Voici notre deuxième séance post-confinement. Cette fois-ci, nous sommes 16 à nous « perfectionner » sur les vins de Provence, en dégustant des bouteilles achetées lors d'un voyage au printemps 2011.
Pour commencer, voici quelques chiffres sur les vins de Provence aujourd’hui:
• Superficie : ~27000 Ha
• 600 producteurs: 540 caves particulières et 60 caves coopératives
• Production: 1 318 000 hL (en 2018)
• 3 couleurs: 87% rosé, 9% rouge, 4% blanc.
• 45 cépages autorisés
• Appellations : 9 AOP, 7 IGP
Pour les appellations, il faut s’accrocher un peu pour tout comprendre (on est en France, hein !
) :
Au programme, 1 blancs, 9 rouges, et un vin pirate pour finir, 1 VDN Rivesaltes:
La dégustation est donc axée majoritairement sur les vins rouges.
L’ordre de dégustation n’a pas été simple à établir. Finalement, nous avons pris l’option de déguster d’ouest en est, avec une évolution progressive de la part de grenache puis de mourvèdre dans les vins, et en essayant de garder une logique dans l’ordre des millésimes.
Le résultat est une jolie randonnée sur les terres de Provence :
Le besoin de carafage a été évalué la veille grâce à l’usage du Coravin. Seul Trevallon 2008, Hauvette 2005 et Ray Jane 1996 seront dispensés.
Nous commençons par l’unique blanc pour la mise en bouche.
Rappel sur mes notations :
0 = raté 1 = médiocre 2 = correct 3 = bon 4 = très bon 5 = excellent
avec des demi points, des + et des – qui permettent d’affiner le jugement et de classer les vins entre eux.
VdP des Bouches du Rhône Minna Blanc 2008 Villa Minna Vineyard
Cépages: Rolle 45%, Marsanne 29%, Roussanne 26%
Sol : calcaire.
Vendanges manuelles.
Vinification : en barriques et en cuves inox de petit volume (15 hl) cépage par cépage, exclusivement à partir des levures indigènes présentes dans les baies du raisin. Ensuite, fermentation malolactique cépage par cépage.
Elevage : pour 70% en cuves inox de petit volume et pour 30% en barriques cépage par cépage sur lies fines avec bâtonnage (sans aucun ajout de sulfite) durant 12 mois. Assemblage, embouteillage suivi d'un élevage en bouteille de 24 mois avant la commercialisation.
Ouvert 30min avant le service.
La robe est jaune orangée.
Le nez est ouvert, sur les fruits jaunes, la pomme un peu cuite, le coing, un peu de noisette et un fond alcooleux.
L’attaque est souple et ronde. Belle matière, assez ample, avec une acidité moyenne mais une belle tension. La retro confirme le nez et permet de révéler une note de chamallow.
La finale est saline et tramée par une légère amertume. C’est très long, très belle persistance.
Conclusion : c’est très bon, à boire.
Note : 4/5
Après cette agréable mise en condition, nous passons aux rouges
Vin de Pays des Bouches du Rhône 2008 Domaine de Trévallon
Cépages: Syrah 50%, Cabernet Sauvignon 50%
Sol : Sol calcaire et argileux, très caillouteux (nord des Alpilles).
Vendanges manuelles.
Vinification : sans égrappage, sans levurage et sans souffre.
Elevage : 24 mois en foudres et barriques. Collage au blanc d'oeuf frais, pas de filtration pour la mise en bouteille.
Ouvert 1h avant le service.
La robe est pourpre-brun, d’assez faible intensité.
Le nez est ouvert, avec d’entrée de jeu de fortes notes de réglisse et de poivron. Puis on réalise que c’est complexe, avec des fruits cuits, des épices, un peu d’anis, du menthol, du poivre et du cuir.
L’attaque est ample et fraiche. En bouche, c’est moyennement puissant, frais, élégant, gourmand. Les tanins sont fondus. La retro confirme le nez, mais le mélange d’arômes est évolutif, séquencé : d’abord la réglisse, puis le poivron rouge, les fruits cuits, le cuir, et enfin le menthol et le poivre qui appportent de la fraicheur aromatique (en plus de la fraicheur « acide ») à la longue finale.
Conclusion : c’est excellent, un vin très expressif qui m’a procuré beaucoup de plaisir. Un vin de caractère.
Note : 5-/5
Vin de Pays des Bouches du Rhône 2003 Domaine de Trévallon
Cépages: Syrah 50%, Cabernet Sauvignon 50%
Sol : Sol calcaire et argileux, très caillouteux (nord des Alpilles).
Vendanges manuelles.
Vinification : sans égrappage, sans levurage et sans souffre.
Elevage : 24 mois en foudres et barriques. Collage au blanc d'oeuf frais, pas de filtration pour la mise en bouteille.
Ouvert et carafé 1h avant le service
La robe est pourpre-brun, assez intense, avec beaucoup de dépôt en suspension.
Le nez est fermé, on ne détecte qu’un côté métallique et un peu de fruits cuits.
L’attaque est ample et fraiche. En bouche, les tanins sont précoces et agressifs. Côté équilibre, c’est joli. En retro, il y a de la prune, des fruits cuits, des fruits noirs confiturés et du cuir.
La finale est tannique avec des notes empyreumatiques assez fortes (fumé, goudron). Belle longueur.
Conclusion : c’est bon, mais austère en l’état.
Note : 3/5
Le lendemain, le fond de bouteille se montre plus fondu et plus explosif, avec le côté empyreumatique moins fort.
4/5. Il faut donc carafer très longuement, 1 heure le jour J ne suffit pas.
Les Baux de Provence 2003 Domaine Hauvette
Cépages: Grenache 50%, Syrah 30%, Cabernet-Sauvignon 20%
Sol : argilo-calcaire (nord des Alpilles).
Vendanges manuelles.
Vinification : biodynamie depuis 2003, éraflage, infusion des baies.
Elevage : cuve, foudre, fût, œuf en béton
Ouvert et carafé 1h30 avant le service
La robe est brun-orangé, assez intense.
Le nez est ouvert, avec un léger bouchon (
), puis des herbes séchées, des fruits cuits et du fumé.
L’attaque est ample et fraiche. Belle matière, ample, assez ronde, avec des tanins tardifs. La retro est sur les fruits cuits, le fumé, le café, le cuir, les herbes séchées et malheureusement le bouchon.
La finale expressive est associée à une très belle longueur.
Conclusion : c’est bon à très bon, probablement encore trop jeune. Dommage qu’il y ait eu ce léger bouchon.
Note : 3,5-/5
Les Baux de Provence 2004 Domaine Hauvette
Mêmes cépages, vinification et élevage que le 2003
Ouvert et carafé 1h30 avant le service
La robe est pourpre-brun, intense.
Le nez est ouvert, sur le goudron, le café, la jacinthe et le poivre. Pas très agréable.
Heureusement, la bouche l’est. Après une attaque ample et fraiche, se développe une belle matière acidulée avec des tanins fondus et assez tardifs. La retro est complexe, avec des épices (poivre notamment), un léger côté encens, du fumé, des notes de goudron, mais aussi (heureusement !) du fruit sous la forme de fruits cuits, prune et fraise.
La finale est expressive et de très belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, à aérer longuement, et à boire à table avec du solide.
Note : 4/5
Les Baux de Provence 2005 Domaine Hauvette
Mêmes cépages, vinification et élevage que le 2003
Ouvert 1h30 avant le service
La robe est pourpre, intense.
Le nez est ouvert, sur les fruits noirs, le café, les épices, les fruits rouges et la réglisse.
L’attaque est ample et fraiche. La matière est belle, fraiche, très élégante. C’est fondu, le qualificatif qui me vient est « la classe ». La retro aussi est fondue, avec un mélange harmonieux de jus de viande, de fruits noirs, de cuir, d’épices et une petite touche de poivron.
La longueur est remarquable, c’est le vin qui offre la plus belle PAI jusqu’ici.
Conclusion : c’est très bon à excellent, très long. Très bel équilibre et très belle texture.
Note : 4,5+/5
Les Baux de Provence Cornaline 2006 Domaine Hauvette
Après 2005 la cuvée sans nom du domaine prend le nom de Cornaline.
Mêmes cépages, vinification et élevage que le 2003
Ouvert et carafé 1h30 avant le service
La robe est pourpre-brun.
Le nez est assez ouvert, sur les fruits noirs un peu cuits, les épices douces, le cuir, le café et un peu de vanille.
L’attaque est ample et fraiche. Belle matière, fraiche, assez fondue avec des tanins corrects. La retro est fondu, mélange d’empyreumatique, de fruits cuits et d’épices.
Très belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, puissant, avec une belle matière, mais éclipsé par le 2005 servi en même temps. .
Note : 4/5
Palette rouge 2007 Château Simone
Cépages: Grenache 45%, mourvèdre 30%, cinsaut 5%, cépage "secondaires" 20% dont syrah, castet, manosquin, carignan, muscats divers
Sol : éboulis calcaires.
Exposition: nord
Vendanges manuelles.
Vinification : Egrappés, les cépages sont ensuite vinifiés « en foule » et fermentent ensemble, levures indigènes.
Elevage : Exclusivement sous bois, d'abord en petits foudres pendant 8 mois, puis durant un an en barriques de chêne de différents âges, assemblés à la mise en bouteille effectuée sans filtration.
Ouvert et carafé 2h avant le service
La robe est pourpre.
Le nez est ouvert, sur le café, les épices, la pivoine, du fumé et les fruits noirs confiturés.
L’attaque est ample et fraiche. La bouche se développe ample, fraiche, acidulée, avec une belle palette aromatique de fruits noirs confiturés, fumé, café, épices, noisette, poivre et violette.
La finale est légèrement asséchante, avec des petits tanins. Très belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, plutôt gourmand, avec un élevage encore un peu trop marqué.
Note : 4/5
Bandol La Tourtine 2009 Domaine Tempier
Cépages: 85 % mourvèdre, 15% [grenache + cinsault]
Sol : sols profonds composés de grès et de marnes, avec une forte présence d’argile et d’un peu de gypse.
Exposition: sud, extrêmement venté
Vendanges manuelles.
Vinification : raisins triés à la parcelle et à la cave ; égrappés, foulés et mis en cave pour une durée de 3 à 4 semaines de fermentation grâce aux levures indigènes.
Elevage : en foudre, d’une durée minimum de 18 mois.
Ouvert et carafé 2h avant le service
La robe est pourpre.
Le nez est ouvert, sur la réglisse, les fruits rouges et noirs, l’alcool, le café et les herbes. Il y a du dépôt en suspension.
L’attaque est ample et fraiche. La bouche est puissante, tannique (mais tanins pas grossiers), et chaleureuse. Elle est expressive, sur les fruits noirs, les épices, la garrigue, le réglisse et les herbes. La cerise au kirsch et le cuir complètent le tableau dans la finale un peu chaude et très très longue
Conclusion : c’est très bon, très puissant, alcooleux. Clairement trop jeune, probable gros potentiel d’amélioration (à revoir dans 10 ans).
Note : 4-/5 en l’état.
Bandol 1996 Domaine Ray Jane
Cépages: 90 % mourvèdre, 5% grenache et 5% cinsault
Sol : argilo calcaire.
Exposition: ?
Vendanges manuelles.
Vinification : fermentation alcoolique en vendange entière d’une durée de 4 à 6 semaines.
Elevage : en foudre de chêne français d’une durée minimum de 22 mois.
Ouvert 2h avant le service
La robe est brune, couleur coca-cola.
Le nez est ouvert, dominé par des notes empyreumatiques entre le café et le grillé.
L’attaque est ample et fraiche, comme tous les vins rouges de la soirée finalement.
La bouche est souple, soyeuse et puissante à la fois, avec une bonne fraicheur. La retro est dominée par le café, puis on trouve du cuir et de la cendre.
En finale, on sent des tanins poudrés. Belle longueur.
Conclusion : c’est très bon, mais trop monocorde sur le café pour espérer une meilleure appréciation, malgré un beau côté tactile.
Note : 4-/5.
La dégustation des vins rouges étant achevée, j’ai demandé à chacun des 16 participants de voter pour le vin qu’il a préféré:
Le style Hauvette a fait recette, et je suis seul sur le Trevallon 2008 (commencerais-je à avoir des goûts différents de mes compères ?).
Je fais remarquer à l’assistance que le château Simone n’a pas d’adepte, et on me rétorque que si j’avais demandé 2 préférences il y aurait eu des votes. Avec le recul, sur autant de vins, j’aurais dû demander de citer 2 vins pour mieux cerner les tendances.
Pour finir, nous dégustons un petit extra qui était orphelin dans la cave. Un VDN plus vieux que moi…
Rivesaltes Cuvée Aimé Cazes 1975 Domaine Cazes
Cépages: 80% Grenache Blanc, 20% Grenache Noir
Sol : argilo-calcaire, parsemé de débris schisteux et de galets siliceux.
Vinification : Pressurage direct et mise en fermentation à 18°C. Adjonction d’alcool neutre en phase liquide en cours de fermentation (mutage). SR=116 g/L
Elevage : 22 ans en vieux foudres pour provoquer l’oxydation. Évaporation de 7 % par an soit plus des 2/3 du volume au terme de son élevage.
Ouvert 2h30 avant le service
La robe est ambrée, d’assez faible intensité.
Le nez est ouvert, sur le miel, la figue, l’orange amère et le tilleul.
L’attaque est souple et ronde. La bouche est en 1/2puissance, assez soyeuse, avec une petite liqueur. La retro révèle le miel, la figue, le tilleul, la noisette et la noix. Une forte note de café s’imprime dans la finale très longue.
Conclusion : c’est bon à très bon, mais j’attendais plus d’un tel vin ; ça manque de relance et de rancio.
Note : 3,5/5.
Ce fut à nouveau une soirée d’exception, comme on a eu la chance d’en vivre quelques-unes récemment. Tous les vins ont été de haut ou de très haut niveau. Le vin blanc était à point alors que la plupart des rouges sont encore trop jeunes. Seuls Trevallon 2008
, et Hauvette 2005 sont actuellement à point, avec bien sûr Ray Jane 1996. Le Rivesaltes, petit morceau d’histoire capturé en bouteille, était élégant mais n’a pas suscité l’émotion espérée.
Pour boucler ce compte rendu, la photo de famille :
Merci de m'avoir lu jusqu'au bout.
Bibi