Guillaume,
Merci pour tes informations sur le domaine (ainsi qu'à Thierry) que tu me donnes envie de redécouvrir.
Une remarque sur ma description de l'Hermitage rouge 2004 : quand j'écris qu'il donne certainement moins de plaisir que certains Saint-Jo, je l'ai bu à table (sur un lapin à la sauge pas optimal certes...), pas seul. Je n'oppose pas gastronomie et plaisir, les vins austères jeunes ne me font pas peur (j'ai bu des Saint-Jo 2010 de Faurie/Gonon/Chave à 2/3 ans quand ils étaient fermés à double tour), non, simplement, là je pense qu'il était un peu bousculé dans un premier temps et qu'il donnait assez peu de plaisir en dégustation pure et à table (tout en montrant son sérieux).
Compte tenu de l'évolution de la discussion, je n'ouvre pas de Rocoules car je n'en ai qu'une bouteille mais un Hermitage blanc classique 2003 pour voir où en est ce millésime qui a tout pour faire fuire les amateurs de vins dits "frais" (et tu sais que je bois beaucoup de rieslings) Je le bois à l'apéro puis accompagné par une tarte fine courgettes/tomates/Saint-Jacques de mon ami Carrefour. Le but de ce qui suit n'est évidemment pas de te contredire/d'avoir raison mais d'échanger :
Robe : paille dorée, soutenue, colorée : magnifique
Nez : le nez n'est nullement lourd : fleurs blanches (narcisses), arômes de miel affinés par une impression d'amertume noble (peau de poire?) bien présente (Marsanne?), très pur (pas d'oxydation, pas de rhum, racé).
Bouche : la bouche commence beaucoup de volume, d'ampleur (14,5%) sous-tendue par l'amertume noble (de la Marsanne) qui lui donne de la fraîcheur. À l'aveugle, j'aurais été incapable de dire 2003 tant l'amertume joue son rôle de régulateur. La bouche est longue, marquée par l'amertume qui lui va si bien dans ce millésime.
Conclusion : Excellent! Ce vin est me semble-t-il un grand classique de l'Hermitage blanc, alors qu'il a été produit dans des conditions d'un millésime inhabituel. À l'apéro ou accompagnant le plat, c'est excellent, et il n'est pas sensible à l'augmentation de la température de la bouteille posée à même la table, donc pas rafraîchie.
En interprétant a posteriori mes impressions, la canicule de 2003 lui a certainement donné un gras inhabituel pour ce terroir du Mas des Greffieux (en bas du Méal dont, pour ce dernier, les raisins de blanc ont dû exploser les compteurs d'alcool en 2003) mais qui est contrebalancé par l'amertume très marquée du 100% Marsanne.
En regardant mon livre de cave, je constate que j'avais acheté le classique 2003 mais Rocoules 2004 (millésime plus frais sur un terroir donnant plus de glycérol ainsi qu'un poil de Roussanne qui peut donner des arômes de rhum un peu oxydatifs bienvenus dans un millésime assez mais moins mûr). Ce n'était pas un hasard. Je pense, sur le papier, à défaut de pouvoir faire l'expérience aujourd'hui (mais je l'avais faite jadis), que le risque avec Rocoules 2003 s'il en est un est d'être un peu trop lourd alors que classique 2004 possèdera plus d'amertume et moins de gras qu'attendu, peut-être.
La très belle dégustation de ce vin me donne l'occasion de rebondir sur la remarque que t'a faite Marc sur le fait qu'il est meilleur vinificateur de blancs que de rouge. La colonne vertébrale d'un Hermitage blanc d'assemblage est, me semble-t-il, les Rocoules et Marc en a (un Hermite blanc pur est un bijou à lui tout seul, on est d'accord, et de l'Orée qui ne vient que des Murets est un grand vin aussi, mais je parle d'assemblage). Les Rocoules donnent le gras, le glycérol qui sont la signature de l'Hermitage blanc. En revanche, il ne possède pas de vignes dans les Bessards qui eux sont l'épine dorsale d'un Hermitage rouge d'assemblage et qui manquent pour donner de la structure à l'Hermitage rouge classique 2004, et dont le Gréal bénéficierait aussi d'ailleurs à mon très humble avis (un Béal me tenterait plus qu'un Gréal, cf Faurie qui assemble les Greffieux avec les Bessards et non pas avec le Méal où il est propriétaire car un Greffieux seul, pour sa parcelle qui est partiellement à l'ombre d'un HLM contruit au mauvais endroit, lui semble trop léger). Ce n'est donc pas étonnant, a posteriori toujours, qu'il s'estime meilleur avec ses blancs que ses rouges.
David Chapot.