Olivier, copain d’enfance avec lequel je partage ses et mes plus belles bouteilles, m’a offert le Dictionnaire amoureux du vin écrit par Bernard Pivot (édité chez PLON). Je ne saurais trop vous conseiller d’acheter ou de vous faire offrir cette petite merveille de connaissances, d’humour et d’amour dans laquelle le célèbre journaliste-critique littéraire nous livre sa vision du vin. Je vous livre, tels quels, quelques savoureux extraits de l’ouvrage :
Avant propos :
« Voici cependant l’essentiel : le vin, c’est de la culture ». (p 10)
« Bref, le vin, ce n’est pas de la petite bière », « il faut toujours avoir un écrivain et un vin à découvrir » (p 11)
A comme Alsace :
« Rien que le riesling, la choucroute et la tarte aux quetsche justifiaient que la France se battît pour conserver l’Alsace » (page 21)
« Comme le délicieux maquereau, l’Alsace est au vin blanc », « tout enseignement de l’œnologie doit commencer par l’Alsace » (p 22)
A comme Amour du vin :
« Ce qui différencie l’amateur de vins, heureux en amour, et l’amateur malheureux, c’est que celui-ci, n’ayant plus à partager son plaisir, boit médiocre. Il s’en fout. Pourvu qu’il y ait assez d’alcool pour s’étourdir. Victime du verre solitaire, le veuf, l’inconsolé, le transi largué n’encourage pas l’excellence des vins » (p 27)
A propos du vieillissement des bouteilles « rescapées de crus et de millésimes historiques » :
« L’optimiste se donne du temps, le pessimiste se donne du plaisir » (p 33)
B comme Beaujolais :
« le beaujolais a le cru entre deux chais » (p 52)
B comme Bordelais, à propos de la dénomination « château » :
« Dans une bouteille de bordeaux, on achète et on boit de l’architecture ». (p 70).
B comme Bourgogne, à propos des climats :
« Mon Dieu ! supprimer les climats, alors qu’il n’y a déjà plus de saisons ! » (p 82)
« Un bourgogne jeune a la force d’un aveu ; un bourgogne vieux la séduction d’une énigme. Quand je savoure un jeune bourgogne, je lui demande d’excuser mon impatience et je lève mon verre à la santé des vieux. Quand je déguste un vieux bourgogne, je le félicite de sa patience et je lève mon verre au souvenir des jeunes ». (p 83)
C comme Cave :
« Il en est du vin dans la bouche comme du taureau dans l’arène : il meurt de son apothéose » (p 94).
C comme Caviste :
« Le caviste est le spéléologue du vin (p 97)
« Certains cavistes sentent le bouchon », « La plupart des cavistes élèvent mieux leurs vins que leurs enfants » (p 98)
D comme Dégustation :
« Les vins français dans la bouche des Français sont incontestablement les plus causants du monde. Même après avoir été bus, ils continuent de jacasser. Ou de souffler au dégustateur une trouvaille comme celle-ci : j’en connais de meilleurs qui ne valent pas celui-là ! » (p 140)
D comme Duboeuf, à propos de son « nez » (olfactif et commercial) :
« Un élu de la narine » (p 162)
D comme Dulac (Julien) :
« On a vu des écrivains renier leurs œuvres ; jamais des vignerons renier leurs vins » (p 169)
E comme Etiquette :
« Sur une bouteille pleine, l’étiquette est prometteuse comme un visa. Sur une bouteille vide, pathétique comme une inscription commémorative » (p 182).
Du Bordelais Pierre Veilletet, cité par Pivot : « l’étiquette, pour un vin, c’est l’obligation de passer l’écrit avant d’être reçu à l’oral ». (p 183).
I comme Islam et le vin (à propos des poètes persans) :
« Tandis que le vin et la transgression fouettent l’imaginaire, l’eau et la soumission dissolvent le talent » (p 221)
J comme Jurançon :
« Avec sa cédille, le jurançon est un vin qui fournit le tire-bouchon. Le Mâcon est moins pratique ». (p 243)
M comme Meursault (Pivot sort d’un repas offert à l’occasion de la Paulée de Meursault) :
« Je n’ai pas vu un seul convive sortir vacillant du château. Les vins médiocres rendent le genou mou et la langue pâteuse ; les très bons vins favorisent l’articulation des os et des mots ». (p 276)
P comme Perret (Pierre) ou l’amitié et le vin :
« La vraie question est celle-ci : pourrai-je être l’ami de quelqu’un pour qui le boire et le manger n’ont d’autre utilité que nutritive et chez qui la table n’est un sujet ni de satisfaction ni de conversation ? Je ne le crois pas. Non qu’il n’y ait pas autant ou plus à attendre et à partager de thèmes immatériels, mais le vin, sacrebleu ! quel causeur ! A la fois sujet et verbe. Si l’on est deux à table, il fait le troisième. Il a la meilleure place : sur la table. Il est au milieu, il est le lien, il unit, il rapproche, il oppose, il rassemble.[…] Modeste ou prestigieux, il est l’un des fondateurs de la communication ». (p 313)
« L’homme ne galvaude pas son ami le vin avec n’importe qui. Il hiérarchise, il module. Il assortit les amis de sa cave avec les amis de sa salle à manger ». (p 314)
P comme Pinot noir :
Pommard : « Le pommard est un gros chat. Il faut savoir attendre qu’il ouvre un œil et s’étire. Tous les chats dodus, confiants dans le moelleux des coussins et de l’existence, devraient s’appeler Pommard ». (p 324)
R comme Raisin (Pivot parle de l’aspect érotique du raisin) :
« Dessins et photos érotiques mettent en scène des amants qui pressent des raisins au dessus de la gorge et du ventre de leurs maîtresses. On n’en a jamais vu qui pèlent des pommes ». (p 351)
R comme Rivalité des vignobles (Pivot parle de la rivalité Bordeaux-Bourgogne) :
« Le Bordelais ne boit que du bordeaux, ne se passionne que pour le bordeaux. Il naît, vit et meurt dans la religion du bordeaux. C’est un monoelogue. C’est un pinotphobe ». (p 355)
T comme le Temps des vins de pays :
« Il y a des jours où le plaisir de vivre ajoute au plaisir de boire, apportant au vin la rondeur, le velouté qui lui manquent. La chaptalisation par l’optimisme du consommateur ! Le bonus œnologique par la jubilation ! » ; « AOC, VDQS ou vins de pays parlent la langue de notre coin. Mettons cette langue sur la notre : on obtient le « french kiss », version bachique » (p 404)
« Le temps consacré à la connaissance sur le terrain de vins modestes ou méconnus n’est jamais du temps de perdu » ; « Le vin français est un tout, du courant à l’excellent, du petit bleu au château. On a le droit de préférer ; on n’a pas le droit de mépriser. On a le droit de critiquer ; on n’a pas le droit de condamner. Qui aime vraiment le vin sait bien que les grands ont besoin des petits, et les petits des grands. La solidarité du vignoble ne devrait pas être une utopie ».(p 405)
T comme Terroir :
« De prime abord, le terroir fait vieux jeu. Presque vieux con ». (p 405)
T comme tire-bouchon :
« Instrument familier, le tire-bouchon reste un truc énigmatique, un bidule philosophique qui ne cessera jamais de solliciter l’ingéniosité et l’admiration des hommes, même des buveurs d’eau ». (p 412)
T comme tonneau :
« Seul un peuple de rêveurs et de dilettantes pouvait inventer le tonneau. Les Celtes étaient des poètes » (p 414)
à propos du goût boisé, Pivot cite Jacques Puisais :
« Voici un vin plus proche de la forêt que de la vigne » (p 417).
V comme vendanger :
« Pourquoi les reporters du ballon rond continuent-ils d’user d’un verbe auquel ils font dire l’inverse de ce qu’il exprime dans l’abondance et l’euphorie de l’automne ? ». (p 422)
V comme Veuve Clicquot :
« Y eut-il autour d’elle beaucoup de coqs-clicquot ? ». (p 433)
Et le meilleur pour la fin :
"Santé à tous !" (p 460)