Hier soir, dégustation de différents vins du domaine chez Grains Nobles, en présence d'Egon Müller qui, dans un français parfait et avec pas mal d'humour, nous a expliqué l'historique du domaine et son approche de l'élaboration des différents rieslings.
Le vignoble de Scharzhofberg, situé à Wiltingen, sur la Sarre, était à l'origine un domaine monastique, vendu lors de la Révolution à un ancêtre d'Egon Müller.
Historiquement, le vignoble comportait 18 Ha, étendu à 28 Ha en 1971, lors du passage de la nouvelle loi sur les vins allemands.
Il y a aujourd'hui, par le jeu des successions, 8 propriétaires, et Egon Müller en possède 8,5 Ha.
Pour chaque type de vin, nous gouterons un millésime ancien et un récent.
De manière générale, Egon Müller est réputé pour le coté liquoreux / botrytisé de ses riesling, quelle qu'en soit la catégorie.
Domaine Bela : domaine de la région de Sturovo, en Slovaquie, qui appartenait jadis à la belle-famille d'EM, et est retourné dans son giron en 1996 après une petite parenthèse collectiviste. Egon Müller le supervise depuis 2000.
Riesling 2003 : nez floral, un peu sur la clementine. Bouche légère, fraiche, de longueur moyenne, avec une finale acide assez peu agréable.
Riesling 2004 : un peu mieux, nez plus rond, bouche plus équilibrée, mais tout ceci reste assez vert.
Permet de dire dans les salons que l'on a bu un vin slovaque.

mais ne tient pas la comparaison avec l'Autriche voisine.
Scharzhof : c'est la cuvée de base, chaptalisée, du domaine. Elle est vinifiée en cuves inox depuis 2001. EM considère que l'inox est préférable au fût pour les riesling de consommation rapide.
Scharzhof 2001 : nez très floral, bouche équilibrée, suave, pas très longue.
Scharzhof 2006, prélevé sur fût : Nez de pomme verte, bouche un peu acide, difficile de se faire une idée.
Scharzhofberger : passons aux choses sérieuses.
Scharzhofberger Kabinett 1990 : Nez fumé, un peu pétrolé. Bouche fine, minérale, longue, légèrement fruitée. Tout ce que j'aime dans les riesling allemands.
Scharzhofberger Kabinett 2004 : Nez très réduit, un peu d'écurie. Bouche heureusement fruitée, un peu acide. A laisser s'assagir quelques années.
Scharzhofberger Spätlese 1992 en magnum : Déjà, quelle superbe bouteille ! Une vraie bouteille de riesling à l'échelle 2. Nez vif, fleurs blanches et effluves de pétrole. Bouche vive, droite, acide. Dans ce millésime moyen, cette bouteille est issue des meilleurs raisins, et cela se sent. Superbe.
Scharzhofberger Spätlese 2003 : 2003 a été le millésime le plus précoce de tous les temps, ce qui n'a pas permis le bon développement du Botrytis. Nez très floral, sur l'aubépine. Bouche un peu perlante : le vin a été mis en bouteille très rapidement. Impression de sucrosité.
Scharzhofberger Auslese 1988 : Robe un peu plus dorée. Nez sur les fleurs, les fruits blancs, un peu de miel. Bouche très droite, avec un très bel équilibre, longue. Magnifique bouteille.
Scharzhofberger Auslese 2005 : très grande impression de puissance, sur les agrumes, le pomelos, le miel. En bouche, cela se confirme, la matière est énorme, l'acidité bien présente, ça part un peu dans tous les sens, mais quel potentiel !
Scharzhofberger Auslese GoldKapsel 1976 : Ce terme a été inventé par le père d'EM quand, en 1971, les domaines n'ont plus eu le droit de distinguer différents niveaux d'Auslese. Compte tenu des petites quantités, ces vins sont vendus aux enchères à des négociants, qui eux-même prennent leurs ordres et redistribuent les lots auprès de particuliers.
Robe dorée, qui tranche avec tous les vins précédents. Nez fumé, sur la truffe, le miel, le camphre. Bouche pleine, riche, liquoreuse mais fraiche, d'une grande longueur. Magnifique.
Scharzhofberger Auslese GoldKapsel 2005 : Nez sur les agrumes, le pamplemousse, le miel. Bouche nerveuse, acide, droite, d'une longueur infinie. Le vin le plus bluffant de la soirée.
Scharzhofberger Eiswein 1993 : nez pétrolé, bouche sucrée, puissante, mais assez courte. Ce vin, certes intéressant, supporte mal la comparaison avec ses deux prédécesseurs.
Scharzhofberger TBA 1989 : résultat d'un tri raisin par raisin, dans la seule année où le domaine a produit la totalité de la gamme. 5,5° d'alcool, environ 425 g de sucre résiduel, pas vraiment un vin pour diabétiques. Pour mémoire, 15 litres de TBA ont été produits en 2005. Robe orange tirant sur le caramel. Nez sur le coing, le pruneau, la figue, l'abricot confit. Bouche énorme, sirupeuse, longue, longue, longue. Pour reprendre le terme consacré, Objet Vinique Non Identifié. Un vin que je qualifierais d'impressionnant, d'intéressant (une fois dans sa vie, à condition de ne pas avoir déboursé 2500 euros pour l'acheter), mais où est le plaisir ? Très bel exercice de style.
Jean-Paul