Bonsoir
je reprend le fil démarré plus haut sur les blancs.
les rouges :
4 Cotes-de-Francs. Le Puy 2003.
petite assiette de magret fumé, lonzo, terrine de volaille/cèpes/coing, terrine de canard/figues, terrine de joue de bœuf/pistache (Gilles Vérot), copeaux de jambon ibérique, cèpes grillés, sur lit de salades et herbes variées de chez Joël Thiebaut.
Tout le monde (ou pas) sur LPV a lu ou entendu parler des
"Gouttes de Dieu",
le wine
manga japonais, grâce à qui, du jour au lendemain, cette cuvée 2003 d' un des domaines phare en Bordeaux
nature, est devenue
un collector
. Comme elle figurait dans les propositions de vins d' Hubert, difficile de ne pas l' inclure parmi les
outsiders aux grandes "étiquettes", d' autant qu' au final, nonobstant le fait que pour les fans de la bd, c'est le meilleur vin du monde, c' est vraiment une belle découverte !
Ce nez a un coté résolument terrien, voire un peu sauvage, une trame aromatique très pure, sans esbroufe, qui évoque la terre grasse, l' humus, la fumée, associées à des notes plus animales, mêlées aux arômes de cerise et de fruits des bois. L' ensemble, plus complexe qu' il n' y parait, dégage une harmonie singulière, assez attachante à mille lieux des standards bordelais. Avec l' aération, le bouquet s' affine avec des notes plus florales, toutes en subtilité, évoquant le parfum d' un encens à la rose, avec des touches de tabac fruité.
La bouche très parfumée, conserve ce caractère de pureté un peu rustique, d' une buvabilité superlative, tant son grain goûteux, un peu confit, joliment équilibré par des tannins un peu canaille (un poil anguleux, mais participant à la personnalité attachante du vin), demande une fois avalé, à recouler très vite en bouche. Très belle persistance au goût automnal intégrant tous les arômes décrits ci-dessus.
5 St Julien. Branaire-Ducru 2003.
idem
En comparaison du vin précédent (les deux vins ont été goûtés en parallèle), on pourrait dire à nouveau que l' on ne joue pas dans la même cour. Mais dans le cas présent, impossible d' établir une hiérarchie, tant les deux vins correspondent à une approche, à une vision qu' il semble vain de comparer. Passer d' un verre à l' autre, n' a pas plus de sens que de comparer une poire et une pomme !
Le nez est merveilleux de présence, de finesse, de subtilité ; son grain aromatique a l' effet d' une caresse croisant harmonieusement fruits noirs (cassis, cerise), senteurs de sous-bois, touches de noisette, de bois brûlé, de café grillé, réglisse, délicatement recouverts d' épices (santal, note un peu mentholée) qui donnent un coté chaleureux, mais sans aucun excès, tant tout semble mesuré, brodé au point de croix. Si ces mots ne donnaient pas lieu à des hiérarchies inutiles, je dirais que ce nez élégant est aristocratique, voluptueusement racé.
Sa bouche est un concentré de fruit magnifié par son habit de bois veiné de parfums d' orient, sans que ce dernier ait un effet parasite, tant l' un est fondu à l' autre, avec une chair dense, profonde, goûteuse, bordée d' une fine trame acide qui lui donne de l' éclat et de la fraicheur dont la longue finale prolonge l' écho comme le rappel d' une grande œuvre accomplie.
6 Saint-Emilion GC Meylet 2001.
navarin d' agneau aux petits légumes.
Je n' avais jamais entendu parler de ce vin absent du bataillon des guides, à tel point que quand Jérémie me l' a proposé, j' ai failli lui retourner son mail, pour lui demander : " Heu, t' es sur que c' est pas Meynet ?" (le St Estèphe !).
Nez caressant, attachant, singulier tant il nous conduirait ailleurs qu' en Gironde, au fruit très pur ( fruits rouges, figue, pruneaux), un poil confit, presque capiteux, comme recouvert d' un manteau précieux de fleurs et d' épices (rose fanée, poivre, touches de poivron, tabac blond).
En bouche, on retrouve ce grain fruité épicé, aux tannins fins, qui, sur la finale persistante, vous laisse l' impression d' avoir mâché un bâtonnet pour en extraire le suc, laissant comme un goût de racine, d' humus et de fleur, au fond de la gorge.
7 Saint-Emilion 1er GC Angélus 1998.
idem
Le nez riche et puissant semble déborder de lui-même, déployant des brassées d' arômes de cerise, de mûre dont le coté confituré très mûr, évoque une étoffe ourlée de notes grillées, de touches de champignon évoquant la truffe. Une ampleur empreinte de finesse, de fraicheur et d' harmonie, avec un beau grain qui concentre les arômes.
En bouche, on ne sait plus très bien si c' est le vin qui prend de l' ampleur entre joues, gorge et palais ou si c' est la bouche qui s' élargit face à tant de puissance et de volume ; un nectar de fruit concentré sur une texture pleine, dense, généreuse, dont l' écho qu' elle laisse en bouche une fois le vin avalé, témoigne longtemps de son coté souverain. :
8 St Julien. Léoville Barton 1985.
idem
Mauvaise augure, le bouchon en phase terminale, loin de se laisser déboucher par le double-lame de secours, se délite totalement dans la bouteille dont je transvase vite fait le contenu dans une bouteille vide ! Le nez un peu réduit fait son âge, mais en goûtant le vin, je décide malgré tout de carafer la bouteille juste avant le service. Ce soir là, malgré une très faible odeur de bouchon disparue aujourd' hui, le vin m' avait laissé une impression plutôt sympathique entre le coté imposant de l' Angélus et l' élégance racée de la Mission qui suivait. Quelques jours plus tard ( presque une semaine, en vérité), le nez a comme un charme suranné. Tout est fondu comme un velours caressant. Je ne trouve pas, pour ma part, comme mes camarades, que le poivron est trop envahissant. Certes bien présent, cabernet oblige, il se fond à la palette du fruit et participe à l' identité aromatique du vin. Un peu, comme s' il recouvrait de sa peau, comme une caresse, la groseille qui lui donne du tonus, le cassis qui lui donne du corps, la framboise qui lui dessine un sourire, le parfum de tabac et de cèdre, associé à de fines notes de réglisse, de vanille, qui semblent porter le parfum de la terre. Au final, quand chaque élément du tableau aromatique coïncide en une impression globale, le mot suranné parait obsolète. Ce nez de 27 printemps, par sa trame acide, offre à sa maturité accomplie, un surcroit de jeunesse !
En bouche, le toucher caressant, fruité, presque doux et sensuel, parcouru de notes tertiaires évoquant le cèpe, le tabac, garde la vivacité évoquée, sur une texture équilibrée et des tannins fondus, mais un peu en demi-corps en comparaison de l' Angélus. Mais qu' importe, quand la finale, sous le stylo de la groseille, dessine un entrelac de truffe, de cèpe et de framboise, traçant au fond de la bouche, une bien jolie signature.
9 Pessac-Léognan La Mission Haut -Brion 1988.
une partie des fromages (Gouda, Caruchon) ont été servis sur les rouges restant, les autres sur les Sauternes avant le dessert.
Au nez, je retrouve ce qui m' avait touché dés l' ouverture de la bouteille : une fragrance complexe, concentrée, profonde, de fruit mûr (cerise, cassis) comme enrobé de tabac, de cigare, de fumée. Un nez massif, à la trame serrée, impressionnant d' ampleur et de densité, mais un peu fermé de prime abord, comme s' il ne voulait pas totalement se dévoiler, avec un petit manque de générosité et de charme, à mon goût. Mais plus les minutes passent, plus ce monument fait d' un seul bloc se fissure, s' écarte sous la poussée des arômes. Comme si le premier nez n' était qu' une ébauche grossière à l' usage des impatients !
qui laisse place maintenant, à un nez formidable d' ampleur, de race, d' émotion. Le plus fou, c' est que le vin [size=x-small]protégé sous vacuum, certes[/size] ouvert depuis une semaine, n' a aucun signe d' évolution, débordant de jeunesse, très peu sur les arômes tertiaires. Mais c' est en bouche que l' exception de ce vin se confirme, dans son toucher fin et délicat sur la langue, son corps ample et généreux, coulant au fond de la gorge, dont la texture décline un goût de fumée, de cigare et tant d' autre éléments participant à son jeu de saveurs uniques qui vous marque à jamais du feu doux de leur persistance.
les liquoreux :
10 Sauternes. Roussey Peyraguey crème de tête 1995.
fromages de chez Marie QuatreHomme : Vieux Gouda de 36 mois - Pavé de l'Aveyron ou Caruchon (lait de Brebis) - Comté au lait de pâturage d'été, affiné 24 mois - Roquefort Combes (Le vieux berger) - Epoisses au lait cru, affinage au vieux marc de Bourgogne.
Pain d' épices au miel d' oranger.
Tarte Tatin de la Pâtisserie des Rêves (Philippe Conticini).
Le nez est captivant, tant il semble vous lécher les narines de son grain doux, profond, sensuel, totalement singulier ; à la fois par la densité (je devrais dire l' épaisseur !) de sa trame, mais également par l' empreinte aromatique qui s' en dégage, inouïe, folle à un tel point qu' elle m' a semblé s' envoler dans le film de Tim Burton
" Charlie et la Chocolaterie",
transposé ici au royaume du caramel, du miel, du raisin sec, de l' orange confite, des zestes d' agrumes, des dattes fourrées à la pâte d' amande, que les visiteurs pourraient décliner en mille versions, selon qu' ils appuient sur la touche
fruit ou la touche
fleur. Un nez voyageur, un peu gigogne, dont chaque inspir renouvelle goulûment la complexité superlative qui le soir de la dégust m' avait paru au final, un peu too much : trop de sucre, trop d' informations.
Aujourd' hui, après 3h de ramassage de feuilles sous le soleil automnal [size=x-small]avec un gosier plus frais que je ne l' avais en fin de repas, l' autre soir,[/size] ce vin assurément hors normes, par le gras de sa liqueur, sa puissance, sa complexité, m' évoque d' autres liquoreux martiens à déguster à petites doses (les SGN de Delesvaux, la Folie Pure de Lescarret, le Nectar de Samos, entre autres). Mais je dois reconnaitre que derrière l' impression que laisse le nez fourré de sucreries à en damner un oriental, :
il y' a un sacré équilibre ( la trame acide !), une fraicheur réjouissante qui donne des ailes au sucre et le fait monter au ciel.
La bouche est à l' avenant, son gras insolemment goûteux transforme la langue en patin glissant joyeusement sur un lac de caramel, de miel etc., jusqu' à se transformer en cascade de délices coulant au fond de la gorge, nimbée longtemps d' un halo de caramel à l' abricot totalement divin, résolument Timburtonien !
11 Sauternes. Yquem 1996.
idem
Toutes proportions gardées, il me semble que Yquem 96 est à Roussey Peyraguey, ce que le blanc sec d' Yquem est au Plantier du Haut-Brion [size=x-small]voir plus haut[/size]. Pour le liquoreux, comme pour le sec, la différence se mesure en terme de surcroit. (surcroit de finesse, d' harmonie, d' équilibre, de beauté au final, surcroit de tout en vérité), sans que ce surcroit se mesure uniquement en terme de
plus de, tant je pressens qu' il ouvre la perception, la sensibilité à une autre dimension que certains pourraient qualifier de spirituelle. La belle singularité d' arômes et de saveurs du Plantier et du Roussey, deux vins superbes, les fait monter avec leur passager [size=x-small]bibi, en l' occurrence[/size] au ciel, ce qui est déjà pas mal ! Les deux Yquem, comme tout vin d' exception, vous font passer outre-ciel, opèrent une transmutation en s' incarnant totalement dans une singularité telle ( le surcroit décliné plus haut) qu' elle déborde de son statut d' objet de perception et s' ouvre à l' universel, au mystère qui s' œuvre à chaque gorgée, entre le présumé buveur et la chose bue. L' idée que l' absolu, pointe ultime de nous mêmes, se dépose au fond du verre, par la grâce d' un vin immanent et transcendant, est assez séduisante. Dans cette hypothèse, la mesure du grand vin serait liée à sa capacité de nous révéler à nous mêmes ou plus démocratiquement, déjà de nous le faire pressentir par le silence et l' écoute qu' il impose, l' émotion, la joie qu' il nous inspire !
Pour une description plus précise[size=x-small] sans image de camion, d' insecte ou de crocodile[/size] merci de vous reporter à celle d' Y d' Yquem, plus haut, qui dans le fond, réplique en sec, le grand liquoreux décidemment merveilleux.
Je reviendrai plus tard pour évoquer les accords, notamment sur les fromages assez top !
......et pour parler des mouillettes !! X(
Daniel