LPV 75 au domaine du Clos de l'Ecotard
Thibaud fait partie de cette jeune vague qui est en train de changer l'Anjou noire. Non pas qu'il vienne de s'établir mais plutôt parce qu'il prend la succession de son père, une référence en bio et bio D dans le secteur, et que le challenge n'est pas mince. Le domaine est relativement récent puisqu'il voit le jour en 2011. Le père de Thibaud est chef de culture chez Thierry Germain et il se décide à créer son propre domaine à l'aide de ce dernier.
Nous entrons d'abord dans un bâtiment en amont qui entrepose des cuves.
- Depuis quand êtes-vous au domaine avec votre père?
- J'y travaille depuis 2017.
- Quelles surfaces occupez-vous?
- 3 ha en Chenin. Nous en avons repris 4 récemment, près de la ferme qui fait du compost plus bas. Nous avons aussi 2 ha en cabernet, 80 ares en Groleau, 22 ares en Gamay et 10 en Sauvignon Blanc. Nous plantons à 8 000 pieds l'ha.
- Quels vins faîtes-vous?
- Nous produisons principalement les Pentes et Clos de l'Ecotard. Les maturités du bas n'atteignent jamais celles du haut. Nous avons également 70 ares sur des sols argile sableux qui font De la Haie Nardin et 30 ares qui donnent notre Saumur brut. Pour ce dernier, on a actuellement les vendanges 2017. On le travaille comme un blanc sec puis on fait faire la prise de mousse. Et le vin repose 40 mois sur lattes.
- Vous faîtes vous même la prise?
- Non par un prestataire. Ca ne vaut pas la peine au regard des volumes. On récupère les bouteilles habillées et en carton.
- Je ne crois pas avoir déjà vu de rouge.
- Pas tout de suite. Les vignes sont encore en conventionnel. On tient d'ailleurs 2 registres séparés. On aurait aimé tenter cette année de faire quelque chose mais vu le gel...
- Comment se répartissent vos ventes?
- 99% aux pro car il n'y a pas beaucoup de passage dans ce coin
. 30% va l'export. Le reste ce sont des cavistes et restaurateurs en France.
La vinification, l'élevage et les rendements
- Comment vinifiez-vous?
- On descend les raisins vendangés à 5°C à leur réception. On les laisse une nuit dans un tank à lait. On débourbe, on tire au clair et après la seconde nuit on remonte les températures. On tire à nouveau au clair. On laisse la FA se faire en cuve. Elevage en barrique sur lies. On filtre les bourbes. La meilleure barrique est souvent celle qui contenait le plus de bourbes. L'assemblage se fait en cuve. On remonte donc tout. C'est une sacré logistique. Il faut remonter 100 hl du Clos d'Ecotard. Une cuve ne suffit. Il faut donc en relier 2 avec une pompe pour homogénéiser l'ensemble.
- Les malos sont faites?
- On ne la cherche pas systématiquement. Et en général elle ne se fait pas. On a quelques exceptions. Sur 2018 par exemple elle est faite sur Ecotard. En 2017 en totalité sur la Haie Nardin; la moitié sur les Pentes et 2 barriques sur Ecotard. En 2020, 1 barrique sur Ecotard.
- Je vois des jarres.
- On les a rajoutées l'an passé. Sur 2020, on essaie 3 contenants en terre cuites.
- Vous travaillez avec des tonneliers en particulier?
- On change à chaque fois. Les contenants vont de 225l à 600l.
- Quels sont vos volumes usuels?
- 20 000 bouteilles dont les bulles. Normalement on se situe à 60hl, on a même atteint 65hl. On travaille pour un rendement compris entre 57 et 62 hl. C'est rendu possible par la haute densité. Après en 2019, on ne fait que 8 000 bouteilles... En 2019, le Clos de l'Ecotard est l'assemblage d'Ecotard et des Pentes. Les faibles rendements nous ont conduit à faire ainsi. On fait l'Enroulée qui inclut une partie du chenin pour les bulles et les autres vignes du même âge.
- Vous arrivez à garder des bouteilles?
- Oui, on stocke un peu de vin chaque année. Plutôt les Pentes.
Nous traversons la rue pour descendre vers la cave enterrée.
La Biodynamie pour habitude
- De nos discussions, une partie importante de cette zone viticole semble être en bio ou bio D.
- Oui, plus de 50 %.
- Comment cela se traduit-il chez vous?
- Par beaucoup de choses. Les vignes ne sont pas rognées par exemple.
- Vous les tressez en conséquence?
- Oui, sur 1,2 ha. On ne le fait pas partout, ça dépend de l'ombre portée. On enroule donc les lianes sur 2 fils tirés de part et d'autre et on noue au dessus.
- Cela doit prendre du temps à la réalisation.
- 15 à 20 heures pour un premier passage. Une partie du Clos de l'Ecotard est également travaillé au cheval pour ne pas tasser les sols.
- Pourquoi pas la totalité?
- S'il passe, on l'utilise. C'est au tracteur sinon. On ne va pas le forcer ni l'épuiser. On peut l'utiliser 2 à 2,5 heures par demi-journée. On pense d'ailleurs acheter un second cheval.
Saumur Clos de l'Ecotard 2018
De l'eau d'ananas, une matière crayeuse. Le petit amer vient apporter une dimension supplémentaire. Il est plutôt agréable ici. La finale se fait écho à l'entame avec une saveur de bonbon à l'ananas. Point d'acidité tranchante mais une fraîcheur bienvenue.
B+/TB
- Avec un total de 7ha désormais, vous ne travaillez probablement pas seul.
- Mon père est ici 3/4 de son temps. Le reste il conseille d'autres domaines. J'ai aussi un pote qui travaille avec moi.
- Avec les surfaces supplémentaires récupérées, votre chai actuel est-il suffisamment dimensionné?
- On a le projet de refaire un bâtiment d'un seul tenant de 500 m2 avec de la géothermie. Actuellement, la cuverie se trouve un peu plus haut, le stockage des bouteilles ici, les tracteurs dans le hangar et les fûts de vieillissement dans la grande cave troglodyte. Pareil pour les fermentations, elles se font principalement en cuve dans le bâtiment où sont entreposées une partie des bouteilles mais celle pour le Saumur en bulles se fait dans les foudres côté jardins.
- Quel délai vous êtes-vous donné?
- On aura le nouveau dépôt dans 3 ans. La construction va durer 2 ans. On vise les vendanges 2024 pour mettre 2023 dedans.
Saumur Clos de l'Ecotard 2019
La différence dans l'absence de malo se fait immédiatement ressentir. C'est salivant dès les premières secondes. C'est plus épais, longuement salin avec un noyau sur le citron confit.
TB
- Nous vendangeons Ecotard en 4 jours en 2019 contre 1 semaine habituellement. Il faut quand même chercher le raisin. Il fait 14,5°. C'est élevé 9 à 10 mois.
- Vous n'avez pas été tenté d'allonger la durée?
- Non, nous n'avons pas les barriques pour, ni la surface financière pour le faire.
L'enroulée 2019
"Moins on en a, mieux on se porte."
C'est large, assez doucereux. De l'ananas principalement ici aussi. La finale est plus calcaire. Moins de pep's mais ce n'est pas si mal pour un assemblage bulles + Ecotard.
B+
- Vous n'êtes pas gâtés par la météo cette année.
- Il a plu 50 mm en 3 jours.
- La pression de la maladie se fait ressentir par conséquent. Et il y a eu le gel en Avril.
- Le gel, ça a été. On s'attendait à pire. On a eu du -4°C. C'est surtout que ça tombait au moment de la naissance de mon premier enfant. Il fallait que je sois en même temps à la maternité. Nous avons subi la grêle aussi.
- Ah bon?
- Les grêlons ont fendu les baie et abîmé les feuillages. Heureusement qu'ils n'ont pas coupé les grappes.
- Quelle année difficile!
Saumur Les Pentes 2018
"14°. La malo est complètement faite."
On passe un cap de densité ici. C'est encore plus séveux et appétant. L'amertume et les épices se manifestent davantage, tant au nez que sur les papilles. Le grip résiduel se fait sur le clou de girofle et le poivre noir.
- Au moment de la création du domaine, quel était l'état des vignes alors en place?
- Nous avons replanté un demi hectare en 2009, en 2010 et en 2013, avec un pépiniériste différent à chaque fois.
- Vous avez un sujet de dépérissement de vos pieds type 161-49?
- Non, c'est une question chlorose. On n'avait pas le choix. Le calcaire actif empêche le fer d'être assimilé. Du coup il n'y a pas suffisamment de chlorophylle. On est vite sur la roche. En bas il y a 40 cm de terre, en haut, seulement 10. On a fait différents essais sur 50 pieds. Ils ont tous faibli au fur et à mesure.
Saumur Les Pentes 2017
Un vin d'une très grande netteté. Une corbeille d'acacias, de tilleul, de chair d'ananas et de groseille entubée dans tunnel vertical de matière crayeuse. C'est très propre et d'une belle cohérence.
TB+
- En terme de protection de vin, à quels niveaux êtes-vous?
- Plus de 900 pour le CO2, on monte jusqu'à 950/980 pour la fraîcheur. En SO2, nous sommes à 60 de total dont 20 de libre.
Des projets plein la tête
Saumur Les Pentes 2015
"C'est la première année où nous faisons les Pentes. Nous les vendangeons sur 2 semaines entre 2015 et 2017. En 2018, il fallait aller plus vite. Il y avait 15hl le premier jour. Le 5ème il ne restait que 10hl. Le jus s'est concentré rapidement. La phéno arrive pourtant moins vite en général."
Toujours ces notes d'ananas, un peu rôtis cette fois. Une touche de coco vient s'y marier. Lorsque le registre épicé se retrouve avec la même intensité, la matière est bien plus crayeuse et l'allonge supérieure. Un délice encore.
TB+/Exc-. C'est bon la Loire ainsi faite dîtes-donc.
- Vous n'avez pas d'embouteilleuse?
- Il faut 200 k€ pour une bonne machine et une bonne étiqueteuse. Cela ne vaut pas la peine pour 7ha.
"Je vais vous faire goûter quelque chose...". Thibaud nous verse depuis une demi-bouteille un dense nectar doré par l'âge.
Vin mystère
"En 1995 nous avons une charge monstrueuse. On a coupé tout ce qui pourrissait. Mais avec le soleil, ça devenait top. Avec 700kg on a fait 100l. Ca a fermenté 2 ans. Et le pressurage a pris 24h."
C'est liquoreux, aucun doute. Sa consistance se rapproche d'un sirop d'érable. Il en a d'ailleurs une touche en bouche. Elle est accompagnée de caramel, de raisin de corinthe, de longues saveurs de noix et d'un acidulé qui maintient une remarquable digestibilité en finale. Les sucres ne sont pas souvent victimes de mon tire-bouchon mais cette version pourrait l'être
.
B+/TB-
- Vous n'avez pas été tenté d'en faire à nouveau?
- A chaque année son essai, je fais un Coteau Saumurois en 2020. Cette année peut-être un mini Sancerre
. Mais oui effectivement, cette année, on en refait un, un vrai. On va tenter 2 processus: botrytis et paille.
- Vous avez décidément plein d'idées
.
- On va tester une macération de chenin. Probablement en jarre ou en amphore pour voir s'il y a un intérêt. On gardera une cuve pour élever en barrique.
Quand j'évoquais la jeune génération, Thibaud est une relève dotée d'innombrables projets. Son père n'est bien entendu jamais loin. Mais la longue discussion et les nombreux sujets évoqués de manière franche nous ont montré qu'une patte nouvelle et complémentaire est apposée. De grands Saumurs, assurément. Un merci à Thibaud à la hauteur de ce qu'il nous a partagé.
Devinez quoi, nous reprenons notre attelage direction Dampierre sur Loire.