Bonsoir lecteur noctambule

J'étais venue demander des conseils sur les ponts aromatiques  et arrive l'occasion de vous faire un retour car l'animateur de notre club m'a proposé d'animer la séance de mars, et de décider du thème.

A l'inverse des ateliers et dégustations éclectiques relatés dans cette rubrique, notre club est construit sur un modèle très simple et donc différent qui correspond à une autre  manière d'aborder la découverte.
La cotisation est de 85€ par an, pour 8 séances et 2 repas.
Pour ces 2 derniers, les participants ne payent que la partie culinaire, les vins sont pris en charge par le club.
Pour les 8 séances, généralement nous ne goûtons que 4 ou 5 vins, avec des thèmes liés aux cépages, ou régions. Tout le travail de préparation est assuré par les membres du bureau, on paye juste les frais d'essence de l'animateur (il anime d'autres clubs en se rémunérant mais le notre est son tout premier et donc il l'anime gratuitement). Nous servons toujours les mêmes assiettes avec des toasts (de pâté, tapenade, parfois de brandade de morue, pate persillée), gruyère et saucisson.
Pour une partie des lecteurs et contributeurs de LPV cela peut n'avoir qu'un intérêt très limité, mais  je vois que sur les 43 adhérents, l'ambition est assez  simple et seule la découverte et le partage intéressent.
Il y a bien sûr des personnes ayant un budget vins plus important que d'autres, mais la majorité n'y accorde pas une grande part.

Je ne fréquente pas beaucoup d'amateurs confirmés, je pense être plus proche de mes comparses de club que de nombreux dégustateurs dont les écrits me  transportent vers des univers inconnus ; ce qui me différencie, c'est la lecture (de LPV principalement, des sujets annexes comme la tonnellerie, la conservation, la table...), et je les encourage à venir chercher des informations plus pointues que celles deVivino

Bref, j'avais des contraintes plutôt faciles à tenir: 4 vins, pas de cuisine sophistiquée, que du froid à préparer chez moi, pas de crachoir (je n'arrive pas à convaincre le bureau d'investir dans cet outil...),  et un budget hyper serré (8-9€ par participant).  
A force de porter en étendard ma gauchitude et d'agiter mon marteau, il était temps de mettre en adéquation mes paroles et mes actes... et je loue tout d'abord le travail des bénévoles de tous poils  (appelés aussi "personnes de bonne volonté" en ce temps pascal)  qui permettent de faire vivre les associations. 
Nous débutons la séance (1h30 environ),
C'est parti par un rappel du thème et de ses corollaires, les accords mets vins. Ou l'on découvre que même si les participants ont pour beaucoup plusieurs années de présence, les accords ne sont pas nécessairement recherchés.
Bien sûr le muscadet est évoqué avec les huîtres de pleine mer, le sancerre avec les fromages de chêvre, l'Irouleguy blanc avec le brebis, le banyuls avec un dessert au chocolat...
Heureusement quelques aventureux cuisiniers évoquent les liquoreux bordelais avec un poulet grillé, le cidre avec le camembert, mais ce n'est pas la foire d'empoigne...
Nous essayons de poser aussi quelques bases sur les cépages identifiables, l'impact de la vinification, celui de l'élevage et de la garde. 

Je ne suis pas certaine que le sujet transporte les adhérents, qu'importe, nous débutons la séance avec 2 vins rouges , et consigne est donnée de les goûter avec des toasts au pâté basque au piment d'Espelette, du boudin landais et du pavé au poivre
 Marcillac du Domaine du Cros, Le Sang del Pais 2022 .. et 2021 (erreur du caviste, j'aurais du vérifier) , vendu 8,90€, 100% Fer Servadou (ou mansois, ou Braucol,) 
IGP Collines Rhodaniennes du Domaine Barou, Cuvée des Vernes 2022, vendue 12,90€

Nous avons affaire à deux vins sur le fruit, qui ont en commun d'offrir des fruits noirs et rouges, du cassis, plutôt mûrs, des épices, du poivre, du végétal ou mentholé pour le mansois du Marcillac, un peu plus de volume et de léger boisé sur la syrah. La préférence du groupe va à la Cuvée des Vernes, on reproche une certaine austérité au Marcillac. 
Je n'ai pas retrouvé le côté sanguin/métallique recherché, mais le 2021 était moins gourmand et peut être s'en rapprochait plus,
Le pont n'était pas évident pour les participants, le pavé a pris le pas sur le vin (trop de poivre tue le poivre).

Pour la suite et ne pas gréver le budget, je me suis occupée de prendre du comté 24 mois (avec de la tyrosine bien présente) chez une copine fromagère, ai fait torréfier des noisettes et mis du curry dans l'assiette pour accompagner un vin du Jura.
Il restait de la foire aux vins chez Carrouf des exemplaires d'un vin peu commenté (mais je me suis calée sur les quelques avis lus) car pas forcément très qualitatif, d'une maison de négoce qui là encore, me permettait de ne pas exploser le budget :
  Côtes du Jura La Cote 39 de Marcel Cabellier, NM, assemblage de savagnin non ouillé et chardonnay (10,90€)
Immédiatement on a mis le pied dans un univers inconnu : ça sent la pomme, l'éther, l'alcool de la polycopieuse (c'est là que je prends conscience de mon age avancé car cela me parle complètement), la noix. 
Beaucoup de « c'est étrange » , « pas très bon »..
Puis en goûtant le comté, le curry, les noisette, l'évidence : le vin est transformé et ne dénature pas ce que l'on mange, le pont se fait (ou l'accord si vous préférez).
La preuve qu'un vin clivant trouve sa place avec un peu de pédagogie.
Ce fut une découverte pour beaucoup. Certains se demandent quand même que faire du reste des bouteilles (nous en avons ouvert 4 pour 33 personnes présentes). La volaille à la crème n'est pas si évidente, mais j'en ai rebu 3j après avec .. du comté chez une amie adhérente,

Nous terminons avec une tartelette avec de la mangue sur laquelle étaient posés des morceaux de clémentines mélangés à de la menthe (merci Oliv) et et du citron confit.
Toujours à l'aveugle, je sers une nouvelle curiosité pour nombre de dégustateurs :
Domaine Thanisch Erben (Wve Dr) Riesling Kabinett Bernkasteler Badstube 2016 (16€).
L'avantage de ce type de vin, c'est qu'il peut se boire seul et donc, de suite, le silence se fait, il y a des sourires.
Aussitôt fusent les adjectifs liés aux notes terpéniques (pétrole, essence) , aux agrumes, fuits blancs.
J'entends dire que c'est le vin idéal de fin de repas, il est frais, digeste, il rince la bouche, et l'acidité étire le sucre pour un équilibre convenu.
Ca plaît, ça me fait plaisir.
Mais avec la tartelette, l'accord est magnifique. 
Un pont d'école qui fait mouche et qui fait parler. On me demande où en trouver, le prix ne choque pas.
C'était ce qui était recherché

.La très grande majorité des membres a apprécié qu'on change un peu le déroulement d'une séance et sans avoir le bagage technique, c'est un thème qui a été assez facile à gérer.
J'ai encore beaucoup à apprendre mais ce fut un exercice très intéressant.

Ce résumé d'une séance a aussi pour but de montrer que le vin se découvre, se déguste, se partage sans nécessairement de grosses étiquettes et que le monde est assez vaste pour que se côtoient sans heurt, de nombreuses façons de conjuguer la passion du vin, avec de petits, de modestes ou plus conséquents budgets.

Merci d'avoir lu jusqu'en bas
Agnès, P.R.O.F (le pire est au programme)

Bonjour Agnès,
merci pour ton compte-rendu, toujours avec l'humour qui te caractérise et une modestie touchante.
Tu as de la chance d'avoir un club de 49 adhérents, qui, malgré des moyens modestes, permettent de proposer de telles soirées où la convivialité est le maître mot. Tu as raison de souligner l'importance des bénévoles au sein des associations.

Bravo pour ta sélection et le thème autour des ponts aromatiques / des accords.
Une alternative au Marcillac pourrait être un Fronton du domaine du Roc en face d'un IGP des collines Rhodaniennes (je note le domaine Barou à découvrir).

Ils ont bien de la chance à Bousilande
Amitiés