Il fallait vraiment une bonne raison pour que je loupe la réunion mensuelle du CRD Belgique de LPV, mais il était très difficile pour moi de ne pas répondre positivement à l'invitation d'Eric Boschman qui, après quelques mois d'interruption, s'est remis à délirer pour nous proposer une verticale de Dom Pérignon.
Et pas n'importe quelle verticale, il ne s'agissait pas ici de déguster les dix derniers millésimes produits, mais bien de faire découvrir aux quelques chanceux présents quelques millésimes de l'Oenothèque, de 1992 à 1962 !
Les 8 vins seront servis en même temps, pour nous laisser la possibilité des les comparer et de suivre leur évolution dans le verre en fonction de la température.
Voici un bref résumé de mes impressions.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1962 - ***** (dégorgé en 2002)
Malgré le fait que le dégorgement ne date que de quelques années, le vin se présente sans bulles dans sa robe jaune paille, encore très jeune. Le premier nez n'est pas des plus agréables, réduit, sur des notes fumées et animales, mais s'améliorera rapidement à l'aération sur le pain grillé, les épices, les agrumes confits, quelques notes florales et toujours ce côté fumé. La bouche est tranquille même si on sent encore la présence d'une pointe de CO2, l'acidité est très belle, il y a du volume, une grande tension sur un équilibre impressionnant et une longueur sur les agrumes qui ne l'est pas moins. Ce n'est plus vraiment du Champagne tel qu'on l'entend habituellement, mais cela peut facilement évoquer un grand Bourgogne d'une quinzaine d'années.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1973 - ***** (dégorgé en 1999)
La robe est d'un jaune-or paille, avec de fines et rares bulles. Le nez est au départ assez discret mais très élégant, sur le sous-bois, les fruits blancs, des notes florales et minérales. La bouche est superbe d’harmonie, avec une bulle bien présente mais sans la moindre agressivité, une fraîcheur magistrale, un équilibre parfait et une très grande longueur. Remarquable vin, à mon sens le plus grand de la soirée.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1976 - **** (dégorgé en 2003)
La robe est semblable au précédent. Le nez est plus expressif, mais aussi un peu plus lourd, sur la crème brûlée, la meringue, avec un côté floral confinant au miel. La bouche est riche et ample mais ne possède pas la fraîcheur ultime du 1973, avec un dosage qui semble un rien plus important, tout en restant cependant bien équilibré et très long. Les dernières gouttes du verre, une fois chaudes, évoquent le caramel. Très bien, même si on sent le côté solaire du millésime.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1980 - ****(*) (dégorgé en 1999)
La robe est tout à fait semblable aux précédents. Le nez est mûr, finement brioché et floral, sans grande extravagance mais tout en subtilité. La bouche montre une bulle encore vive mais sans excès, conserve une belle fraîcheur dans un équilibre remarquable et sur une longueur qui ne l’est pas moins. Sans doute un peu moins facile d’accès que le 1976, mais avec plus de fond et d’élégance, j’aime beaucoup.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1983 - **** (dégorgé en ?)
Je ne parle plus de la robe, il n’y pas de différences majeures entre les différents millésimes dégustés. Le nez évoque les fruits à noyau, la pêche, le pain grillé et les épices. En bouche, la bulle est peu présente, accentuant sans doute l’impression de moindre tension par rapport aux 1980 et 1973, le milieu de bouche offre une belle minéralité, dans un équilibre sans doute un rien moins abouti mais cependant très beau, avec également une finale un poil moins longue tout en restant d’un très beau niveau.
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1988 – non noté (dégorgé en 2002)
Damned, c’est sévèrement bouchonné…
Dom Pérignon 1990 - ***
Il ne s’agit pas ici de la version Oenothèque, mais bien de la version classique, achetée en 1997. La robe semble un peu plus jeune, présente davantage de bulles. Le nez présente un fruité mûr, sur l’agrume confit, des notes grillés, avec un caramel brûlé qui s’imposera nettement au réchauffement. En bouche la bulle est bien présente, le dose semble généreux, offrant facilité d’accès et ampleur au vin, mais ne parvenant pas à masquer le manque de tension et de longueur, avec une finale qui semble même un peu chaude, voire légèrement pâteuse. Décevant…
Dom Pérignon Oenothèque Vintage 1992 - **(*) (dégorgé en 2004)
La robe est semblable à celle du 1990. Le nez, qui est sur les fruits jaunes, la mandarine et la brioche, me semble manquer d’élégance et de complexité. En bouche, le dosage me semble généreux (et même très généreux), donnant un vin facile, dans un style gros bébé joufflu, manquant singulièrement de finesse, et qui pour corser le tout possède une longueur moyenne. Bof…
Dom Pérignon Rosé 1996 - ****(*)
Pour en terminer avec Dom Perignon, nous avons droit à l’excellent rosé 1996, à la robe saumon, au nez élégant et frais évoquant la fraise bien mûre, la cerise confite, les agrumes et le nougat, avec une belle touche minérale. En bouche, la bulle est vive, le dosage semble moins appuyé, à moins qu’il soit mieux masqué par la très belle acidité du millésime, qui permet d’obtenir un équilibre remarquable jusque dans la longue finale. Très bien !
Au final, l’impression est duale, avec d’un côté des vins superbes voire grands dans les millésimes plus anciens, et des déceptions notables sur les millésimes plus récents. L’impression à la dégustation est celle d’une inflexion dans le style à partir de 1990, avec des vins plus dosés, de construction plus facile, mais avec moins de fond et de tension. Les chiffres avancés quant à la production actuelle, de l’ordre de 3 à 5 millions de bouteilles par millésime, s’ils sont exacts, rendent la chose compréhensible, mais pas acceptable pour autant, quand on connaît le prix de vente de ces cuvées. Et ce n’est pas la dégustation, en fin de soirée, de quelques autres bouteilles de grande qualité vendue à des prix bien moindres qui me fera changer d’opinion. Tant l'
Initiale de Selosse que le
Jacquesson 1996 extra brut (qui seront commentés dans leurs rubriques respectives) se sont montrés nettement supérieurs aux 1990 et 1992 de Dom Pérignon, ce qui ne manquera pas de m’orienter dans mes futurs achats en Champagne.
Luc