La Provence en trois couleurs avec LPV Versailles
Trois couleurs ? Oui, le maître de séance Ludovic a fait le bon choix de ne pas retenir uniquement des rosés, qui représentent 90 % de la production en Provence. Il ne les a pas non plus censurés, en choisissant une triplette constituée des plus beaux fleurons de la région dans cette couleur.
Mais force est de constater que si les rouges se sont révélés de très haut niveau (sans aucun Bandol car déjà testés lors d’une session précédente), la qualité des blancs a été très différenciée et les rosés ont été jugés bons sans plus par les non réfractaires…
Mais je veux souligner la très belle sélection de Ludovic qui a non seulement constitué des paires et des triplettes intéressantes mais a en plus créé des liens entre certains vins de série différentes. Mais pour découvrir ces liens cachés, cher lecteur LPVien, il va te falloir analyser finement la liste des beaux flacons dégustés !
Triplette de blancs : dépareillée ?
Il me plait à penser que cette série avait en fait pour thème la terre : ce terme figure en effet dans le nom des domaines des deux premiers vins et Trévallon est connu pour son calcaire blanc…
Domaine des Terres Promises – VDP de la Sainte Baume – Analepse – 2015
Il s’agit d’un vin nature de monocépage carignan macéré pendant trois semaines.
Robe d’un orange virant sur l’ambré.
Le nez peu intense est marqué par des arômes fermentaires de cidre et d’écurie qui ont du mal à s’estomper à l’aération.
La bouche n’est en revanche pas déviante, assez fluide en attaque puis montrant une certaine minéralité sur une longueur appréciable.
Bien si on occulte le nez.
Domaine de Terrebrune – Bandol blanc – 2016
Irrémédiablement bouchonné…
Domaine de Trévallon – VDP des Alpilles – 2012
Il s’agit d’un assemblage constitué pour l’essentiel de marsanne et de roussanne.
Robe d’un or très dense.
Le nez démonstratif dénote immédiatement un élevage luxueux, avec des arômes d’amande et de bois vanillé, où pointent quelques herbes aromatiques.
La bouche est du même tonneau (si j’ose dire !
), charpentée, riche, au boisé très prégnant. Certes il y a un joli gras et une bonne matière, mais trop c’est trop !
Je serai cependant très certainement moins intransigeant que la plupart (la totalité ?) de mes camarades, en lui donnant une meilleure note qu’au Terres Promises. Ceci étant, je serai loin de la note attendue pour mon premier Trévallon blanc, note que j’attendais en me basant sur mon expérience du rouge.
Bien + mais il faut accepter ce boisé.
On est donc très mal parti, pour des raisons très différentes, avec ces trois premiers vins... mais on va se rattraper !
Paire de blancs : le domaine de référence de la Provence en blanc, sur deux très bons millésimes.
Château Simone – Palette blanc – 2004
Il s’agit d’un assemblage à base de 80 % de clairette.
Robe d’un or assez dense.
Le nez très ouvert est d’abord dominé par une aromatique grillée qui s’efface (donc due à une pointe de réduction) relativement rapidement au profit d’un beau fruité riche qui prend même des accents luxuriants et sucrés.
La bouche est bien équilibrée, avec une matière concentrée et racée, mais aussi une belle fraîcheur. La bonne persistance et la finale saline et salivante sont autant d’atouts en faveur de ce très beau vin.
Très Bien ++
Château Simone – Palette blanc – 2008
La robe d’un or clair dénote un âge moins avancé. En revanche le nez et la bouche présentent une similitude confondante.
Le nez d’une belle intensité allie un fin grillé à des arômes fruités bien mûrs et des notes florales (angélique).
D’un beau volume et dotée d’une jolie pellicule de gras et d’une bonne acidité, la bouche se rapproche très nettement de son binôme jusque dans la belle finale.
Très Bien ++
Triplette de rosés : les plus grands dans cette couleur
Domaine de La Bégude – Bandol – L’Irréductible – 2016
Cet assemblage de 70 % de mourvèdre et de 30 % de grenache avait été déclassé en Vin de France pendant plusieurs années en raison de l’atypicité de sa couleur, d’où le nom de la cuvée. Son millésime 2011 avait malgré tout été classé 7ème rosé de France début 2013 par la RVF.
Robe d’un rosé sombre bien tuilé.
Très intense, le nez affiche des arômes de pamplemousse dominants, à peine complétés par des petits fruits rouges.
La bouche au léger perlant est plutôt friande mais son aromatique est toujours sur les agrumes, avec même une finale trop amère.
Nous sommes plusieurs à nous être faits la réflexion que, dégusté dans un verre noir, nous aurions parié pour ce vin sur un sauvignon !
Assez Bien +
Domaine du Clos Saint Vincent – Bellet rosé – 2016
Robe d’un rosé clair, saumon.
Le nez intense affiche un classicisme d’école, sur les petits fruits rouges.
La bouche est ronde, épicée, assez persistante : c’est agréable et bien fait mais cela manque de complexité et de profondeur.
Bien +
Château Simone – Palette rosé – 2011
Robe d’un rosé très sombre, couleur grenadine.
Très ouvert, le nez propose un fruité très expressif et des arômes de grenadine.
La bouche charpentée et vineuse possède un perlant bien sensible, une matière bien fruitée et une allonge intéressante, mais elle manque un peu de distinction pour aller plus haut.
Bien ++
Première paire de rouges : un grand domaine historique sur des millésimes bien différents
Château Vignelaure – Coteaux d’Aix en Provence – 2007
Il s’agit d’un assemblage de 70 % de cabernet sauvignon et de 30 % de syrah.
Robe très sombre, assez jeune.
Intense, le nez affiche une belle élégance sur des senteurs de fruits noirs, de menthol et de cuir.
La bouche harmonieuse associe une matière bien charnue et une aromatique d’une austérité classieuse. Des tanins fondus et une finale en douceur participent à cette harmonie en atténuant l’impression d’austérité.
Très Bien ++
Château Vignelaure – Coteaux d’Aix en Provence – 1988 (en magnum)
Robe très sombre, aux reflets nettement tuilés.
Le nez bien ouvert conjugue des fruits noirs, des arômes balsamiques et mentholés, le tout dégageant une grande impression de fraîcheur.
La bouche est sur le même registre, très cabernet sauvignon par sa belle austérité, d’un profil très droit et tendu, accentuant encore cette sensation de fraîcheur, un peu trop à mon goût.
Très Bien +
Deuxième paire de rouges : deux grands domaines sur un beau millésime frais
Château Simone – Palette rouge – 2008
Il s’agit d’un assemblage de 45% grenache, 30% mourvèdre, 5% cinsault, et 20% de cépages secondaires.
Robe sombre et évoluée.
Le nez expressif fait preuve d’une élégance remarquable, sur les gammes fruitée et florale.
La bouche également impressionne par sa finesse extrême, son équilibre abouti, son toucher de velours, son fruité pur et sa finale en dentelle.
Excellent
Certainement le meilleur Simone rouge bu à ce jour en ce qui me concerne !
Château Révelette – IGP Bouches du Rhône – Le Grand Rouge – 2008
Il s’agit d’un assemblage de 43% syrah, 33% cabernet sauvignon, 19 % grenache et 5% carignan.
Robe très sombre et jeune.
D’une belle puissance, le nez est marqué par de beaux arômes de cuir noble, sur une base de fruits noirs agrémentée d’épices et de cèdre.
La bouche est corsée et racée, dotée d’une grosse matière et d’une acidité qui l’affine et lui donne de l’énergie. Le boisé est perceptible mais bien intégré, de même que les tanins fondus. Il ne lui manque qu’un supplément de finesse pour se hisser au niveau de son compagnon.
Très Bien ++
Troisième paire de rouges : un grand domaine sur des millésimes bien différents
Château de Roquefort – Côtes de Provence – Les Mûres – 2013
Il s’agit d’un assemblage de 40 % grenache, 25% carignan, 20 % syrah, 5 % cinsault, 5 % Mourvèdre et 5% cabernet sauvignon.
Robe très sombre aux reflets nettement violacés.
Le nez présente d’abord une forte réduction puis après une oxygénation énergique, sans perdre en intensité, il dévoile des accents sudistes avec de beaux fruits noirs, des épices et une touche florale (violette).
Le fruité charnu et sapide en bouche est rehaussé d’un bel éclat, la finale montrant plus de vivacité : c’est très agréable malgré sa jeunesse.
Très Bien +
Château de Roquefort – Côtes de Provence – Rubrum Obscurum – 1998
Il s’agit d’un assemblage de grenache, mourvèdre et syrah.
Robe sombre, évoluée et assez trouble.
Le nez s’ouvre généreusement sur de beaux arômes tertiaires tels que le cuir noble, le sous-bois, le balsamique, avec même une sensation terreuse.
La bouche d’une remarquable élégance possède un corps charnu et délié à la fois, une enveloppe ample combinée à une très belle droiture. La qualité tactile ne se dément pas, jusque dans la finale salivante d’une allonge superlative. Un grand vin qui atteint son stade de plénitude !
Excellent
Quatrième paire de rouges : un très grand domaine sur deux grands millésimes
Domaine de Trévallon – VDP des Bouches du Rhône – 2007
Il s’agit naturellement d’un assemblage de 50 % syrah et 50 % cabernet sauvignon.
Robe très sombre et jeune (le diner ayant lieu dehors, il est difficile à cette heure avancée de se faire une opinion précise).
Très intense, le nez réunit grande élégance et complexité. L’aromatique est changeante et virevolte entre fruits noirs, camphre, notes fumées, florales et de réglisse.
La bouche est superbe, dotée d’une très grande matière, d’un énorme volume, et en même temps une acidité vertébrale et une finesse remarquable viennent équilibrer ce tout magique. Des tanins gras sont perceptibles, la persistance est extra ! Un grand vin au tout début de son apogée.
Excellent +
Domaine de Trévallon – VDP des Bouches du Rhône – 1998
Robe très sombre et ni jeune ni évoluée (le diner ayant lieu dehors, il est difficile à cette heure avancée de se faire une opinion précise).
Le nez possède une belle intensité, sur des arômes très évolués mais de classe. Les notes animales et de sous-bois s’associent à du fruité secondaire et quelques notes truffées.
La trame de la bouche est d’une droiture phénoménale, lui apportant un caractère aristocratique que l’on retrouve dans les grands Bordeaux. Elle manque cependant un peu de chair à mon goût, mais le profil long et fin jusqu’à la finale ciselée ravit tout de même !
Très Bien ++
Un dégustateur taquin et pas complètement honnête prétend qu’un autre a annoncé « Trévallon ! » à chaque vin rouge servi, et a eu enfin raison sur les 7ème et 8ème vins… Cela a en fait été le cas pour plusieurs dégustateurs, mais pas pour tous les vins, ceux du Château de Roquefort affichant un côté sudiste plus affirmé. Mais cela montre à la fois le haut niveau des rouges dégustés et l’attente suscitée par Trévallon.
After : une paire de sucres bien différents
Domaine Bordatto – Vin de pommes moelleux – 2015
Robe ambrée (?).
Le nez très intense est sur la pomme au four, agrémenté d’une touche de cannelle, procurant une impression de grande fraîcheur.
Un très très léger perlant caresse tendrement le palais, le moelleux est tout en finesse et la même sensation de vivacité qu’au nez accompagne la bouche.
Bien +(+)
Château Caillou – Sauternes – Private Cuvée – 1997
Robe très ambrée ( ?).
Le nez puissant affiche un beau botrytis, malheureusement gâché par des arômes dérangeants de solvant beaucoup trop prégnants.
La bouche est bien équilibrée en termes de matière, de sucre et d’acidité, mais moins avenante et nette une fois encore en termes d’aromatique : coriandre (que je n’apprécie pas personnellement) et safran (c’est mieux) sur la finale.
Bien ++
Un grand merci à l’ami Ludovic pour cette excellente organisation : en plus des quatre mini verticales, nous avons eu droit à Château Simone dans les trois couleurs (insolente réussite, y compris en rouge à laquelle nous ne sommes pas habitués sur cette couleur), deux très beaux rouges sur le grand millésime 2007 et deux autres rouges non moins très beaux sur le non moins très beau millésime 1998, sans parler des cinq vins rouges sur des millésimes en 8, donc ayant pile 10, 20 et 30 ans !
La Provence : des vins rosés à boire jeunes ou des vins rouges à boire à grande maturité ? LPV Versailles a sa réponse, forgée il est vrai à partir d’une sélection pointue,
Jean-Loup