Reste que l'affaire des "miraculés de 96", à savoir des vins oxydés qui ressuscitent comme par miracle à l'aération, me semble pour le moins cousue de fil blanc. Bettane, qui ne sait pas comment se sortir de ce guêpier, feint de convoquer la science pour cautionner ses affabulations, et essaye de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Qu'il y ait eu des bouteilles défecteuses à l'époque, c'est certain, mais prétendre qu'elles l'étaient toutes et se sont transformées entretemps me paraît difficilement recevable. Quant à cette instabilité, c'est aux professionnels de s'en expliquer pour ceux qui le peuvent, et éventuellement de s'en excuser. C'est sans doute malheureux à dire, mais cette histoire jette le doute sinon sur ses capacités de dégustateur, au moins sur sa façon de communiquer.
D'autre part, prétendre qu'il n'y a jamais eu de collusions entre les guides et leurs "clients", si l'on s'en tient simplement à la nature humaine en général, et sans présumer de l'éthique personnelle de l'un ou de l'autre, me semble aussi ressortir de l'angélisme pur et simple. Que les intéressés montent au créneau dès qu'ils se sentent concernés, ça peut se comprendre, mais la la violence épidermique de leurs réactions ne plaide guère en faveur de leur prétendue sérénité. Sans pour autant sombrer dans la paranoïa et hurler au complot, les gens ne sont pas dupes sur la soupe qu'on leur sert et les cochonneries qui se trouvent à l'intérieur. Le conflit (latent) éclate à partir de l'affaire Saporta, transfuge de Marianne, Coffe et Bourdin, et de son brûlot à sensation qui ne fait que jeter un pavé pas très propre dans une mare déjà bien sale. Il faudrait cependant être aveugle pour nier que ce qu'on appelle pompeusement le grand vin, cher à Bettane et ses amis (je pense à De Rouyn – le "gentil buveur de grands vins" – , et cher tout court, est un produit de luxe sujet à la spéculation la plus effrénée. Les enjeux financiers sont considérables, et tenter de faire croire que les intéressés, avec les moyens qui sont les leurs, ne mettent pas tout en œuvre pour les pérenniser et les accroître relève soit de la naïveté, soit de la mauvaise foi (pour rester poli).
Enfin, à travers les attaques visant un certain Jérôme Pérez, c'est le forum LPV tout entier que l'on s'efforce de faire passer pour un ramassis de clowns incultes et prétentieux, qui auraient l'outrecuidance de critiquer la critique dans ce qu'elle a de plus glorieux, à savoir le grand Michel Bettane lui-même, intouchable gourou du vin à la parole sacrée, l'homme à la science infuse qui a le pouvoir de ressusciter les vins. Bien essayé, mais nous ne sommes plus des oisillons qui gobent leur becquée avec reconnaissance et dévotion. Et même si Bettane passe une licence de chimie et ses journées entières à gambader dans les vignes, ça ne changera rien à l'affaire. S'il n'y avait que les professionnels pour boire du vin, la profession ne ferait pas de vieux os. Oui, il y a aussi des amateurs, qu'on aimerait sans doute réduire à des moutons, c'est à dire des gens assez bons pour consommer mais pas pour en parler, des gens dont l'avis ne vaudrait pas un clou et serait voué au mépris, des gens pour acheter et se taire. C'est tentant, je vous le concède, à quoi bon cultiver son jardin si c'est pour que le premier venu vienne piétiner vos platebandes et s'empifrer à bon compte. Heureusement, il reste la censure, bien connue des "grands" de ce monde (qui boivent des "grands" vins, bien entendu), et à défaut de la pensée, la parole unique.