Ces 15 derniers jours, j'ai été amené à me pencher pour mon boulot sur les 10 crus du Beaujolais. Je me suis rendu compte que comme souvent, il y avait une grande hétérogénéité  en terme de terroir, et qu'il semble bien difficile de trouver un Morgon ou un Saint-Amour typique. Comme dans le Médoc, les appellations sont rattachées à des communes (même si c'est parfois plus tordu). Et dans la même commune, on peut trouver du grès, du calcaire, des roches volcaniques et granitiques.  Et parfois, toutes mélangées.

Le site Beaujolais.com m'a bien aidé, car il fournit des cartes pédologiques de chaque cru, ce qui me permettait durant ma longue balade d'identifier les différents secteurs géologiques. 

Cette carte provenant du même site montre l'emplacement des 10 crus et des deux appellations régionales



Hier, j'ai visité les 5 plus au nord (Saint-Amour, Juliénas, Chénas, Moulin-à-Vent et Fleurie). D'ici la fin de la semaine, j'irai voir les 5 autres. 

Nous avons hâte de la suite, Eric.

Puisque tu veux de l'hétérogène, un des meilleurs exemples est l'AOC Cote de Brouilly, qui fait le tour du mont, mêlant ainsi sols différents et orientation antagonistes.

Nous y étions récemment et avons à nouveau visité le domainde des Capréoles qui fait face au mont sur le terroir de Régnié. Adresse à recommander absolument !

Saint-Amour est le premier cru qui vous ouvre les bras lorsque vous venez du Mâconnais.  Et qui réussit à vous faire penser à vos amis belges

Il jouxte les villages de Chânes et Saint-Vérand qui produisent tous les deux du Saint-Véran (sans d). 

* On n'est donc pas trop surpris de découvrir dans les vignes autour du hameau du Platre-Durand des roches calcaires (dites pierres dorées dans le coin). Il va falloir vous y faire, mais le désherbage intégral est encore ici la tendance forte (je dirais à la louche 80 %). Comme me l'a dit un vigneron bio local, il faut comprendre que la majeure partie des vignes  sont tenues par des gars proches de la retraite avec peu ou pas de salariés. Donc ils vont au plus efficace.  Car avec 10.000 pieds par hectare, c'est un gros boulot de le faire mécaniquement (+ manuellement pour fignoler le travail).  On prend une côte qui mène au bourg de Saint-Amour Bellevue, plutôt plus petit que le hameau précédent.  Sur la gauche, il y a un belvédère  (avec table d'orientation) qui permet d'avoir une première vue  de la région. À côté de celui-ci, on remarque que les sols sont toujours calcaires Comme la carte le montre nous passons en secteur "volcanique".  Les sols sont plus sombres, plus profonds, plus lourds[justify]
[/justify] [justify]Avec ici et là (faut les chercher un peu) des roches d'origine volcanique, soit noires, vertes, ou bleues. 
[/justify] En redescendant vers l'ouest vers la Croix Carron et Chamonard,  on passe en secteur granitique, même si ici et là, il y a quelques éclats volcaniques Je n'y suis pas allé, mais si l'on pousse un peu plus loin, il y a une nouvelle résurgence volcanique (Coutelon, Clos de la Brosse). En parlant de ce dernier, je me rappelle que le Saint-Amour qui m'a le plus marqué à Beaujol'Art provenait de ce secteur. Pierre Van Oost produisait aussi du Saint-Véran ... qui se trouve à moins d'un km à vol d'oiseau (tout s'explique !)

Eric B écrit:

 

Saint-Amour est le premier cru qui vous ouvre les bras lorsque vous venez du Mâconnais.  Et qui réussit à vous faire penser à vos amis belges 

 

 

Eric,

Tu continueras à penser à la Belgique quand tu visiteras Fleurie, jumelée depuis 1968 au village de Bomal s/Ourthe. 

Olivier

Merci pour ce superbe reportage photo.
Hâte de voir la suite !

Lorsqu'on voit la carte, on comprend pourquoi il est difficile de trouver des vins du cru Chénas. Non seulement la dimension de l'appellation est restreinte, mais il est difficile d'y planter de la vigne en de nombreux endroits. Au total, 250 ha répartis entre 120 vignerons. Dans le Médoc, ça ferait deux propriétés Cette photo panoramique – la route est droite, et je n'ai pas bu –  est une bonne illustration de la situation de l'appellation. Je suis aux Gandelins. À ma gauche, démarre Chénas qui se trouve aussi dans mon dos. À ma droite, c'est Moulin à vent dont je vois les vignes au loin. Le bourg de Chénas est en AOP Moulin à vent. 

Comme vous l'avez vu précédemment, Chénas et Moulin-à-Vent sont imbriqués. Outre la commune de Chénas, Moulin-à-Vent se situe sur Romanèche-Thorens, LA ville de Georges Duboeuf. Longtemps, les vins de ce cru étaient appelés "vins de Thorins", d'après le nom de son meilleur terroir.  il se trouve qu'a Thorins, on trouve ...un moulin-à-vent, construit au XVIIème siècle. Les vignerons se sont certainement dits que c'était plus vendeur, et ils ont probablement eu raison ! [justify]
Il est juste au-dessus du Clos des Carquelins du Château des Jacques où des "petites mains" travaillent le 8 mai (ébourgeonnage)
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Nous sommes sur un secteur granitique, mais il apparaît surtout sous une forme sableuse (arènes), donnant des sols légers / moelleux.. C'est très agréable de marcher dessus. 

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Juste à côté, il y avait la maison des vins de Moulin-à-Vent (fermée, elle). À travers la vitrine, on pouvait voir des pierres exposées. J'ai pris la photo "à l'envers". Je l'ai bidouillée pour la rendre plus lisible, car elle est intéressante. [/justify]

Passionnant, Éric, merci infiniment !
Tu me donnes une envie gourmande d'ouvrir un cru du Beaujolais ce week-end !?

Ce matin, en allant sur Chiroubles, je suis passé pas loin de  Fleurie. J'ai eu un point de vue que je n'avais pas eu mercredi. Je vous le partage. 

 

Merci Eric pour ce partage ( ça doit prendre un temps fou, en plus! ). La question que je me pose est celle-ci: Comment vas-tu convertir, ou transférer, cette connaissance/exploration du terroir dans ton analyse des vins de la région?
Sur le même terroir, avec le même cépage ici, deux vignerons vont produire des vins différents ( parce que le terroir n'est qu'un des éléments qui concourent à l'élaboration d'un vin ). Comment comprends-tu l'effet terroir? Quelle place lui donnes-tu?
J'aime beaucoup ta démarche et le fait que tu la partages avec nous. J'aimerais que tu nous dises ce qu'elle t'apporte dans ton approche du vin.

Le sol semble mort à Rochemoire?

Xavier 
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Le sol semble mort à Rochemoire?

Il semble mort un peu partout, hélas. Mais j'ose imaginer que c'est superficiel. 

Morgon est une des appellations les plus hétérogènes, autant en terme de relief, d'expositions et de sols. Autant dire qu'il est difficile de dire ce qu'est un Morgon type. D''autant que parmi les "climats" les plus connus, certains viennent de zones granitiques (Corcelette, Charmes), d'autres de zones volcaniques (pierres bleues pour Py et Javernières, roches siliceuses pour Grand Gras)

Damned ! On se prend à rêver qu'avec de tels sols rocheux, on y plante autre chose que du Gamay. Ce sidi, je mets mon casque et descend aux abris

Le cru Régnié est le plus récent des dix : il n'a été reconnu qu'en 1988. On peut dire dire qu'il est sur une sorte de plateau granitique dans lequel des rivières ont creusé des vallées comblées ensuite par des alluvions. D'où une alternance entre ces deux types de sols sans que le relief soit trop marqué. 

LEON213 écrit:

Merci Eric pour ce partage ( ça doit prendre un temps fou, en plus! ). La question que je me pose est celle-ci: Comment vas-tu convertir, ou transférer, cette connaissance/exploration du terroir dans ton analyse des vins de la région?
Sur le même terroir, avec le même cépage ici, deux vignerons vont produire des vins différents ( parce que le terroir n'est qu'un des éléments qui concourent à l'élaboration d'un vin ). Comment comprends-tu l'effet terroir? Quelle place lui donnes-tu?
J'aime beaucoup ta démarche et le fait que tu la partages avec nous. J'aimerais que tu nous dises ce qu'elle t'apporte dans ton approche du vin.

Comme tu le dis, ce n'est hélas qu'un des nombreux facteurs sur le résultat final. Il y a quelques semaines, un producteur local m'a fait déguster les vins élevés dans 3 barriques différentes d'un Morgon provenant de la même cuve. Ils n'avaient absolument rien à voir.  On avait l'impression que les raisins avaient été cueillis à des maturités différentes, alors que forcément, non. L'effet millésime est important, aussi : les 2022 de ce producteur étaient très différents des 2023, alors que les terroirs étaient les mêmes. Par contre,  il  y avait beaucoup  plus de raisins en 2023, donnant des vins plus dilués. 

La variable producteur est importante aussi :  quand tu compares le Corcelette de Burgaud à celui de Mée-Godard, ça n'a pas grand chose à voir. 

Donc, j'ai conscience qu'il y a presque quelque chose de vain dans ma démarche. L'intérêt, c'est surtout de voir "la gueule de l'endroit"  afin d'associer les vins que je déguste à l'atmosphère des lieux.  Lorsque je goûtais des Chiroubles, je trouvais qu'ils avaient un sacré caractère. Je "comprends" mieux, maintenant.  

Je spoile un peu, mais vendredi en fin de journée, j'ai fait une dégustation comprenant les 10 crus du Beaujolais. Quand le vigneron m'a dit que son Brouilly provenait des coteaux granitiques faisant face au volcanique Mont Brouilly, je les ai visualisés de suite, car j'y étais deux heures plus tôt

De bien belles photos de mon cher Beaujolais...

" Moulin-à-Vent se situe sur Romanèche-Thorens, LA ville de Georges Duboeuf. "
Accessoirement, pour les férus d'histoire viticole, Romanèche-Thorins est aussi le village de Benoît Raclet, précurseur local de la lutte contre la pyrale par le moyen de l'échaudage de la vigne.
Chiroubles étant le village de Victor Pulliat, célébrité historique du Beaujolais pour avoir fait la promotion du greffage comme moyen de lutte contre le phylloxéra (tandis qu'Emile Cheysson, un autre Chiroublon de la fin du XXe siècle prônait, lui, l'utilisation du sulfure de carbone)...

Paysages magnifiques, qui sont également le théâtre de beaux moments du sport automobile avec la course de côte de Marchampt ou les anciennes spéciales de Marchampt ou la mythique Beaujeu-Chiroubles au rallye Lyon Charbonnières.

Certes, mais quant tu arrives au "hameau Duboeuf" qui couvre 30.000 m², avec le petit train, le parc,  la gare réaménagée, etc...  c'est difficile de ne pas voir l'emprise qu'il peut avoir sur cette ville somme toute modeste. 

www.duboeuf.com/fr/l...

La forme gobelet est traditionnelle en coteaux Beaujolais! 

La forme gobelet est traditionnelle en coteaux Beaujolais! 

Oui, mais comme on le voit sur les autres photos, on est souvent sur un modèle plus bonsaï.

Eric B écrit:

Certes, mais quant tu arrives au "hameau Duboeuf" qui couvre 30.000 m², avec le petit train, le parc,  la gare réaménagée, etc...  c'est difficile de ne pas voir l'emprise qu'il peut avoir sur cette ville somme toute modeste.
 

Nous sommes bien d'accord...je ne faisais là qu'une parenthèse historique, les vins de Duboeuf ne retenant pas du tout mon attention.

J'ai décidé de regrouper ces deux appellations, car on passe de l'une à l'autre en quelques secondes  avant de retourner aussi sec à la précédente. Pour faire simple, le Côte de brouilly regroupe tous les coteaux du Mont-Brouilly. (d'origine volcanique). Et autour, ben c'est Brouilly. A l'ouest, des coteaux granitiques, à l'est des sois d'alluvion et  calcaires, avec très peu de relief (euphémisme).  

Merci Eric pour ce superbe reportage et toutes ces images qui donnent bien envie de faire
un petit tour dans cette région ainsi que d'approfondir mes connaissances beaujolesques !

En fin d'après-midi, ayant fait le tour du Mont-Brouilly, je me suis dit que je n'étais pas loin de Beaujeu, capitale historique du Beaujolais (d'où il tire son nom). L'idée était de visiter la ville, pas de boire quoi que ce soit. Mais la vie en a décidé autrement. Alors que j'approchais de la vieille église en pleine restauration, je vois des stands de vignerons. Forcément, je m'approche, et l'un des vignerons me propose de déguster. Ca ne se refuse pas !

Il s'appelle Robert Perroud et produit des vins sur Brouilly / Côte de Brouilly. Il fait partie du groupe " Terroirs originels " réunissant des vignerons des différentes appellations du Beaujolais. Une fois fait le tour des stands, j'aurai fait avec mon verre ce que j'ai fait avec ma voiture, mes pieds et mes yeux. 

Je démarre donc par les deux crus sudistes. Le Brouilly l'Enfer des Baltoques  2022 mêle des notes fruitées (mûres) florales et épicées. La bouche est fine, élégante, avec une belle tension et une fraîcheur sous-jacente. La finale est à la fois gourmande et classe. J'aime beaucoup Son Côte de Brouilly La fournaise du Pérou 2022  a une belle matière, mais un fruit séducteur, mais  se montre encore serré. Ca va demander un peu de temps pour se détendre. Mais il y a un beau potentiel. 

Puis je passe chez Pascal Aufranc où je déguste un Chénas En Rémont 2022 et un Juliénas Les Crots du même millésime. Comme le vin précédent, le Chénas est puissant, pas totalement ouvert. Mais avec une mâche savoureuse. Le Juliénas se goûte mieux, même s'il ne manque pas de fond, avec une matière juteuse / pulpeuse des plus avenantes.  Adopté !

Le vigneron suivant est Jean-Michel Dupré dont je goûte le Beaujolais Rochenoire (bien) et le Régnié Vignes de 1948 2022. Ce dernier est élancé, avec une tension de ouf conjuguée à une fine acidité tonique, et une matière fine, séveuse, classe. Top !

Je poursuis avec Lucien Lardy qui me présente son Fleurie Les Roches 2022 et son Moulin à Vent Les Thorins 2022. Le deuxième est super bon, profond, complexe, mais je préfère le Fleurie qui possède tout ce que j'aime dans un vin. : finesse, fraîcheur, élégance, classe. 

Et je finis avec Laurent Gauthier où je déguste son Chiroubles Chatenay 2022 et son Morgon Grand Cras 2022.  Le Chiroubles a de la niaque, une accroche canaille et irrésistible, un fruit juteux et intense. C'est super bon. Le Morgon, c'est certainement le meilleur de tous les vins dégustés : velouté, aérien, profond, complexe. Un charme fou !

Lorsqu'on achetait les vins par 6 (panachés), le coût de la bouteille diminuait de 2 €, passant de 11-14 € selon les cuvées à 9-12 €. Du coup, j'ai craqué. J'en ai pour 60 € les 6 bouteilles !

Ca me permettra de les regoûter calmement, avec plus de recul, histoire de voir si mon enthousiasme est dû à mes coups de soleil où à leur grande qualité. Parce que j'avoue que j'ai pris un plaisir incroyable à les boire. Je n'en avais pas eu autant lors des salons pros de début avril (avec des vins pourtant nettement plus chers). 

merci pour ton reportage eric.

Qu'en est il du gel d'avril dans le beaujolais d'ailleurs ? Je suis surpis de l'avancée des vignes ici .

 

Il n'y a pas eu de problème. On n'est jamais passé en dessous de zéro.