lpv Paris-Est "Catherine et les garçons" au Septentrion du Rhône.16 Décembre 2011.
Une dégustation, une semaine avant Noël, ressemble un peu à un réveillon avant l' heure. Pour l' occasion,
Catherine et les garçons se sont transformés en brigade de grand restaurant ! C' était impressionant de voir tour à tour, Cyril, André , Jérémie, Philippe, Olivier s'activer en cuisine, quand Benjamin avait déniché chez son caviste, des vins introuvables ou que Catherine avait goûté cent Clairettes de Die pour sélectionner la meilleure. Mais leur principale qualité, signe d'une forme de compassion à mon égard, est d'avoir laissé une fois de plus, quelques fonds de bouteilles pour alimenter mes bavardages dans les jours qui ont suivi !
les blancs :
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Condrieu. De Ponçins 2009. François Villard.[/size]
grosse gambas piquée de vanille bourbon, sauté de poire au gingembre.
Si l'on pouvait être peintre d' arômes, le nez de ce Condrieu en serait à la fois la palette et le pinceau traçant à coup de traits d' abricot bien mûr, de poire juteuse, de notes florales de violette envoûtante et de fines coulures de miel, un paysage aromatique intensément parfumé. Si caressant, si profond, si suave qu' il 'évoque un tableau d' odeurs faites émotion.Je comprend qu' un tel vin puisse autant captiver que provoquer le rejet. C' est là où l' accord avec l' une des recettes proposées par
le domaine Vernay
(avec le Coteau de Vernon) est vraiment inspiré, tant le panier d' odeurs mèlées de gambas sautées, de vanille bourbon, de poire, gingembre et cardamone se mèlent voluptueusement à ce nez très expressioniste. Quand la caresse parfumée coule en bouche, l' accord touche au génie, tant la texture du vin semble exploser de saveurs dont on ne sait plus trop s' il s' agit de fruit ou de fleur, mais dont l' écho à la trame amère s' allonge au fond de la gorge comme un tapis d' Orient. J' adore ce vin expressioniste qui deviendrait rapidement tape à l' oeil sans sa fraicheur et le parfait équilibre de son corps d' arômes et de saveurs à vocation gastronomique. Sur le sauté de poire au gingembre, l' accord est vraiment magique !
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Croze Hermitage 1998. Domaine Marc Sorrel.[/size]
chair de tourteau posée sur son lit de céleri rémoulade et de salade romaine.
Grosse déception le soir de l' ouvertute, arômes déviants, pas nets, style serpillère ( brett pour certains..sur le vin blanc ?) comme si le vin avait manqué d' hygiène, ce qui parait étonnant chez Marc Sorrel. Age, bouteille défectueuse ? A revoir, mais pas évident sur un 98 ! Dommage...
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Hermitage 2008. Jean-Louis Chave.
Hermitage 2001. Jean-Louis Chave.[/size]
pétoncles sautées, sauce crème fraiche à l' estragon et au fenouil.
Contrairement au 2008, généreusement apporté par André et prévu au programme, nous n' aurions pas du goûter l' Hermitage blanc 2001 de Chave... Le 2001 prévu au départ, était un rouge ! Dans l'obscurité profonde de sa cave, Philippe (Modat), notre très cher greffier du porte -greffe [size=x-small]pas pu m' en empêcher[/size] ! a récupéré un blanc du même millésime. Son étourderie doublée de sa folle générosité (la Landonne venait également de sa cave) nous aura permis, entre les deux Chave et le Chapoutier qui a suivi, d' apprécier l' évolution de grands Hermitage blancs, depuis leur jeunesse (2008) à leur adolescence (2001) jusqu' à leur maturité (1995). Des master-class comme celle-là, j'en veux bien à chaque Noël ! (
)
Face à de grands vins, avant d' explorer et de reconnaitre leur palette d' arômes, c'est le volume, la structure, la longueur, la puissance, l'équilibre de leurs formes qui m'impressionent et s'imposent en terme d' images-impressions : rond, large, long, élancé, fin, complexe, généreux...Presque des images d' architecture ou de composition picturale ou musicale qui avaient largement inspiré mon
cr de Février
consacré à d' autres grands vins rhodaniens.
Sur
le 2008, dés le premier nez, on sait, on sent que l' on a affaire à un monument reposant sur une assise impressionante. Un édifice flambant neuf, d'une folle jeunesse où tout semble déjà en place. Un peu comme une belle adolescente dont les traits parfaits, le maintien, l' expression portent déjà la femme superbe qu' elle deviendra, mais qui pour l' instant, expriment encore cette fraicheur spontanée, attachante de la fin de l' enfance. Tout comme ce nez exprime la franchise immédiate d' une brassée de fleurs jaunes finement miellées, d' un panier débordant de poires, de pêches et d' abricots bien mûrs, dévoilant leurs parfums par touches croisées avec une petite touche exotique tirant vers l' ananas. Tous ces arômes et bien d'autres, s'ordonnant autour d' une ossature minérale fixant le cadre aromatique impressionant de jeunesse, m' évoquent les jeunes pousses d'un verger normand renaissant au printemps, gentiment caressé par une brise iodée d' allure maritime. Cette structure imposante et si fine, cet équilibre (extra)ordinaire se retrouvent en bouche. Rien de fermé, tout est ouvert, mais comme me l' évoquait sympathiquement Th Debaisieux, en réponse à la question de savoir si c' était un infanticide de l'ouvrir si jeune :
" Infanticide ? J'ai bu avec beaucoup de plaisir des Chave jeunes, en imaginant ce que ces bouteilles allaient offrir plus tard.Si vous faîtes comme ça, vous allez passer un excellent moment. Si vous voulez le plaisir optimum immédiat, ça ne sera pas le cas..." Pour ma part, je dirais que ce vin, par sa structure, son jeu de saveurs complexes, si fines, si précises qu' elles en deviennent émouvantes, donnent déjà un plaisir fou.
Adolescence bougonne pour
le 2001, magnifique au demeurant, mais moins exhubérant, plus resserré, un peu comme un animal aux aguets, les muscles bandés, en attente. Difficile à l' aveugle, de prime abord, d' identifier le même vin à 7 ans d' intervalle ! Au nez, il en ressort une impression de puissance, de concentration, avec toujours cette colonne vertébrale minérale imposante, servant d' assise aux arômes qui se révèlent doucement quand l'ado prenant l'air, consent à esquisser un sourire. On est moins sur la séduction immédiate, si attachante de ce vin dans sa jeunesse, mais malgré leur retenue, l' empreinte des fruits et des fleurs acquiert une profondeur, un grain auquel le caractère un peu iodé procure de la fraicheur, quand les arômes de truffe naissant mélés au boisé discret, leur donnent du cachet, de l'élégance. Disons que ce que le nez a perdu de charme (quoique..), il l'a gagné en complexité, signant là un tableau aromatique de maitre dont on ne cesse de s' étonner des nuances, des détails cachés contribuant à l' équilibre hors-pair de la composition. En bouche, la texture a une générosité hors-norme, où rien ne déborde tant son architecture respire la maitrise, l' équilibre permettant à son jeu de saveurs de jouer au Grand 8. Seuls quelques amers un peu serrés ( mais déjà si superbes !) témoignent de l' adolescence de ce vin que personnellement, je ne qualifierais pas d'ingrate !
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Hermitage Blanc de l' Orée 1995. Chapoutier.[/size]
pot-au-feu de foie gras de canard aux petits légumes.
En Février, ce vin m' avait transporté et représenté pour moi, qui en ai peu d' expérience, l' optimum de l'Hermitage blanc. Qu' allait donc donner la même bouteille, dix mois plus tard ? Nez merveilleux, incroyablement large, profond, intense, porteur de mille caresses fondues en une seule brassant herbes coupées, cire d' abeille, épices d' orient, avec toujours cette impression iodée qui là, est comme doublée d' un arôme de truffe persistant, presque entêtant. La bouche est fascinante par son architecture à l' assise large d' où les saveurs s' élèvent et s' ordonnent au sein même de leur grain au goût de pierre dont l' écho minéral résonne longtemps, longtemps sur les parois de votre gorge transformée en puit sans fond au goût de truffe. Quand l' Hermitage croise sa trame amère en finale sur celle du céleri et du foie, le pot au feu de foie gras de canard, aussi savoureux que simplissime à réaliser, fait monter le vin au ciel....
les rouges :
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St Joseph. Les Serines 2001. Yves Cuilleron.[/size]
terrines de gibier (sanglier, lièvre, chevreuil), oignons et noisettes grillés, framboises, figues sèches.
Là, à nouveau,l' accord fonctionne superbement, tant les senteurs singulières et marquées du sanglier, du lièvre et du chevreuil, renvoient à l' empreinte un peu sauvage qui vous imprègne les narines. Le fruit noir, profond, ample, presque terreux, comme veiné de figues, semble revêtu d' une étoffe de cuir un peu giboyeuse, imprégnée d'épices ( poivre), de réglisse, de tabac et d'un fin boisé. Sans que le coté animal qui paraissait prégnant de prime abord, ne l' emporte, tant l' équilibre aromatique, charpenté, complexe et attachant, s'ordonne autour de la fraicheur du fruit. La bouche est généreuse, toujours équilibrée par cette fraicheur du fruit gorgé de saveurs épicées, que l' élevage bien maitrisé, met en valeur jusqu' à sa finale goûteuse au goût de cerise et au toucher de poudre de cacao.
Un superbe St Jo qui me rappelle l' émotion procurée par la cuvée Les Royes du domaine Courbis.
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Cornas. Chaillots 1999. Thierry Allemand.[/size]
idem
Dégusté à l' aveugle, en parallèle du Saint Joseph, le nez parait moins animal, moins extraverti, toujours structuré par la fraicheur du fruit (gelée de cassis, framboise), mais avec une finesse, une profondeur, un soyeux impressionant. Une complexité plus en nuances avec des touches fumées, chocolatées, de pain grillé, d' une exquise délicatesse, sur fond de fruit long, profond, velouté. La bouche pleine et franche a une fraicheur remarquable, avec un jus droit et généreux qui donne l' impression réjouissante d' un vin entré en unité avec lui même, d' une intégrité de goût sans failles ni vernis, à force de transparence, de pureté de saveurs. C'est superbe, totalement délicieux...et il ne faut pas attendre vingt ans pour le boire !
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Côte-Rôtie La Landonne 1987. Guigal.[/size]
noisettes de filet de chevreuil, sauce Grand Veneur, batons de céleri rave.
Un peu à l' instar de la dégustation CdR que j' avais organisé en Février dernier, je me doutais bien qu' en abordant à nouveau le septentrion du Rhône, on aurait toutes les chances d' accéder à nouveau à quelques sommets du vin. Ecrasés les 8000 de l' Himalaya, c' est dans la stratosphère, que dis-je, dans l'hyper espace, que cette Landonne 87 nous a fait monter ! Après la Landonne 94 dégustée en Février, déjà superbe, qu' allait donc nous raconter cette Landonne 87 portant 7 ans de plus ?
Le nez fond de plaisir, de sensualité, de finesse, d'intense complexité tissée de mille et une nuances plus délicates les unes que les autres. L' impression d' une caresse ineffable portant l' écho du fruit de sa jeunesse, revêtu aujourd' hui d' étoffes précieuses, des encens les plus fins, des parfums les plus soyeux, des tabacs les plus envoûtants. Un merveilleux bouquet de senteurs fondues qui se croisent et se mêlent en combinaisons infinies et complexes. En bouche, ce kadeiloscope d' impressions semble "habiter" la texture structurée en strates harmonieuses, qui donne l' impression de faire rouler son train de saveurs fondues sur un fil acide très fin pour se clore sur une finale tout en douceur Je ne sais pas si l'éternel féminin existe, car ce vin l'est, incontestablement, mais je sais désormais qu'il existe des vins de poète...
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Côte-Rôtie. La Belle Hélène 1999. Stephane Ogier.[/size]
idem
Après la Landonne, toute en finesse et en nuances, le nez de cette Belle Hélène avec ses douze ans de moins, parait massif, puissant, concentré, avec un fruit rond et généreux presque compact qui avec l' aération, révèle un bouquet fascinant d' épices, d' encens, de bois précieux, de moka comme enveloppé d'un ruban délicat de violette et tant d' autres senteurs enchanteresses.Ce coté massif, presque vibrant se retrouve dès le premier toucher de bouche, avant que la texture large, vraiment hors du commun, n'ouvre un fleuve charriant ses saveurs pleines, concentrées, gouteuses et pénétrantes entre les rives de votre bouche. Ce vin est un monstre fascinant ( qui a d' ailleurs fasciné Bobby qui lui a décerné 100/100) mais j' avoue que si j' aime profondément ce vin absolu, mon absolu + à moi, se situerait plutôt dans la féminité incarnée de la Landonne qui touche mon coeur quand l'autre flatte mes papilles. Mais quel vin superbe !Tu as bien fait d'insister Olivier ! [size=x-small]le vin[/size] [size=x-small]était en concurrence avec les Grandes Places 2001 de Gérin, un autre géant...[/size]
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Hermitage 2001. Jean-Louis Chave[/size]. sniff...
assortiment de fromages ( st Nectaire, Mimolette, Tomme, St Marcellin) servis sur l' ensemble des vins restant.
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Clairette de Die. Domaine Achard Vincent. ."Tradition", 85 % Muscat et 15 % Clairette.[/size]
buche glacée ( litchie, framboise) de chez Bertillon.
Au nez, comme émoustillé par l' effervescence des bulles fines et odorantes, c' est comme si un bouquet de roses se rapprochait de vos narines. Des roses qui auraient fauté avec un pamplemousse ! Le parfum de rose s'arrondit et se révèle litchie (accord stupéfiant avec la glace de Bertillon!) avec des touches d' épices (poivre, cannelle) et de miel qui donnent du grain au corps aromatique. Puis le mot est lancé : "çà sent le muscat !"Eh oui, la Clairette de Die a beau s' appeller clairette, elle est constituée sur cette cuvée de 85% de muscat ( quand sur d' autres cuvées, elle l' est à 100% !). Derrière son rideau de bulles, la bouche se révèle délicieusement fruitée, un litchie savoureux, gorgé de jus, auquel l' effervescence donne une vivacité sapide, avec une longue et belle trame amère qui tapisse la gorge sur la finale et confirme l'idée d' un accord parfait sur les saveurs justes, presque pointues des deux glaces. En lisant sur l' étiquette que cette bulle tItre 7°, on comprend pourquoi ce vin " mi-fermenté, doux naturellement, sans sucre ni levure ajoutée", se boit comme du petit lait ! Je l'avoue humblement, quand Catherine m' a proposé comme vin de dessert une Clairette de Die, j'ai fait un peu la fine bouche au départ... et puis après réflexion, je me suis laissé convaincre. Après une telle succession de mets et d'étiquettes, une bulle légère, finement fruitée, pourrait apporter une forme d' allégresse, de fraicheur en guise de conclusion. Pari hautement réussi, à mon avis !! Parmi les rares Clairettes de Die que j'ai goutées, celles de Didier Cornillon, que Bruno Quenioux m' a fait découvrir, me semblent également hautement recommandables.
Joyeux Noël !!
Daniel