Créer des liens et les entretenir
C’est ce que nous faisons avec ce lieu, avec chaque pied de vigne, avec notre matériel, avec les vins que nous produisons, avec les personnes qui les achètent.
Je pense que c’est la définition la plus précise que je peux faire du travail (ou du métier) de « vigneron ». Le choix qui qui nous guide c’est de créer ces liens et de les entretenir dans le respect, à chaque décision, à chaque geste : notre façon de nous regarder dans le miroir. Je me rends compte aussi et « quand même » qu’une partie de ces liens, j’ai eu la chance de les créer bien avant que l’aventure Clos Veličane ne débute.
Une affaire de réseau, je dois bien le reconnaître et je le fais bien volontiers dans la mesure où cela n’enfreint pas le principe de respect qui nous est si cher.
Je mesure ce que LPV m’a apporté et m’apporte :Nous sommes des apprentis, nous avons un hectare, nous avons 4 millésimes d’existence et déjà nos vins sont goûtés par des critiques internationaux ou par le sommelier du Bristol ; Merci LPV. En 2005, nous avons organisé une dégustation à Saint Emilion : j’y ai invité Jancis Robinson ; un coup de bluff : elle a accepté l’invitation. Nous étions jeune et larges d’épaule, peur de rien, les médias ne se méfiaient pas encore et ne croyaient pas à la concurrence du Web : 5 pages dans Libération quand le Pape, mort en même temps, en fit moins que nous. Derenoncourt, Bizeul, Jancis Robinson, Julia Hardin (MW), Cobolt, entre autres, à la même table que Javaux, Villaret, Zermatten, Pérez et des LPViens des débuts.
Il faut quand même préciser que le fait que Tamlyn Currin ait goûté mes vins n’est pas en ligne directe de ce lien créé auparavant : il se trouve qu’elle était chez des amis, producteurs non loin de Jeruzalem : mais ça revient au même ; nous ne sommes sans doute pas amis par hasard, et eux-mêmes ne sont pas en lien avec Tamlyn par hasard, même si ces liens sont forts et sincères.
Et s’il n’y avait pas eu LPV, sans doute Guillaume Antalick ne serait pas venu goûter les vins, lui donnant l’occasion de les apprécier et me permettre de commencer à me faire connaître en Slovénie, parmi les gens qui comptent dans le milieu du vin : c’est une affaire de réseau. Combien de mecs font des vins sublimes, au prix d’un travail de fou et restent dans l’ombre ? Comme me le souligne Oliv très souvent : « un grand vin est un vin vendu ».
Cependant, force est de reconnaître qu’à force de la ramener, il y a des portes qui ne s’ouvrent pas : les mêmes qui ne s’ouvrent pas pour LPV : dernier exemple, la RVF qui fait un papier reprenant le nom même de notre site dans son titre pour parler des amateurs connectés et qui ne nous cite pas, ignorant délibérément, snobant ce que j’ai ressenti comme le fruit d’une provocation. Il faut dire qu’ils en prennent pour leur grade régulièrement, mais la différence, notable est que s’il y avait des personnes qui voudraient les louer, ils seraient à même de le faire ici.
Effet pervers de ce réseau, il y a donc des portes qui ne s'ouvriront pas.
C’est une des raisons qui a guidé mon choix de me retirer de l’administration de LPV (une parmi d’autres). Ne plus être totalement assimilé à LPV et que LPV ne soit plus assimilé (aussi en partie) à « Pérez », la grande gueule : je mesure également, hélas, combien cette grande gueule peut nuire à mes vins, à l’idée qu’on s’en fait, au fait même qu’on ait envie de les goûter. Je vais donc apprendre à la fermer (un peu). J’ai également conscience que cette image pouvait ou a pu nuire au site LPV.
Bien entendu, la route est encore longue et nous ne sommes pas « arrivés », loin de là. Il ne faut pas relâcher les efforts et toujours faire mieux et meilleur, apprendre encore et toujours.
Les vins, parlons-en un peu, histoire de maintenir tous les liens :
J’encourage vivement ceux qui ont encore des Riesling
2018 à en ouvrir une bouteille, à déguster surtout pas trop frais, autour de 11/ 12 degrés : personne aujourd’hui ne se tromperait sur le cépage de ce vin alors qu’il semait le trouble dans sa prime jeunesse. Je parie sur une belle évolution de ce vin et fort longtemps.Le pinot gris prend aujourd’hui des accents de vin orange sur ce millésime 2018, un vin qui convient parfaitement sur le fromage : il ne craint pas les plus corsés. La cuvée Plesivica qui avait mes faveurs est aujourd’hui difficile à déguster : seul le temps nous dira …
2019, concrétise sa qualité et le pinot gris est enfin sortie de sa gangue : c’est un vin large, gourmand, séducteur avec ses sucres résiduels mais qui possède une belle fraîcheur.Le temps jouera en sa faveur. Plesivica de ce millésime reste un beau vin qu’il faut absolument ouvrir à l’avance aujourd’hui ; il ne faut pas hésiter à carafer la veille de la dégustation pour profiter au mieux de ce vin et de sa complexité.
Quant au riesling 2019, il trace sa route, doucement. Il laisse lui aussi transparaître doucement son cépage : les notes terpéniques commencent à poindre, très discrètement. Pozna Letina est en rupture de stock : déjà savoureux, ce vin mérite qu’on l’attende longtemps.2019 est le millésime qui définit le mieux le style des vins, donné par son terroir quel que soit le cépage, quelle que soit la cuvée : de la vivacité et des notes florales allant du jasmin à la fleur de sureau.
2020 est dans les langes ou les limbes, c’est selon, mais ce qui est certain, c’est qu’on est clairement installé dans le style : les premiers commentaires tombent sur ces vins. Ils sont en train de se stabiliser ; Nous y verrons plus clair avec le printemps pleinement installé. Le Pinot gris est dans un style plus droit que le précédent, très frais pour le cépage, le renski rizling (cuvée classique) est un vin très vertical pour amateur de vivacité et de minéralité. La cuvée Riesling + est en train de digérer sa petite amertume de jeunesse : je suis disposé aujourd’hui à en livrer le secret : un sixième de vin provient d’un moût moelleux de raisins atteints de pourriture noble. Son analyse donne des résultats très étonnants que ne pouvaient soupçonner ceux qui l’ont goûté : 9 grammes de sucres résiduels et 8 grammes d’acidité. Ce vin goûte totalement sec. Personnellement, j’y crois beaucoup, car ce vin est un choix, une volonté : celle de renouer avec le confort, le plaisir en dégustation et surtout en ouvrant le champ des possibles sur des accords gastronomiques.
2021 : le millésime de rêve ; je pensais l’avoir atteint avec 2019. Les jus en cuve sont merveilleux quelle que soit la cuvée, jusqu’à Pozna Letina qui existera sur ce millésime, beaucoup plus riche que le 2019, à la hauteur d’un TBA ou d’un 6 Pt. Les vins ont tous gagné en densité et les acidités sont à un niveau incroyable malgré les maturités. (caractéristique essentielle de ce millésime dans l’Europe continentale)
2022 : les vignes sont taillées, les baguettes attachées : on attend le démarrage qui ne devrait plus tarder maintenant et nous ne pouvons qu’espérer que ni le gel, ni la grêle ne viendront entailler la promesse.