Tenuta Tre Gemme - Pecorino d'Abbruzzo 2022
Chers amis
Vous connaissez ma passion pour vin blanc, j'en ai fait état à plusieurs reprises, français (pas forcément dans les appellations stars, les déceptions étant par trop fréquentes et onéreuses), bien sûr, mais aussi voire surtout portugais et italiens. Ils ont cette rondeur, cette profondeur et cette minéralité propre qui n'appartiennent qu'à eux. Ils ont aussi, avec le temps, cette merveilleuse capacité (fruit, n'en doutons pas, de réactions chimiques d'une triste banalité, mais le goût à ses raisons que la raison ignore), à évoluer vers ces saveurs d'encaustique auxquelles je voue une sorte de passion maniaque à la limite de l'horizon psychiatrique. Ça me fascine, ça me bouleverse, ça me tourneboule le ciboulot. Quel grand enfant je fais !
Bref, me voici de retour pour vous entretenir non pas financièrement, je n'en ai pas les moyens, mais plus simplement de la crise goutte (il faut que j'arrête les rognons au petit déjeuner, les tartines d'anchois au goûter et les bulots-mayo à trois heures du mat, sans parler du gigot de sept heures... du mat, aussi) qui me tourmente aujourd'hui douloureusement le gros orteil. J'ai pensé que vos âmes compatissantes trouveraient les mots justes pour apaiser mes souffrances. Non, rassurez-vous, je plaisante (pas sur vos aptitudes à l'empathie mais les raisons de ma présence ici).
Je suis venu vous dire que je m'en vais... me resservir de toute urgence un verre de ce fabuleux Pecorino en provenance des Abruzzes, issu de vignes de 10 ans d'âge (je sais, c'est pas très vieux), d'un sol caillouteux (calcaire) situé à 450 mètres au-dessus du niveau de la mer (Civitaquana) et d'une vinification en cuve inox pour un maximum d'extraction et de pureté, le tout en zone DOC Montepulciano d'Abruzzo, fort bel endroit s'il en est.
Qu'est-ce qui se passe alors, pour le 2022 ? Eh bien c'est assez simple et délicieux : nez fumé, façon Pouilly (c'est pas le bois), un peu rocailleux (c'est une image), fleurs blanches et plantes aromatiques, ça sent le soleil, touche de pêche et de melon.
Quand on le travaille en bouche, longuement, amoureusement, on en sort des saveurs salines et juteuses assez caractéristiques de ces petits cépages sans prétention qui poussent à l'ombre des collines. Plutôt au soleil, du reste, mais "ombre des collines" ça fait plus romanesque. C'est d'ailleurs un petit vin que je vous conseille de déguster en galante compagnie, sur un petite plage de l'Adriatique au coucher du soleil, avec quelques tranches de jambon cru. Vous l'aurez compris, il ne s'agit pas d'un vin de 50 kilomètres de long, les paons peuvent aller ranger leurs queues et surtout arrêter de nous les briser en braillant comme des veaux les pieds dans la merde.
Pour ce qui est pecorino lui-même, à ne pas confondre avec le fromage du même nom, il serait originaire des vignes sauvages des monts Sibyllins. Il paraît que les moutons du secteur en étaient friands, d'où son nom. Les Romains l'appréciaient beaucoup également, sous une forme plus fermentée, et ont fait en sorte de développer sa production. Très résistant, il mûrit vite et produit peu. On le rencontre principalement dans les Marches, les Abruzzes, la Toscane, le Latium et l'Ombrie. Très célèbre en Italie, il est connu sous pas loin d'une cinquantaine de noms différents, dont celui de Verdicchio Bastardo bianco.
PS : Merci pour l'en-tête, je tâcherai d'y penser la prochaine fois
Edit : le vin est plus onctueux après une nuit au réfrigérateur