Putain que ça fait du bien ! Que ça fait du bien ce genre de journée, où l'on foule la terre, que l'on ressent le vin du sol au verre, que l'on serre la paluche du vigneron derrière tout ça, que l'on prend le temps, que l'on a le temps. Un temps de vacances où la nature ne s'est pas encore parée de son dégradé automnal. Nous sommes à Trespoux-Rassiels, chez Fabien Jouves... Il reste quelques raisins bien mûrs derrières les feuilles encore baignées de soleil, mon petit y trempe allègrement les doigts et sa bouche se teinte rapidement d'un jus de plaisir qui fait du bien à voir. Oui, une bien belle journée... Et qui plus est, en bonne compagnie ! Sandrine, notre blogueuse nombrilo-féministe, venue de son plat pays, nous faisant l'honneur de partager cette journée familiale à nos côtés.
Ainsi, à l'aune d'une telle rencontre, je ne pouvais vous épargner un calembour de haut vol, digne de notre docteur ès intitulés à la noix. Un titre à valeur d'hommage, respirant le jeu de mots à outrance, qui fera la joie des amateurs du genre, mais qui nécessite tout de même quelques excuses pour son niveau déplorable.
Mais reprenons le fil de notre visite. Après des présentations fleurant bon l'impatience découlant de ces mois de proximité numérique, après le choc émotionnel et mutuel, lié au phrasé coloré que belges et blogueurs-cassoulet (sic) partagent, nous avons retrouvé Fabien Jouves pour une dégustation des bouteilles à la vente. Sous les jambons de compétition de Patrick Duler, les verres défilent, magnifiant à chaque fois un peu plus le malbec, emblème ampélographique des terres cadurciennes. Et pourtant, que le chemin fut dur ! Car dans l’échantillonnage dégusté ce jour, nombre de pensionnaires du cru 2013 passaient dans nos verres... Une année difficile marquée par la grêle. D'ailleurs, au Mas del Périé, certaines cuvées n'auront pas vu le jour, les quantités épargnées restant faibles. Un millésime de vigneron, diront certains ; une véritable année de merde, dira Fabien, à qui l'on souhaite de ne pas avoir à revivre ça. Des tailles complexes, un abattement certain, avant que quelques mois plus tard, la vigne ne montre de réels signes d'une vitalité retrouvée. Aujourd'hui, les rangs semblent avoir bien digérés cet épisode, mais ce ne fut pas si simple. Bref, il fallait faire du mieux possible en 2013, découvrons donc le résultat...
On passera rapidement sur la matière parfois un peu faiblarde, mais on ne pourra ignorer la pureté de ses jus bien ciselés, à dix mille lieux des représentations que le Cahors peut laisser dans l'imaginaire collectif. Effet millésime, mais pas seulement...
Car je ne sais si c'est mon palais de fillette endolorie qui fait de moi une exception sudiste allergique aux jus carénés comme des camionneurs d'Europe de l'Est (oui, je fais dans la caricature graveleuse parfois), mais moi, ce 2013, je lui trouve du charme. Sa vivacité m'a véritablement emballé, notamment sur la cuvée Amphore, où le malbec semble si pur et si fin, qu'on finirait presque par vouloir en faire des ablutions. Le reste de la gamme fut dégusté sur des mises sans soufre, pour un plaisir exponentiel, des Escures aux Acacias, et plus encore avec La Pièce, cuvée issue d'un terroir d'exception, parfait terrain de jeu pour enfant, avec ses fossiles et ses belles allées vigoureuses, synonymes d'une vigne en excellente santé.
Oui, journée se passe, on échange avec passion autour des cuves hébergeant le prochain millésime. En plein façonnage, celui-ci s'annonce plus dense. Fabien est content de ces 2014 à venir, et partage avec nous ses facultés de projection autour de jus encore en plein travail. Sans aucune prétention, avec une humilité des plus respectables, il dépeint alors ce qui n'est encore qu'une esquisse dans nos verres, et explique toujours être en quête de compréhension pour essayer de faire de grands vins.
Un but ultime exaltant sa curiosité, grande qualité, quand chaque jour on risque l'enfermement dans un quotidien toujours plus prenant. Mais Fabien sais aussi lever la tête du guidon. Pour preuve, ce repas de midi, partagée dans une brasserie cadurcienne, où il sut nous régaler de quelques flacons à l’éclectisme évident. Cet appétit de savoir se retrouve aussi à la cave, où de multiples expériences voient le jour, on y croise ainsi tour à tour, des amphores, des blancs en macération (aux trompeuses apparences de cassoulet), quelques bidons où l'on bidouille un rosé gourmand, tout en ayant une pensée pour le maître du genre : Eric Pfifferling...
Bref, la nuit tombe, on prend quelques photos, la maman de Fabien insiste pour que les mômes grimpent sur les piles de cartons à l'effigie du domaine et avant de récupérer quelques bouteilles, on trempe les lèvres dans un ultime jus... Caché dans un coin du caveau de dégustation, une simple barrique de 250 litres laisse macérer depuis maintenant plus d'une année quelques grappes de malbec. La pipette plonge dans la décoction surprise et déjà les épices viennent titiller nos papilles en prise avec un jus à l'élégance souveraine. Une structure intense et pourtant si distinguée pare ce vin d'ambitions légitimes, car après quelques années de repos, peut-être que le grand vin que cherche tant Fabien se trouvera là... D'ailleurs, cette année, l'intention devenue expérience a évolué pour prendre la forme d'un réel engagement, et une grosse vingtaine d'hectos de cette nouvelle facette du riche travail du Mas del Périé se retrouveront en bouteille d'ici quelques longs mois d'une plaisante métamorphose...
Ce fut une très belle journée rythmée par la simplicité et la fraicheur d'échanges passionnés. C'est pour ce genre de moments que l'on nourrit une passion, alors merci à toi Sandrine, à ta famille, et merci à Fabien... J'étais bien à vos côtés, et mon petit aussi, à n'en pas douter, lui qui n'aura pas été ménagé ce jour-là, est reparti un grand sourire violine en travers de la figure. Il y a des signes qui ne trompent pas !
PS: à propos des vins de Fabien Jouves, pensez aussi à découvrir cette cuvée d'un cépage assez rare : le jurançon noir.