Ces deux derniers soirs, demi-finales de la Ligue des Champions, on se l’est jouée Bernard Pivot : foot et... vin !
en suivant le match :
Côtes du Jura / FC Macle 0-6
La composition de l’équipe respecte les quotas antérieurs à l'arrêt Bosman : 80% de chardonnay et 20% de savagnin – selon les indications fournies par le caviste-sélectionneur (mais tous les cavistes ne sont-ils pas par essence sélectionneurs, hein je vous le demande ?) chez qui le transfert s’est réalisé, heureusement pour un montant pas trop galactique.
Domaine Macle – Côtes du Jura Tradition 2006
Prémices incontournables avant l’effort sportif : l’échauffement, en l’occurrence sortir la bouteille du frigo pour la chambrer (avec une vanne du style : "Alors ma belle athlète, on a la ceinture un peu rembourrée, mmh ?... Faudra me travailler tes abdos pour affiner tout ça !" (en plus de son large tour de taille, la bouteille Jura du FC Sochaux-Montbéliard a les épaules à peine moins tombantes que la bourguignonne de l’AJ Auxerre, et sans non plus la silhouette élancée et gironde de la Girondine bordelaise ; et nous ne parlerons pas ici du petit gabarit râblé – ou ventripotent c’est selon – du clavelin, fin des parenthèses morphologiques, on peut refermer la première) puis la seconde).
Coup d’envoi du match : le débouchage de la bouteille ! Sauf que là on procède tout de suite à l’échange des maillots, sans attendre la fin de la rencontre : ce n’est plus la bouteille qui habille le vin, mais une carafe (et accessoirement notre verre
ballon )
Au début de la partie, les équipes s’observent : belle robe safranée aux jambes fines (normal des jambes, sur un terrain de foot), et la matière paraît plutôt ample au premier coup d’œil. On joue depuis quelques minutes et on se hume, on se sniffe, on se renifle prudemment : les arômes sont encore timides, regroupés dans leur partie de terrain, et ils ne se livrent pas complètement.
14e minute : première action, le jeu s’anime : les épices font une percée dans le camp adverse en dribblant les autres arômes qui restent trop statiques. Le nez domine et monopolise le ballon, avec parfois un peu de déchet dans son jeu, comme cette pointe pétrolée qui n’est juste qu’une... mauvaise passe.
25e minute : contre-attaque de la bouche : on goûte notre première gorgée (oui, quand même, vous noterez au passage notre stoïcisme) mais l’offensive ne donne rien de dangereux : l’ensemble est assez mou, n’était une acidité un peu boisée et asséchante en finale (même si là on ne joue que la demi-finale, oui bon). On prend plusieurs gorgées, mais le match ne s’emballe pas.
43e minute : changement de joueur, juste avant la mi-temps : on se sert notre deuxième verre. Mais cela n’apporte malheureusement pas plus de fraîcheur et de vivacité, ni d’ampleur aromatique. On aimerait… je sais pas, un truc qui enflamme un peu le jeu, une talonnade, un petit pont, une reprise de volée... Même le nez, plutôt plaisant au début de la partie, a baissé d’intensité. Retour aux vestiaires, on en reste là à la pause.
2ème mi-temps : à la reprise (le troisième verre), on continue à toucher du bois : non pas qu’on soit superstitieux ou qu’il y ait des tirs sur les poteaux, mais on bute toujours sur ce boisé asséchant en bouche qui tacle les timides arômes d’épices essayant de déborder sur les côtés (quel style, ce chroniqueur sportif !). Le nez tente de se démarquer avec ses appels de balle doucement épicés, mais face au marquage planchu de la défense buccale (la
gueule de bois, en quelque sorte) il se retrouve isolé en pointe et souvent hors-jeu. La qualité globale du jeu produit laissera malheureusement une impression mitigée jusqu’à la fin de cette première rencontre, et le temps additionnel n’apportera rien de plus.
Le lendemain, match retour avec la seconde moitié de la bouteille. Re-échauffement, re-chambrage ("Alors ma poule, cette ceinture abdominale ?... Nan je rigole, je parlais à la carafe !" ) et re-service – du premier verre donc, on est pas dans un match de tennis, faut suivre.
Le nez prend toujours le jeu à son compte en début de partie : les épices paraissent plus fines, plus complexes, plus dans le match - et elles sont accompagnées à l’olfaction de notes, nouvelles, de pomme à cuire. La bouche en revanche est en retard sur les ballons, et elle a de la peine à se défaire de son côté ligneux (de toucheu, humour OM
). Petit à petit cependant sa raideur s’assouplit - sans que ce soit la débandade -, mais sa technique ne gagne pas en volume pour autant : sa prestation reste maigre et sans beaucoup de parfums.
C’est là que l’entraîneur procède à un coaching qu’on espère décisif : il fait entrer sur le terrain deux joueurs frais dans le but d’étoffer le jeu : le jeune espoir Gruyero Ronaldo, ainsi que le vétéran Antonio Comté : s’ils élargissent un peu le volume et le rendement de leur équipe, ces nouveaux éléments ne peuvent réaliser des miracles à eux tout seuls. Et leurs coéquipiers retombent vite dans une certaine platitude, sans inspiration ni caractère.
Dernier contact avec le vin, à l’occasion du décrassage du lendemain de match : il est un peu plus rond, légèrement plus ample, mais au risque d’insister lourdement, il y a toujours ce boisé dérangeant qui laisse une finale vraiment sécharde.
Bien sûr on aurait aimé assister à une rencontre un peu plus relevée, voire carrément flamboyante au vu de la réputation très flatteuse de ce côtes-du-jura dans ces pages ! Mais c’est la loi du sport : il y a des jours avec et des jours sans (mmh, profond ça, merci Philippe). Peut-être la fatigue de la fin de saison, un passage à vide après avoir semble-t-il brillé dans ses premières années ? Ce vin serait ainsi à laisser sur le banc de cave en attendant qu’il atteigne à nouveau le top de sa forme physique ? Ou alors, encore plus simplement, cette cuvée, déjà bue précédemment à plus d’une reprise sans jamais avoir été véritablement convaincu, n’est malheureusement pas à notre goût ! Toujours est-il qu’au terme de ces deux matchs joués sur une durée de près de 40 heures, c’est pas encore aujourd’hui qu’on aura personnellement vérifié l’adage : "le CdJ de Macle, un vin qui tacle".