Le Pinot Noir, un Bourguignon dans le Jura!
Apparemment présent dans le Jura depuis la fin du XIVème siècle, sous le nom ambigu de Savagnin noir, il vient tout comme le Chardonnay de la Bourgogne voisine.
Surnommé Maurillon en raison de sa couleur noire, on ne sait s‘il faut l‘appeler Pinot (du latin « pinus », le pin), ou Pineau (du grec « pinein », boire).
Si le vocable Pineau est très typé Charente, on le trouvait pourtant en Haute-Saône, tandis qu'à Salins, Arbois ou Poligny, on préférait Petit Noirin, ceci afin de de ne pas le confondre avec le Gros Noirin qui n'avait absolument rien à voir avec lui! Besançon penchait pour Noirum mais dans le sud Revermont, on le qualifiait de Savagnin noir pour profiter de l'analogie avec le meilleur des cépages jurassiens.
Classé en deuxième position sur la liste des bons cépages en 1732, juste derrière le Pulsard noir, mais très critiqué du fait de sa maturité précoce, on le considère comme « peu recommandable » au XIXème siècle et certains vont même jusqu'à préconiser l'arrachage de ce « raisin des mouches », surnom qui avait le mérite d‘être très évocateur!
Ce qu'on lui reprochait, en fait, c'était de ne pas produire des vins aussi bons qu'en Bourgogne lorsqu'il était vinifié seul! Sous l'égide du Dr Guyot, plusieurs expériences furent faites afin de rivaliser avec le modèle bourguignon, sans grand succès alors. Mais les Jurassiens, en bons Francs-Comtois à la tête de bois, persévèrent encore jusqu'à nos jours et finissent par en tirer quelque chose, de ce fichu cépage, même tout seul! Il n'y a qu'à goûter les cuvées de Jean-François Ganevat pour s'en convaincre!
Il représente actuellement environ 10% du vignoble en rouge et on l'utilise fréquemment en assemblage avec les autres cépages jurassiens pour produire des rouges colorés et charpentés.
Les vénérables anciens!
Beaucoup de cépages furent cultivés dans le Jura, avec plus ou moins de bonheur. Certains ont totalement disparu en raison de leur fragilité, de leurs défauts, de leur manque de qualité, que sais-je encore?! Les noms à eux seuls sont un véritable poème et méritent un petit coup de projecteur; il n'est pas exclu que certains d'entre eux fassent un jour leur réapparition dans un assemblage purement jurassien!
- Le Foirard blanc, ou Gueuche, était à l'origine d'un vin vert et acide, estimé pourtant des moissonneurs qui appréciaient son côté rafraîchissant. Je n'ose envisager les origines exactes de son nom! Il ne faisait peut-être pas toujours bon se rouler dans la paille à cette époque!
- Le Chasselas, importé de Suisse Romande, a préféré retourner chez lui aussi discrètement qu‘il était arrivé!
- Le Pourrisseux ou Peurion, assez spécifique du Jura, donnait plutôt un bon vin blanc mais sa grande fragilité a eu raison de son implantation locale.
- Le Gueuche Noir ou Gouais ou Foirard noir, pendant en rouge du premier cité, donnait des vins « plats, acides et de mauvaise constitution » . Les mauvaises langues pourraient prétendre qu'on en trouve encore dans le Jura, et en Bourgogne également, mais ceci est une légende entretenue par des gens de mauvaise foi!
- L'Enfariné, fréquemment recouvert d'une pellicule blanchâtre, d'où son nom, fut candidat à l'arrachage en 1731. D'après un dénommé Chevalier, il est aussi « désagréable que le nom est déplaisant; son vin léger est acerbe et peu coloré ». Il eût pourtant pu être apprécié en assemblage dans un millésime comme 2003 pour acidifier naturellement les vins!
-L'Argant, classé dans les meilleurs plants en 1774, connut son heure de gloire au XIXème siècle en raison de sa bonne résistance au mildiou.
- On peut encore citer le Gamay noir, le Petit Beclan, le Valais noir et le Gros Béclan, autant de cépages qui ne sont pas passés à la postérité jurassienne.
Qui a osé dire que le Jura manquait de variété?
Olif
Références bibliographiques: Vins, Vignes et Vignobles du Jura, Editions Cêtre