Salut Anthony et Jérôme,
Comme tu le sais Anthony je contribue aussi au forum Crus & Saveurs au Québec, par l’entremise duquel cette dégustation a été organisée. Je n’ai pas fait de CR de chacun des vins. Je joins un texte qui accompagnait mes résultats sur C&S et qui explique pourquoi. De plus, ce texte contient mes commentaires d’appréciation plus généraux.
Au plan de la dégustation, ce type d’exercice a été pour moi une découverte et je dois avouer que j’ai eu de gros problèmes d’adaptation. Je suis habitué à déguster un ou deux vins à la fois, tranquillement, sans me presser. Ça laisse le temps de bien intégrer les perceptions, de suivre l’évolution du vin, d’ajuster la température du liquide en cours de route et donc, de le goûter sur une plage de températures qui oscille un peu dans le temps. Aussi, ça permet de le goûter avec le verre plus ou moins plein. Ce dernier point semblera peut-être bizarre pour certains, mais pour moi, surtout au niveau de la perception au nez, ça fait souvent une différence.
J’ai donc trouvé que ça allait vite. J’avais des verres trop gros pour ce type d’exercice et avec les faibles quantités servies de chacun, j’ai trouvé que la température des vins devenait très vite trop élevée. L’alcool prenait vite trop de place à mon goût. En fait, je ne peux pas dire que j’ai dégusté ces vins, je les ai plutôt analysés rapidement de manière comparative. Comme ma vitesse d’intégration était lente et que le flot de données entrantes était considérable, je dirais que ce qui me reste, c’est une impression générale. Ce que je veux dire, c’est que je n’aurai pas de souvenirs précis de ces vins, car il y avait trop de choses à la fois qui se passaient pour que ça ait pu laisser une marque claire dans mon esprit. Je me sentais un peu comme à un examen où on se sent pressé par le temps et où on est sûr qu’on ne pourra pas répondre à toutes les questions.
Il y a donc beaucoup de place pour l’amélioration, avec cet exercice, en ce qui me concerne. Ceci dit, ça ne veut toutefois pas dire que j’ai coulé mon examen !!! Ça veut juste dire que j’ai dû trimer dur et que d’une certaine façon, j’aime pas vraiment les examens. Néanmoins, je pense que ce type dégustation est utile pour développer ses facultés de dégustateur. Je dois aussi ajouter, que même si l’aspect technique de la chose m’a un peu rebuté, l’aspect humain relié à tout ça était tellement intéressant, que c’est l’élément primordial qui me donnera le goût de remettre ça. L’échange direct avec les autres est vraiment ce que j’ai le plus apprécié.
Bien entendu, j’ai pris des notes, mais comme je le disais, deux jours plus tard, mon souvenir pour certains vins est tellement diffus que j’ai l’impression de lire les notes de quelqu’un d’autre. Il m’est donc impossible de faire des CR comme j’en ai l’habitude pour ces vins. Je vais simplement donner mon classement personnel suivi de quelques commentaires généraux.
1. CABERNET SAUVIGNON, RESERVA, 1999, Vallée de Maipo, DE MARTINO
2. MERLOT, CUVÉE ALEXANDRE, 1997, Vallée de Colchagua, CASA LAPOSTOLLE
3. CABERNET SAUVIGNON, CASA REAL, 1998, Vallée de Maipo, SANTA RITA
4. DON MAXIMIANO FOUNDER’S RESERVE, 1999, Vallée de l’Aconcagua, ERRAZURIZ
5. CHÂTEAU SOCIANDO-MALLET, 1998, HAUT-MÉDOC, Cru bourgeois
6. CHÂTEAU LA GAFFELIÈRE, 1996, ST-ÉMILION, Premier grand cru classé
7. SENA, 1999, Vallée de l’Aconcagua, MONDAVI-CHADWICK
8. CHÂTEAU LAGRANGE, 1996, ST-JULIEN, Troisième cru classé
9. CABERNET SAUVIGNON, RESERVA DE FAMILLIA, 1996, DE MARTINO
10. PAGODES DE COS, 1999, ST-ESTÈPHE, Second vin
11. CHÂTEAU CITRAN, 1996, HAUT-MÉDOC, Cru bourgeois
12. CHÂTEAU LABÉGORCE-ZÉDÉ, 1996, MARGAUX, Cru bourgeois
Pour ce qui est des vins. Bien sûr la première place du Merlot de Casa Lapostolle m’a fait chaud au coeur. C’est un vin dont j’ai beaucoup vanté les mérites sur C&S. C’était aussi le moins coûteux du lot, ce qui cadre avec mon approche privilégiant les RQP. Il était plaisant de goûter un Merlot de 8 ans d’âge qui montrait une si superbe forme. Depuis le temps que je répète que les vins Chiliens peuvent très bien évoluer. Finalement, c’est un vin du Nouveau-Monde qui bénéficie de l’approche Michel Rolland. Que dire de plus?
Le De Martino 1999 a été mon préféré. Le vin le plus persistant de la soirée et possédant un très beau profil de Cab classique. Aucune notes typiquement Chiliennes pouvant déplaire à certains. Parlant de ces notes (eucalyptus, plant de tomate), j’ai été déçu de les retrouvées dans les deux super-vins très chers de la famille Errazuriz. C’est d’ailleurs ce qui les a pénalisés dans mon jugement. Lorsqu’elles sont très subtiles et en mode mineur, comme dans le Casa Real, ce n’est pas un problème. Toutefois, dans le Sena, c’était tellement intense que ça masquait le fruit. Dans le Founder’s Reserve, c’était plus modéré, mais encore trop à mon goût. Heureusement, ces arômes ne suivaient pas vraiment en bouche et celles-ci montraient de très belles qualités, richesse du fruit, bonne longueur et belle texture. Je ne peux pas croire que les Sena 2000 et 2001, qui se sont très bien classés à Berlin contre des premiers GCC, possédaient ces arômes. Ils auraient été trop faciles à identifier vis-à-vis des Bordeaux, surtout de cette classe. Le Casa Real était très bon, surtout pour un vin du millésime 1998. À surveiller donc lors de millésimes plus favorables. J’ai réussi à identifier l’origine de 10 vins sur 12, ne confondant que le De Martino 1996 avec le Lagrange. Était-ce dû au caractère Français du De Martino ou à une démonstration de “classicisme” à la Chilienne de la part du Lagrange?!!! Je l’ignore.
Pour ce qui est des vins Français, je ne connais pas assez les vins de Bordeaux pour m’avancer dans des commentaires. Je laisse ce soin à d’autres et je préfère m’en tenir aux aspects positifs que j’ai retenus.
En conclusion, j’espère que les résultats de cette dégustation contribueront un peu à rehausser le statut des vins rouges Chiliens en général, si besoin était, dans la perception des lecteurs de C&S. Il est évident toutefois qu’aucun de ces vins ne représentait de la quintessence de ce qui existe sur la planète en la matière. Toutefois, il faut se rappeler que les deux premiers sont des vins vendus $30 CAN, environ 19 Euros et $43 CAN, environ 26 Euros. Dans cette optique, ils ne sont sûrement pas loin d'être la quintessence en la matière, dans cette gamme de prix. Je vais d’ailleurs mettre des De Martino, Reserva, 1999 en cave et je serai curieux d’y re-goûter dans 4 ou 5 ans. Ce vin a encore beaucoup d’avenir. Il a d’ailleurs été élu meilleur vin premium du Chili dans sa version 2001 par le “Guide des vins Chiliens”. L’oenologue en chef de la maison, Marcelo Retamal a aussi été nommé vinificateur de l’année au Chili par la même publication. Aurelio Montes, oenologue de la réputée maison du même nom, agit à titre de consultant. En résumé, cette maison Chilienne est en pleine ascension.
Pour compléter Jérôme, je dirais que les trois premiers vins de mon classement présentaient simplement les plus beaux profils. Qualité des arômes et des saveurs, bonne structure, texture agréable, concentration et persistance de niveau supérieur. Le tout sans notes végétales ou si peu dans le cas du Casa Real. Sociando et La Gaffelière étaient de beaux vins bien équilibrés, mais ils semblaient posséder un peu moins de richesse et d’éclat. Comme je le disais dans mon texte, le Sena et le Founder’s Reserve péchaient par un caractère végétal trop accentué au nez, pour le reste, ils étaient très bien. Les autres vins étaient nettement d’une catégorie inférieure sur tous les plans.