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Récit de voyage : Tokaj puis Burgenland autrichien

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Récit de voyage : Tokaj puis Burgenland autrichien a été créé par Ilroulegalet

Récit de voyage : Tokaj suivi du Burgenland autrichien.

Les vacances attendues avec impatience m'ont permis d'aller rendre visite à des amis en Hongrie où je n'avais pas mis les pieds depuis plus de dix ans. Si Budapest est une capitale macrocéphale, elle est également très densément construite et à l'instar de Paris, in fine tout se fait facilement à pied ; des bords du Danube jusqu'à l'Opéra en passant par le Parlement et le quartier juif, l'après-midi postérieure à mon atterrissage a permis d'explorer la ville et visiter le palais royal en pleine rénovation, le musée d'histoire ainsi que le Parlement. Quant à la soirée, l'ouverture nocturne des thermes de Rudas jusqu'à 4h de matin a constitué un souvenir mémorable !
La motivation primaire de ce voyage était de rendre visite à Aniko qui produit des vins dans la région de Tokaj où nous allions y passer le week-end.

Malheureusement peu de photos des verres ainsi que des vignobles sans trombines quelconques dont je tiens à préserver l'anonymat.
Jour 2 : Visite de Kikelet Pince puis Barta Pince.

Introduction
NB : les spécialistes tels que Jérôme peuvent me faire part de leurs corrections et précisions s'il s'avère que j'ai mal assimilé certaines informations.

Tokaj Tourisme.   Carte des "Dülo" de Tokaj.

Tokaj en réalité se réfère à deux éléments : la ville et la colline de Tokaj, montagne d'environ 500m à l'avant-front des montagnes Zemplen qui bordent le nord de la grande plaine hongroise. La ville de Tokaj n'est pas la principale communauté productrice de vin mais le lieu historique des transactions commerciales. Il y a actuellement environ 5000 ha de vignes en production et les deux principaux villages se trouvent légèrement en amont : Mád (où se situe le chai d'Anikó et serons basés) & Tállya. La région est en pleine mutation depuis la fin de l'ère communiste qui l'avait passablement essoré et dilapidé cette culture singulière. Le flux constant d'investissements initialement étrangers puis venant de Budapest a permis de regagner pas mal de terrain perdu ainsi que l'aspect plutôt cossu et propret du village. Il y a maintenant environ 400 producteurs dont 100 exportent. La concentration du vignoble n'est pas encore très forte avec Disznókö d'Axa Millésime semblant être le plus gros (+ de 100 ha sous gestion).

La parcellisation du vignoble est très ancienne et à l'instar de la Bourgogne, il est reconnu par la communauté locale de nombreuses nuances en fonction des provenances. Les crus portent le nom de "Dülo" et le lien se trouve supra. La région présente une très grande variété de sols à dominante volcanique ainsi que des conditions propices à la pourriture noble. Toutefois, les forces irrésistibles du marché poussent le vignoble à produire du vin sec qui représente maintenant plus de la moitié des vendanges ainsi que des bulles parce que le furmint montre de grandes qualités pour le style. A l'instar de la Champagne, 3 cépages sur 6 constituent l'essentiel des surfaces : Furmint (F, 60%), Harsevelü (HaV, 30%), Muscat jaune (6%).

La structure des gammes actuellement se compose comme suit : la strate "Birtok" (Propriété en hongrois) est la carte de visite, en général un vin sec (száraz) et un moelleux (Edés). Suivent les vins secs de terroirs, souvent des F et HaV en monocépage. La cuvée sec F&HaV est le plus souvent le sec porte-drapeau étant donné la complémentarité des cépages. 
Le coeur historique du terroir - les vins moelleux - sont composés de deux catégories historiques : les Szmamorodni - Sz -  (Edés ou parfois exceptionnellement száraz) puis les Aszu. Enfin, les Késői szüretelésű (littéralement Vendages Tardives, LH en abréviation afin de ne pas faire de confusion avec les VT alsaciennes) permet aux producteurs d'expérimenter d'autres styles et modes de production de vins liquoreux. Dans les faits, c'est très hétérogène mais visant également une haute qualité.
Pour terminer, une série de millésimes délicats (2020 en particulier) ont empêché la production de grandes quantités de moelleux et beaucoup de F fut vinifié en méthode traditionnelle (Pezsgő brut) et ont été très bien reçues par le marché. Par conséquent, les bulles deviennent un élément important des gammes.


Visite n°1 : Kikelet Pince (Stéphanie Berecz), Tarcal.
Française initialement venue travailler chez Disznókö (Axa Millésime), elle a fait souche dans le pays et gère maintenant 7 ha sur le flanc de la colline de Tokaj proprement dite. Sol à dominante de loess et encèpagement 50/50 Furmint & Harsevelu.
La communauté la tient en très haute estime (TOP 10 des 400 producteurs), utilise peu de vieux bois et fermentation en levure indigène, très vielle cave aux murs entièrement recouverts de « bonnes » moisissures noires formant presque un tapis de velours. Toutes les fiches techniques sont présentes sur le  webshop.


Vin 1 : Kikelet Pince - Furmint Tarczal 2022
12.5°. Le Furmint sec carte de visite du domaine. Nouveau nom pour le placer en niveau village (dans une perspective bourguignonne). 

Robe claire. Bouquet puissant d’arômes très « jaunes » et « oranges » associés à une texture croquante. Sous le palais, le vin est large avec beaucoup de puissance, sans gras quelconque et fermement mené par une acidité élevée jugulée par un extrait sec important.
Cela ressemble à un jurançon sec assemblé à de la GG de Moselle allemande.

Vin 2 : Kikelet Pince - Lónyai Hárslevelű 2021 (commentaire repris du fil domaine ici )
12,5°. Bue au domaine. 100% Hárslevelű issu de son terroir légèrement plus frais à Tarcal. Sol de loess, particulier pour la région. Cette parcelle est sujette à des attaques de "black rot" et par conséquent n'est pas en bio, étant donné l'absence de traitement vraiment efficace dixit Stéphanie. Jérôme a déjà décrit le domaine plus amplement en 2015, la surface gérée étant maintenant de 7ha.

A l'occasion d'une visite dans la région sous la géniale férule de mon amie Anikó (elle-même productrice à Mád), nous avons pu déguster à Kikelet Pince qui a été fondé il y a plus de 20 ans par Stéphanie Béreczs, ligérienne passée par Disznókö
et qui a fait souche dans la région. La communauté locale la tient en très haute estime (la bible critique locale la place dans le Top 5 des 400 producteurs ! de la région), notamment pour sa maîtrise du Hárslevelű qui constitue la moitié de l'encépagement.

La robe est très claire. Le bouquet est délicat, floral, subtil et fin, j'aime beaucoup. En bouche, le corps est moins large que les furmints secs, l'acidité et le gras légèrement moins importants. C'est le cépage des deux qui donne les vins les plus floraux et séduisants même si la matière est suffisamment importante pour passer à table. Finale qui combine le côté floral à une belle empreinte saline qui fait bien saliver.

Pourrait passer sur des salades gastronomiques de type Gargaillou de Bras à mon humble avis, sinon rechercher des condiments de style herbes aromatiques typées sans être surpuissantes comme du persil.

Vin 3 : Kikelet Pince - Vati Fehér 2020
12.5°. 72% Furmint, 28% HaV. Issu du terroir Vati, le plus chaud du domaine sur sol de loess.

La robe ne se distingue pas particulièrement de celle d'un chenin français par exemple. Très belle synthèse des qualités des deux cépages, le Harsevelu apportant sa délicatesse et sa finesse aromatique à la tonicité et la force du furmint. Très beau vin sec dans un style tendu (sectateur d’hermitages blancs ou de chardonnay gras, passez votre chemin ).

Vin 4 : Kikelet Pince Késői szüretelésű 2021
12.5°, 6g d’acidité & 104 g/L de SR. Les VT sont la catégorie la plus flexible pour créer des vins moelleux.

Robe capiteuse d’un bel or plein. Les arômes sont bien ceux du furmint secs avec une impression de maturité supérieure (apparition de gingembre confit notamment). L’acidité et la capacité à intégrer le sucre du furmint/terroir jouent à plein ici puisqu’il n’y a aucun aspect sucré qui pourrait écœurer intervenant ici. C’est très jouissif. On peut comparer ça à une drinking Auslese de Nahe (Felseneck Auslese de Schäefer-Fröhlich ou bien la Brücke Auslese de Dönnhoff). Vin 5 : Kikelet Pince - Késői szüretelésű 30 Nov. 2018
12,5°, 140g/L de SR & 6g d’acidité. Raisins peu mûres laissés sur pied après la vendange. Une forte gelée précoce à permis de les vinifier en vin de glace, si ce n’est que la période de vendange n’était pas autorisée pour le label.

Robe capiteuse un peu plus teinté de reflets cuivrés. Par rapport à la LH normale, l’équilibre est plus binaire : arômes très matures, un peu de miel d’évolution, cire d’abeille puis le sabre d’acidité coupe la matière sans bavure pour laisser place à une finale cristalline.

Vin 6 : Kikelet Pince - Szmamorodni Edés 2019
10,5°, 125g/L de SR. Catégorie obligeant d’inclure des grappes pleinement infectées par le botrytis suivi de 2 ans d’élevage sous bois.

Robe capiteuse claire et jeune. Très beau vin se rapprochant en terme d’équilibre avec les barsacs français, l’acidité finale étant peut-être encore un peu plus tranchante.

Vin 7 Kikelet Pince - Aszú 2017
9,5°, 184 g/L de SR. La catégorie Aszú nécessite d’avoir des raisins desséchés par le botrytis et surtout implique une macération des peaux des tels raisins avec du vin tranquille avant la presse. 55% Furmint, 45% Harsevelu.

La robe a une teinte spécifique qui se rapproche d'un vin orange, même si le bouquet est beaucoup plus affriolant. Cette fois-ci, on se rapproche des BA allemandes avec des arômes de surmaturité évidents, un côté rôti au nez perceptible et surtout une expérience tannique astringente qui donne un contrepoint jouissif au sucre. C’est un vin de méditation, que l’on ne peut boire tous les jours, c’est - indépendamment des goûts personnels - une expérience très sympa.

Vin 8 : Kikelet Pince - Aszú 2016
10°. 182 g/L & 11,5 g d’acidité. 93% de Furmint complété d’Harsevelu.

La robe ne se distingue en rien du vin précédent. C'est pourtant une réussite exceptionnelle que ce vin dont les arômes sont déjà sublimés. En effet, on a quitté le monde d’arômes compotés, surmaturisés, lascifs car la palette aromatique en bouche s’aventure sur le tabac blond, la truffe, la boutargue. L'impression de sucre est inexistante et la puissance du vin, la texture, la complexité et sa poigne en font un parfait vin de méditation mais ce serait avant tout pour moi un très grand vin de gastronomie pour les produits les plus nobles. 
Il m’a surgi intuitivement comme une évidence à l’esprit que ce vin serait le compagnon parfait pour un ris de veau légèrement crémé à la truffe blanche d’Alba. Un immense vin digne de trôner sur la table de Babette. N'ayant pas si souvent recours à l'hyperbole, ce vin s'avérera in fine probablement le plus marquant du séjour.

Vin 9 : Kikelet Pince - Pezsgő brut 2020
12°. Méthode traditionnelle à 68% HaV, 32% F.

Robe très claire, cordon vif et persistant. Bouquet dominé par le HaV avec des fleurs (j'y ai trouvé régulièrement de la lavande ce jour-là), pomme croquante, citron/lemon curd. En bouche, la structure du Furmint apporte l'énergie et la densité qui supportent la bulle et cadrent l'acidité accompagné par les discrets arômes d'autolyse offrant la complexité dont ne peuvent se targuer les méthodes Charmat. Ce n'est évidemment pas du champagne, c'est tout à fait rafraîchissant, joyeux et festif.

A suivre...

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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25 Mar 2024 17:45 #1
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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : Visite de Barta Pince & restaurants

Déjeuner : BOBAJKA , Tarcal

Si la fille de Viktor Orban (Rahel) & moi avions tous les deux faits Polytechnique, nous nous donnerions du "camarade" ; il se trouve que nous sommes passés par la même école d'hospitalité en Suisse et qu'elle a créé un empire hôtelier dans le pays avec le  BDPST Group .  Les médias d'opposition ont beaucoup de grains à moudre à ce sujet, comme par exemple témoigne cet  article  à propos de diverses transactions dont des rachats de vignes de Tokaj. Toutefois, si les soupçons de capitalisme de connivence sont fondés, Aniko et moi ne pouvons contester une réelle compétence dans les prestations offertes par les actifs du groupe. 

A un coup de fronde de Kikelet Pince se trouve  Andrassy  de la fille Orban qui est l'hôtel de référence de la région avec celui de Grof Degenfeld. BOBAJKA est le restaurant, aménagé splendidement dans la cave (photos sur le site officiel). Comme souvent en Hongrie, les menus affichent les suggestions d'accords avec chaque mets. 

Aniko opte pour le goulash en entrée qui contrairement à nos croyances n'est pas une daube mais une soupe légère en Hongrie. L'être confiant que je suis prend un "Maro" à la moelle et oignon mariné. Le Maro étant un pain hongrois. La portion est un peu roborative mais c'est très bon (je m'attendais à avoir une taille d'entrée et c'est sans problème un plat).
 

Pour le plat, poisson-chat au paprika, aneth accompagné de pâtes au cottage cheese d'un côté (le poisson-chat est un poisson noble en Europe Centrale).

Un excellent magret de canard (la tradition du foie gras n'est pas une exclusivité française) avec ses poires rôties, purée de carottes et petites carottes rôties de l'autre.
 

A noter l'excellente qualité de la boulangerie dans tous les restaurants avec des mies à la fois denses et aérienne ainsi que des croûtes croquantes et savoureuses.
 
 
Visite N°2 : Barta Pince, Mád
Informations diverses :  Importateur américain Importateur anglais .
 

Fondée en 2003 par Karoly Barta, homme d'affaire ayant connu un grand succès à Budapest, la cave Barta se place au sommet de la hiérarchie en terme d'ambition, d'investissements et d'énergie. C'est effectivement un projet global incluant maison d'hôte, vin, réhabilitation de terroirs ainsi qu'une énergie marketing impressionnante. Il n'est pas incongru de faire quelques parallèles avec Roman Niedwoniczanski de Van Volxem en Sarre.
Le vin est issu du Öreg Kiraly, sorte de Geisberg de Bockstein ou de Lambertkirsch de Peter Lauer ; c'est un dülö en très forte pente dominant Mád laissé à l'abandon à l'ère communiste. Défriché, les terrasses entièrement reconstruites, le premier millésime date de 2007. Le terroir de Kövago a bénéficié des mêmes attention pour une entrée en production en 2017. Il y a maintenant environ 20 ha en production.
Le chai quant à lui se trouve au coeur de Mád dans le manoir Rákóczi-Aspremont entièrement rénové, monument historique du nom de la plus grande famille noble de la région qui mena d'ailleurs quelques révoltes.


La dégustation fut menée par le sommelier d'une très grande franchise autour de la grande table. Celui-ci avec sa moustache frisante et sa couleur poivre et sel, une certaine rondeur d'attitude m'a rappelé le charisme singulier de feu Christophe de Margerie, le président de Total décédé en 2014 dans un accident d'avion. Toutes les fiches techniques des vins se trouvent sur le site internet du producteur.

Malheureusement pas de photos des verres ni des lieux que je puisse poster.

Vin n°1 : Barta Pince - Öreg Kiraly dülö Furmint 2013
13°. 8,1g de SR pour une acidité à... 8,2g ! En effet, le furmint est analytiquement exceptionnel et conserve un degré d'acidité encore supérieur à celui d'un riesling mosellan sur ces terroirs. De facto, les vins secs conservent systématiquement plus de 5g de SR pour l'équilibre gustatif. A 1g de SR, le vin serait plus tranchant que le sabre de Shinobi.

Robe très claire et transparente marquant quasiment aucune évolution, vin très fluide. Bouquet de furmint mélangeant poire et pomme croquante avec de la mandarine, clémentine et de l'orange portées vers l'acidité. Sous le palais, le vin présente une certaine largeur à l'attaque que l'acidité élevée "électrocute" en faisant crépiter le bout de la langue puis dérouler une trame acide (sans être aigre) évoquant une impression de caillou. Clairement pour les amateurs de tension, et probablement à mettre à table pour la plupart des palais.
Droit au but, le sommelier nous dit que le vin a une grande variabilité dans les bouteilles, qu'il "tabasse"  et que c'est bien pour ça qu'il y a en toujours à la vente . En effet, 2013 fut une année très difficile à la vigne qui donna une acidité particulièrement élevée dans les raisins avec des rendements très faibles en raison de la sélection nécessaire. A noter qu'avec l'accélération du réchauffement climatique des 5 dernières années patent en Europe, ces vins sont réévalués à l'aune de la nostalgie.

Vin n°2 : Barta Pince - Öreg Kiraly dülö Furmint 2022
12,7°. 7,8 g de SR pour 7,8g d'acidité. Sol à base de tuf et de rhyolite sur terrasses.

Robe or presque transparente. Le bouquet ne laisse guères de doute sur le furmint avec toujours ces arômes de fruits maliques (pommes, poire) et son cortège d'agrumes et autres membres de la famille des fruits orange à forte acidité (clémentine, mandarine etc...). Par rapport au 2013, la texture présente un toucher un peu plus crémeux qui sollicite moins l'émail des dents. C'est atypique pour les palais français et absolument pas écœurant, le danger venant plutôt de la sensibilité des dents ! Le vin est plus abordable que le 2013 et le sommelier nous confirme que la qualité des bouchons et la régularité des vins est bien meilleure avec le gain d'expérience et les changements apportés au chai par Vivien Újvári qui est arrivée en 2016 comme maître de chai.

Vin n°3 : Barta Pince - KVG Furmint-Harslevelü 2022
12,6°. 7,8 g/L de SR pour 8g d'acidité. 75% F, 25% HaV en provenance du Kővágó, le nouveau terroir replanté en 2017. Kővágó signifie "tailleur de pierre" et reflète l'âpreté du sol. La moitié du vin a été élevé durant 5 mois en barrique française, le reste en cuve. Porte-flambeau de la gamme en sec.

Robe transparente et moins dorée avec même quelques reflets argentés. Si le bouquet est dominé par le furmint, les arômes floraux et délicats du HaV se manifestent également et apportent une touche bienvenue de complexité plus raffinée. En bouche, la complémentarité des cépages est évidente même si la construction du vin reflète la composition du vin, i.e : on reste sur la force et la nervosité du furmint avec une profondeur qui est notable. L'élevage n'est pas trop perceptible (mais je ne suis pas le plus sensible au bois) aromatiquement même si la texture présente une jolie rondeur qui n'amortit en rien l'impact du furmint. 
La cuvée est amenée à présenter plus de profondeur dans le futur à mesure que les vignes pourront atteindre les poches d'eau dans le sous-sol dixit le sommelier. En tout cas, après Kikelet, je ne peux qu'être accord sur la complémentarité du Furmint et du HaV en secs pour créer les meilleurs vins. 

Vin n°4 : Barta Pince - Öreg Kiraly dülö kései szüretelésu Furmint 2018
11,5°. 105g/L pour 6,8g/L d'acidité. Raisins passerillés fermentées en cuves inox, puis 6 mois d'élevage en chêne hongrois neuf et anciens. On peut noter que l'acidité des liquoreux est plus basse que celle des secs en Tokaj, contre-intuitif n'est-ce pas ?

Robe couleur paille et nettement plus capiteuse effectivement. L'augmentation de la maturité est perceptible dans le bouquet où prennent place des arômes nettement plus mûrs et synesthésiquement, la texture des fruits porteurs de tels arômes serait beaucoup plus fondante ; abricot, papaye, mangue mûrs. En bouche, c'est relativement large et gourmand sur une texture crémeuse mais la solide acidité mûre redresse l'ensemble pour dérouler une longue finale beaucoup plus hédoniste que les vins secs. C'est super bon tout en restant digeste.

Vin n°5 : Barta Pince - Öreg Kiraly dülö Szmamorodni 2018
12,3°. 112,6g de SR pour 6,8g d'acidité. Nette majorité de raisin passerillés plutôt que botrytisés en raison du millésime. 2h de macération avant presse et fermentation 50/50 en cuve et barriques. Elevage de 14 moins en bois neufs majoritairement hongrois complété de français.

La robe a une couleur un peu plus affirmée que le LH. Beaucoup de fruits très mûrs sans trace de rôti particuliers de botrytis. En bouche, si les arômes sont équivalents à la LH, le toucher et la texture diffèrent de façon antithétique : en effet, l'élevage a arrondit les angles, donnant un toucher agréablement soyeux au vin tandis que la macération pré-fermentaire semble avoir donné quelques tannins qui se manifestent surtout en finale où on sent une petite astringence stimulante qui accompagne l'acidité. La deuxième partie de bouche justifie pour moi une qualité supérieure dans l'absolu mais nécessite une éducation au vin pour être pleinement appréciée.

Vin n°6 : Barta Pince - Öreg Kiraly dülö Aszu 6 puttonyos 2019
11,7°. 231 g/L de SR pour 7,4g d'acidité. Sélection pour l'immense partie de raisin pourris desséchés macérés durant 18h dans du moûts de Furmint avant presse et fermentation en barrique de chêne hongrois. Suivi de 24 mois d'élevage en barriques de chêne hongrois et français.

Notre sommelier ne tourne pas autour du pot et trouve que le vin flirte avec l'excès de sucre, d'un équilibre un peu précaire. Ce n'est pas faux  .  Robe tirant nettement plus vers l'orange avec des reflets cuivrés que les vins précédents. Le bouquet de fruits mûrs, confits est exubérant et lascifs, heureusement contrebalancé par l'aspect fumé que l'on retrouve régulièrement sur les vins à botrytis. En bouche, la ligne de crête ne parvient pas toujours lors du déroulé à émerger par-dessus la nappe de sucre qui associé à l'apport de l'élevage donne une texture un peu trop ronde. La finale est quand même bien redressée par l'astringence des tanins plus que les amers que l'on retrouverait en Sauternes.

Vin n°7 : Barta Pince - Furmint Pezgo 2019
11°. 4g de SR pour 8,3g d'acidité. 100% Furmint avec 3,5 ans de repos de latte pour cette méthode traditionnelle.

En bonus, une petite bulle pour rincer le vin précédent. Robe légèrement évoluée d'un bel or paille. Cordon de bulles fines. Bouquet frais et allègre de pommes, abricot et mandarines avec un peu de brioche sortie fraîchement du four. Plaisante expérience en bouche, dans le style d'un 100% Meunier de la nouvelle vague champenoise : vineux, avec du foin, un peu d'autolyse et une belle ligne saline donnant une belle fraîcheur.

En conclusion, une très chouette dégustation avec une excellente expérience d'hospitalité par le sommelier. On sent la progression et les expérimentations à travers les vins dégustés. Les tarifs pratiqués sont les plus élevés de la zone, et à mettre en rapport avec le travail colossal réalisé dans les vignes. Toutefois, - et c'est mon avis impitoyable de consommateur subjectif - j'ai préféré les vins de Kikelet Pince dans l'ensemble qui bénéficie d'un retex de 15 années supplémentaire (sans oublier la continuité d'exploitation de ses vignes versus la résurrection ex-nihilo d'un vignoble). Et à titre personnel, cela confirme que je préfère le HaV en sec, que le Furmint brille en Méthode Traditionnelle ainsi que les LH et Sz correspondent mieux aux impératifs de l'époque pour les liquoreux.

Il est 17h passé, ce qui est tard en Hongrie située à 1800 km à l'est de Paris dans le même fuseau horaire et signifie un décalage circadien de 2h. Aniko a réservé un restaurant qui cartonne dans un coin paumé équivalent à la Thiérache de Florence Aubenas  dans son bouquin "En France" où nous nous rendons avec Kata Zsirai du producteur éponyme (CR à venir).
Anyukam Mondta
anyukammondta.hu/en/
C3860 Encs, Petőfi út 57.
GPS: 48.332962, 21.11561
 

Créé en 2012 par deux frères ayant roulé leurs bosses dans la gastronomie en Italie et en Amérique, ils ont respecté le commandement maternel (le nom du restaurant signifie littéralement : "Maman me l'a dit") et donner une raison pour venir de loin à Encs, ville de 6000 habitants en Hongrie Septentrionale accablée par l'émigration et la pauvreté dixit mes amies. A leur image et dans la veine d'un Dirk Niepoort vibrionnant, le restaurant possède un magnifique four à bois et une solide base italienne mais propose également d'autres mets excellemment exécutés ainsi qu'une carte des vins d'un éclectisme impressionnant comprenant quelques mythes contemporains français (Haut-Brion 1961 ou des 1 GCC 1892 à foison, sans oublier les DRC bien déclinés). C'est un Bib Gourmand Michelin pour information.

Pas de photos à partager malheureusement mais je me suis régalé d'abats tandis que mes voisines ont pris des pizzas et une forêt-noire en dessert. 

A suivre...

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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26 Mar 2024 10:46 #2
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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : Jour 3 - Zsirai Pincészet

Une bonne nuit réparatrice achevée dès 5h par le chant des rossignols, un programme chargé nous attend avec notamment dégustation sur fûts, visite des vignes et bombance au restaurant.

La journée commence par un passage éclair chez Holdvögly , solide producteur local bien distribué de part le monde et qui possède les caves les plus vastes de la région. Fondé en 2004 pour une première mise sur le marché des vins en 2011, l'histoire du domaine est classique : un investissement d'un homme d'affaire prospère de Budapest (en l'occurrence, un cadeau de sa femme pour ses 50 ans afin de répondre à sa madeleine de Proust). 27 ha sous gestion exclusivement parmi les terroirs de Mad.

Splendide caveau de dégustation, magnifiques installations de vinifications et caves bien mises en valeur (il y a même des sculptures d'art contemporain dedans), la visite se fait avec la cuvée suivante à la main :

Holdvögly Pince - Signature 2010
11°.  Fiche technique . Légalement une LH, en pratique c'est un assemblage technologique de 50% de Furmint sec, 35% Szamorodni, 10% Aszu et 5% d'Essenzsia. Fermentation en cuve, 24 mois d'élevage en barrique. 154 g/L de SR pour 9,5g d'acidité. 

Robe paille, légèrement capiteuse. Nez plutôt dominé par le furmint sec avec pas mal de mandarine et de pomme verte. En bouche, les arômes et la textures se rapprochent plus d'un vin liquoreux à haut degré d'alcool potentiel avec de la papaye, de la pêche, de l'orange très mûre, voire même de l'abricot desséché. Le déroulé monte d'ailleurs en intensité de sucre et de fruit accompagné par une astringence qui l'équilibre fort bien. En ce sens, on perçoit très bien la conception de ce vin.

Du point de vue oenotouristique, l'expérience est excellente, la qualité des vins au-dessus de tout soupçon et hautement recommandable pour tout touriste outsider. Par ailleurs, on pourra noter la transparence quant aux taux de soufre (libre/totaux, mon vin était à 31/249 mg/L) qui pourrait se faire dresser les cheveux des sommeliers parisiens  . Les vins peuvent se trouver à la Grande Epicerie (la grande surface favorite de Blog :) ) notamment.

Via Aniko, je ne suis pas tout à fait outsider et nous allons plutôt faire une visite approfondie de la gamme de Kata Zsirai, amie d'Aniko que j'avais déjà rencontré à Wine Paris auparavant.
ZSIRAI PINCESZET
 
Mád, Batthyány u. 71, 3909 Hongrie
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
zsiraiwinery.com/


Fondée en 2005 par Csaba Zsirai, prospère entrepreneur de Budapest avec un amour des vignes, Zsirai gère une vingtaine d'hectare dans 3 différentes régions du pays. Le coeur du réacteur est bien évidemment le Tokaj avec des vignes à Villany et à Somlo. Malheureusement, Csaba est prématurément disparu dans ses vignes des suites d'une piqûre d'insecte en 2011 et ce sont ses filles Petra et Kata qui ont pris la suite avec leur maman. Kata s'occupe tout particulièrement de l'œnologie et a été nommé espoir de l'année en oenologie 2018. Le style du domaine est l'utilisation du vieux bois et peu-interventionniste.  Petit article de Decanter.

Nous goûtons sur fût tous les vins de 2023 vinifiés par terroir, c'est une première pour moi et c'est très sympa. La cave, ancienne est conformément à la tradition couverte de moisissures indigènes qui vivent de façon symbiotiques avec l'alcool. Tous les vignerons m'ont expliqué que cela faisait "partie" du terroir et qu'il était impossible de s'en débarrasser, qu'elles revenaient toujours dès que les vins étaient mis dans les fûts et qu'il y avait des vapeurs d'alcool. Bien sûr, certaines souches sont meilleures que d'autres mais tant qu'elles sont noires ou légèrement blanches, elles sont un bon indicateur de la qualité de fermentation ainsi que de la cave.  En tout cas, elles n'émettent pas de mauvaise odeurs, ni ne provoquent d'intolérance ou d'irritations. Quant au toucher, elles ressemblent à de la mousse ou du lichen, ce n'est par conséquent pas particulièrement stressant.

Retour à la table de dégustation pour goûter une bonne partie de la gamme.

Vin n°1 : Zsirai Pincészet - Birtok Sharazh Fehérbor 2019
13°. Assemblage de Furmint et HaV des divers dülö avec élevage en vieux bois.  Fiche du domaine.

Robe transparente et fluide. Bouquet pas trop exubérant de furmint avec quelques effluves plus floraux. En bouche, c'est assez apaisé et accessible avec l'acidité du furmint pas trop assertive. On peut percevoir les principales caractéristiques des secs de la région : arômes "jaunes", acidité élevée avec une certaine largeur sans nier une certaine élégance.

Vin n°2 : Zsira Pincészet - Szent Tamas Furmint 2019
13°. Szent Tamas (Saint-Thomas en français) est le dülö favori des habitants du village avec le plus d'altitude et bien venté, cela permet une longue saison végétative et un excellent potentiel pour les secs. Elevage de 9 mois en chêne hongrois.  Fiche du domaine.  Ce tout récent  article  dégoté par Oliv fait référence au 2018.

Robe or paille et fluide. Bouquet discret, un peu fermé pour le moment laissant échapper de la clémentine. En bouche, cela ressemble au Lonayi Furmint de Kikelet avec peut-être  encore plus de tension en coeur de bouche. C'est fort !

Vin n°3 : Zsirai Pincészet - Szent Tamas Harslevelu 2019
13°. Même terroir et même élevage que le vin précédent mais avec de l'HaV.

Robe plus transparente que le 100% Furmint. Le bouquet est pour le coup nettement plus ouvert et expressif : lemon curd, lavande, fleurs, une touche "Grünhaus" également qui hédoniquement évoquerait les cerisiers en fleurs sur une musique extradiégétique à base de baguettes de bambou frappées sur un gong de céramique. Bref, j'aime le HaV vinifié en sec.

Vin n°4 : Zsirai Pincészet - Középhegy Furmint 2021
13°. "Montagne du milieu", le  Középhegy  est le dülö fétiche de Kata. Parcelle exposée et au sol très fin, son climat est plus tardif. Plusieurs expériences sont menées au niveau du matériel végétal afin d'améliorer encore les vins issus de ce terroir. 

Robe or paille. Bouquet plus ouvert que le Furmint du Szent Tamas avec de la poire croquante plus présente dans le volant aromatique et même un peu de figue (plus sur la texture en fait). Sous le palais, on est plus sur un vin de structure, encore renforcé par l'effet millésime (2021 ayant été également moins ensoleillé comme en France) avec une impression cristalline très forte. Paradoxalement, il y a suffisamment de gras pour que ce ne soit pas coupant. 

Vin n°5 : Zsirai Pincészet - Középhegy Furmint 2022
13°. Millésime nettement plus chaud et sec. Pas de blocage de maturité significatifs même si l'acidité est légèrement inférieure.

La comparaison est riche d'enseignement au bouquet et pour la bouche, les robes étant égales. Au nez, la "couleur" est un peu plus lumineuse avec même un peu de raisin frais. En bouche, la texture est un peu plus arrondie avec l'acidité un peu plus disciplinée. Cela semble plus prêt à boire et d'ailleurs la mise sur le marché de ce millésime est prévue avant le 2021. Dernier défi : trouver une nouvelle étiquette qui plaise et soit représentative du domaine ; pour l'instant Kata n'est pas encore satisfaite.

Vin n°6 : Zsirai Pincészet - Bétsek Furmint 2021
13°. Dülö situé sous le Kiraly de Barta, extrêmement rocailleux avec une veine de fer.

Robe que j'ai trouvé plus teintée que les autres vins de Dülö. Bouquet très expressif et plutôt plus mature de Furmint : pêche, clémentine et oranges. L'attaque en bouche commence assez large avant que l'acidité nucléaire du cépage n'entre en action et rince le tout avec beaucoup de poigne. Vin de grand caractère, une vraie grenade !

Vin n°7 : Zsirai Pincészet - Nyulaszo Harslevelu 2021
13°. Dülö au sol nettement plus argileux et riches en minéraux situé à la sortie du village. Fait référence à la chasse au lièvre, ancienne activité des nobles à l'époque. Les lièvres sont toujours là avec leurs grandes oreilles et sont encore plus bondissants qu'avant (j'en ai aperçu quelques uns dans les vignobles)..

Dans le jeu des nuances par-delà les différences liées au cépages déjà maintes fois expliquées au cours des derniers messages, je dirais que c'est le cru le plus élégant en terme de structure avec l'impression la plus élancée.

Vin n°8 : Zsirai Pincészet - Szmamorodni 2019
11°. 

Ce Szmamorodni présente un bouquet plus fin et aromatique grâce à une relativement forte proportion de HaV. Rapport SR/acidité très bon avec un beau volume et une excellente sapidité : passé l'attaque gourmande, l'acidité cristalline rince le tout en surfant sur la floralité du HaV. Malgré les paramètres analytiques sans commune mesure avec les grands hermitages blancs que j'ai pû goûter, je trouve ça bien plus sphérique que par exemple le Méal Blanc 1998 de Chapoutier bue au mois de janvier à Vinapogée.

Vin n°9 : Zsirai Pincészet - Aszu 2019
9°. Cet aszu a connu une longue macération avant fermentation et présentation beaucoup d'extrait sec et de "coffre". La fermentation fut plutôt lente dixit Kata.

Robe flirtant avec celle d'un vin orange avec plus de profondeur tout de même. Rôti de botrytis perceptible, pas la moindre once de caramel mais un bouquet de fruits à noyau très mûrs mais sans compotage : au contraire, ça pulse ! En bouche, les marqueurs de l'aszu sont là : sucre intégré et largeur fruitée à l'attaque puis rinçage par l'acidité et l'astringence à l'unisson avec une énorme force, furmint oblige. C'est exceptionnel en soi mais pas un vin du quotidien pour autant  .

En conclusion, une vaste gamme qui met en exergue les différences entre terroirs. Si celles-ci existent indéniablement, cela se manifeste beaucoup plus par la structure en bouche que par l'aromatique et demeure de l'ordre de la nuance. Outre mesure, la gamme m'a semblé bien construite avec une nette démarcation entre Sz et Aszu. Superbe activité que de goûter sur fût et quelle générosité de la part de Kata que je remercie vivement ! Les vins peuvent se trouver en Belgique (c'est bon signe n'est-ce pas ?) et au Canada.

 

A suivre...

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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28 Mar 2024 16:25 #3
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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : TR Borászat & visite des vignes

TR (Tallyá - Tokaj) 

3909 Mád, Táncsics u. 33
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+ 36 70 581 0180


Après la dégustation chez Katá est enfin venu le temps de faire un tour dans les vignes d'Aniko qui possède 3,5 ha en production, la majeure partie à Tallyá sur le dulö de Palota. Comme on le voit sur les photos (note à Oliv ou Denaire : comment faire le montage en 3 svp ?, la taille des images est un peu grande - merci -), c'est un coteau concave qui monte rudement (plus de 30° en haut) avec un sol assez rocailleux. Ces roches sont friables et de couleur rouge et brune avec une grande complexité géologique. Le bas de Palota sert pour le Birtok, le coteau entre dans la grande cuvée de vin sec du domaine dénommée "Palota" évidemment. En 2022, une parcelle à Mád au Szent Tamás a été rachetée et est en cours de replantation. La certification bio a été obtenue en 2020.
Vue du haut de Palota ("Palota" puis "Birtok")
   
Détail des roches de "Palota"
 
Panorama de Szent Tamás à Mád
 
Parcelle de Szent Tamás de TR en friche à Mád
 

*****************************************************

Dîner accompagné de la gamme de TR 


Le soir venu (dès 18h donc), le repas sera accompagné des vins d'Aniko en compagnie de Katá et de son compagnon Attilá lui aussi vigneron.
Vin n°1 : TR Muvek - "It's a must" Furmint 2022
Moût de Furmint issu de Palota "Birtok".  Fiche technique . Raisins récoltés sur une base de 10° potentiel. Pour adresser le secteur du sans-alcool et celui de la mixologie. Flash pasteurisation pour la conservation.

Robe plus trouble et colorée qu'un jus de raisin classique. Le nez n'est pas particulièrement aromatique et cela n'a pas d'importance. En bouche, c'est sucré - plus qu'un soda - mais avec plus de personnalité et de complexité qu'un pur jus de raisin. On reconnaît bien les précurseurs du Furmint sec même s'il n'y a ni la structure ni la largeur de la palette d'arôme du moût fermenté. En revanche, coupé avec de l'eau ou aromatisé avec d'autres adjuvant, cela offre beaucoup de potentiel et de rafraîchissement pour l'été.

Vin n°2 : TR Muvek - "It's a must" Harslevelu 2022
Moût de Harsevelu issu de Palota "Birtok". Même principe que le Furmint
La comparaison permet de constater que les précurseurs du HaV fermenté sont là même si le constraste n'est pas aussi net qu'entre les vins fermentés. 

En conclusion, un exercise de style intéressant. Selon moi, à consommer impérativement soit coupé ou en préparation en raison du taux de sucre qui est important (supérieur à celui des sodas et sans bulles).

Vin n°3 : TR Muvek - Birtok dry 2019
14°.  Fiche technique . 80% Furmint, 20% Harslevelu issu de la partie plane de Palota. 2g de SR pour 6,2g d'acidité. 70% d'élevage en cuve et 30% en vieux bois issu des montagnes de Zemplen, le massif voisin.

Robe claire, à peine colorée paille. Nez avenant de pomme, poire et amande. Reprise du bouquet en bouche avec une jolie acidité suffisante pour trancher sans radicalité ni fureur la matière. On se rapproche plus de normes alsacienne que mosellanes en terme de tension ; donc pour moi c'est "doux" ! 2019 a été très beau millésime avec des équilibres très bon qui ont offert pas mal de volume et de qualité.

Vin n°4 : TR Muvek - Birtok dry 2018

Le 2018 présente un début d'évolution à la robe plus teintée. Le nez développe un léger pétrole (qui est le marqueur de TR d'après Kata) ainsi qu'un peu de miel en supplément, toujours signe d'évolution. L'acidité, en dépit de la chaleur du millésime se distingue bien et tonifie bien le vin en deuxième partie. L'évolution lui a fait gagner un peu en volume et l'oriente plus vers la table que sont aîné. 2018 intègre les raisins du haut du coteau pour info.

vin n°5 : TR Muvek - "Palota" 2022
13,5°. C'est la grande cuvée sèche du domaine et n'intégrant que les meilleurs raisins du coteau de Palota. 2022 a été également en Hongrie très chaud et sec qui a affecté les rendements mais sans blocage problématique de maturité dixit Aniko. 9 mois d'élevage en vieux bois des Zemplen.

La robe est colorée. Le bouquet plus complexe et assertif avec des terpènes qui se distinguent facilement ; sinon pommes, poires, ananas frais se distinguent. Sous le palais, il y à la fois de la maturité d'arômes, de l'acidité, une impression saline ainsi qu'une matière plus arrondi et crémeuse. C'est une sorte de croisement entre un riesling mosellan pour l'acidité vive et la finale saline ainsi qu'un petit manseng du sud-ouest pour la couleur d'arômes de fruits exotiques non-compotés mais gorgés de soleil. Le tout est accompagné d'une matière enrobante sans être grasse, un picotement stimulant sur la langue et l'on obtient un excellent vin de gastronomie pour gibier à plumes ou cuisine braisée légèrement sucré-salée. D'ailleurs c'est avec son 2020 que j'avais réussi un accord d'anthologie sur une marmite de sanglier quand Aniko était venue à Paris !

Vin n°6 : TR Muvek - Edés 2022
12°. 76g de SR pour 6g d'acidité. LH de la gamme avec des baies passerillées sans botrytis. 8 mois d'élevage en vieux tonneaux hongrois de 300 litres.

Robe colorée et capiteuse dénotant la montée en alcool potentiel du vin. Sinon c'est le susucre de la modernité qui met l'emphase sur la sphéricité et la sapidité : cela se boit comme un excellent vin qui pète le fruit  expressif. Le sucre est bien intégré et totalement au service des arômes d'agrumes et de fruits tropicaux bien mûrs.

Vin n°7 : TR Muvek - Szamorodni SEC 2020
15,5°. Eh oui, une édition spéciale ! 2020 a été très délicat au niveau du botrytis et la décision a été prise de pousser la fermentation au bout étant donné la tête des raisins. Cette cuvée a été bien reçue lors du Furmint February à Londres dixit Aniko. Elevage de 18 mois en vieux bois.

Robe teintée et "fluidement" capiteuse peut l'être un C9P. Bouquet étonnant d'arômes oxydatif, de rôti et de fruits confits. En bouche, c'est volumineux, large, puissant avec des notes fumées et rôties intenses, un peu de sotolon (plus léger qu'un jura tradition quand même) qui cachent un cœur explosif de fruits à noyau confits. L'alcool finalement se sent très peu car le vin a énormément à dire. Un vin de gastronomie à servir sur la confiance du sommelier parce que c'est compliqué à expliquer et à décrire de façon flatteuse pour des outsiders.

Vin n°8 : TR Muvek - Szamorodni 2017
11°. 143g/L de SR pour 7,5g d'acidité. 90% Furmint, 10% HaV, 18 mois d'élevage en vieux bois hongrois. Macération pré-fermentation de 48h, qui est longue pour un Sz.

On est plus proche d'un Aszu junior sur celui-ci avec moins de volume global mais une construction de bouche similaire. Par conséquent, les arômes sont un peu plus frais, la persistance un peu moins saisissante et ça rends le tout plus digeste.

Vin n°9 : TR Muvek - Szamorodni 2019
11°.

Le 2019 m'a semblé un peu plus vif que le 2017 et ceci s'explique par l'effet millésime dixit Aniko (j'ai perdu ma prise de note pour ce vin :( ).   

Vin n°10 : TR Muvek - Aszu 2017
9,5°. 160g/L de SR pour 6,5 g d'acidité. En pratique, c'est une base similaire au SZ avec une vinification différente : le degré a été un peu moins poussé, la macération plus longue et l'élevage rallongé à 24 mois. Analytiquement, il y a un peu plus de sucre, moins d'acidité mais plus de tannins.

La robe est peu plus orangée et plus fluide que le Sz. Le bouquet est similaire avec peut-être un peu de pétrole supplémentaire. En bouche, l'astringence de la finale se fait plus remarquer pour cadrer le sucre et la rondeur de texture apportée par l'élevage supplémentaire.

Il est toujours difficile de rédiger un avis sur la production de personnes avec qui nous partageons des liens très forts. Le Sz sec était en tout cas très surprenant et différenciant tandis que son Palota sec a une vraie idiosyncrasie ainsi que des qualités gastronomiques indéniables. 

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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31 Mar 2024 10:25 #4

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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : Eisenstadt, Burgenland en Autriche

Jour 3 : Eisenstadt, Burgenland en Autriche
Eisenstadt , littéralement "la ville du fer" ( office de tourisme ) est la capitale du Land autrichien Burgenland, qui est le petit poucet à presque tout égards (démographique, économique) autrichien. La particularité de ce territoire est d'avoir bénéficié du droit à l'autodétermination selon le principe des 14 points de Wilson à l'issue de la 1ère guerre mondiale. Ainsi, ce territoire originellement partie du royaume de Hongrie mais dont les campagnes étaient germanophones put rejoindre l'Autriche tandis que la capitale régionale (Sopron) peuplée des notables magyars rejoint la Hongrie.
Le trajet en voiture depuis Budapest se fait sans encombre jusqu'à Eisenstadt, sans différences notables en terme d'infrastructures ou de comportement des usagers. Symboliquement, un groupe de colossales éoliennes située au nord du Neusiedlersee à proximité de la frontière côté autrichien permet d'incarner un repère physique au sein de cet espace monotone et pourtant creuset de multiples cultures. En effet, l'incontournable amende reçue à Eisenstadt était déclinée en 6 langues (allemand, hongrois, croates, slovène, slovaque et anglais) !
Du point de vue culturel, la ville est très fière d'avoir été le berceau créatif de  Joseph Haydn , l'une des grandes figures de la musique classique, de son musée d'histoire du Burgenland ainsi que du  Schloss Esterhazy  autour duquel est construit la ville. Fidèle à l'humour autrichien plein d'autodérision, Eisenstadt se surnomme 'la plus petite grande ville du monde" ; que 15 000 habitants mais siège d'un gouvernent d'Etat fédéré et beaucoup de charme à revendre.

Après avoir visité les Schloss Esterhazy ainsi que le mausolé de Joseph Haydn, j'avais rendez-vous chez Weingut Kollwentz dont le chais se trouve à Großhöflein.
Schloss Esterhazy
 

Le pavillon de chasse des Esterhazy au sommet de la colline avec un chouette restaurant
 

Mausolée Haydn
 

Colonne érigée suite à un épisode de peste noire pour remercier Dieu
 
 
******************
Weingut Kollwentz Römerhof, Großhöflein, Burgenland, Autriche
www.kollwentz.at/en/
Gartengasse 4b (Bureau & Visites)
A-7051 Großhöflein
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
+43 2682 65 15 80
Si grâce au travail de Hyllos (Matthieu), le nom Kollwentz n'est plus inconnu sur LPV, voici quelques informations supplémentaires sur le domaine. Famille travaillant les vignes depuis 1775 au moins, c'est Anton Kollwentz qui a initié le tournant du chardonnay dans le Burgenland dans les années 70. Andi Kollwentz, son fils a pris la responsabilité du chais en 1993 et gère maintenant la propriété avec sa femme Heidi depuis 2004. Anton Kollwentz est également la cheville ouvrière du  RWB (Renommierte Weingüter Burgenland) , collectif de 12 vignerons de la région qui ont des visées extrêmement qualitatives. Dans le maquis des organisations autrichiennes, le RWB est la grand groupe avec Pannobile.
25 ha sous gestion avec une concentration sur les vins secs, les Prädikats n'étant produits que si les conditions y sont parfaitement propices. Le domaine sort d'une grande phase de travaux achevée en 2020 ; les locaux et les infrastructures sont absolument magnifiques et réalisent la vision d'Andi pour bien bosser dixit lui-même. Le site internet est très complet et l'on peut effectuer des visites virtuelles des lieux ainsi que des terroirs.
 
 
 
 
 
J'ai la chance d'avoir Heidi Kollwentz pour moi tout seul puisque Andi est en "Sommelier Ausbildung" avec les grands restaurants de Vienne. La visite des chais est top, les surfaces sont immenses, la propreté parfaite. La dégustation se fera derrière le comptoir et debout, la grande table étant réservée au groupe de 12.

La gamme est assez simplement organisée : il y a les génériques par couleur (Leithakalk), puis les vins de terroirs (Ried) et les deux spécialités que sont le Cabernet-Sauvignon et Steinzeler

 
Vin n°1 : Weingut Kollwentz Römerhof - Ried Steinmühle 2022
13°.  Fiche technique . 100% Sauvignon blanc qui est élevé dans les grands fûts et un peu de cuve. Sols d'ardoise et de silex très drainant et dixit le domaine, la vigne vient chercher son humidité des brouillards issus de la rivière Wulka dont elles sont voisines.

Robe très claire et vin très fluide dans le verre. Nez aromatique mais bien mature : pas de pipi de chat ou de buis, on est plus la mangue verte, acerola et fruit de la passion. Sous le palais, la colonne vertébrale acide soutient très bien une matière relativement large avec une impression plus en longueur qu'en largeur comme c'est souvent le cas avec les sols de schistes. Pas de trace d'arômes d'élevage même s'il y a apport sur la matière à mon sens. Cela commence bien !

Vin n°2 : Weingut Kollwentz Römerhof - Ried Neusatz 2021
13,5°. Fiche Technique .100% Chardonnay sur un ried très riche en calcaire et parmi les plus chauds du domaine. Fermentation puis 12 mois d'élevage en barrique française (François Frère & Taransaud en majorité) suivi de 6 mois en cuve sur lies fines.

Robe un peu plus colorée que le sauvignon blanc, et de même c'est un peu plus visqueux dans le verre. Le bouquet est marqué par l'élevage sans que cela ne soit désagréable, des arômes de fruits de bonne maturité se montrent après un peu d'agitation dans le verre. En bouche, c'est surtout la structure qui se distingue pour le moment : c'est à la fois large et très concentré en milieu de bouche, signe selon moi d'un vin sur calcaire. Comme Andi n'est pas manchot, ce n'est pas écoeurant mais simplement très impressionnant. Le vin me semble indéniablement bien né, et parfaitement buvable dès maintenant mais sera vraiment excellent une fois que l'aromatique se sera ouverte.

Vin n°3 : Weingut Kollwentz Römerhof - Ried Katterstein 2021
14,5°.  Fiche technique . Vinification identique au Neusatz. Cette fois-ci le sol comprend une plus grande proportion de sable et de schistes.

La comparaison est extrêmement intéressante. Si les robes ne se différencient pas, le bouquet de Katterstein présente peut-être un peu plus de brioche et d'arômes d'élevage. C'est surtout en bouche que les nuances se font, et de façon significative pour toute personne qui a de l'intérêt pour le vin et un peu d'expérience. En effet, la structure du vin est beaucoup plus fine avec une trame acide plus présente en deuxième partie de bouche alors que les données analytiques devraient donner l'inverse ! L'équilibre et le potentiel du vin sont indéniables, clairement trop jeune et je mettrais ce vin-ci sur des mets à chair un peu plus délicate que Neusatz qui lui pourra se mesurer à une volaille en vessie avec une sauce crémée.

Vin n°4 : Weingut Kollwentz Römerhof - Ried Gloria 2014
14°. Bue au domaine, issue de la "Schatzkammer", mais débouché à la volée par Heidi Kollwentz.  Fiche technique.  Reprise du commentaire  sur le fil domaine.

Robe très jeune encore, or plein et capiteuse. Bouquet intéressant et complexe, où le boisé fait presque jeu égal aux arômes de citron mûrs et autres herbes aromatiques. Sous le palais, le vin se perçoit beaucoup plus en longueur qu'en largeur avec une aromatique discrète mais une grande impression saline qui persiste longuement. C'est très joli même si je pense que l'aération aurait permis au vin de s'ouvrir en bouche.

Sur cet exemplaire, j'ai trouvé le vin plus proche de Darscho de Velich que son Tiglat qui m'avait fait une très forte impression à WeinParis en février.

Gloria & Tatschler sont déjà en rupture de stock à la propriété pour les vins jeunes : d'après Heidi c'est lié à l'effet millésime (frais, le vin est plus digeste et tranche nettement avec la nouvelle normalité) ainsi que la pérennité de ces 2 cuvées dans la gamme (Gloria et Tatschler ont plus de 20 ans de présence tandis que Katterstein et Neusatz ne sont isolés que depuis 10 ans environ).

Vin n°5 : Weingut Kollwentz Römerhof - Blaufränkisch Leithakalk 2021
14°.  Fiche technique. "Leithakalk" est un mot valise : Leitha est le massif d'environ 350m d'altitude qui est le premier relief vraiment  (nous verrons à Rust, que les collines de 50m influencent énormément les cépages plantées) significatif qui longe tout le lac. "Kalk" signifie "calcaire". 3 à 4 semaines de macération des 100% BF issue des Ried Haussatz & Setz. De 18 à 21 mois d'élevage en barriques françaises.

Robe d'une couleur située entre le PN et le Cabernet Sauvignon sans trace d'évolution. Bouquet avenant de baies de diverses couleurs (myrtilles, groseilles, fraise des bois). Il y a de la densité en milieu de bouche. Les tanins sont imperceptibles et la finale est plutôt menée par du poivre blanc et un peu de clou de girofle. Un vin facile à boire avec quand même de la matière même si je rejoindrais Matthieu en trouvant le prix un peu bâtard par rapport à la concurrence tant externe qu'interne. 

Vin n°6 : Weingut Kollwentz Römerhof - Eichkogel 2021
13,5°.  Fiche technique.  Nette majorité de BF issue des Riede Haussatz, Point & Setz ainsi qu'un peu de Zweigelt de Neusatz. 24 mois d'élevage en barrique française, 3 à 4 mois de macération.

Robe plus dense et sombre cette fois. Bouquet plus puissant, musclé, nerveux : fruits noirs, traces d'élevage empyreumatique, du bois noble également, l'on sent que ça ne plaisante pas. En bouche, la profondeur et la densité du vin sont très nettes. Il y a de la poigne, plusieurs couches aromatiques qui envahissent le palais. La texture est volumineuse même si les tannins ne sont pas encore intégrés et cela râpe encore un peu. C'est déjà un vin de gastronomie pour accompagner de la bonne viande en tout cas.

Vin n°7 : Weingut Kollwentz Römerhof - Ried Point 2020
14°.  Fiche technique .100%  BF des vielles vignes de Ried Point. 3 à 4 mois de macération avant 30 mois d'élevage en vielles barriques françaises. Sols argilo-calcaires (15 à 35% de calcaire).

Comme commenté récemment, c'est une qualité de vin qui s'impose à soi. Cette BF combine densité, intensité, gourmandise avec une sapidité remarquable qui donne un véritable sourire et de l'enthousiasme. On pourrait effectivement boire ça en cinq minute de par sa sapidité même si en pratique, on préfère le savourer le long d'une conversation intéressante et joyeuse avec des personnes que l'on apprécie.
Plus prosaïquement, c'est du fruit noir gourmand avec un élevage intégré qui donne une texture soyeuse, le tout combine le long d'une trame acide et épicée qui dure et stimule chaque recoin de la langue. Finalement la densité du vin est pulvérisée par cette équilibre superbe qui rend l'ensemble sphérique.

Vin n°8 : Weingut Kollwentz Römerhof - Steinzeler 2020
14°.  Fiche technique.  Grande cuvée du domaine qui assemble les meilleurs BF de Ried Point & Setz avec les Cabernets-Sauvignon de Setz et du Zweigelt de Ried Neusatz. 30 mois d'élevage en barriques françaises.

La robe est noire et impénétrable. Bouquet puissant, large, aristocratique de fruits noirs, bois noble, En bouche, c'est évidemment trop jeune de par la charge tannique et la puissance du vin qui s'expriment. N'en demeure pas moins que les arômes sont mûrs, complexes et qu'à aucun moment l'alcool ne se manifeste. La deuxième partie de bouche impressionne par une tension allant crescendo comme un air wagnérien. Vin de gastronomie évidemment.

Vin n°9 : Weingut Kollwentz Römerhof - Steinzeler 2015
14°. "Schatzkammer" wein.

Le 2015 présente des signes d'intégration et d'ordonnancement de la masse tannique ainsi que de l'élevage. C'est en bonne voie d'être souverain, et déjà fort fort bon. La texture a du soyeux et porte un jus d'une complexité impressionnante et agréable.

Très belle dégustation d'ensemble avec des vins de haut niveau, et un grand vin (Ried Point). Andi et Heidi sont charmants et ils m'ont mis à l'aise malgré mes limites en allemand. Ils m'ont dit ne pas recevoir si souvent d'étrangers venant de France même s'ils commençaient à recevoir des demandes de restaurants prestigieux partout en Europe. A mon sens, les chardonnays donnent le change à des pedigrees bourguignons prestigieux ne déméritant pas tandis que Point joue en ligue des champions du kiff. Quant à Steinzeler, il aurait son rond de serviette parmi les assemblages de cabernet cultes. Le problème étant que fondamentalement, Autriche & vin paraissent tellement incongrus pour une partie importante de la population que la propension à payer heurte un plafond de verre rapidement. 
 

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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01 Avr 2024 16:56 #5

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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : Rust & Selektion Vinothek Burgenland

Le lendemain de la visite chez Kollwentz, la journée sera consacrée à la visite de Rust .  Sis sur la rive ouest du Neusiedlersee, ce village de moins de 2000 habitants est la plus petite municipalité à statut d'Autriche, héritage de la charte royale obtenue au XVIIème siècle de la part du roi d'Hongrie en échange d'un paiement considérable de l'or liquide produit par la ville : le fameux Ausbruch (d'après Wikipedia allemand, 60 000 florins et 500 tonneaux d'Ausbruch de furmint en 1649). Le temps est radieux, le ciel d'un franc et beau bleue avec gelées blanches le matin puis une presque sensation de chaleur l'après-midi au soleil.

M'étant laissé une marge d'organisation, je déambule dans le village, visite les rives pleines de roseaux, prends un café sur la charmante place du village et débouche devant la porte de la  Weingut Feiler-Artinger
 

Je n'ai pas pris de photos ce jour-là et c'était une dégustation à l'improviste ; n'en demeure pas moins que j'ai étais reçu de charmante façon et ai pu également faire un tour des vignes avec Kurt Feiler. Weingut Feiler-Artinger appartient au RWB de Kollwentz et est géré officiellement à pleine main par Kurt Feiler et sa femme Katrin depuis 2013. Viticulture certifiée Biodyvin depuis 2008. Comme tous les vignerons qualitatifs et exigeant, le but est de bien travailler à la vigne afin d'intervenir le moins possible en aval au chai. Le style diffère de Kollwentz en raison du terroir ; en effet Rust est très différent du Leithagebirge où travaille Kollwentz, et Kurt Feiler utilise beaucoup plus les cuves inox ainsi que les grands fûts qu'Anton Kollwentz sans oublier un focus plus important sur les vins à botrytis.

De façon contre-intuitive pour l'outsider de Rust qui aura seulement entendu parler de l'Ausbruch et du lac, le village se targue de produire tout type de vins (sec & botrytisé dans les deux couleurs) grâce à ses deux grands terroirs que sont le  Hügelland  (pays des collines) situé à l'Ouest et la Ufer (rive) située à l'est et donc attenante au lac. Le Hügelland en dépit de ses seulement 60m de dénivelé présente suffisamment de relief pour protéger ses vignes du brouillard d'arrière-saison propice au botrytis, assécher la masse d'air par effet d'abri, ou même ombrager certains vignobles afin de les rendre plus propices au pinot noir. La Ufer permet aux brouillards automnaux d'entrer dans les vignes et apporte le botrytis qui donne son si célèbre Ausbruch.

Par conséquent, Rust produit aussi bien du Cabernet-Sauvignon dans les terroirs les plus chauds du Hügelland, que du Pinot Noir dans ceux restés à l'ombre et au sec, sans oublier Cabernet Franc, Syrah, Merlot ainsi que les indigène BF & Zweigelt. En blanc, Chardonnay, Traminer, Welchriesling, Muscat, Pinot Blanc ou Neuburger se partagent les différents terroirs.

Le tour dans les vignes était très intéressant et Kurt Feiler est absolument passionné par ses terroirs, et prolixe d'explications approfondies sur les différences de sol, d'exposition, de capacité à recevoir le botrytis etc... Mon Hochdeutsch superficiellement maîtrisé me fait rater probablement 50% du contenu mais je comprends qu'il y a 5 niveaux différents dans le vignoble, 3 côté Ufer et 2 côté Hügelland, que le nord de Rust a un sol extrêmement riche en calcaire, notamment sur la dalle du fameux Ried Mariental. Ils sont en train de retaper avec ses confrères tous les murs de pierre qui soutiennent chaque niveaux (si la pente est si faible, c'est parce qu'il y a eu un gros travail de terrassement et de nivellement au fil des siècles par les vignerons dixit Kurt). Toujours au Nord de Rust se trouve de nombreuses pentes qui tournent le dos au lac et ne prennent pas les brouillards. Ils sont très propice aux cépages rouges et dépendamment de la persistance de l'ombre sont plantés du PN jusqu'au Cabernet Sauvignon.

Venons-en aux vins. La gamme s'ouvre avec des bulles, toutes à base de raisins rouges. Ce sont de purs vins d'été de rafraîchissement à boire au litre et qui coûte à peine plus cher que des sodas : friands, fruités, légers et allègre sans grande profondeur. Le Sekt rosé de BF est lui un peu plus coûteux et ambitieux offre une prestation à mi-chemin entre le Cerdon du Bugey et une bulle rosée à empreinte crayeuse qui donne une finale de zeste de pamplemousse.

La gamme de blancs secs est vaste également. Le Welchriesling et le Pinot blanc simple avec élevage en cuve accompagnent parfaitement un barbecue entre amis ; simple et efficace. Les Pinot blancs & Chardonnay en DAC Leithaberg passent par du vieux bois et gagnent en texture et profondeur avec de légères traces d'élevage. C'est un peu plus sérieux et peut accompagner des brochettes de poulet par exemple, le prix demeurant raisonnable (moins de 10€). Les "grandes" cuvées voient beaucoup plus de bois neuf avec le Neuburger du Ried Umriss (du fruit plutôt très exotique) et enfin le Gustav (hommage au fondateur) qui est un assemblage à légère dominante Neuburger/Chardonnay. C'est élevé mais la matière m'a semblé capable de le digérer in fine. Pas testé le welschriesling de macération.

Les vins sucrés sont séparés des Ruster Ausbruch. Gamme bien étagée commençant par le Quartett Spätlese (4 cépages blancs en Spätlese) qui est bonne carte de visite et constitue dans l'absolu un rapport prix/travail/plaisir excellent : en effet 9,5€ pour un vin à 16° potentiel est bradé par rapport aux efforts à consentir et aux risques pris. Le Traminer Auslese au même prix est un peu plus simple aromatiquement mais une acidité plus cristalline qui rend le vin frais et digeste. La Beerenauslese monte d'un cran dans la maturité aromatique ainsi qu'en texture, mais toujours avec une trame acide qui maintient la sapidité. La Beerenauslese de Zweigelt est un cépage rouge qui prend le botrytis avec beaucoup de succès, cela donne une palette aromatique un peu étonnante de grenache, papaye, groseille avec le rôti de botrytis en prime. Cela change et c'est très plaisant en plus d'être vraiment singulier à l'Autriche. Enfin, l'Eiswein de Gelber Muskateller cueilli le 24 décembre au grand dam de Katrin obligée d'aller dans les vignes à la frontale après la messe de minuit présente l'acidité la plus tranchante ainsi que des arômes plus frais que ses compères.

Les Ausbruch se distinguent par un style mettant nettement plus le fruit en avant : on n'est pas très loin de la cuisine moléculaire dans le sens où on croque le fruit sous forme de vin. C'est assez spectaculaire. L'Ausbruch Essenz Weissburgunder est le sommet de la gamme des sucres avec ses 350g/L de SR : là c'est de la poire au sirop d'une netteté et d'une pureté impressionnante un peu monolithique mais d'un équilibre certain.

Les rouges sont très nombreux en raison de la diversité des cépages plantés et des niveaux de gamme. Les vedettes restant les BF, ainsi qu'un Pinot Noir haut de gamme. Ne les ayant pas tous dégustés, je peux simplement dire que le Solitaire qui constitue le pinacle en rouge de la maison bénéficie des 13% de Merlot pour apporter un peu de souplesse au vin comparés aux BF de Ried.

En conclusion, une très bonne expérience pour une sollicitation à l'improviste. Un producteur qui propose un assortiment impressionnant et d'une grande générosité dans sa salle de dégustation très agréable. Un style de vin différent de Kollwentz que je qualifierais d'un peu plus frais et rugueux pour les rouges en tout cas (terroir oblige). Vaut amplement la visite, mais ne pas hésiter comme toujours à solliciter un RDV, surtout s'il n'y aucun germanophone dans la troupe.  

En soirée, ce sera dégustation chez Selektion Vinothek Burgenland , caviste et bar à vin situé juste en face du Schloss Esterhazy.
 
Très bel endroit situé sur la grande place en face du château, avec une terrasse. Placé haut de gamme, c'est un caviste qui regroupe tous les meilleurs producteurs de la région ainsi qu'un bar à vin où plus de 30 vins sont offerts à la dégustation par volée de 3. C'est vaste, le personnel connaît ses vins sur le bout des doigts et la sélection est tant pointue que prestigieuse en vin de la région ainsi que quelques autres classiques autrichiens des autres régions. Si les tarifs côté caviste ne sont pas extrêmement compétitifs, l'offre de vin au verre est en revanche vaste et excellente et les tapas de bonne qualité avec mention spéciale au pain qui m'aura enchanté durant tout mon voyage globalement. 

Je commence par les blancs. Et comme je ne fais rien comme tout le monde, ce sera par les blancs hors Burgenland.

 

Vin n°1 : Weingut Gross, Ehrenhausen an der Weinstraße (Südsteiermark) - Weißburgunder Ried Kittenberg 2018
12,5°.  Fiche technique.  Grand producteur du Südsteiermark, membre du STK. Matthieu (Hyllos) trouve ses vins accablés d'élevage. Le Ried Kittenberg est classé 1STK dans l'évaluation interne à l'organisation. Sol combinant calcaire et ardoise, pente allant jusqu'à 60% pour une altitude de 450m. 100% Pinot blanc. Fermentation spontanée et 12 mois d'élevage en fûts de 2400 L sur grosses lies puis suivi de 8 mois en cuve inox sur lies fines.

Robe présentant quelques signes d'évolution. Bouquet très assertif de citron vert, poire, un peu de tournesol. C'est complexe et "électrique" ; à l'antipode de la mollesse. Sous le palais, on retrouve des arômes de fruits mûrs mais croquant avec une acidité présente, mûre, non crissante. La trame déroule une finale énergique avec une impression de sol et d'épice très forte qui picote le bout de la langue. C'est très bon et même si ma sensibilité à l'élevage est très aléatoire, je n'ai pas eu l'impression d'en trouver. En fait, c'est probablement le Pinot Blanc le plus cintré et tendu que j'ai bu et ça se rapproche plus d'un riesling sec mosellan en terme d'impression fuselée. De la bel ouvrage !

Vin n°2 : Weingut Leth, Fels am Wagram (Wagram) - Roter Veltliner Ried Fumberg 2021
13°.  Fiche technique.  Producteur noté 4/5 étoiles par Falstaff, 3/5 grappes par Gault & Millau, 52 ha sous gestion. Wagram se situe au nord-est de Vienne, c'est un plateau où Napoléon gagna une bataille d'où le nom de l'avenue rayonnant de l'Arc de Triomphe. Le Roter Veltliner n'a aucun lien avec le Grüner Veltiner et est une spécialité de la région. Cru situé à environ 300m, sol principalement sableux et de loess, exposé au vent. Fermentation spontanée sans contrôle particulier de température en bois d'acacia puis élevage d'environ un an dans ce même contenant (pas d'indication de volume).

Robe plus claire que le vin précédent. Bouquet étonnant avec des fruits assez rouges tels groseille, fraise acide ou même griotte aux côté de fruits du vergers croquants. En bouche, la texture est assez onctueuse sur des arômes qui semblent plus mûrs qu'au nez. Le constraste de style avec le vin précédent est net. C'est bon également et à mettre sur du gibier à plume par exemple.

Vin n°3 : Weingut Rudi Pichler, Wösendorf (Wachau) - Grüner Veltliner Ried Hochrain 2010
13°.  fiche du domaine . Rudi Pichler fait partie des indiscutables stars de la Wachau avec un vrai amour du GV qui constitue 65% de son encépagement. Le Ried Hochrain est l'un des grands cru de la vallée sur un sol de loess.

Robe présentant une robe pleinement dorée tirant vers l'ambrée. Nez aromatique de GV avec de l'évolution (miel). En bouche, on retrouve le GV de Wachau dans toute sa splendeur mais apaisé par le temps. C'est large, onctueux en bouche avec de la poire, de l'abricot ainsi que du miel pour la gourmandise avant que les épices et autres arômes de concombre glacé, fenouil ne déroulent et ne s'achèvent sur les fameux amers nobles de la région. Si les arômes cités ne semblent pas sexy chocolat, c'est très intéressant en bouche, complexe et singulier. C'est évidemment un vin de gastronomie, c'est un vin qui nécessite également une éducation ; il ne faut pas compter sur celui-ci pour "cracker" quelqu'un sur le vin.

La volée de vin rouge (seuls le PN à gauche et le Cabernet-Sauvignon de Rust sont sur la photo).

 

Vin n°4 : Weingut Wachter-Wiesler, Deutsch-Schützen (Südburgenland) - Bela-Joska Blaufränkisch 2021
12,5°.  Fiche technique.  Wachter-Wiesler fait partie des valeurs montantes du Burgenland depuis quelques années. C'est le propriétaire d'Aloïs Lageder qui me l'avait recommandé. Le Süd Burgenland produit de façon générale les BF les plus fines autour de l'Eisenberg qui est partagée avec la Hongrie. L'un des pionniers du lieu est Uwe Schiefer même si maintenant le porte-flambeau est Roland Velich de Moric (qui est le vigneron autrichien le plus considéré sur la scène mondiale en ce moment). Bela-Joska est le loup déguisé en agneau de la gamme puisque c'est tarifé comme un Gutswein alors qu'il inclut des vignes de l'Eisenberg.

Robe relativement claire avec bords rubis. Nez avenant de petits fruits rouges, un peu de terre et poivre noir. En bouche, c'est simple, direct, franc, sans une énorme profondeur ni densité certes : fruits rouges et noirs, épice et trame acide émergeant en milieu de bouche avec une matière fine mais qui ne se délite pas. Une vraie version junior de la BF qui se boit sans difficultés ni grand cérémonial. RQP top !

Vin n°5 : Weingut Peter Schandl, Rust - Pinot Noir 2020
14°.  fiche technique. 18 mois d'élevage en barrique française. Plantation de vignes âgée entre 17 et 40 ans dans les hauteurs du Ried Umriss & Grosser Wald dans le Ruster Hügelland.
Vin n°6 : Weingut Gassner, Rust - Cabernet-Sauvignon 2017
14°.  fiche technique.  28 mois d'élevage en barrique

En dépit d'une légère évolution sur le CS, la robe du Pinot Noir a une teinte un peu plus violette dans sa transparence tandis que le CS est plus tuilé. Globalement, on a là une confrontation de deux archétypes de leur genre. En effet, le PN a un nez floral, délicat et élégant tandis que le CS a pris les arômes d'élevage avec un aspect sombre et puissant nettement plus impressionnant qui ne joue pas la séduction. En bouche, la démarcation pourrait reprendre les mêmes termes : séduction et facilité d'un côté, puissance, énergie et morgue de l'autre. Ce PN joue dans le registre de la finesse - ce qui ne va pas de soi dans le contexte autrichien aux étés très chauds - avec une texture assez soyeuse et aérienne, loin de l'usuelle confiture "Nouveau Monde" à l'ancienne que l'on rencontre souvent. Le CS a lui un tigre dans le moteur qui a encore besoin de se domestiquer. C'est moins immédiat comme plaisir mais c'est très bon, surtout à table !

A suivre avec Angerhof Tschida & Kracher...

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02 Avr 2024 13:25 #6
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Quelques rapides remarques. Kollwentz c'est en effet le top, c'est assez cher mais en rapport avec la qualité et le fait que ça a finalement peu augmenté sur vingt ans... on peut saluer. Moric à côté sort son Lutzmanburg a plus de 120€ la quille et c'est du même calibre que Point. Point et Setz sont clairement les références du Burgenland depuis aussi longtemps que je goûte et c'est impressionnant.

Quant aux chardonnay, il faut leur laisser évidemment du temps, mais comme tu dis, c'est un style très bourguignon et qui donne tout à fait la répliques aux meilleurs du genre. Tout est épuisé et ça ne m'étonne pas. On est quand même devant d'authentiques grands vins qui ne coûte que ±50€. Neusatz et Katterstein (et surtout le second), sont d'excellentes alternatives, qui sont aussi accessibles plus rapidement.

Je réagis aussi sur ton dernier post qui porte sur un domaine cher à mon coeur (avec un pincement). C'est un des premiers domaines que j'ai découvert en 2000. J'ai du 1999 je pense encore en cave. A l'époque, une vraie référence. La petite tristesse c'est qu'il s'est perdu en route. Alors que tout le monde à progressé, lui et quelques autres comme Ernst Triebaumer ont stagné. J'ai tout regoûté il y a deux ans à VieVinum et finalement, c'était une réelle déception. Pourtant le potentiel était là... mais quand on voit comment des domaines comme Umathum ont avancé... ce n'est pas étonnant qu'il soit resté sur le carreau.

Site perso (non commercial) www.wineops.fi/?page...
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02 Avr 2024 14:19 #7

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Réponse de Ilroulegalet sur le sujet Récit de voyage : Seewinkel

Le chapitre final du voyage sera consacré au Seewinkel, qui est la région située entre la rive est du lac et la frontière hongroise. En raison de l'éperon de Sopron en Sud et du lac à l'Ouest, cette région est presque une exclave autrichienne d'où le nom de "encoche du lac". Pour le coup, le Seewinkel est de plein pied dans la steppe pannonienne avec une typographie on ne peut plus plate qui donne un paysage que l'on n'associerait pas du tout aux montagnes autrichienne. L'endoréïsme de la région et la géologie sont analogues au Grand Lac Salé du Utah, et en réalité c'est une terre sèche, avec des gisements de 4 sels différents, une flore extrêmophile adaptée ainsi que de nombreuses flaques salines dont l'alimentation ne dépendent uniquement des précipitations. Les singularités de cet environnement lui ont permis de devenir un parc national et un  refuge ornithologique de tout premier plan en Europe. Les cigognes, égéries de la région s'y délaissent ainsi qu'une multitude d'autres oiseaux qui font le bonheur des touristes armés de téléobjectifs plus long que les becs des hérons.

Jour 4 : Angerhof Tschida & Weinbau Alois Kracher
ANGERHOF TSCHIDA , Illmitz

Le producteur n'est plus à présenter pour beaucoup d'entre vous. En Autriche, en Scandinavie ou chez les Anglo-Saxons, c'est l'incontestable numéro 1 du vin à SR en Autriche. 5 grappes Gault&Millau, 5 étoiles Falstaff & Vinum ; l'une ou l'autre de son portefeuille obtient des 20 ou des 100 chaque année. 35 ha sous gestion, toutes dans le Seewinkel et la plupart à proximité des "Lacken" qui sont les flaques endoréïques qui parsèment le territoire.

Daniela me reçoit de façon incroyable et j'ai droit à la visite du chai (cuves exclusivement de diverses tailles pour les vins à SR, quelques barriques pour les vins rouges secs) ainsi qu'une visite  des vignes et des Lacken. Le temps est on ne peut plus radieux et l'hiver - absent cette année (février a eu une anomalie positive de 7° !) - a été très humide, laissant de grandes surfaces miroirs autour des vignes que l'on peut observer depuis une haute tour qui embrasse toute la région. Malheureusement, la photo panoramique ne se télécharge pas.

La dégustation se fait dans l'agréable salle d'oenotourisme et contrairement à février, je peux essayer les vins secs du domaine. En effet, le domaine produit environ 30% de vins secs sur les terroirs les plus éloignés du lac. Parmi les vins à SR, les Spätlese représentent 70% du volume. Le portefeuille qui fait la gloire du domaine (de BA à Schilfwein) représente environ 15% du volume.

Les secs

Le domaine produit 3 blancs et 1 rosé ainsi que 2 rouges. Le Welschriesling est le plus fruité, allègre et rafraîchissant. Comme le dit Daniela : le vin d'été des Burgenlanders. Le Grüner Veltiner est dans une version également assez fruitée à l'attaque avant une finale qui serre agréablement sur quelques amers salins. Le Goldmuskateller a le bouquet le plus frais et aromatique avec de l'élégance. Quant au Rosé, c'est une saignée de BF et cela fonctionne bien sur le petit fruit frais avec des épices en finales qui évitent toute sensation sucraillonne. En rouge, le Zweigelt de cuve dans une version de fruit fonctionne très bien. Le Grand Select est un zweigelt qui prend 18 mois de barrique et a plus de structure avec une texture qui est bien soyeuse déjà. Pour 11,5€ au plus, tous ces vins sont de très bons RQP.

Les sucres

Je vous renvoie à mon CR de Wine Expo  ici.  La dégustation au domaine fut une confirmation éclatante du niveau de maîtrise de tous les échelons de la gamme. Et oui, les Spätlese qui présentent des niveaux d'alcool potentiels à 16° avec un fruit exacerbé et digeste que peu de VT alsaciennes égalent sont à 10,20€...Cela en fait un RQP remarquablement incroyable. Avec l'obturateur en verre, ces bouteilles ont de surcroît plusieurs mois de capacité devant eux dans les frigos (j'en fais l'expérience actuellement avec le BF Spätlese).

Le Schilfwein Zweigelt demeure un mystère d'excellence pour moi. En effet ses chiffres analytiques inciteraient à penser que l'équilibre serait périlleux. Or il n'en est rien et le vin est une sorte de transmutation liquide d'une forêt-noire rencontrant une Sachertorte.

D'après Daniela, la gestion du botrytis est un art qui nécessite une sélection très fine des dates de vendanges et une énorme connaissance de ses vignes, car il y a manifestement une récurrence de botrytis exceptionnels sur certaines lignes de vignes. Par ailleurs, il y a également l'hypothèse que les Lacken permettent une meilleure qualité de botrytis et des raisins riches en extraits secs et sels minéraux qui permettent d'éponger le sucre. Il est vrai que ce qui est très notable des vins à SR du Seewinkel comparés à ceux de Rust est une pureté de fruit encore supérieure et une texture plus sapide, ainsi qu'une impression de sel en finale pour les toutes meilleurs cuvées (BA Chardonnay, TBA Gelber Muskateller) (cas des Schilfwein vs Ruster Ausbruch Essenz de Feiler-Artinger par exemple). La BA "SW" de Velich avec sa vinification très différente partage également cette caractéristique avec les vins de Tschida en sus de sa puissance impressionnante.

Quelques bouteilles dégustées chez Tschida
 

Des vignes de Ried Domkapitel de Tschida
 

WEINBAULENHOF KRACHER , Illmitz

Feu Alois Kracher décédé de maladie trop tôt en 2007 est celui qui a refait émerger le vin à SR de Seewinkel sur la scène mondiale. Doté d'un sens aigu du commerce et bien conscient de l'impérieuse nécessité de la diversification en raison de son cœur de métier, Alois Kracher était également le plus grand agent de grands crus en Autriche. La légende raconte qu'il a percé lorsqu'il organisait une confrontation entre ses TBA et des Yquem à Londres. Gerhard Kracher a pris la suite et son profil entrepreunarial se perçoit par la multiplications des projets divers et variés auxquels il prend part (du chocolat aromatisé à ses BA, de l'Eiswein en Roumanie etc...).

Suite à une erreur de ma part, je suis en retard au caveau de dégustation. L'espace est très beau, c'est clinique et rodé. Plusieurs options (payantes) sont possibles pour la dégustation avec une claire gradation pour inciter à la dépense (remises sur les achats postérieures, bonus sur les prestations si l'on prend le gros packaging à 30€ par exemple). 
J'ai eu la chance de pouvoir tester 12 cuvées en tout. A l'instar de Tschida, la proportion des vins haut de gamme s'établit à environ 15% du volume et entre dans la fameuse "Kollektion". Ces vins suivent 2 vinifications différentes en fonction de leur sous-titre : "Nouvelle vague" est un élevage en barrique tandis que "Zwischen den See" fait de la cuve. Par ailleurs, il y a systématiquement chaque année une "Grande Cuvée" qui représente aux yeux du domaine le top de l'équilibre. Le numéro de la Kollektion est l'ordre par niveau de richesse dans la collection du millésime. 
La derrière Kollektion en date est le 2020 avec la "Grande Cuvée" portant le n°4 pour 210 g/L de SR. Celle-ci à majorité Chardonnay/Welschriesling est une indéniable réussite avec un déroulé final bien cristallin et vif. Relativement courte cette année, elle s'arrête à 6 pour un Welschriesling en cuve riche de 304 g/L de SR qui est assez massive, même si in fine ça trouvera son équilibre.

Le domaine garde toujours une petite partie en "Schatzkammer" afin de faire des sorties tardives et toujours avoir des vins à vendre en cas de coup dur. J'ai pu goûter des 2009, 2004 et 1999. Si 2009 ne présentait pas d'évolution tertiaire marquée, la plupart des bouteilles m'ont semblé bien à maturité avec un rôti de botrytis présent. Les 2004 commençaient à développer du caramel, une forte tension et une finale empyreumatique puissante. En revanche, la 1999 n°7 Chardonnay m'a semblé être passée de l'autre côté avec sa robe plus sombre qu'un Mozartkügeln et une aromatique monolithique de caramal au pneu.

Ayant vu la bouteille de Zind-Humbrecht Riesling Brand VV 2009 à un excellent tarif, je la prends. Pour ce qui est des vins, Kracher ne m'a pas/plus semblé au niveau d'excellence universelle de Tschida et l'aspect industrieux/commercial/business a clairement pris le dessus. Ce n'est pas une critique, les produits sont très bons, bien marketés, bien exportés et vendus et il est indéniable que Kracher est une locomotive pour la région. Il faut simplement avoir à l'esprit que les vins se boivent dans les 15 premières années et que l'on paie leur disponibilité, image et activisme commercial. C'est un constat ; j'admire le sens du commerce et des affaires de Gerhard Kracher ; je suis ébahi par l'équilibre, l'expréssivité et le RQP des vins d'Hans Tschida.

Dégustation chez Kracher
 

Ainsi s'achève le récit de voyage. Une excellente expérience, des grands vignerons rencontrés et beaucoup de souvenirs mémorables et délicieux moments partagés avec des amis que j'admire beaucoup.

Merci d'avoir tout lu pour les courageux !

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03 Avr 2024 12:01 #8
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