AMADEUSMALDOROR publiait ce post le 17 février 2013
Mes chers amis et autres lecteurs;
Ca fait déjà un long moment que je rumine cette lettre ouverte aux passionnés de vin. J'ai un peu donné à Lpv, il m'a beaucoup rendu. Ce n'est pas de cela dont je veux parler. C'est d'un malaise dans la civilisation. Ce n'est pas une réflexion de grande envergure dont je témoigne ici, mais d'une douleur, d'un pathos.
J'ai eu la chance ou la malchance de faire mes premières gammes émotionnelles et mes fulgurances en Bourgogne! Cette région magique où les fulgurances se conjugent près du bescherelle des nullités, où l'appellation ne veut plus rien dire en tant que telle, mais appelle inexorablement son fondement, son artiste, son être vivant, son vigneron. Oui, je sais, ici comme ailleurs, ici plus qu'ailleurs, je dirai, parce que sur la même appellation, la distance est celle du brin d'herbe à l'étoile.
J'arrête avec le lyrisme, place à la peur! Cette région a été celle de tous les partages, de tous les contraires. Je l'aime comme une mère patrie, une Alma mater.
Mais là, je m'interroge sur l'envol des prix. Comme sur la région qui concentre l'image de marque du vin, je sens la bascule, la révolution inexorable. Les prix s'envolent comme les feuilles mortes emportées par le vent du Nord.
J'ai peur que cette région bascule dans le pouvoir, la puissance sociale alors qu'elle se caractérisait encore par les partages, par l'ouverture aux passionnés. Cliché entendue maintes fois que de dire qu'on goûte sans acheter ici, alors qu'on achète sans goûter là-bas.
Cliché de voir Monsieur De Montille opposer Bordeaux comme marque à la Bourgogne comme présence au terroir, comme ouverture irréductible et originale face à l'uniformité et à l'internationalisation.
Or, je sens le terroir passer dans l'achat de pouvoir, de classe sociale, de puissance du pouvoir d'achat...où rien ne subsiste en face à part mon pouvoir de crachat.
On va me dire que cela ne date pas de maintenant et j'avoue qu'on va me dire vrai. Mais la situation devient à la fois évident et inexorable et d'un caractère aigu que l'on n'a jamais vécu auparavant.
Sauf-conduit! La notion d'allocation qui sauvait l'amateur de vin! mais ici la claque a été du même acabit et les allocataires en prennent pour leur grade et pour leur augmentation et parfois c'est salé!
Ma peau, ma bouche et mes tripes portent d'ores et déjà le deuil d'une région qui m'a tant donnée et tant appris et où aujourd'hui résonne la formule d'Oscar Wilde: connaître le prix de tout et la valeur de rien.
Quand je plaide ma douleur auprès de mes vignerons préférés, on me rétorque prix du foncier.
Adieux Echezeaux, Perrières, Musigny et Chambertin!
Le deuil d'une région où le vin était partage, où le vin était amour, où le vin était humain.
Le deuil d'une philosophie qui a oublié de se rendre à son propre enterrement parce qu'elle s'ignore déjà mort.
VOIS CE QU'IL FAUT D'ESPOIR POUR NE PLUS EN AVOIR.
Avant quand je sortais un grand vin de Bourgogne, j'avais l'impression de sortir un cadeau, maintenant il y a quelque chose qui tourne au jeu de celui qui a la plus grosse...Rocco Siffredi du terroir magique contre le classement des climats de Bourgogne au patrimoine de l'Unesco. Faire du vin non plus un produit social, de partage, mais un produit de luxe, de puissance phallique où l'ouverture et le post d'une Romanée Conti 1957 te montrent que j'ai la plus grosse...envergure. Déjà le cas avant, mais l'amateur de vin pouvait s'arracher s'il voulait, faire des économies pour toucher le Graal du pinot noir...qui s'envole dans la nuit noire de l'oubli. Tu vois, pinot noir, je n'ai pas oublié la chanson que tu me chantais.
Pensez-vous que ce message est excessif et ne témoigne pas d'un état de fait, alors il est prophétie.
C'est une chanson, qui nous ressemble
Toi tu m'aimais et je t'aimais
Nous vivions tous les deux ensemble
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment.
Tout doucement sans faire de bruit.
Et la mer efface sur le sable.
Les pas des amants désunis.