Test de LPV Versailles en Rhône Sud : Châteauneuf-du-Pape ou satellites ? … ou Reynaud ?
LPV Versailles ne recule devant aucun sacrifice
: le but était de tester pour vous la suprématie supposée de l’appellation Châteauneuf-du-Pape sur le Rhône Sud. Nous lui avons donc opposé une sélection de challengers de haut-vol. Mais à l’issue de cette belle dégustation, il semblerait qu’il faille considérer les vins d’Emmanuel dans une catégorie Reynaud à part, tellement ils sont … à part et tellement ils ont dominé les débats, pourtant sans faire participer les ténors de l'écurie.
Pour que la confrontation soit juste et belle, il nous fallait un ordonnateur de haut vol : cette tâche a donc été confiée à l’ami Philippe, grand connaisseur et amateur de … tout, mais particulièrement de cette région. Il nous a donc concocté des paires ou des triplettes homogènes en millésime et comprenant à chaque fois au moins un Châteauneuf et au moins un vin d’une autre appellation.
Le but n’était pas de reconnaître les bouteilles de Châteauneuf mais surtout de donner notre préférence par série. Malgré tout, comme les vins de Châteauneuf du Pape peuvent se reconnaître facilement au toucher à travers la chaussette (eh oui, le pied est une zone érogène
), tous les vins ont été carafés au dernier moment par ses soins.
Nous ne sommes que dix présents, Ralf ayant décidé d’écouter le chant des sirènes et d’ouvrir à son tour sa propre cave, et Rémi étant indisponible.
C’est parti pour deux paires de blancs avant de passer aux rouges (six séries différentes) et une douceur en after.
Première paire de blancs
Domaine de l’Oratoire Saint-Martin – Cairanne blanc – Haut-Coustias – 2016
La robe se pare d’un or clair.
Intense, le nez est doté d’une jolie complexité, avec de la cire, des pignons, des fruits jaunes et de l’amande.
La bouche est relativement équilibrée, s’appuyant sur une matière mûre mais pas riche, et surtout sur une forte minéralité qui constitue sa colonne vertébrale. La chouette et assez longue finale fait ressortir de gentils amers.
Très Bien
Mas Saint-Louis – Châteauneuf-du-Pape blanc – 2016
L’or de la robe est soutenu.
Le nez très intense est basé sur des fruits jaunes, notamment la mirabelle, devenant presque exotiques à l’aération, complétés de notes anisées et miellées.
La bouche possède une belle étoffe riche, sensation renforcée par son caractère capiteux et une acidité minimaliste, la finale réussissant heureusement à être plus pointue grâce à une fine amertume.
Bien ++
Deuxième paire de blancs
Château de Beaucastel – Châteauneuf-du-Pape blanc – 2007
La robe arbore un or bien marqué.
Le nez est doté d’une très belle intensité et d’une grande complexité. Les fruits secs s’associent aux fruits jaunes et la cire se teinte de superbes épices.
La bouche est ample et très confortable, la matière riche et la petite sensation alcooleuse sont bien taillées par une acidité bienvenue. La belle rémanence fait ressortir joliment les épices.
Très Bien ++ / Excellent
Domaine Gourt de Mautens – Rasteau blanc – 2007
L’or de la robe est un copier-coller de celui de son alter ego du jour, bien intense.
Le nez bien ouvert et fin livre un beau fruité, des notes grillées et une touche citronnée rafraichissante.
La bouche joue dans le même registre de la finesse, avec une présence gazeuse au départ qui la renforce pour certains, et qui est néfaste pour d’autres. Tout rentre dans l’ordre après aération voire agitation pour faire place à une très belle tension qui apporte énergie et allonge, aboutie sur une finale incisive.
Très Bien ++
Première paire de rouges
Domaine Gallety – Côtes du Vivarais – Cuvée Emma – 2015
La robe sombre présente un début d’évolution.
Le beau fruité intense du nez est bien soutenu par un peu de volatile et ce sont des arômes plus fumés et pierreux qui apparaissent à l’aération.
En bouche, le fruit est quasiment masqué par des arômes prégnants de grillé et de graphite. On perçoit la bonne matière derrière ainsi que la belle acidité mais cette bouteille semble avoir un problème quand on connait le niveau de la cuvée Domaine dans ce même millésime.
ED
Domaine Les Cailloux – Châteauneuf-du-Pape – 2015
La robe sombre paraît jeune et brillante.
Bien intense, le nez propose un fruité pur, alliant fruits rouges et fruits noirs, avec un joli soupçon d’épices.
La bouche se montre riche en fruit et en alcool, avec une acidité qui parvient à contrebalancer cette richesse. Les tanins encore bien saillants bloquent un peu la finale.
Bien ++ mais à attendre avec sérénité.
Deuxième paire de rouges
La Pialade – Côtes-du-Rhône – 2012
La robe est moyennement sombre, bien tuilée sur le pourtour du disque.
Le nez s’ouvre généreusement sur de la fraise écrasée, de l’écorce d’orange et de la rose fanée : c’est très gourmand, à la fois baroque et fin !
La bouche est également d’un style élégant. Sa matière noble taillée par une grande vivacité se fait hédoniste voire sensuelle, avec une finale très savoureuse en point d’orgue.
Très Bien ++
Clos du Mont-Olivet – Châteauneuf-du-Pape – 2012
La robe sombre n’est ni jeune ni évoluée.
Le nez est très intense et serré, mêlant fruits noirs, notes sanguines et réglissées.
La bouche est pleine et corpulente, s’appuyant sur une matière dense et d’un beau fruité. L’alcool est sensible, l’acidité également mais elle ne parvient pas à libérer le vin qui se resserre en finale.
Très Bien + avec beaucoup de confiance sur son avenir.
Première triplette de rouges
Domaine des Tours – VDP de Vaucluse – 2011
La robe est assez claire et montre une couleur, pas seulement des reflets, d’un beau tuilé, presque acajou.
Le nez est tout simplement somptueux, alliant puissance, élégance et complexité. Une panoplie d’arômes se dégage du verre : c’est tout d’abord un pot-pourri de fleurs et des fraises compotées qui apparaissent avant de faire la part belle à des épices douces et du bois précieux. On a du mal à s’en départir et à s’occuper des deux autres vins ou même à passer le vin en bouche.
Mais celle-ci est à l’unisson et ne fait pas regretter le nez grâce à son caractère jouissif. Tous les marqueurs du grand vin sont présents : une grâce infinie, une chair très sapide qui, sans être puissante, est d’une superbe densité, un grain sensuel, une vivacité qui la relance sans arrêt pour lui donner une persistance incroyable. La magnifique finale hyper savoureuse et épurée maintient le plaisir et appelle une nouvelle gorgée car naturellement c’est absolument incrachable !
Excellent +, soit la même note que j’ai mise trois jours plus tôt au Rayas 2008. Quelle surprise lorsque l’on apprend ce dont il s’agit ! de très loin le meilleur rapport qualité / prix (phénoménal) jamais bu à ce jour.
Mas Saint-Louis – Châteauneuf-du-Pape – 2011
La robe sombre est assez évoluée.
D’une belle intensité, le nez nous propose des fruits confits et des notes florales délicates qui rappellent des tonalités de type Reynaud.
Bien charnue et même dotée d’une certaine concentration, la bouche prend appui sur un beau fruité et une acidité de bon aloi. De légers tanins se font sentir sans aucune agressivité et laissent à penser que ce vin pourra aller encore plus loin. L’ensemble dégage une impression de finesse, mais sans doute moins que s’il n’avait pas été opposé au monstre qui l’a précédé.
Très Bien ++
Le vin possède des analogies avec la galaxie Reynaud, notamment aromatiques, et certains l’y ont même placé.
La Pialade – Côtes-du-Rhône – 2011
La robe est bien claire et très évoluée, montrant un grand air de ressemblance avec le premier vin de la triplette.
Le nez très intense virevolte entre la fraise écrasée, l’orange sanguine, les épices et la gamme florale. On sait donc dans quel univers on se trouve !
La belle bouche charnue et délicate est encore habillée de tanins doux et d’une acidité apportant une grande allonge ponctuée par une très belle finale sur l’orange amère.
Très Bien ++ / Excellent
Deuxième triplette de rouges
Clos de Trias – Ventoux – Clos de T – 2010
La robe sombre arbore des reflets tuilés.
La puissance du nez, exacerbée par une acidité volatile, se révèle sur des arômes très étonnants de banane. Puis ce sont le rhum (!) et les fruits exotiques qui apparaissent nettement. Philippe nous explique que cela vient d’un élevage très long d’au moins six ans.
La bouche est dans le même registre, avec cette fois le rhum dominant en aromatique, donnant une tonalité sexy. On ressent une bonne acidité mais l’alcool est vraiment trop présent et le vin trop éloigné pour moi, non seulement des canons du Rhône méridional, mais même de l’ensemble des vins rouges que je connais.
Bien ++ / Très Bien
Château des Tours – Côtes-du-Rhône – 2010
La robe sombre est évoluée.
Le nez intense est axé sur les fruits noirs, un fruité pur à peine teinté d’épices et d’arômes floraux.
En bouche la chair développe une aromatique mêlant fraise et orange. Légèrement capiteuse mais d’une bonne finesse, elle fait preuve de plus de droiture en deuxième partie jusque dans la longue finale qui présente un petit côté austère.
Très Bien +
Pour une fois un vin qui a peu de marqueurs Reynaud, notamment pour la robe et le nez.
Domaine Pierre André – Châteauneuf-du-Pape – 2010
La robe très sombre fait presque jeune par ses légers reflets violacés.
Très généreux, le nez engageant fait la part belle aux arômes fruités, avec quelques accents vanillés et épicés.
La bouche impressionne par sa richesse et sa présence alcoolique. Un peu d’acidité peine à combattre la puissance du vin et on se prend à espérer qu’elle y parvienne dans quelques années car une matière bien mûre est là.
Très Bien mais pas pour les pdf.
Troisième paire de rouges
Domaine Gallety – Côtes du Vivarais – Cuvée Domaine – 2009
La robe très sombre fait plutôt jeune.
Bien expressif, le nez réussit une belle alliance entre les gammes fruitée et épicée, avec des arômes de cuir noble qui viennent complexifier le tout.
La chair dense de la bouche s’appuie sur une matière irréprochable, enrobée de tanins mûrs et soutenue par une belle vivacité. Un toucher de bouche très fin et une finale persistante et savoureuse forment de beaux atouts à ce vin que j’avais toujours eu envie de confronter à un Châteauneuf-du-Pape.
Très Bien +(+)
Clos du Mont-Olivet – Châteauneuf-du-Pape – 2009
La robe sombre présente des reflets légèrement tuilés.
Le nez intense sans plus propose un fruité simple, plus sur les fruits rouges que les fruits noirs.
La bouche est dotée d’un gros volume et d’une matière très mûre, presque trop par les sensations sucraillonnes et capiteuses qu’elle procure. Cela s’améliore un peu en deuxième partie de bouche car une certaine fraicheur pointe le bout du nez et la finale est bien saline.
Bien ++ / Très Bien
Quatrième paire de rouges
Domaine Roucas Toumba – Vacqueyras – Les Restanques de Cabassole – 2005
Très sombre, la robe montre quand même des traces notables d’évolution.
L’acidité volatile est forte sur ce nez puissant qui exhale des arômes peu engageants de vernis mais en passant derrière cette couche (de vernis !
), on perçoit de la cerise et de la menthe.
La bouche est hors
jeu norme, par sa richesse sucrée et sa sensation alcooleuse. Une matière puissante et serrée, sur une aromatique de fruits cuits, laisse difficilement la fraîcheur s’exprimer et même la persistance est bloquée.
Bien + si on n’est pas allergique au « too much ».
Domaine Vieille Julienne – Châteauneuf-du-Pape – 2005
La robe très sombre a perdu ses atours de jeunesse sans gagner ses parements d’évolution.
Le nez puissant et solaire affiche un fruité explosif, sur les fruits noirs et les pruneaux, et de la réglisse.
La bouche est riche, également, mais elle possède suffisamment d’acidité pour trouver un point d’équilibre, à un niveau « haut » comme dit Philippe. J’ai bien apprécié également les tanins gras et la bonne allonge.
Très Bien, mais pas pour les pdf
Un sucre en after
Mas Amiel – Maury – Charles Dupuy – 2008
La robe noire laisse poindre quelques rares reflets roussis.
D’une très belle intensité, le nez développe des arômes de fruits noirs mais surtout une bonne partie de la gamme empyreumatique (fumé, vanille et chocolat).
La bouche est « waouh !!! », dense, très ample, à la liqueur importante mais fondue, d’un grain très soyeux, et d’une longueur extra.
Et l’acidité dans tout cela ? Elle est forcément là, sous-jacente, pour soutenir ce monstre de puissance car il ne manque pas de finesse.
Très Bien ++
Bon, quel est mon verdict ?
Si on tient au match Châteauneuf-du-Pape contre autres vins du Rhône méridional, le résultat est de cinq à trois pour les seconds mais ceux-ci étaient sur-représentés dans les deux triplettes.
Si, pour les rouges seuls, on introduit la troisième catégorie (qui ne concourait que dans trois séries sur six), les vins de Reynaud l’emportent avec trois victoires (donc victoire dans chaque série présente) contre deux aux Châteauneuf-du-Pape et une aux autres vins.
Mais pour moi un très grand vainqueur (en tout cas en 2019) : le millésime 2011 avec une triplette fantastique !
Nous n’avons pas fait de classement de la moyenne des dégustateurs mais je suis intéressé par l’avis des autres.
En tout cas un grand merci à Philippe qui a été royal, comme d’habitude.
Mais le dessert arrive, avec le jeune chef de ce restaurant « Le Verre Y Table ».
Il nous apprend que le restaurant a été vendu et qu’il va fermer fin novembre…
Consternation autour de la table car nous y avons fait la totalité de nos dégustations depuis la création du cercle, il y a un peu plus de trois ans ! Et pour moi, comme pour tous je crois à d’extrêmement rares exceptions, je n’ai jamais été déçu par un plat. Au contraire, les saveurs et les associations de textures ont souvent été formidables.
Mais il nous dit aussi qu’il va en ouvrir un autre pas trop loin au printemps prochain. Ouf !
C’était donc notre dernier repas au Verre Y Table et c’est sous des applaudissements bien nourris (et arrosés
) que le chef prend congé et nous dit à bientôt.
Jean-Loup