voilà ce qu'en disait Jérôme Bressy (Gourt de Mautens) dans son interview LPV :
LPV : Comment définiriez-vous la longueur en bouche ?
J. B. : Je pense que la longueur en bouche est la carte d'identité d'un vin et que le prix devrait être fixé en fonction de la longueur en bouche. La longueur est précisément ce qui permet de décrypter un vin. Aujourd'hui, on voit beaucoup de vins très colorés, très extraits et démonstratifs, avec de l'allonge bâtie sur l'acidité ou les tannins, mais ils ne font que 15'' en longueur, ce que nous trouvons dans des petits vins de table de la région et je ne parle pas ici des notes vanillées de bois, mais des saveurs, des petits fruits, de minéralité, tout ça. La vanille n'est pas une composante de la longueur. Malheureusement, on englobe tout dans la longueur maintenant. En fait, la longueur d'un vin, c'est cette suavité qu'on a en bouche et ces petites subtilités qui font saliver. Et ça, on peut compter combien de temps ça reste. J'ai eu la chance de visiter le domaine de la Romanée-Conti il y a deux ans, et la Romanée-Conti faisait 71 caudalies de longueur ! C'est le vin le plus long que j'aie bu de ma vie. Je n'avais encore jamais bu un vin aussi long. Yquem est peut-être le vin le plus long du monde, il dépasse la minute. Il existe seulement trois ou quatre vins de ce calibre dans le monde. Après, je pense que des vins qui ont une longueur supérieure à 30 caudalies sont de grands vins. Mais bon, malheureusement, on fait actuellement de moins en moins attention à tout cela. Autrefois, l'INAo prenait surtout en compte la longueur pour hiérarchiser les terroirs et donner les agréments et, d'une façon presque mathématique, on pouvait dire, un Côtes du Rhône, ça fait tant de longueur, un Châteauneuf du Pape tant. C'était la vérité du vin parce que s'il n'y avait pas la longueur attendue, il y avait un doute sur la provenance des terroirs ou sur des rendements excessifs. Si vous avez beaucoup de raisins, il y a forcément moins de caudalies, c'est logique puisque c'est dilué. C'était donc le temps de la vérité de la dégustation. Malheureusement, aujourd'hui, cette méthode est de moins en moins appliquée et c'est dommage. Ca correspond d'ailleurs à l'évolution générale du monde, où tout reste en surface. Il faut que l'on voie les choses et où on ne veut pas aller les chercher en profondeur, ça ne doit pas être difficile d'accès. Une certaine éducation est nécessaire, ce n'est pas du jour au lendemain que l'on arrive à compter les caudalies. Aujourd'hui, on veut tout accélérer…En deux jours, on voudrait tout savoir. Le vin et la dégustation sont pour moi l'école de la modestie. C'est du plaisir et de la simplicité.