A la demande d'Yves, je vous livre ici mes interrogations concernant les Hermitage "de base" de Chapoutier. Je possède en cave les millésimes suivants de la Sizeranne : 1990, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000, et en blanc les 1992 et 1999 de Chante-Alouette. Je les ai tous déjà dégustés au moins une fois, sauf les rouges 1998 et 2000.
Suit le copié-collé du compte-rendu de dégustation des 1999 :
Michel Chapoutier - Chante-Alouette - Hermitage 1999 : plus discret au nez, mais avec plus de finesse que le précédent (NB : un condrieu de Gangloff), cet hermitage présente des arômes évoquant l'ananas, la pomme mûre, les fruits secs, l'acacia, ainsi que de légères notes grillées et minérales. L'équilibre en bouche est plus classique, avec un alcool (13°8) bien équilibré par une acidité perceptible, et une finale peut-être un rien plus longue que celle du condrieu. Chaque vin a ses partisans, d'aucuns préférant le condrieu pour son exotisme, d'autres l'hermitage pour son classicisme. Le potentiel de garde de ce dernier semble nettement plus important, de cinq à dix ans sans aucun doute. (8,6/10 - 8,2/10)
Chapoutier - La Sizeranne - Hermitage 1999 : La robe est étonnamment peu soutenue pour un vin de cette origine. Le nez est fermé et assez monolithique, sur les fruits noirs, la cerise à l'eau de vie et des notes fumées. L'équilibre en bouche est néanmoins très bon, malgré des tannins encore très présents. Un vin qui est sans doute à attendre encore 5 ans avant de commencer à le boire sur les 15 ans qui suivent. J'avoue néanmoins ne jamais avoir été enthousiasmé par cette cuvée, que je connais sur 8 millésimes et qui m'a toujours parue très austère (même le 1990 dégusté en 2000). Peut-être ne doit-elle être bue qu'après 10 ou 15 ans d'âge, seul l'avenir me le dira. J'ai néanmoins décidé de ne plus l'acheter pour le moment, en attendant de voir si les vins finissent par s'ouvrir un jour… (7,8/10 - 8,2/10)
En ce qui concerne les autres millésimes en rouge, j'ai toujours été surpris par l'aspect impénétrable et austère de ce vin, toujours fermé et tannique. Il demande probablement plus de dix ans pour s'ouvrir, et sans doute plus encore dans les grands millésimes comme 1990, que j'ai goûté en 2000 en compagnie d'autres grands vins du millésime, et qui semblait encore complètement fermé, malgré d'évidentes qualités de corps et de matière.
Le 1993 est beaucoup plus léger et a été à l'origine d'une mauvaise surprise, puisque je l'avais acheté sur base d'une très bonne critique de Parker. Je vous livre ci après les différents comptes-rendus de dégustation de cette cuvée par Parker : comme vous pouvez le constater, la note est passée de 92-95 à 85 en quelques années. C'est cette dernière note qui me semble le mieux correspondre au vin que j'ai en cave.
"Chapoutier est fier de proclamer qu'il n'est que le troisième des propriétaires d'Hermitage pour le volume de production, alors qu'il est maintenant le premier pour la surface (avec 35 ha, soit le quart de l'appellation). L'Hermitage La Sizeranne 1993, noir de robe, révèle un nez ample et dense de rôti et de fumé, beaucoup de richesse et de générosité, du corps et de la profondeur. Ce vin magnifique doit être gardé en cave 5 ou 6 ans ; il a le potentiel pour durer trois décennies. N'oubliez pas qu'en 1993 Gérard Chaboulet a déclassé tout son Hermitage et que Gérard Chave ne sait pas encore s'il le mettra en bouteilles sous son nom. D'autres producteurs étaient d'ailleurs dans la même expectative au printemps 1994. Mais l'Hermitage de ce domaine semble provenir d'un grand millésime, tel 1990. Selon Chapoutier, c'est dû aux méthodes naturelles de viticulture qu'il met en pratique (ce sont celles qu'à prônées Rudolph Steiner, vers 1925). (92-95 : 1994) L'Hermitage La Sizeranne 1993, de couleur noire, dégage un nez imposant et dense de grillé et de fumé. Très corsé, d'une richesse et d'une maturité absolument superbes, il déploie ses arômes par couches successives. Ce vin magnifique, au potentiel de 30 ans environ doit être conservé encore 4 à 5 ans avant d'être dégusté. (90 :1995)
Suite à des réclamations de consommateurs relativement aux variations entre lots d'un même vin, je suis dorénavant plus attentif aux différentes mises, tant en France qu'aux Etats-Unis. Les notes dithyrambiques que j'avais attribuées aux 1993 et 1992 alors qu'ils étaient en fûts sont très certainement obsolètes, en particulier pour les 1993, dont Michel Chapoutier pense qu'il les a embouteillés trop tardivement. Ainsi, ce lot de La Sizeranne 1993 est rubis foncé, très fermé, avec des tannins astringents. On a l'impression qu'il requiert une garde de 7 à 10 ans encore, mais je doute que son fruité tienne jusque-là . (06/1996)" R. Parker
Le 1997 est sans doute le seul qui se laisse boire relativement facilement, mais je n'en ai néanmoins pas gardé un très grand souvenir.
Quant aux blancs, ils me paraissent discrets dans leur jeunesse, et j'avais donc laissé vieillir avec confiance le 1992, qui me laissait la même impression jeune que le 1999 aujourd'hui. Deux bouteilles ouvertes l'an dernier ont malheureusement montré de nets signes d'oxydation qui ne présagent rien de bon.
De deux choses l'une, soit je ne comprends pas ces vins, soit ils doivent vieillir très longtemps (du moins le rouge) pour délivrer ce qu'ils ont à délivrer. Seul l'avenir me l'apprendra. En attendant, je n'en achète plus.
De plus, la multiplication de cuvées de prestige vendues à des prix délirants ne peut, à mon sens, que déforcer les cuvées principales.
Merci de me faire part de vos expériences sur ces vins.
Luc