LPV Versailles fait un beau voyage en Savoie
La Savoie, pourquoi pas ? Certes c’est une région peu connue et souvent considérée comme seulement pourvoyeuse de petits blancs à boire avec de la fondue… Mais les LPViens savent qu’on y trouve des trésors ! J’en veux pour preuve les posts de nombreux amateurs dans la rubrique « Composition de votre cave », ou encore la dernière dégustation de LPV Lutèce qui a pris de la hauteur (au sens de l’altitude !
).
Le thème ayant été agréé, d’autant que je suis très loin d’être le seul fan au sein de LPV Versailles, j’ai pu concocter un programme varié, grâce aux larges propositions des uns, même si pas des autres
, avec des blancs et des rouges, mais aussi un vin orange, une bulle et un moelleux, des cépages différents et pas tous connus, de la Savoie et de la Haute-Savoie, des vins jeunes et moins jeunes….
Allez, c’est parti… tout schuss !
Une bulle en solo
J’aurais bien voulu une des deux cuvées du domaine Belluard, domaine phare sur Ayze, mais personne n’en avait. J’avais bien essayé de contacter le domaine lors de mon dernier passage en Haute-Savoie, mais pas de réponse à mes appels. Je me suis donc rabattu sur cette bouteille dénichée chez un caviste à Evian, d’un domaine inconnu par moi et par les LPViens…
Domaine Montessuit – Ayze – Méthode traditionnelle
Il s’agit d’un 100 % gringet, cépage emblématique de l’appellation Ayze. On notera que l'appellation s'écrit Ayze et le village Ayse...
La robe est de couleur paille.
Le nez est assez mutique, où transparait quand même une aromatique de pomme, mais avec un côté pas net qui inquiète.
Cela se confirme avec l’attaque en bouche un peu liégeuse. Curieusement certains l’avaient noté au nez mais pas forcément en bouche. Le défaut est donc léger mais bien réel. De toute façon l’acidité mordante ressentie en bouche ne permet de placer de grands espoirs dans cette bouteille.
ED
Première paire : vins de deux domaines emblématiques de Haute-Savoie, avec des monocépages différents mais sur le même bon millésime 2014
Les Vignes de Paradis – Vin des Allobroges – C de Marin – 2014
Il s’agit d’un 100 % chasselas, cépage que l’on trouve au bord du Lac Léman, sur ses deux rives. Le vigneron, Dominique Lucas, est un adepte du vin nature et sans cesse en recherche d’innovations.
La robe hésite entre paille et or clair.
Le nez très intense, presque puissant, est marqué par des arômes grillés qui laissent une petite place à des fruits blancs.
La bouche ne possède pas ce léger perlant que l’on retrouve souvent dans le chasselas, mais sa structure est fluide, avec un déficit de matière. Le grillé est encore présent et c’est la tension du vin qui est son meilleur atout.
Assez Bien + / Bien
Edit : je crois que c'est le premier millésime de cette cuvée. Elle n'est donc pas représentative de ce que ce vigneron est capable de produire. Je vous conseille d'aller voir sur le fil qui lui est consacré.
Domaine Belluard – Vin de Savoie – Ayze – Le Feu – 2014
Il s’agit d’un 100 % gringet.
Le gringet est souvent présenté comme une variante du savagnin ou d’une autre variété de la famille des traminers, mais des recherches récentes ont montré une parenté avec l’altesse (source : Wikipédia).
La robe de la même teinte, entre paille et or clair.
Le nez très intense affiche une belle expression de fruits jaunes, d’angélique et de miel.
Bien ronde, la bouche est très avenante, équilibrée par une grande vivacité. Elle s’allonge tout en gardant une belle sapidité.
Ce vin devrait encore s’améliorer en prenant de la complexité avec quelques années de plus.
Très Bien
Deuxième paire : deux vins de cépage altesse, sur le grand millésime 2010
L’altesse (cépage), se confond souvent avec la roussette (appellation roussette de Savoie qui utilise ce cépage), et un secteur où elle donne les meilleures expressions est le cru Marestel.
Domaine Eugène Carrel – Roussette de Savoie – Marestel – Cuvée Eugène Marc – 2010
La robe arbore un or clair.
Très agréable et d’une belle intensité, le nez propose un fruité avenant, sur les fruits jaunes et une note briochée.
La bouche grasse et étoffée est dotée d’un toucher suave, sans donner de sensation trop douce avec du sucre résiduel. Une fraîcheur réjouissante vient dynamiser l’ensemble jusque dans la belle finale qui associe sapidité et tension.
Très Bien +
Domaine des Ardoisières – IGP Allobrogie – Quartz – 2010
Ce petit domaine a été reconstitué par Michel Grisard sur le magnifique site de Cevins, puis repris par Brice Omont. Quartz est la cuvée phare en blanc, 100 % altesse.
La robe affiche un or dense.
Très intense, le nez séduit par sa richesse et sa complexité : fruits jaunes, anis, brioche, boisé classieux et miel se conjuguent admirablement.
La bouche est à l’avenant, d’un profil sphérique, bien grasse et en même temps d’une belle finesse, très bien portée par une superbe acidité, jusqu’à une finale très persistante.
L’air de parenté est indéniable avec l’altesse d’Eugène Carrel, ce vin possédant les mêmes caractéristiques avec un petit plus à chaque fois.
Très Bien ++
Troisième paire : deux Chignin Bergeron du domaine partagé (Gilles Berlioz)
Gilles Berlioz produit certainement les Chignin-Bergeron (cépage bergeron ou roussanne, et pas roussette, hein !
) les plus riches et aromatiques, répartis en différentes cuvées, dont les Filles… et les Fripons. A noter que les étiquettes des deux cuvées changent chaque année mais que les fripons regardent toujours sous les jupes des filles !
Domaine partagé – Gilles Berlioz – Chignin Bergeron – Les Filles - 2014
L’or de la robe est très soutenu.
Très généreux, le nez combine du miel, de l’abricot et une note mentholée du plus bel effet.
La bouche est plantureuse tout en paraissant comprimée, sans pouvoir se délivrer totalement. Mais la grande sapidité, le grain serré, la bonne allonge et la finale saline sont des caractéristiques d’un grand Chignin Bergeron.
Très Bien (+)
Domaine partagé – Gilles Berlioz – Chignin Bergeron – Les Fripons – 2012
La robe présente un or moyen.
Le nez intense propose une aromatique proche de celle d’un viognier, sur la violette et l’abricot, avec quelques touches fugaces grillées.
La bouche est dotée d’un profil plus droit et tendu, et d’une texture tout de même grasse. La finale est bien relancée par l’acidité.
C’est donc un autre style que présente ce vin, moins représentatif des Chignin Bergeron de Gilles Berlioz, mais intéressant.
Très Bien
Triplette : la fameuse Roussette de Marestel de Dupasquier en mini-verticale sur des millésimes à l’âge (presque) vénérable.
Domaine Dupasquier – Roussette de Savoie – Marestel – 2008
La robe est très ambrée.
Puissant et complexe, le nez exhale des arômes envoutants de safran, de pain d’épices et de fruits confits.
La bouche étonne par son ampleur et sa richesse. Les sucres résiduels bien sensibles sont parfaitement contrebalancés par une acidité dantesque. L’allonge superlative se termine en point d’orgue sur une finale très goûteuse.
Un vin d’une harmonie exceptionnelle !
Excellent (+)
Domaine Dupasquier – Roussette de Savoie – Marestel – 2002
La robe est sensiblement la même, très ambrée.
Le nez très intense mêle des fruits jaunes, des fruits confits, du miel, mais aussi une note truffée qui apporte de la complexité.
D’un beau volume, la bouche possède moins de sucres résiduels mais une aussi belle acidité. La remarquable persistance et la finale aérienne toute en finesse invitent à reprendre une gorgée.
Très Bien ++
Domaine Dupasquier – Roussette de Savoie – Marestel – 2001
La robe est toujours la même, très ambrée.
Très intense, le nez livre une aromatique baroque d’épices, de fruits jaunes et de fruits exotiques, malheureusement entachée par une note de carton mouillé.
La bouche est quasiment sèche, d’une grande acidité, avec moins de fruité que celle de ses deux compères, mais toujours d’une bonne longueur. Cela reste cependant bon et le moindre enthousiasme semble provenir plus du millésime que du vieillissement.
Bien ++ / Très Bien
Un vin de transition en solo
Vin de France – Jean-Yves Péron – Côtillon des Dames – 2016
Il s’agit d’un vin de macération (vin orange) 100 % jacquère, produit par un jeune vigneron situé en Isère et adepte du vin nature.
La robe orange n’est pas limpide.
Le nez frappe par sa puissance et son aromatique sur le poivre blanc et la rose. La bouche est tout aussi étonnante, d’une grande acidité, à l’aromatique très florale avec une pointe végétale, et portée assez longuement par des petits tanins, renforcés par la température de service un peu trop froide.
Un véritable OVNI qui a divisé la table mais que j’ai personnellement apprécié.
Bien +(+)
Quatrième paire : deux vins de persan du même domaine sur des millésimes successifs très différents
Le persan est un cépage typiquement savoyard qui donne des vins riches et tanniques, dotés d’une belle acidité, à faire vieillir.
Adrien Berlioz est un cousin de Gilles Berlioz et ce jeune vigneron attachant n’a pas tardé à produire de grands vins, dans les traces de son parent réputé. Je lui avais acheté au domaine, entre autres, cette cuvée de persan sur le millésime 2015, et il m’avait offert une bouteille de 2014 en me disant « vous pourrez ainsi constater ce que peut donner ce cépage sur des millésimes très différents ». Cette dégustation était l‘occasion rêvée, même si les vins étaient un peu jeunes…
Domaine du Cellier des Cray – Vin de Savoie – Octavie – Persan – 2014
Le nez ne laisse aucun espoir, le caractère bouchonné étant indéniable…
ED
Domaine du Cellier des Cray – Vin de Savoie – Octavie – Persan – 2015
La robe est très sombre, aux nets reflets violacés.
Très intense, le beau nez associe des fruits noirs, où la myrtille domine, des arômes floraux (iris) et épicés.
La bouche affiche une réelle concentration, caractéristique du cépage mais sans doute exacerbée par une extraction poussée que permettait le millésime. Un fruité dense et fin, des tanins encore un peu accrocheurs et une finale plus tonique laissent présager un bel avenir à ce vin.
Très Bien en l’état
Il est vraiment dommage de ne pas avoir pu comparer ce vin avec le 2014.
Cinquième paire : deux vins de mondeuse d’un domaine mythique, sur sa cuvée phare et de deux millésimes exceptionnels
Domaine Les Fils de Charles Trosset – Vin de Savoie – Arbin – Mondeuse – 2009
La robe est sombre, ni jeune ni évoluée.
Intense mais pas exubérant, le nez exhale une aromatique plutôt classique de fruits noirs, de cuir, d’épices et de fleurs.
La bouche est droite, toute en finesse et tension, d’une belle sapidité, encore dotée de petits tanins titillants.
Le style est épuré et aristocratique alors que j’avais trouvé mes bouteilles précédentes plus rondes. Mais il a sans doute souffert de la comparaison avec son frère aîné nettement plus opulent…
Très Bien (+)
Domaine Les Fils de Charles Trosset – Vin de Savoie – Arbin – Mondeuse – 2005
La robe est sombre et paraît étonnamment un peu plus jeune.
Un premier nez animal disparaît vite au profit d’un nez bien ouvert de fruits noirs mûrs, de poivre et de cuir noble.
La bouche affiche un grand volume, une matière pleine et confortable, un fruité pur et dense, des tanins complètement fondus, une belle fraîcheur, une finale étirée et de grade précision. Bref, c’est :
Excellent
Pour finir,
deux moelleux, dont un hors thème.
Domaine Jean-Pierre et Jean-François Quénard – Vin de Savoie – Chignin Bergeron – Le Bergeron d’Alexandra – 2012
La robe arbore un or moyen
Très expressif et engageant, le nez virevolte entre agrumes, fleurs, coing et fruits confits.
La bouche d’une sucrosité moyenne (71 g de SR ? On en ressent à peine 40…) est bien équilibrée par la chouette acidité. L’aromatique avenante et florale n’est pas très développée et la finale honnête sans plus mais l’ensemble est très agréable et gourmand.
Bien ++
Château Tour Grise – Coteaux de Saumur – Les Etourneaux – 2003
La robe est bien ambrée.
D’une très belle intensité, le nez associe coing, fruits confits et miel.
La sapidité en bouche est très belle, les sucres bien fondus et la vivacité juste suffisante pour soutenir l’ensemble mais on aurait souhaité une acidité plus structurante pour transcender l’ensemble et l’étirer.
Très Bien (+)
En conclusion, malgré des rouges relativement décevants pour différentes raisons, sauf un Trosset Confidentiel 2005 magnifique, la dégustation a été appréciée, sans être jugée d’un niveau exceptionnel. J’espère qu’elle donnera envie à ceux qui ne le connaissent pas d’aller explorer ce très beau vignoble. Il est de plus situé dans une merveilleuse région où se côtoient montagnes, lacs et nature préservée…
Jean-Loup