Catherine et les garçons font rugir le Jura.
épisode 2. 24 Mai 2019.
On était parti sur une soirée Jura Savoie, mais devant la générosité des apports possibles, j’ai rapidement décidé de la consacrer au Jura (que l'on avait
curieusement délaissé depuis 2012
) pour découvrir ou gouter à nouveau des cuvées considérées aujourd’hui comme des classiques qui ont confirmé brillamment leur statut de référence. Chapeau aux cuisiniers qui ont été vraiment inspirés !
Quelques impressions fugaces sur les vins regoutés sur la semaine qui a suivi avec un vrai coup de cœur sur les vins de Ganevat que je connais peu. Globalement on a eu affaire à des vrais vins d’émotion, parangons de fraicheur et de précision !
blancs :
1 Stephane Tissot La Mailloche 2009.
croque monsieur au chorizo selon Senderens avec tranches de pommes crues au sésame grillé et noisettes.
Hélas, le bouchon de bien piètre qualité, effrité à peine pénétré par le tire bouchon, a du quelque peu dénaturer les qualités habituelles de cette cuvée prématurément oxydée aux amers prononcés au gout de pomme blette. Dommage !
2 Jean-François Ganevat Chardonnay Les Grands Teppes Vieilles Vignes 2007.
barbue aux navets et radis
Le nez plein, ample vous caresse de son grain épuré, précis ; son fin grillé évoque un grand Bourgogne, son lit d’épices et de senteurs florales lui donne un coté terrien, sensuel, vraiment émouvant.
La bouche dense, profonde, parfumée développe une trame ciselée. Son caractère résolument salin et dynamique se déroule autant qu’il s’enroule en nous régalant. Quel beau vin !
3 Stephane Tissot Tour de Curon 2010.
riz de veau crémé aux morilles de printemps
Quel beau nez marqué de l’empreinte Tissot à son meilleur ! Le fil acide citronné, tissé d’un fin maillage au gout de pomme et d’herbes sèches évoquant la paille, tend à souhait le volume aromatique. Le beau fumé grillé, un peu tourbé qui s’en dégage, si caractéristique, se développe avec ampleur, élégance et finesse comme éclairée par sa tension exemplaire.
La bouche déroule la même ampleur, le même volume ; elle s’élargit autant qu’elle s’approfondit. Comme si la fine tension qui l’équilibre nous faisait descendre au fond de son grain salin au gout d’argile fruitée dont l’écho résonne longtemps sur la langue. Superbe !
4 Jean-François Ganevat savagnin Chalasses marne bleue 2012
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J’adore le caractère précis, très pur, racé de ce nez, sa transparence d’eau de roche aux accents de prune évoquant l’eau de vie de mirabelle.
La bouche est rythmée par sa fine acidité citronnée, une tension totalement au service de cette précision, de cette transparence de saveurs délicates que la fraicheur rend fringantes. On ne peut que tomber amoureux de ce coté nerveux, apaisé, résolument gourmand.
rouges :
5 Stephane Tissot Trousseau Singulier Arbois 2015.
terrines de printemps de Gilles Verot.
Au nez, un fruit très pur, bien mûr (cerise, fruits rouges), dégageant une impression d’élégance terrienne et de fraicheur gourmande un peu florale.
La bouche confirme la structure, l’équilibre, l’harmonie. Ses fins amers donnent à la texture profonde et aérée, un coté canaille, un peu classieux, vraiment savoureux.
6 Stephane Tissot Pinot noir En Barberon 2015.
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Le nez ample, délicieusement parfumé, est aussi fin et raffiné que dynamique, les aromes se répondent, dansent, nouent des alliances.
La bouche est comme éclairée par sa tension souveraine qui ouvre le grain concentré, dense, superbe de profondeur, en une farandole de gouts juteux. Ce caractère exubérant, joliment maitrisé, frais et si bien défini, émeut vraiment.
7 Jean François Ganevat Julien en Billat. l’Enfant terrible du sud. 2017 (un mélange pinot, poulsard , trousseau).
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Le nez dégage un parfum de rose délicat, assez envoutant. Cela n’en rend que plus touchant la compréhension du nom de cette cuvée assemblant pour cause de gel les raisins rescapés des habituelles cuvées Pinot Julien, Pinot En Billat, Poulsard Enfant terrible et Trousseau Plein Sud. Un rescapé au charme fou qui a tout pour devenir un futur collector !
La bouche parfumée délivre un beau grain vineux dont la délicatesse, la précision sont un concentré d’émotion. La dernière gorgée précise à quel point la subtilité s’accompagne d’une intensité qui la pousse vraiment à des sommets. Magnifique !!!
jaunes :
8 Stephane Tissot Savagnin 2006
dorade aux petits légumes et vinaigrette au curry selon Senderens.
Le nez a un caractère élancé, dense et vif ; la noix, la pomme, l’abricot sec, l’amande séchée, plein de petites épices (curry) vous caressent et vous entrainent au plus profond de leur grain singulier. Cet entrelacs d’arômes pénétrés d’une fraicheur dynamique, presque vibrante, dégage de l’harmonie, de la pureté.
La même tension rafraichissante structure la bouche, éclaire le volume, fait respirer la densité. Tout parait merveilleusement posé, à sa juste place, mais rien de statique tant çà circule, çà s’anime ; le jus profond, complexe, savoureux nous entraine dans son jeu gourmand, long, long, long…
9 Domaine Rolet Vin Jaune 1995.
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En le regoutant, il me semble que la volée de bois vert que ce vin a subie, générée par mon voisin de gauche, m’apparait un peu excessive. En caricaturant notre ami Philippe Baret, Rolet serait au Jura ce que Sociando Mallet est à Bordeaux : un faiseur ! C’est moi qui le formule ainsi, mais alors pour rester dans la même région : Rolet, Henri Maire, allez Augustin Pirou, même combat ? Bah non, certes ce jaune n’a pas le coté vibrant, dynamique du Savagnin de Tissot gouté en parallèle, « c’est le Jura d’avant Tissot, Ganevat and Co » peut être, mais je le trouve bien fait, équilibré, plutôt harmonieux : le nez parfumé, fruité, tendu comme il faut, le fil acide fin structurant la bouche.
Cà n’est pas un monstre de densité, de puissance ou de finesse et de fraicheur souveraine (bien qu’il n’en manque pas) mais j’avoue trouver plaisant son coté patiné par l’âge, son caractère automnal, le nuage cacaoté qui plane longtemps en bouche. Allez disons que c’est un joli jaune d’initiation et le plus vieux vin dont je disposais ce soir là.
10 Macle Château-Chalon 2002.
fromages du Jura
Le nez est magnifique : l’ampleur, le volume paraissent comme adoucis, il en résulte une impression large, incroyable…et délicate à la fois. Il n’en faut pas moins pour accueillir une telle complexité d’aromes : une véritable ode à la noix prenant figure, tour à tour ou mêlés, de champignon noble, d’abricot sec, d’amande séchée, de cacao et tant d’autres parfums. Subtil, profond, magique !
On pourrait décrire la bouche de manière semblable en soulignant à quel point le fil acide merveilleux, gouteux, lumineux est le gond autour duquel la magie prend corps, ordonne le volume en courbes et reliefs harmonieux, d’une subtilité folle. Vraiment un très grand vin.
Le Rolet dont je me suis fait l'avocat, ne joue évidemment pas dans la même cour…
sucrés :
11 Fruitière viticole de Pupillin. Vin de Paille 1999.
crème glacée aux noix et glace à la vanille de Berthillon, figues sèches, abricots secs et pâte de coing.
Au nez, un précipité d’abricot sec, de raisins de Corinthe et d’une myriade d’épices, le tout animé par une vivacité gourmande, un peu alanguie, sensuelle.
La bouche est riche, concentrée, onctueuse, assez chargée en sucre, mais la même vivacité préserve la fraicheur. C’est bon, assez gouteux sans être grandiose. Ce Vin de Paille a remplacé à la dernière minute la fameuse cuvée SULQ de Ganevat égarée dans une cave lyonnaise…
12 Macle Macvin 2009.
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Lors de notre dernière dégustation Jura, le même vin sur un autre millésime, avait hérissé les poils de certains. Pourtant, qu’est ce que c’est bon !
Le nez laisse pressentir le shoot de l’alcool procuré par ce vin de liqueur muté au Marc de Franche Comté qui donne comme un coup de fouet à l’alliance gouteuse des agrumes (orange surtout), du coing et de l’acacia. Les 17,5° annoncés sur l’étiquette participent à ce coté revigorant.
C’est cette même alliance de tension idéale, de profondeur et d’alcool fruité qui fait caracoler la bouche. Et la même fraicheur qui la rend si gourmande et dangereuse car çà se boit presque comme du petit lait appelant l’orangette au chocolat. Macle, on en prononce le nom et c’est déjà bon !
Topissime et idéal pour conclure une si belle dégustation. Le Jura a rugi en nous faisant rougir de plaisir dont les amis qui ont participé à cette soirée, ne saurait tarder
à témoigner.
Merci de m’avoir lu.
Daniel