Verticale petite arvine Benoît Dorsaz
Pour son vingtième millésime, le sympathique et généreux Benoît Dorsaz avait convié les amis de sa cave à une dégustation verticale de petite arvine.
Outre l’intérêt de découvrir les vins de Benoît Dorsaz sur la durée, cette dégustation apportait un éclairage nouveau, du moins en ce qui me concerne, à des questions controversées sur ce cépage : son potentiel de vieillissement et sa capacité à supporter un élevage sous bois.
Le potentiel de vieillissement de la petite arvine est sujet à controverse depuis longtemps en Valais. Nombreux sont ceux qui prétendent (je crois même que j’ai dû l’écrire sur LPV) que ce cépage ne gagne rien à vieillir, car il donne un vin claquant, fringant, ciselé et tranchant qui donne le meilleur de lui-même sur le fruit.
Le passage de la petite arvine en barriques de chêne est également sujet à controverse (je parle ici des vins secs, et non des liquoreux, qui sont généralement élevés sous bois). En Valais, la grande majorité des vins de petite arvine sont des vins de cuve. Benoît Dorsaz a été probablement le premier à franchir le pas et à élever ses petites arvines en barriques dès le millésime 1998.
Petite Arvine Les Perches 2006
Récoltée en trois passages sur 10 jours. Une moitié de l’assemblage final a fait ses malos et l’autre non.
Nez typé, sur les agrumes, la pêche blanche, la rhubarbe et des notes fleuries. En bouche le vin est sec, avec du gras. Belle mise en bouche.
Arvine Quintessence 2004
2/3 de barriques, 1/3 de cuve 95° oechslé
Nez expressif, où l’élevage reste perceptible. Bouche demi-corps, savoureuse, sur les fruits blancs, sèche, d’un bel équilibre. Touche minérale en finale. L’élevage est moins toasté que par le passé. Très bien.
Arvine Quintessence 2003
Sans FML. Vendangée le 18 septembre. 105° oechslé
Le nez est moyennement expressif et la bouche n’a guère plus de relief, sèche, mais grasse et un peu marquée par l’alcool. On retrouve avec bonheur un trait minéral dans la finale. Malgré tout, l’ensemble reste un peu lourd et sans grâce, c’est la rançon du millésime.
Arvine Quintessence 2001
Nez assez complexe, miellé, mûr, marqué par des notes de toasté-vanillé qui masquent un peu le cépage. Bouche construite sur un superbe socle acide, équilibrée, racée. Finale vive et longue. Beau vin, même si, à l’aveugle, je n’aurais pas pensé à une petite arvine.
Arvine Quintessence 1998
1er millésime où Benoît Dorsaz a passé ses arvines en barrique.
Malos totalement faites
Nez étonnant, évolué, sur des notes oxydatives. L’élevage est encore perceptible.
La bouche est séche, ronde, expressive, pleine, mais procure une sensation de douceur qui déséquilibre un peu l’ensemble et ramollit le vin. Je n'ai pas aimé.
Arvine 1997
13,8 ° 98°Oechslé Pas de FML
Nez résolument tertiaire, miellé, où l’on retrouve certaines notes variétales. Bouche grasse, vive, intégrant des notes salines. Longue finale sur les agrumes. Très bien.
Arvine 1995
Nez un peu réduit, présentant une grande complexité où l’on note de fines nuances pétrolées. Bouche tonique, tranchante, ciselée, complexe et fraîche. Finale longue et vive. Excellent.
Arvine 1994
Benoît Dorsaz a sans conteste réussi un tour de force dans ce millésime pourri en Valais. Très beau nez, complexe et pur. Bouche en dentelles, tendue, droite, tonique, sur un sillon acide. On regrette une pointe d’alcool, mais l’ensemble reste séduisant.
Arvine 1993
Cette arvine confirme que 93 fut une belle année en Valais.
Joli nez, moins complexe que celui des 94 et 95. Bouche encore bien en place. Finale moyenne. Un vin assez simple, mais sans défaut.
Arvine 1991
Au nez, elle ressemble un peu à la 95 mais, en bouche, elle n’en a pas la plénitude ni l’équilibre. On regrette une présence de sucre.
Arvine 1988
Robe dorée qui évoque un liquoreux. Bouche sur une note oxydative. Benoît Dorsaz nous dit que c’est un vin qu’il n’avait pas du tout maîtrisé techniquement. Intéressant, sans plus.
Conclusion
Etonnant potentiel de vieillissement de ce cépage, avec un millésime 95 de cuve qui fut peut-être la plus belle bouteille de la série. Quand on déguste un tel vin, qui n'a pas connu le bois, on se demande pourquoi ce que peut apporter de plus la barrique. L'approche verticale permet aussi de noter l'évolution de l'élevage dans les vins de Benoît Dorsaz, qui se fait plus discret au cours des ans, tout en apportant de la rondeur et de la complexité.
Si, sur le cornalin - dont la question de l'élevage est également sujette à controverse - Benoît Dorsaz m'a convaincu, je reste en revanche sceptique sur l'utilisation de la barrique sur la petite arvine. L'élevage apporte au cornalin plus de rondeur et de qualité tannique et arrondit des tannins parfois un peu durs sur ce cépage. A l'arvine, il enlève le tranchant et le caractère acéré, sans pour autant lui conférer un plus grand potentiel de vieillissement. Certes le bois apporte du gras, de la rondeur, et une certaine complexité aromatique qui permet de composer au-delà du simple plan variétal, mais est-ce bien nécessaire ?
Encore merci à Benoît Dorsaz pour cette superbe dégustation.
Yves Zermatten