Bonsoir
l'opah mangé chez Franck Renimel, En maRge
Parce que je n'ai pas forcément les moyens de me payer un repas étoiler tous les 4 matins, les formules du midi de ces restaurants étoilés me semblent être une solution sympa pour profiter d'une belle cuisine à moindre coût...
Voici donc un petit billet sur le Puits Saint Jacques et En maRge, deux restaurants étoilés toulousains chez qui j'ai eu la chance de manger dernièrement :
Les photos du repas et l'article sont aussi ici :
abistodenas.blogspot...
30 euros chez les étoiles du midi, « Tu vois, ça ne coûte pas plus cher de bien manger ! »
"A table !... à table !", si cette rengaine plusieurs fois centenaire, rythma mes jeunes années sans me poser problème (et qui d'ailleurs, parenthèse ouverte, semble devenir un refrain agréable aux oreilles de mon miston), elle prend une toute autre dimension quand elle arbore la forme de cette autre tirade : "Dépêchez-vous, on va être en retard au restaurant !". Autant vous dire tout de suite, que de tous temps, cette phrase ne me fut jamais destinée.
Gastronomie, service, nappe blanche et tout le tralala, revêtent à mes yeux un charme certain. Un cérémonial touchant, dont le romantisme parait servir d'écrin moelleux au repas en passe de venir se poser sur notre table. Certains y voient une façon de flatter les egos d'une clientèle en mal de reconnaissance sociale, mais excès de sentimentalisme ou autre, la méfiance envers un service attentionnée n'est pas quelque chose que j'entretiens. Comme un gamin entrant chez Disneyland, j'aime à me reposer sur ce confort, cet esthétisme réservé aux épicuriens et autres amoureux de belles tablées.
Ainsi, si je le pouvais, j'arpenterai allègrement les cuisines étoilées (mais pas que) toulousaines et alentours pour satisfaire mon amour pour la gastronomie. Tantôt pour y retrouver l'expression d'un terroir, tantôt pour profiter de l'inventivité galopante de certains chefs talentueux. Bon, je ne vais tout de même pas me plaindre, car ces derniers temps les belles tables s'enchaînent comme les affaires politiques s'accumulent au 20h. Cependant, il faut être réaliste, aujourd'hui, cette cuisine a un coût, légitime souvent, au vue des brigades s'affairant, couteaux à la main derrières les fourneaux, et des produits qualitatifs que l'on peut y trouver, jouant ainsi le jeu du respect des matières premières et évitant le trop récurrent refrain : METRO / RÉCHAUD / J'TE PRENDS POUR UN BLAIREAU.
Et de ce fait, la profondeur de mon porte-monnaie n'ayant d'égal que celle d'une pataugeoire municipale, explorer ces grandes cuisines devenait assez rapidement difficile voire impossible. Alors, comme le cours du billet de Monopoly est au plus bas et n'ayant aucunement l'envie d'entretenir une quelconque frustration, je décidais de me pencher sur ces "menus du marché" souvent proposés en semaine, afin de pouvoir approcher l'excellence gastronomique régionale, et de m'interroger aussi sur cette solution, penchant discount de la grande bouffe ou véritable porte ouverte sur les joies et plaisirs de l'assiette.
Ces dernières semaines m'ont donc donné l'occasion de rendre visite à Bernard Bach au restaurant Le Puits Saint Jacques à Pujaudran et à Franck Rénimel, dans son nouvel écrin d'En Marge, à Aureville. A l'heure où la bistronomie semble être la solution pour bien manger sans avoir de nouvelles trop récurrentes de son banquier, ces deux établissements proposent une formule du marché à 30 euros. Menu unique, pas forcément mis en avant, mais pas non plus le vilain petit canard de la carte. S'il est présent, c'est bien pour être servi et pour répondre à une demande de la clientèle.
Le Puits Saint Jacques
Comme un coq en pâte... charme de l'ancien, tissus lourds, mobilier moelleux,... le restaurant est à l'image de sa cuisine : traditionnelle, réconfortante avec ce soupçon d'inventivité qui sans vous dérouter, vous émoustille les papilles. Pour avoir eu la chance d'y déjeuner trois fois ces deux dernières années, je dois bien avouer que je n'ai jamais été déçu. Et ce jour là, nous fûmes à nouveau bien inspirés d'avoir poussé la porte de l'établissement.
Pour nous accompagner tout au long du repas nous avons choisi un vin aux accents ligériens : Les rosiers 2011 du domaine de Bellivière. Un bon carafage, une droiture à faire frémir un colonel, un soupçon de sucres pour attendrir les galons, et nous voilà bien embarqués dans le verre, alors que la terrine jarret de porc, foie gras, chutney de betterave arrive. Belle entrée gourmande et fraîche, précédent un plat tout aussi intéressant, dont la lisette fut l'actrice principale. La lisette est en fait une sorte de petit maquereau, accompagnée de noodles, petits légumes à sauce soja et d'une chantilly au wasabi, elle se présente sous une forme extrêmement plaisante, toujours dans cet esprit traditionnel saupoudrée d'inventivité.
Pour le dessert, un verre d'Ondenc de Bernard Plageoles escorte à merveille une gaufre banane, caramel passion, sorbet passion. Pas le dessert le plus remuant que j'ai pu rencontrer, mais l'accord avec le vin sublime la simplicité du plat et cette note sucrée achève un beau déjeuner, rondement mené par l'équipe du Puits Saint Jacques.
30 euros, le prix d'une faux-filet/frites/salade et d'un dessert avec un pichet de rouge au restaurant l'Entrecôte à Toulouse... no comment.
En Marge
Posée au milieu du Lauragais, une superbe bâtisse régionale retapée dans un style contemporain nous accueille. Installé depuis peu à Aureville, Franck Rénimel y propose une cuisine ambitieuse et moins traditionnelle que celle du Puits Saint Jacques. Cette découverte, car c'est la première fois que nous nous y rendons, révèlera une très belle cuisine, juste et agréable, accompagnée de vins véritablement à la hauteur.
Une petite bulle de guacamole, une bouchée de pince de homard panée et une fine pressée de pomme et boudin, affutent notre palais... un verre de Négrette 2011 du Rocher des Violettes, très beau chenin issu de vignes de 80 ans à la main, voici que se profile l'entrée : un tartare d'opah (autrement nommé saumon des dieux), bouillon tiède de curry noir, céleri-rave et pousse d'épinards. Exotique, fin, équilibré, une très très belle entrée qui s'accorde à merveille avec le vin de Xavier Weisskopf.
Le service est attentionné, chaleureux et dynamique, c'est agréable ! Pour continuer, un plat plus traditionnel est déposé devant nous : un filet mignon de porc, oeuf mollet et écrasée de pommes de terre, sauce vigneronne. Cuissons parfaites, ça coule, c'est beau et surtout très bon. Pour accompagner le tout, un beau Musar jeune, vin libanais à base de cinsault et cabernet, permet un peu d'excentricité, un vin un poil massif pour le plat, mais intéressant. Le dessert autour de la framboise et de la myrtille, n'est pas forcément de saison, mais la fraicheur du fruit conjuguée à la gourmandise de la crème vanille, s'acoquinent parfaitement d'un Vouvray demi-sec de Foreau et finissent de nous emballer. Un très beau repas qui se terminera par un cigare fourré à la crème rhum/vanille et un petit palet de parfait glacé aux feuilles de tabac très agréable pour accompagner le café.
30 euros le menu, sans l'accord mets et vins, mais 30 euros ; soit le prix de deux virées chez MacDo ou chez Flunch, et là-bas on ne parle pas de vin, ni de service...
Bref, sur Toulouse, la bistronomie et les caves à manger se développent avec de très belles adresses comme
Solides chez Simon Carlier
ou
le Clos de François
et le Tire-bouchon, mais la cuisine étoilée, accessible, cohabite parfaitement avec ces adresses, sans être pompeuse, ni élitiste, elle permet de découvrir des lieux agréables où il fait bon s'asseoir et manger. Et bien que le référencement "michelinesque" de cette cuisine ne me plaise pas véritablement, l'inertie de ce genre de guide ayant ses limites, vous ne vous tromperez pas en entrant chez l'un ou l'autre de ces garants de la gastronomie française, même pour une formule de midi, reprenant fort à propos les conneries déblatérées par Aimé Jacquet « Tu vois, ça ne coûte pas plus cher de bien manger ! ».
Et quand en plus, les grandes serviettes peuvent se nouer autour du cou, le plaisir n'en est que plus intense !