Laurent,
En repensant au vin et surtout en lisant à nouveau mon commentaire, je ne crois vraiment pas lui avoir « trouvé autant de fruits ». Poire (oliv l’a également détectée ; pour cet arôme, je ne fantasme donc pas), citron confit et ainsi qu’un peu de senteurs exotiques, est-ce beaucoup pour des arômes qui « s’expriment dans la discrétion » ? Je tiens à préciser que ce vin n’a pas été goûté en dégustation pure, mais lors d’un repas. J’ai donc pu le voir évoluer quelque peu et s’exprimer différemment entre le moment où le flacon a été débouché et servi dans la foulée, et le moment où la dernière gorgée s’est engouffrée dans ma bouche. La température et l’oxygène ont bien évidemment joué leur rôle et eu un impact sur les perceptions aromatiques du vin.
De plus, les émanations que j’ai perçues pour ce vin — ou que je peux percevoir d’une manière générale lorsque je goûte d’autres vins — sont plus ou moins évanescentes, volatiles, éphémères pour certaines, plus ou moins persistantes, constantes, tenaces pour d’autres. Cette règle s’applique ici. De cette manière, j’ai sans doute attrapé une ou plusieurs notes olfactives fugaces dont je parle dans mon commentaire.
Il est également possible que les caractéristiques aromatiques de ce vin ont évoluées entre le dernier moment où vous l’avez goûté et celui où je l’ai bu. Par exemple, comme je le note dans mon post concernant le Salon des vins de Loire à Angers, les notes lactées qui prédominaient lorsque j’ai dégusté Les Bournais 2005 de François Chidaine au cours du salon, étaient inexistantes au mois de novembre 2006.
En outre, je n’ai jamais écrit ni laisser penser (enfin, je l’espère !) que ce vin possédait « si peu de boisé ». Quiconque l’aura goûté, percevra sans grande difficulté le boisé ostentatoire. Je pense que les effluves empyreumatiques évoqués dans mon commentaire en attestent. En ce qui concerne le bois, j’ai seulement remarqué que bien qu’il soit particulièrement apparent et qu’il lestait le naturel du vin, « sa séduction intrinsèque », il n’écrasait pas la bouche. Il l’alourdit, mais ne l’écrase pas. J’ai trouvé effectivement que le vin cheminait convenablement en bouche. En d’autres termes, il ne casse pas les sensations gustatives dès l’attaque ou le milieu de bouche. Le vin ne coupe pas court en raison de ce boisé trop présent.
Quel éloge en ai-je fait ? Je me suis peut-être mal exprimé. C’est bien possible ! Toutefois, notez que je termine mon commentaire en soulignant que « la bouche manque cruellement de tension et de fraîcheur ». L’adverbe utilisé n’est pas innocent et traduit, je pense, l’impression d’ensemble. Vous vous êtes peut-être fié à la note dont je l’ai affublé. Dans mon esprit, il s’agit d’une note relative au style qui était ici présenté (i.e. un style utilisant le bois de manière indiscrète ; un style dont l’intention est que l’utilisation du bois soit remarquée) et non une note absolue. J’aurai dû le préciser. Si je l'avais noté de manière absolue, la note aurait sans doute été plus faible. Au total, je ne pense donc pas avoir posé les fondations d’une cathédrale dont le dessein serait de célébrer ce vin, et donc de le couvrir d’éloges.
Enfin, je vous invite à prendre connaissance de ces quelques lignes (si ce n’est déjà fait, et je pense que cela doit l’être) :
« Un des moments forts de ce colloque fut donc le rappel des découvertes de la neurophysiologie du goût par Patrick Mac Leod, ancien directeur du Laboratoire de neurobiologie sensorielle et actuel président de l’Institut du goût. En résumé, les neurosciences nous apprennent que le grand nombre de gênes de nos sens chimiques — 347 gênes pour l’olfaction et au moins 50 pour le goût — rend impensable le fait que deux individus perçoivent des goûts et des odeurs de la même façon. Aïe. De plus, le rôle subjectif de notre cerveau semble au moins aussi important que les informations objectives transmises par nos sens. Bref, on continue à penser que 100% du goût provient du vin (ou de l’aliment) que l’on déguste ; or « le produit, ce n’est pas 100% du goût, c’est peut-être 50% ; et le goût, c’est au moins 50% de celui qui goûte » » (Antoine Gerbelle (décembre 2005-janvier2006) : « Théorie de la relativité… du goût », La Revue du Vin de France, Bloc-notes, p.170).
Que dire de plus ? Je trouve que l’utilisation du bois est ici ostentatoire et superfétatoire. J’aime les vins minéraux, fins, élégants, subtils, tendus, longs, complexes, dotés d’une grande fraîcheur. Ces qualités ne sont ici nullement réunies. Le style des vins de cette maison ne me plaît guère. C’est pour cette raison que je n’en possède aucun.
Au plaisir d’échanger.
Cordialement,
David.