquer). Cette seconde soirée aurait initialement dû être la première, question de
tiempo - celui de la météo -, et après les 30°C orageux de la veille, c’est donc par un temps beaucoup plus agréablement frais que nous nous attablons.
Selon une tradition pas si ancienne que ça mais semble-t-il déjà bien ancrée dans nos usages, les vins sont servis par paires, pour des duels -oh, pacifiques, je vous rassure- qui poussent l’intégrité et la prévenance jusqu’à respecter le nombre de 2 (si), hormis une légère entorse sur les trois premiers vins jaunes, écart empreint malgré tout d’un esprit tout à fait chevaleresque.
"Philippe ?
- Oui ?
- T’as fini, là ? On peut y aller ?
- Woah, c’est bon..."
Pour s’amuser la bouche, diverses petites entrées froides sont servies : cœur de saumon mariné enrobé d’algues, rillettes de truite et œufs de truite de la pisciculture des Planches-près-d’Arbois, y por lubrifiar : des grattons.
Un premier vin est servi, qui ressemble fort à un crémant du Jura :
1)
"Bec de Fin Bec", Heida mousseux Brut AOC Valais Méthode Traditionnelle - Cave Fin Bec SA, Sion
Phil : N’étant pas amateur de mousseux brut (malgré tous ceux que je goûte dans les dégustations au motif que ça prépare les papilles et rince le palais, ou l’inverse), je laisse à Chris le soin de donner un commentaire objectif sur ce vin qui a ouvert les feux de la soirée - et qui, rendons-lui justice, n’était pas trop brut(e). A noter que le
Heida (en dialecte haut-valaisan alémanique) ou
Païen (en valaisan romand francophone) est l’équivalent suisse du savagnin : ce premier vin n’était donc pas complètement un pirate - quand bien même il avait été annoncé avec malice comme un crémant, ce qui était excrém’mant espiègle...
Chris [size=small](du74)[/size] : Jolie bulle, fruité, juste un peu trop dosé à mon goût
S’ensuit le premier duel, local cette fois-ci :
2)
L’Etoile chardonnay 2005 - Jean-Yves Vapillon
Chris : Bel équilibre mais un peu chaud en finale quand même. Annoncé comme sous voile, c’est finalement un ouillé. MOYEN+
Phil : La robe est jaune paille, et le nez absolument muet ! La bouche est lactique et peu parfumée. Un Vapillon encore au stade chenille ?... (ouaf)
Joseph : "Il est pas très typé Jura..."
Hubert : "Il est pas très typé du tout."
3)
L’Etoile 2005 - Château de Persanges (chardo / savagnin)
Chris : Des notes de pomme, légèrement oxydatif, salivant et un peu amer. MOYEN+
Phil : La robe est un peu plus dorée, et le nez plus expressif, sur l’oxydatif. La bouche n’est pas très volumineuse, mais puissante et salivante ; à part les notes oxydatives, je la trouve aromatiquement aqueuse.
Avec ces deux premiers vins, il faut bien reconnaître que l’entrée en matière est assez molle. Mais gardons la motiv’, car Chris sort du four ses
escarguiflettes : d’épaisses tranches de pain grillées généreusement tartinées d’escargots, eux-mêmes généreusement beurrés, persillés, aillés, échalotés, enfin tout, quoi. Cette entrée chaude (j’écris pas
première entrée chaude, y en avait qu’une, on était frugaux) est accompagnée d’un premier duel issu d’une quadrilogie
youngtimer ou "semi-moderne" :
4)
l’Etoile vin blanc 1995 - Domaine de Montbourgeau
Chris : Légère réduction au nez qui laisse toutefois entrevoir des fruits jaunes et des notes de surmaturité. La bouche est intense, mentholée et un peu chaleureuse. BIEN+
Phil : La réduction au nez moi je l’ai trouvée marquée ! La bouche est sur l’amertume, ce qui s’atténue à l’agitation du vin dans le verre. L’aération le rend aussi plus sympa. MOYEN à mon goût, et pas d’évolution notable le lendemain.
5)
l’Etoile vin blanc 1991 - Domaine de Montbourgeau
Chris : Finement oyxdatif, assez peu expressif. Acidulé, des notes de pomme, belle fraicheur. BIEN (j’y reviens plus tard et sur le poulet au vin jaune, sa vivacité remonte sa cote à TRES BIEN)
Phil : Le nez est plus avenant que le précédent, mais moins causant.
Joseph : "Il y a qqch. dans le nez qui me gêne un peu..."
Philippe : "Le silence, peut-être ?…"
La bouche est aromatiquement aqueuse, avec une pointe mentholée. L’aération lui fait aussi du bien, il se déplie à mesure. Regoûté le lendemain, il se révélera très fin, frais droit, ne faisant pas son âge.
Ce premier duel est talonné par le suivant qui explore la même cuvée du même domaine dans des millésimes encore un peu plus évolués :
6)
l’Etoile vin blanc 1989 - Domaine de Montbourgeau
Chris : Toujours finement oxydatif même si un peu plus que le précédent. Belle bouche acide, équilibrée et persistante. TRES BIEN
Phil : Les robes des deux vins suivants sont de plus en plus dorées. Ce 89 est plus ample que le 91, avec une finesse aromatique et un équilibre au nez et en bouche. Le lendemain, le nez s’est encore complexifié, évoquant la fameuse formule du «supplément d’âme». Décidément, après le trousseau, le
Sélection (assemblage 70% Chardonnay-30% Savagnin) et le vin jaune d’André & Mireille Tissot goûtés la veille, le millésime 89 vieillit admirablement en Jura et se trouve aujourd’hui dans une forme éblouissante ! J’ai siroté ce blanc de l’Etoile 89 pendant encore les 5 jours suivants, et il a confirmé sa plénitude épanouie, sans décliner : de beaux amers, une bouche fluide mais puissante et offrant du volume, une finale longuement persistante sur l’amertume et l’oxydatif… Je suis
enthousiaste et conquis, c’est mon coup de coeur !
7)
l’Etoile vin blanc 1986 - Domaine de Montbourgeau
Chris : D’abord inexpressif, il s’ouvre sur des notes exotiques de surmaturité. En bouche, on retrouve le 89 en moins persistant. BIEN+
Phil : + oxydatif que le 89 mais tout aussi fin et équilibré, quoique moins superbement épanoui. Regoûté à doses homéopatiques sur 6 jours, il a également confirmé une très belle tenue à l’aération (25 ans quand même, le gaillard !
).
Cumulant les fonctions de co-(mono-)préz’ de la session et de grand chef-cuistot de la soirée, Chrisdu apporte sur la table la cocotte renfermant le traditionnel poulet au vin jaune et aux morilles,
home cooked par Chris himself (sa chemise initialement immaculée en témoignait
). Et il a pas été rapiat sur les morilles, puisque avec 100 gr. pour six convives on a cette fois pas eu besoin de ceinturer Joseph
. Dans un élan d’allègre félicité devant pareille abondance, Hubert nous gratifie d’un sentencieux :
"Morilleturi te salutant !" Sur ce plat d’anthologie est servi un premier duel :
8)
L’Étoile 1978 - Paul Comte
Chris : Très joli nez, exotique avec des notes de surmaturité. Malheureusement la bouche est légèrement dissociée, après un début acidulé et salivant (citronné), l’acidité prend le pas et s’impose. L’évolution durant la soirée confirmera cette pente. Peut-être trop tard ? BIEN+
Phil : Le poulet mono-présidentiel doit monopoliser mon attention, car je n’ai pas pris beaucoup de notes sur ces deux vins. Celui-ci présente un nez discret, mais il est très expressif et volumineux en bouche. D’accord avec Chris, l’acidité se montre envahissante. Celle-ci n’a toutefois pas dérangé Stéphane/ricou, qui a flashé sur ce vin de l’éminent Paul Comte, figure du vignoble de L’Étoile, et est reparti le dimanche avec la bouteille sous le bras.
9)
L’Étoile 1983 - Château l’Etoile
Chris : Nez de liquoreux type Quart de Chaume, sur le caramel, les raisins secs et le pruneau. La bouche d’abord souple dévoile sa structure acide. C’est fin mais semble encore fermé. Belle longueur. BIEN++
Phil : de mémoire beaucoup plus réservé et introverti que le précédent, il est aussi plus équilibré. Pas plus de commentaires, mais j’avais relevé qu’il s’améliorait à l’ouverture. BIEN++ au final
On enchaîne avec un premier duel de jaunes, dans lequel j’incruste en dernière minute un intrus-surprise - dont je serai, vous l’allez voir incontinent, le premier ébaubi
[size=small](Philippe, faut vraiment que tu te calmes sur le style, on est plus au château)[/size] :
10)
l’Etoile Vin Jaune 1998 - Claude et Cédric Joly
Chris : Nez de jaune, un peu réduit mais des fruits très murs, de l’orange amère. En bouche, l’attaque est vive, souple et fraîche. Intense, assez puissant, peu de notes oxydatives (un peu de pomme), on est plutôt sur les agrumes ; c’est long et acidulé. TRES BIEN+
Phil : robe jaune paille, nez pas très causant ; bouche qui monte en puissance, mais peu aromatique. C’est la deuxième fois que je bois ce jaune 98 de ce domaine peu connu de Rotalier, et je suis malheureusement toujours pas convaincu.
11)
Côtes du Jura Vin Jaune Cuvée Prestige 1996 (10 ans de fûts) - Sylvie et Luc Boilley
Phil : Le vin énervant : sur 4 clavelins achetés il y a quelques années, 3 étaient infâmes, et ce dernier s’est révélé... sublime (bordel). Pourtant, son apport à ce WE de juraddicts se voulait piégeux : suite au
CR panégyrique du CRD-LPV Belgique il y a 4 mois
(cf. le vin N°11) que j’en croyais pas mes yeux, je voulais mettre sous le nez des petits copains juraphiles ce qui était pour moi une horrible affreuseté de mauvais jaune, piquant, asséchant et encore pire que ça. Résultat : il était superbe. Une robe or orangée, un nez aux notes douces, un peu miellées, une bouche qui apparaît mince mais bien fondue, sur l’orange confite... Le lendemain, petite lueur d’espoir mauvais
: je le regoûte et le sens décliner. Oui oui je le retrouve bien, avec sa finale sécharde ! Mais en fait il s’est vite ressaisi, et a fini la journée en beauté. Si on peut même plus faire confiance aux daubes, maintenant... Bref, TRÈS BIEN (sous la torture)
Chris : Nez de bouillon, livèche/céleri, des notes liquoreuses, de l’orange amère confite. La bouche est superbe d’équilibre avec un beau volume et de la vivacité. Le vin de la soirée au désespoir de Phil. TRES BIEN++
12)
l’Etoile Vin Jaune 1994 - Domaine de Montbourgeau
Phil : sa robe d’or est un peu moins foncée que celle du Boilley, et il est un peu moins parfumé au nez. La bouche est vraiment mince, presque aqueuse, mais en même temps élégante. Il s’est un peu repris le lendemain en gagnant légèrement en parfum (curry) et en volume. BIEN-
Chris : Nez pas très typé, sur l’orange amère encore. Belle présence en bouche avec une acidité assez marquée, à peine quelques notes de noix. TRES BIEN
(regoûté depuis, manque un peu de volume pour compenser la vivacité mais de jolies notes de noix et morilles en finale)
Une belle série de jaunes pas très typiques….enfin à force d’en trouver tellement de pas très typiques, il va peut-être falloir ré-étalonner le référentiel… ou garder les mêmes amis
Il reste des morilles au poulet, prétexte à regoûter ces trois jaunes avant de passer au fromage. Comment ? Certains autour de la table ne se resservent pas ? On approuve leur sacrifice en laissant échapper cette exclamation de circonstance :
"Don’t morilles, be happy !" (la joie du bonheur d’être content de se gratter encore quelques divins champignons nous égare…)
Service à suivre avec les fromages, dont un comté fruité 12 mois de Lavigny, et surtout à mes yeux (et mon palais) un Morbier Grand Âge crémeux et fondant absolument délicieux ! Ils sont escortés par un -vrai, cette fois- duel de deux vins jaunes du millésime de l’accession de Gorbatchev à la tête de l’URSS (c’est plus positif qu’évoquer le drame du Heysel ou l’attentat du
Rainbow Warrior qui eurent lieu la même année, et ça n’a pas moins de rapport) :
13)
Côtes du Jura Vin jaune 1985 Château d’Arlay
Chris : Nez réduit, un peu animal mais de beaux arômes derrière. La bouche très souple dévoile une acidité notable. Amertume assez importante. BIEN++ (TRES BIEN sur le comté)
Phil : merci Chris de pallier mon manque de notes ! J’ai sobrement - ou piteusement, c’est selon - consigné pour ma part : "fin et équilibré, bouche un poil mince" ; mais sentiment général de TRÈS BIEN.
14)
vin jaune Château l’Etoile 1985
Chris : Souple et fondu à la fois, frais. Aromatique un peu plus classique, des agrumes et des notes de pomme et de noix en finale. TRES BIEN
Phil : douceur et suavité au toucher, fondu et caressant comme l’Arlay précédent avec aussi une superbe couleur or foncé. Peut-être un peu en retrait par rapport au même dégusté il y a 6 mois ? Ou c’est moi qui me réjouissais trop de le reboire ? TRÈS BIEN itou malgré tout.
On conclut cet excellent repas par un dessert à flinguer un diabétique, souvenir de jeunesse de deux participants qui venaient en villégiature dans le Jura et dans leurs tendres années : la "gourmandise" de la pâtisserie
Aux Plaisirs Sucrés de Poligny. Un dessert un peu lourd ? Mais non allons, il faut juste éviter de se le faire tomber sur le pied, c’est tout. Dans l’absolu cette
gourmandise est effectivement une dinguerie, mais elle est tellement sucrée que les vins de paille bus en parallèle en étaient rendus… acides, mais oui, ce qui est quand même un comble pour un paille ! Ces deux vins, qui présentaient de belles robes ambrées, étaient ainsi difficiles à apprécier (et j’ai d’ailleurs encore eu plus de mal à les noter qu’à les apprécier).
15)
l’Etoile Vin de Paille 1996 - Domaine de Montbourgeau
Chris : Nez d’orange amère et plein d’autres bonnes choses, un peu de caramel. La bouche est un peu en retrait avec une acidité assez marquée et une finale sur le zeste d’orange amère. TRES BIEN
Phil : comme je n’ai pas de notes sur ce vin, je vais meubler à l’antenne avec une anecdote : une des choses que j’ai découvertes ce week-end, c’est d’avoir goûté quelques vins de paille qui présentaient un nez de macvin : c’est-à-dire un nez fort - et si j’ai bon souvenir, parfois aussi un corps - où l’alcool paraissait dissocié d’un ensemble doux, au lieu d’y être intégré et fondu. J’ai interrogé un des vignerons visités qui m’a répondu qu’il arrivait que certains de ses collègues ajoutent du marc dans certains vins de paille qui ne titrent pas un degré d’alcool suffisant, ce qui entraîne cette impression de dissociation, de déséquilibre entre une puissance trop alcooleuse d’une part, et la nature sucrée de l’ensemble de l’autre. Vala, fin de l’anecdote - et je précise que ce défaut ne concernait pas ce paille 96 de Montbourgeau.
16)
L’Étoile vin de paille 1990 - Château l’Etoile
Chris : Au départ , un nez de vieux vin, un peu passé. Mais ça se ré-oxygène positivement. La bouche est assez similaire, un peu plus ronde et moins acide. Grosse amertume de type gentiane. TRES BIEN-
Ces deux pailles ont été un peu desservis par le dessert, excellent mais un peu trop sucré.
Phil :
"celui-ci paraît plus évolué...
- Oui, il a six ans de plus.
- Fais pas chier..."
(Comme c’est cruel de ne pas avoir de notes... ni d’autre anecdote)
Et voilà : après, on a dû aller se coucher. Ou encore traîner un peu, pour les plus prévoyants qui avaient pris l’option grasse matinée le matin même. Mais je crois que personne ne s’est servi de vieux marc de Ganevat, une bouteille qu’on trimballe à chaque LPViade depuis deux ans et qui est pas près d’être terminée !
Pourtant il y avait de quoi noyer notre chagrin puisque nous étions
unfortunately orphelins pour cette session de la présence de l’aut’ co-préz, le talentueux Tophe, pour qui on a eu plein de pensées oxydatives
-D.
Pour en revenir à la bouteille de marc, je crois qu’on se la coltinera encore dans dix ans ! Parce qu’avec notre GO Chris d’U (sa nouvelle signature, depuis qu’il a rencontré M. le comte de Laguiche de Lauraguais d'Arenberg), on est sûrs de vivre encore plein de magnifiques week-ends comme celui-là : il possède à la fois l’initiative, l’énergie, l’infatigabilitation, l’opiniâtrerie, le sens de l’organisement et de la consultature démocratale pour mettre sur pied ces merveilleux moments de convivialité, d’amitié et de partage (spéciale dédicace au passage également à notre patriarche Joseph/bonaye qui nous fait profiter de trésors longuement mûris dans ses caves).
One more time donc un très chaleureux MERCI à notre duc de Haute-Savoie, car si ces rencontres « LPV Jura Tour » se vivent depuis 2 ans et sont déjà devenues une tradition incontournable, c’est essentiellement à lui que nous le devons (et ceci n’est pas un pluriel de majesté [size=x-small](même si... comte... château... tout ça
)[/size], je me permets d’écrire au nom de tous les participants présents, passés et, on espère, encore à venir !)
Notre grande reconnaissance, ici exprimée, pour autant demeure. Ou autrement dit : love you, ma poule
.