Visite à la Tenuta San Leonardo, Vigneti delle Dolomiti
San Leonardo fut le choc d’une rencontre totalement hors du commun avec un homme et avec ses vins. On rappelle souvent cette phrase : « le vin doit avoir la gueule de l’endroit et les tripes de celui qui l’a fait ». Pour San Leonardo, c’est un peu vrai et cela le devient encore plus si l’on inverse cette sentence. Se peut-il qu’il y ait des vins qui ressemblent plus que celui-ci à son géniteur : un seul mot alors vient à l’esprit quand on le goûte : « aristocratique ». Le révolutionnaire que je suis aurait pourtant pu avoir du retrait … Mais le Marquis Carlo Gurrieri Gonzaga a su garder de cet adjectif ce qu’il y avait de plus beau, j’ai failli écrire « de plus noble » et cultive cette aristocratie dans le moindre de ses gestes et de ses mots, jusque dans son vin.
Il Marchese est attaché à ce qui reste, à ce qui s’ancre dans la durée, la perpétuité… Par exemple, il garde précieusement les outils anciens et en a fait un musée qu’il aime montrer. De la même façon, il possède une collection unique d’engins motorisés jadis utilisés pour le travail de la vigne. Tous ces tracteurs anciens sont en parfait état de marche, comme si le passé devait s’ancrer dans le présent (ou le présent dans le passé, c’est selon). Faire un vin qui se garde s’inscrit dans cette démarche. Que ce vin soit produit sur cette terre d’origine, un lieu chargé d’histoire, l’est plus encore. Et que cette terre soit un terroir de grande qualité, près d’Avio, dans le sud du Trentin, ne l’est pas moins. Tout autant que ce vin est produit par des gens qui restent et dont les enfants aujourd’hui reviennent travailler à San Leonardo. Là où certains pourraient voir une forme de paternalisme se trouvent en fait une profonde et sincère affection, une parfaite connaissance et un grand respect de chacun.
Les 25 hectares de vigne de la Tenuta San Léonardo, bordée de falaises calcaires d’un côté, de collines séparant la vallée d’Avio du Lac de Garde, de l’autre, le long de la via Claudia Augusta, possèdent un terroir très particulier de graves, de cailloux calcaires, mais surtout de sable qui est sans doute à l’origine de la finesse du vin. L’encépagement fait la part belle au Cabernet sauvignon, mais on trouve également un cépage que l’on a longtemps cru qu’il était du cabernet franc et qui en fait se révèle être du carmenère qui est sans doute pour une part non négligeable de la particularité de San Léonardo. Le merlot est également présent, tout comme le petit Verdot. Les vignes ont été conduites de la pergola traditionnelle du Trentin à la taille au guyot de façon plus classique, sauf pour le carmenère justement qui a besoin de longs rameaux. Le vin se fait de façon la plus classique qui soit à ceci prêt que l’élevage est très long (deux ans en fûts de chêne français) et que la maturation en bouteilles est fait au domaine également deux ans avant que le vin ne le quitte. Les fermentations se font en cuves béton puis le vin est coulé en barriques dont le parc est renouvelé par tiers chaque année. Pigeages, remontages… Le marquis est fier de dire que seules trois pompes sont nécessaires pour faire San Leonardo…
Que dire de plus en voulant être concis, ce qui est bien difficile quand on parle de passion : les vins de la Tenuta San Leonardo possèdent un style indéniablement bordelais, mais ici, on se refuse à céder à la mode la concentration à l’extrême et on préfère jouer sur la finesse et l’élégance, un peu à l’instar de ce que l’on connait de Sassicaia. Il est d’ailleurs à noter que Carlo Guerrieri Gonzaga a participé à l’aventure de ce dernier vin, travaillant sur le projet avant de revenir à San Léonardo, mais chose remarquable, malgré son succès de l’autre côté des Alpes, les prix de ce très grand vin restent sages. Depuis deux ans, San Leonardo fait partie du top 5 des vins italiens, les seuls qui ont été plébiscités par les 5 grands guides de la péninsule. C’est très étonnant qu’il ne soit pas davantage connu en France.
Les vins dégustés :
3 étiquettes sont produites sur le domaine :
- Terre di San Leonardo ; un vin sur le fruit immédiat : de 70 000 à 100 000 bouteilles par an
- Villa Gresti : un assemblage merlot / carmenère où le premier est très dominant, très bien élevé dans le style du grand vin. 12 mois d’élevage : environ 20 000 bouteilles par an
- San Leonardo : cabernet sauvignon, carménère et merlot avec le cas échéant du petit verdot. 24 mois d’élevage et deux ans de maturation en bouteilles. 95 000 bouteilles par an. Du cabernet franc récemment planté entre dans la production de San Leonardo et la proportion va sans doute augmenter.
Terre Di San Leonardo 2008 : une robe sombre ourlée de frange vieux rose. Le nez est très fruité, un fruit net. La bouche est ronde, sphérique, soyeuse sur des saveurs de fruits noirs, comme le cassis et aussi sur une saveur plus végétale de poivron rouge. C’est un vin très aromatique, simple et sincère.
Villa Gresti 2005 : une robe plus sombre que celle du vin précédent, avec un nez qui évoque le cacao : alliance réussie du merlot et de l’élevage en barrique. La bouche est souple, mais un peu mince à mon goût sans grande longueur. A revoir.
San Leonardo 1996 : une robe encore bien jeune, étonnante. Le nez est un parfum, somptueux où domine le santal. Le vin en bouche est d’une finesse superlative, d’une légèreté indicible. Les tannins rappellent la soie et la finale fait rêver aux très grands Bourgogne. Un grand vin d’une élégance de taffetas.
San Leonardo 1997 : un vin qui se dévoile sous une robe qui montre son âge et commence son évolution, sans inquiétude cependant. Le nez est très bordelais avec ce mélange de notes boisées et de cassis, mâtinée de poivron rouge, une note végétale typique de ce cru sans que ce soit un défaut. Le vin est très équilibré et savoureux, sur des saveurs qui commencent à se complexifier avec l’âge. La longueur est belle sur un soyeux de grande qualité. C’est très bon, sans friser le génie, cependant.
San Leonardo 1999 : robe très sombre qui commence à tuiler légèrement tout en restant bien jeune. Le nez est toasté, vanillé avec un joli fruit en retrait. Avec l’aération, ce fruit prend le devant de la scène et se mêle harmonieusement aux notes d’élevage qui restent présentes. La bouche montre un très beau grain, serré. Le vin est très souple dans une belle fraîcheur. Les tannins sont très délicats, suave et juteux. Grande longueur sur un équilibre parfait. C’est un vin de grande classe, très élégant.
San Leonardo 2000 : La robe est jeune, comparable, voire moins évoluée que celle du 2005. Très beau nez complexe de havane, cèdre, cacao, à la manière d’un grand Pauillac. Très beau vin en bouche sur le cacao, les fruits secs. L’équilibre est typique du style de la Tenuta, sur la fraîcheur. Belle finale aux tannins serrés : ce vin affiche une belle jeunesse. Très bon à excellent. Un San Leonardo mâle.
San Leonardo 2001 : la robe est dense et profonde. Le nez est la fois floral et fruité, très fin, d’une grande délicatesse et associe des notes de tabac avec cette constante de poivron mûr que l’on retrouve dans les autres millésimes. La bouche confirme la complexité supérieure de ce millésime qui montre une force contenue par une grande souplesse, des tannins soyeux et une longueur qui est celle des grands vins. Belle rétro olfaction sur ce fruit délicieux et une sensation serrée. Grand vin.
San Leonardo 2003 : la robe est pourpre violine. Le nez dispense des notes d’amandes, un soupçon de végétal et quelques traces fumées. C’est très élégant. La bouche présente un grand volume. Le vin est à la fois charnu et soyeux, les tannins sont parfaitement intégrés et ce 2003 par son équilibre souverain fait mentir son millésime chaleureux. Un vin tout à fait abordable et très séduisant aujourd’hui. Grande classe pour ce « latin-lover ».
San Leonardo 2004 : J’ai le sentiment d’avoir avec ce vin la quintessence de San Leonardo. Tout y est : l’élégance, la puissance et le soyeux de texture sur une assise tannique vraiment d’une grande douceur. L’élevage est à sa place, jamais dominant, il souligne juste la race de ce grand vin. Un vin éblouissant qui a besoin de beaucoup d’aération aujourd’hui pour ce révéler, mais la récompense vaut largement la patience. Quand on a un tel vin dans son verre, on sait que l’on est près du sommet.
San Leonardo 2005 : Je note un début d’évolution sur la robe. Le vin est pourpre sanguin. Les arômes sont axés sur le cassis, avec une touche animale, de cuir. Le floral apparaît à l’aération. En bouche, ce vin montre une grande puissance et une acidité élevée avec un peu de verdeur en finale et des tannins plus marqués que sur les autres millésimes. A revoir.
San Leonardo 2006 : la robe est très sombre avec une jeunesse de circonstance. Si le premier nez est un peu fermé, retenu, le vin montre tout son potentiel en bouche. Il partage avec 2001 cette structure faite de puissance et d’élégance, sur des tannins vraiment très justement extraits, sans aucune sécheresse et avec un soyeux admirable. La fraîcheur est au rendez-vous et ce vin naissant a sans aucun doute de très belles années devant lui. Il est du même niveau que 2001, c'est-à-dire sans doute un futur grand vin.