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Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

  • Jérôme Pérez
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Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest a été créé par Jérôme Pérez

Gaillac et son image ou le syndrome Sud Ouest

A la faveur de la mise à jour, pour sa septième édition, de l’Atlas Mondial du Vin, cosigné par Hugh Johnson et Jancis Robinson, deux pointures incontestés du monde du vin, sans doute moins consensuels que Robert Parker mais sans doute aussi davantage liés à une culture du vin plus européenne que « nouveau monde », j’ai dû me replonger dans les écrits anciens, ceux des dernières éditions afin de les dépoussiérer et de proposer à ces « maîtres du vin » quelques petits changements, mises à jour, corrections, ajouts pour toute la zone Sud Ouest.

Cet ouvrage est une sorte de bible, diffusée dans le monde entier, connu par tous les amateurs de vin qui se respectent, un ouvrage très généraliste qui fait l’Etat du monde du vin à un instant T et qu’il est donc nécessaire d’amender de temps en temps, ne serait-ce que pour suivre l’évolution de la législation, ou l’émergence de nouveaux talents. Il se présente sous la forme d’un beau livre, aux cartes détaillées, nourries de commentaires qui se veulent à la fois synthétiques et complets sur une zone. Un exemple de changement entre la sixième et la future édition : Les vins des « côtes du Brulhois » sont passés de la dénomination AOVDQS, à celle d’AOC « Brulhois » par décret du 10 octobre publié au journal officiel de la République. Conjointement, les limites administratives de cette appellation se sont étendues pour englober le domaine qui porte le plus haut les couleurs de la région, à savoir le domaine du Boiron à Astaffort, domaine de Francis Cabrel, dirigé par son frère Philippe.

Ce travail de correction est très intéressant car il permet de comprendre quelle image en définitive est perçue de l’extérieur (et c’est bien celle qui compte le plus), mais il permet aussi de mesurer combien des images anciennes et aujourd’hui obsolètes peuvent persister, tout autant que de comprendre que vouloir être trop synthétique peut conduire à être très restrictif et finalement dans l’erreur dans certains cas. Cette image est en quelque sorte gravée dans le marbre et il est comme un paradoxe de diffuser une information nouvelle, sans cesse rééditée qui fixe à ce point des faits passés ou dont la probité est plus complexe qu’il n’y paraît. Cela donne aussi à réfléchir sur le rôle de l’écrivain et de son poids ou pour tout le moins, du poids de ce qu’il couche sur le papier, souvent pris comme parole d’évangile, par le poids du crédit apporté, dans notre culture, au livre et à ce qui est écrit.

Penchons nous donc un peu sur ce que l’ « on » disait dans la sixième édition de cet ouvrage au sujet de Gaillac : Charmante appellation aux villages magnifiques, à la campagne pastorale, Gaillac possède une histoire très ancienne, bien antérieure à celle de Bordeaux : comme s’il fallait dans le Sud Ouest toujours subir la comparaison avec le voisin Bordelais qui d’ailleurs dans toutes les classifications géographiques n’est jamais placé dans le Sud Ouest, mais possède sa propre zone « le Bordelais », même si l’on aime rappeler que les vins de la région (en fait de toutes les régions du Sud Ouest) partaient alimenter ou fortifier ou encore améliorer les vins de la capitale girondine, sorte de légende récurrente, largement diffusée, quasiment universelle. Il n’empêche que ce complexe des « petites appellations » est tenace et hérité d’un enclavement géographique au moment où l’Angleterre était la plus grande puissance européenne, et où le commerce maritime avait promu l’essor des zones portuaires : Bordeaux avait ses navires, les appellations du Sud Ouest avaient leurs gabarres !

Il est dit également que le renouveau de l’appellation date des années 1990, ce sur quoi nous pouvons nous entendre et qu’à l’instar de Cahors, l’appellation a longtemps été une sorte de belle au Bois Dormant qui n’arrivait pas à sortir de sa torpeur parce que Gaillac n’arrivait pas à fixer une identité, dans la confusion d’une production trop variée en terme de type de vins. On peut tout à fait adopter ce point de vue, mais il en est un autre qui m’est cher et qui tient à la qualité de la production. Si effectivement Gaillac produit pratiquement tous les types de vins qui existent : blancs, secs, blancs doux, rouges, rosés, effervescents et encore pourrions nous catégoriser à l’intérieur de chacune de ces partitions en différenciant les vins élevés en fûts et les autres, les vins donnant la primauté à tel ou tel cépages, les vins juste moelleux et ceux plus riches que l’on appelle liquoreux, les effervescents de méthode traditionnelle et ceux de méthode ancestrale, et parmi eux, les sec ou les demi-secs ou encore les doux, pour les vins secs dits tranquilles, ceux qui sont élaborés sous voile, ou encore ceux qui sont dits perlés, il est vrai que Gaillac est une mosaïque. Mais en quoi cette diversité est-elle une difficulté ? Et si c’était une richesse ? C’est avant tout parce que les vins sont meilleurs qu’ils se vendent mieux aujourd’hui et qu’ils sont reconnus. C’est du reste par un recentrage sur l’identité locale, comme c’est le cas dans toutes les appellations du Sud-Ouest, où les vignerons s’attachent à mettre en avant les cépages indigènes, ceux qui sont le plus adaptés à leurs terroirs et totalement décomplexés des comparaisons avec l’ « ailleurs », que la qualité va crescendo, née aussi de l’émulation entre les vignerons progressistes et ambitieux. Pour preuve, le renouveau de la méthode Gaillacoise, ou ancestrale pour la vinification des vins effervescents. Cette production se développe parce que les vins sont bons et nous assistons aujourd’hui à la renaissance d’une spécificité qui était moribonde, presque reléguée au rang de pièce de musée : comme quoi, la diversité accrue augmente cette notion d’identité et valorise l’appellation.

Passons sur les éternelles différenciations entre rive gauche et rive droite, l’une et l’autre plus propice aux rouges ou aux blancs, alors que nous connaissons tous de cuisants contre-exemples, passons encore sur la méconnaissance du terroir de Cunac, puisque même ici, il est honni ou sur les quelques perles comme celle qui fait du perlé la spécificité du plateau Cordais mais reconnaissons à cet ouvrage ses grandes qualités, et reconnaissons aussi que même une référence absolue peut être imparfaite mais celle-ci à au moins la volonté d’être perfectible.

N'oublions pas non plus que l'image de Gaillac en particulier ou de toute autre appellation, c'est la qualité moyenne des vins que le consommateur trouve aujourd'hui en grande distribution et il faut bien reconnaître que là, c'est bien moins souriant que le papier glacé et les belles photographies accolées au cartes colorées, fussent-elles précises. Si la qualité des vins de pointe a bien progressé, en est-il de même de la qualité moyenne de l'aire ? L'écart ne se creuse-t-il pas entre les locomotives et les wagons du fond, même si dans ce rôle de locomotive, les prétendants sont plus nombreux ? Ne mesure-t-on pas trop souvent la qualité d'une appellation en la résumant à celle de ses meilleurs producteurs ?

Jérôme Pérez
01 Nov 2011 10:02 #1

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Réponse de oliv sur le sujet Re: Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

(tu)

De la difficulté de sortir des vieux schémas gravés dans les esprits et les palais par des générations d'a priori, en effet, Jérôme.
Ils sont légion les vins du Sud Ouest à l'accent rocailleux, les Gamay gouleyants, les Muscadets de comptoir, les Languedoc charnus, les Savoie légers et perlants etc...

C'est selon moi tout l'honneur des amateurs pointus, ceux qui maitrisent les vins de leur région, que d'essayer de déverrouiller certains blocages en expliquant, argumentant, défendant des cépages, des élevages, des équilibres régionaux parfois spécifiques.

Quel critique généraliste, quel guide peut se targuer d'un tel travail régulièrement actualisé, figeant ainsi dans le marbre, au grand désespoir de vignerons courageux, des vérités d'un autre temps ?

Oliv
01 Nov 2011 11:41 #2

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Réponse de apoitou sur le sujet Re: Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Bah, il va falloir que j'investisse dans la nouvelle édition alors 8-)
Alex6
01 Nov 2011 12:09 #3

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Réponse de Go6s sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Sept ans ont passé depuis la publication de ce message, avez-vous le sentiment que la situation a évolué ?
J'aurais tendance à dire que oui, notamment par rapport à la place qu'occupe ces vins dans les rayons de la GD.
Cette connotation peu flatteuse qu'avait les vins de Gaillac semble s'estomper au profit d'une notoriété grandissante.
Pour ma part, cette appellation n'a plus à faire ses preuves, et particulièrement en ce qui concerne les liquoreux qui n'ont rien à envier aux ténors de Bordeaux. Je pense bien sûr à Rotier ou Plageoles, mais aussi à Palvié, Rieux, Escausses et d'autres, je ne vais pas tous les citer ici !
C'est grâce aux cépages, dont certains autochtones, et aux talentueux vignerons qui les ont remis au goût du jour, que l'on peut déguster des vins typiques et uniques en France. Ils me font d'ailleurs penser aux liquoreux Valaisans, je fais facilement le parallèle avec leurs vins monocépages et à l'aveugle, ça ne doit pas toujours être facile de les différencier. C'est cette variété qui fait que j'affectionne particulièrement cette AOC, et que je la placerais même volontiers en tête de mes préférences. Bien sûr, mon affinité avec les vins doux ne saurait refléter l'intégralité de la production Gaillacoise, alors que c'est une autre raison de la chérir ! Car on peut y trouver quasiment toute la gamme des vins produits en France: rouges, rosés, blancs, sous voile, moelleux, liquoreux (botrytisés, passerillés), méthodes gaillacoises. Et pour le peu que je connais de ces autres vins, ils semblent avoir suivi la même voie.
La mention "Vendanges tardives" a même fait son apparition il y a quelques années, malgré la réticence des Alsaciens qui avaient déposé un recours. Ils ne s'étaient pas posé autant de questions quand ils se sont approprié le nom de Tokai des Hongrois ;) Mais je m'égare là !
Je ne suis qu'un modeste consommateur, donc je serai ravi de lire les avis de ceux qui sont bien plus calés sur la question, et d'échanger sur le sujet.

A bientôt,

Gaultier (62)......................Amateur de vins liquoreux rares ou hors-normes !
05 Aoû 2018 06:02 #4

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Réponse de Jérôme Pérez sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

J'ai fait venir pour une connaissance qui mariait sa fille de la Vendange Tardive 2015 de Bruno Montels (autour de 8,50 €) par bouteille.
Les personnes qui goûtent ce vin sans connaître l'appellation et le prix sont sur le cul et alors on entend des noms ronflants pour répondre à ce que l'on croit être une devinette.
Si on donne ce vin à boire avec la connaissance de tous les paramètres, cela va largement relativiser les propos et les éloges.

C'est ainsi, même si Montels est le champion du rapport qualité prix.

Mais comme tu l'écris, l'image évolue peu à peu, justement par la qualité reconnue des vignerons que tu as cités.

D'autres difficultés à lever est le poids encore important de la coopération dans la production totale, une proportion importante qui ne se situe pas au niveau des meilleurs.

Les meilleurs qui sont une poignée, certes de plus en plus importante, mais contrairement aux appellations du Val de Loire, Gaillac n'a pas su ou pas encore attiré de jeunes talents assez nombreux (il y en a quand même) et sans doute cela est dû à ce déficit d'image encore ancré.

Autre facteur : hormis les vdn, Gaillac produit tous les types de vin : une réjouissance, sans doute mais aussi un effet de perte de repères et on se perd un peu dans cet imbroglio.

C'est amusant ce parallèle que tu fais avec les liquoreux valaisans : ça me rappelle de très jolis souvenirs et si Averroes nous lit, ça doit aussi lui tirer un sourire bon-enfant. bon, le niveau d'acidité n'est pas le même -
Du reste, cette question de l'acidité basse dans les vins est une donnée qui peut aussi expliquer le désintérêt de certains amateurs à une époque où on aime le strident.

Jérôme Pérez
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05 Aoû 2018 08:43 #5

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Réponse de Go6s sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Je connais le nom de Château Montels mais je n'en ai jamais trouvé. Peut-être as-tu une adresse à me conseiller ?
Pour l'acidité des Valaisans, tu as sans doute raison. Les prix étant souvent élevés et les frais de port prohibitifs, je ne connais que 6 cuvées différentes, sur de grands millésimes et par de grands producteurs. Je n'ai pas assez de recul pour juger de la régularité des vins.

Gaultier (62)......................Amateur de vins liquoreux rares ou hors-normes !
05 Aoû 2018 15:43 #6

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Réponse de Jérôme Pérez sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Hormis aller sur place...
à ma connaissance, le seul caviste qui le distribue, c'est la Clef des vins à Albi, excellent caviste d'ailleurs.
Bruno commercialise la très grande majorité de ces vins lui-même, directement. C'est sans doute ce qui explique aussi le rapport qualité prix.

Je vais sans doute choquer mais tant pis : j'y ai pensé en me rappelant ce sujet et ce rebond que tu as produit. Chaque midi, à l'heure de l'apéritif, quand je rentre de la vigne, je bois des grandes rasades d'eau puis avec un verre de vin blanc local -), je me fais une grosse tartine de caviar. Je fais attention que l'épaisseur de caviar soit plus grosse que celle de la tranche de pain. De l'osciètre tout à fait correct. Je l'achète une misère en Ukraine. Serait il meilleur s'il était dans une boite en fer extra slim avec écrit Petr...an dessus ? va savoir !
Gaillac , c'est un peu la même chose.

Jérôme Pérez
05 Aoû 2018 21:08 #7

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Réponse de Go6s sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Alors je tenterais bien le coup de le contacter directement, ça ne coûte rien d'essayer.

Sur LPV, ce n'est plus vraiment la peine de faire la promotion des Gaillac (quoi que ça ne peut faire de mal à personne !). Soit-dit en passant, je suis quasiment certain que je n'avais jamais bu un Gaillac avant mon inscription ici, et ce sont tes messages notamment qui m'ont donné l'envie de les découvrir. Grâce à tes CR de visites, de dégustation et autres bulletins, j'ai découvert une appellation atypique et de vraies pépites en liquoreux, mais aussi en moelleux, sec et méthode traditionnelle. Il reste du chemin à parcourir cependant, mais comme je l'ai dit plus haut, cette AOC est désormais au top de mes préférences françaises. Et pour en revenir à l'étiquette, j'ai l'habitude de présenter les vins, et ce que je sais de leur producteur, avant de servir les personnes présentes. Il serait intéressant de procéder dans l'autre sens avec les Gaillac, pour voir leur réaction à l'énoncé de l'étiquette.

Gaultier (62)......................Amateur de vins liquoreux rares ou hors-normes !
05 Aoû 2018 22:41 #8

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Réponse de tonioaja sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Je plussoie sur la qualité des vins de Bruno Mont'els.
Un homme qui se reflète dans ses vins.
Sincérité, authenticité et accessibilité.
A chaque fois que je fais goûter sa VT, tout le monde en veut 1 carton !

Antoine. Passionné tout court
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05 Aoû 2018 23:17 #9

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Réponse de Go6s sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Bonjour Antoine,

Depuis mon come-back ;) j'ai régulièrement croisé ton avatar sur les fils que je fréquente puisqu'il semblerait que nous ayons des goûts en commun !
Puis-je te demander où tu te fournis en Montels ?

Au plaisir

Gaultier (62)......................Amateur de vins liquoreux rares ou hors-normes !
06 Aoû 2018 02:25 #10

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Réponse de tonioaja sur le sujet Gaillac et son image / le syndrome Sud Ouest

Salut Gaultier,
Je suis sur Cahors et je commence à bien connaître Bruno Montels puisque je vais lui rendre visite régulièrement.
Et tout le village de chez mes parents connaît sa VT !

Antoine. Passionné tout court
06 Aoû 2018 12:17 #11

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